Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

Vous trouverez ici des comptes rendus de lectures livresques concernant essentiellement l'histoire des Noirs d'Afrique et celle des Afrodescendants des Amériques et d'Europe. Les actualités de la diaspora africaine ne sont pas oubliées.

28 août 2023

Les racistes et la couleur du sang (Réflexion)

Cliquez ici pour lire l'article : Les couleurs du sang humain et l'invention du racisme

La couleur du Sang

 

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24 août 2023

La mémoire esclavagiste et négrière de la Normandie enfin retrouvée !

La mémoire esclavagiste et négrière de la normandie

                  en trois expositions

Musée Dubocage Havre août 2023

Il est heureux de constater que les villes négrières et esclavagistes retrouvent peu à peu la mémoire. Je vous invite à découvrir trois villes normandes unies dans un même projet : Esclavage, mémoires normandes   

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10 juin 2023

La fabrique du petit colonisateur français raciste

         La fabrique du petit colonisateur raciste

               (Georges Sadoul : 1904 - 1967)

Le petit colonisateur 2

Comment, à travers la bande dessinée et les images quotidiennement publiées dans les revues durant tout le XXe siècle, la France à réussit à populariser l'image du colonisateur blanc et celle du Noir sauvage qu'il doit dompter et civiliser. Georges Sadoul nous peint l'enseignement français du mépris du Noir pour mieux asseoir la supériorité du Blanc : 

L’image du Noir dans l’instruction des Français au XXe siècle

Par Georges Sadoul - 1904-1967. Extrait de la traduction de "Sambo without Tears" dans Nancy Cunard, Negro Anthology, 1931-1933, Londres. " [...] Je lis en ce moment des journaux rédigés spécialement pour les enfants français : Cri-Cri, l'Épatant, Pierrot, Le Petit illustré, qu'on tire chaque semaine chacun en de milliers...

http://lafrancenoire.com


 

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03 juin 2023

Le Noir dans l'imaginaire européen

            Le Noir dans l'imaginaire européen

Images noires les indigènes

Après un travail minutieux à partir des bandes dessinées américaines et européennes sur deux siècles (XIXe et XXe), Fredrik Strömberg (Images noires, PLG) distingue « au moins sept différents stéréotypes basiques de Noirs dans les histoires visant principalement le public blanc » ; en d’autres termes des histoires pour instruire les Blancs tout en les amusant. Et c’est la répétition de ces stéréotypes qui ont forgé pour longtemps dans l’esprit de ceux-ci l’image qu’ils ont majoritairement des Noirs aujourd’hui.

Stéréotype n° 1 : L’indigène : C’est « la description peu flatteuse des natifs d’Afrique comme des sauvages infantiles, à la fois stupides et dangereux ». C’est cette image de l’Africain que véhiculent par exemple les BD Tarzan, Zembla, Akim, Tintin au Congo

Stéréotype n° 2 : L’« oncle Tom » : C’est « l’éternel soumis, humble et magnanime, qui ne remet jamais en question la supériorité de la classe blanche dominante ». Nous signalons à ceux qui ne le sauraient pas que « Son nom vient de la lecture populaire traditionnelle, même si quelque peu incorrecte, du personnage éponyme dans le roman d’Harriet Beecher Stowe, La case de l’oncle Tom ».

Stéréotype n° 3 : Le coon : C’est la représentation du Noir comme « un chenapan comique connu pour ses tours espiègles et ses distorsions linguistiques » ; en d’autres termes un jeune voyou (petit nègre?) adepte du langage dit « petit nègre ». Remarque : retenez que ce langage est inventé par les Blancs eux-mêmes parce qu’ils croyaient naïvement qu’en vidant leur langue des tournures qu’ils jugeaient complexes – donc en appauvrissant leur langue – ils se faisaient mieux comprendre des « sauvages ». Or, on retient ce qui est enseigné ou montré. 

Stéréotype n° 4 : le piccaninny : Ce stéréotype est « une version enfantine du coon qui se laisse souvent emporter par son imagination et par son amusant enthousiasme débordant ». 

Stéréotype n°5 : Le mulâtre ou la mulâtresse tragique : « Particulièrement courant comme sujet de film : (il s’agit d’) une personne (le plus souvent de sexe féminin) sexuellement déchirée entre le monde des Noirs et celui des Blancs ; sa nature sensuelle faisant d’elle un objet acceptable du désir blanc tandis que son héritage noir la condamne à un destin tragique ». Remarque : ce rôle est souvent tenue par une femme métisse, ou une blanche ayant un(e) aïeul(e) noir(e).

 

Images noires 2 mammys

Sixième stéréotype : la mammy : Il s’agit d’ « une sorte d’oncle Tom au féminin, dotée d’un corps vaste, ingrat et asexué et d’une loyauté sans faille vis-à-vis de la maisonnée blanche pour laquelle elle travaille ».

Septième stéréotype : le buck : C’est « un mauvais nègre, fort, violent et à l’esprit rebelle, qui fonctionne le plus souvent comme exemple de ce qu’il ne faut pas faire ».

Bien évidemment, comme le fait remarquer Fredrik Strömberg, ces stéréotypes entretiennent avec eux certains personnages de bande dessinée que le lecteur peu aisément retrouver dans ses souvenirs. C’est ce lien étroit entre images filmiques et images dessinées qui permet à tout le monde – Blancs et Noirs, citadins ou gens de la campagne – de reconnaître ces stéréotypes. De toute évidence certaines ont été inventées par les Américains. Une mondialisation de l’image du Noir essentiellement fabriquée par la culture américaine donc. Et quand on ajoute à cela, les stéréotypes que Georges Sadoul (1904 – 1967) pense être propagés par la France, nous avons une image singulière du Noir dans la culture européenne. Le texte de George Sadoul a déjà été publié sur notre site sous le titre « L’image du Noir dans l’instruction des Français au XXe siècle ».

 

Images noires la civilisation

Georges Sadoul :« Voici la conception du Nègre que [les] journaux veulent imposer aux enfants. Cette conception est celle que la bourgeoisie française a du Nègre »

“A l’état sauvage, c’est-à-dire avant d’être colonisé, le Nègre est un dangereux bandit. […] Le Nègre une fois pacifié a bien ses défauts. C’est un ivrogne fini. […] Le Nègre est aussi un serviteur effroyablement paresseux. Il faut le gourmander pour en obtenir quelque chose. 

Mais il a ses qualités : le Nègre est un bouffon destiné à amuser les Blancs. C’est le fou des rois français. Et c’est sans doute parce que le Nègre est un bouffon que les seuls d’entre eux qui soient réellement toujours admis dans tous les salons français sont les grooms et les musiciens de jazz destinés à faire danser les élégants messieurs et dames. [Vous pouvez donc comprendre pourquoi les clowneries de Joséphine Baker n’ont jamais séduit les Noirs].

Le Nègre a d’autres qualités. On peut en faire un soldat. […] On voit en lisant ces journaux d’enfants destinés à faire de leurs lecteurs de parfaits impérialistes quelle est l’idée que la bourgeoisie française entend imposer de l’homme de couleur. [...] ». 

Présentation : Raphaël ADJOBI

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25 mars 2023

Les tirailleurs de Thiaroye vus par Julien Fargettas, un historien gardien du temple (Raphaël ADJOBI)

Les tirailleurs de Thiaroye vus par Julien Fargettas, un historien gardien du temple

(par Raphaël ADJOBI)

Des soldats noirs face au Reich

          Dans l’ouvrage collectif publié en 2015 sous la direction de Johann Chapoutot et Jean Vigreux intitulé Des soldats noirs face au Reich, les massacres racistes de 1940, Julien Fragettas revient brièvement dans sa contribution sur les massacres des tirailleurs africains au camp de Thiaroye au Sénégal en décembre 1944. Il y accuse le réalisateur sénégalais Sembène Ousmane, qui a produit une reconstitution de la tragédie dans un film, d’un « parti pris certain » parce que – selon lui – il présente des « images en contradiction flagrante avec les éléments d’archives ». Cependant, en lisant son article qui se veut pourtant celui d’un historien, on ne peut s’empêcher de porter à son égard la même accusation pour son aveuglante fidélité aux archives qu’il savait falsifiées. 

          Julien Fargettas commence par situer le contexte de la tragédie en ces termes : « A la fin du mois de novembre 1944, le camp accueille un peu plus de 10 000 tirailleurs récemment libérés des camps de prisonniers allemands. Le détachement est difficile à commander et le processus de démobilisation se fait dans une situation de pénurie matérielle complète autant que d’imbroglio administratif ». Cette présentation est-elle celle des archives de l’armée ? Est-elle celle de la réalité ? Dans quel document administratif a-t-il lu que « le détachement était difficile à commander », que « le processus de démobilisation s’est fait dans une situation de pénurie matérielle complète », et enfin que le processus de démobilisation s’est fait dans un « imbroglio administratif » ? Nulle part ! Ce sont là des interprétations personnelles propres à un romancier mais indignes d’un historien ayant le devoir de s’attacher aux faits. De quel matériel des soldats démobilisés réunis dans l’attente de rentrer dans leurs familles avaient-ils besoin dans ce camp ? De quel imbroglio administratif pouvaient-ils se plaindre ? Le nombre de 10 000 tirailleurs a été choisi ou inventé exprès pour que le lecteur imagine la charge pesant sur le commandement blanc. En réalité, « De nombreux rapports mentionnent que, le 28 novembre 1944 [donc 4 jours avant le drame], cinq cents [500!] ex-prisonniers de guerre refusaient de partir pour Bamako » (Armelle Mabon, Prisonniers de guerre indigènes, visages oubliés de la France occupée, La Découverte, 2010, 2019). Voilà les choses plus précises et plus claires. 

          De toute évidence, à la manière d’un romancier et non d’un historien, ce chiffre et les trois arguments explicatifs inventés [relisez-les si nécessaire] ne sont qu’un prétexte pour que le lecteur accepte avec beaucoup de bienveillance l’origine du drame ainsi présentée. Une fois donc le contexte fictif créé, Julien Fargettas poursuit : « Révoltés par cette situation, les tirailleurs interpellent violemment un officier, qui voit dans ce mouvement revendicatif une mutinerie ». Avez-vous noté ? Il y a d’un côté la multitude (les tirailleurs) faisant preuve de violence (violemment) ; et de l’autre un seul homme blanc (un officier) ! Cette inégalité du nombre en présence ne justifie-t-elle pas l’usage de la force des armes, surtout lorsque Julien Fargettas prête à l’officier un sentiment de peur ? En effet, « [celui-ci] voit […] une mutinerie » ! Après avoir ainsi préparé le lecteur à la réaction de l’officier face à cette violente interpellation prise pour une mutinerie, il ajoute logiquement et simplement : « le commandement militaire décide de mater ce mouvement. La répression s’opère au matin du 1er décembre 1944 et son bilan est tragique : 35 morts parmi les mutins ». Là encore, retenez le chiffre avancé ; nous y reviendrons. Mais soulignons que le fait que Julien Fargettas n’ait pas remarqué dans sa propre formule la préméditation du crime – « le commandement décide de mater ce mouvement » – le disqualifie totalement dans sa démarche qu’il voudrait celle d’un historien !

          Le récit de Julien Fargettas est terminé. Nulle part il n’est fait mention de la revendication des pensions non payées ayant provoqué dans le cœur des tirailleurs un sentiment de grande injustice après le sacrifice accompli pour « la mère patrie ». Bien sûr, il n’a pas trouvé cette information dans les archives ; et ceci explique cela. La préciser parce que les tirailleurs l’assurent lui a semblé peu digne d’intérêt. Il passe alors en toute logique rapidement à la conclusion ou à la situation finale de son récit pour dire ce que sont devenus les protagonistes ou du moins ce que ressentent leurs descendants : « La révolte est étouffée mais, si en France l’événement a très peu d’écho, il demeure à vif dans les mémoires africaines et devient le symbole d’une ingratitude. […] La tragédie demeure aujourd’hui encore au cœur d’un conflit mémoriel et certains n’hésitent pas à remettre en cause le bilan de la répression ou bien encore à accuser les autorités françaises de cacher certains documents relatifs à l’événement ». Plutôt que de chercher les éléments qui expliqueraient le sentiment d’ingratitude éprouvé par les Africains – comme il l’a fait au début de son récit pour le commandement blanc éclairant son acte – il prend le parti de leur reprocher de « ne pas hésiter à remettre en cause le bilan de la répression », de « ne pas hésiter à accuser les autorités françaises » ! Il aurait voulu voir les Africains adopter un autre comportement. Julien Fargettas n’est même plus un romancier, mais un juge. Un juge partial ! 

          Intéressons-nous maintenant aux 35 morts annoncés. Nous constatons que notre auteur s’en tient strictement au nombre de morts indiqués par les archives françaises. Il ne précise pas, comme d’autres historiens, que dans cette affaire le nombre de morts reste une zone d’ombre. Justement, Armelle Mabo relève qu’un tract du consul général britannique de l’époque adressé aux autorités américaines à Dakar parle du triste assassinat de 115 « de vos camarades » (Prisonniers de guerre indigènes, La Découverte 2010, 2019). Dans la seconde édition de son livre, en 2019, elle mentionne ces propos du président François Hollande lors de son discours du 30 novembre 2014 : « Trente cinq tirailleurs trouvèrent la mort, d’après les rapports officiels de l’époque. Si l’on ajoute les victimes décédées de leurs blessures immédiatement après les faits, ils furent sans doute plus de soixante-dix ». Du simple au double donc ! Même si le livre collectif était déjà entre les mains de l’éditeur pour ne pas lui permettre de tenir compte du nouveau chiffre paraissant officiel, Julien Fargettas avait tout de même lu la première édition du livre d’Armelle Mabon et il savait très bien que celle-ci a montré sur près de 4 pages toutes les falsifications opérées par les autorités françaises sur les documents d’archives pour parvenir au nombre de 35 morts. Elle y montrait aussi que dans les actes de décès des dossiers consultés, il manque 300 hommes. Elle faisait donc voir que le chiffre de 380 morts annoncés par Sembène Ousmane est proche de la vérité. Au regard des falsifications, elle a titré ce chapitre de son livre « Thiaroye : un mensonge d’État ».

          Mais pour bien se rendre compte que c’est volontairement que Julien Fargettas a tenu à ne jamais remettre en question les chiffres et les rapports officiels – même quand les falsifications crèvent les yeux – et comprendre en même temps pourquoi il a montré un parti pris flagrant pour l’État français contre les tirailleurs, il faut lire ce que Raffael Scheck a écrit dans le même ouvrage collectif sur la conclusion des archives françaises concernant la tragédie de Thiaroye : « Quand un groupement de tirailleurs sénégalais, presque tous des anciens prisonniers de guerre, se révolta à Thiaroye le 1er décembre 1944, l’enquête française arriva à la conclusion que les Allemands avaient expressément gâtés les Sénégalais dans le cadre d’un plan pour déstabiliser l’empire français » ! La préméditation du crime n’est-elle pas suffisamment claire, au regard des archives elles-mêmes ? Et Raffael Scheck renvoyait le lecteur au travail d’enquête d’Armelle Mabon qui parle bien de massacre à Thiaroye. Il n’y a aucun doute : soucieux de l’inviolabilité du temple français, dont il s’est déclaré l’intrépide gardien, Julien Fargettas avait volontairement sauté ces pages des archives et du livre de cette chercheuse afin de rester fidèle à ses convictions. Certains historiens nous étonneront toujours par leur patriotisme qui les autorisent à se donner beaucoup de libertés avec la réalité ou la vérité quand la France bataille sur des horizons lointains ! Encore un mot : Julien Fargettas ne va pas nous dire qu’il ignore qu’en ce XXIe siècle, lors des manifestations autorisées, l’État ne donne jamais un chiffre proche de celui des syndicats et que ceux-ci n’hésitent pas à le contester.

Raphaël ADJOBI

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01 décembre 2022

Quand le buste de Nefertiti la Blanche pollue l'histoire de l'Egypte ancienne (Raphaël ADJOBI)

       Quand le buste de Nefertiti la Blanche pollue

                   l'histoire de l'Egypte ancienne

Nefertiti 2

          la supercherie de la Blanche Nefertiti dénoncée en 2009 est depuis couverte d’un long silence au point que ce buste est considéré comme l’exacte représentation de la femme de l’Égypte ancienne. Rappelons donc les faits afin que les jeunes générations ne suivent pas cette opinion commune sans se poser de question. En effet, quand on s’étonne des affirmations disant totalement le contraire de ce que l’on voit, la sagesse commande de suivre sa propre opinion ou de suspendre son jugement au lieu de suivre l’avis de la majorité :

https://www.facebook.com/100063722582543/videos/1151764652217375 

Nefertiti au Caire

          La seule et unique statue au monde représentant une Égyptienne des époques pharaoniques qui ne laisse aucun doute à personne sur sa blanchité (sa peau blanche) est indiscutablement le fameux buste de Nefertiti brandi en 1912 par l’égyptologue allemand Ludwig Borchardt. Buste visible au musée de Berlin et décliné en une multitude d’objets d’art, souvent vendus à prix d’or. Malheureusement, presque tout le monde ignore en ce XXIe siècle qu’au printemps 2009, l’historien et égyptologue suisse Henri Stierlin avait publié les résultats de ses recherches mettant en cause l’authenticité de ce buste de Nefertiti. Aujourd’hui, nulle part dans les musées et les salles d’exposition où des copies de ce buste sont installées, il n’est fait mention de cette contestation de son authenticité. Il faut dire que ce silence qui s’apparente à de la complicité rapporte beaucoup d’argent. Alors, personne ne veut cracher dans la soupe. 

Texture de cheveux

          Tant que ça rapporte gros, il faut faire comme si...

          Et pourtant, selon Henri Stierlin, la statue que son prétendu découvreur allemand dit tombée d’une hauteur d’un mètre (quelle précision !) mais n’ayant pour toute égratignure qu’une oreille ébréchée n’est rien d’autre qu’un faux, une réalisation personnelle de Ludwig Borchardt pour idéaliser la femme blanche. Le contexte de l’époque prônant ouvertement la suprématie blanche dans toute l’Europe où l’on assurait que tout ce qui est grand et beau est l’œuvre des Blancs s’y prêtait parfaitement. Par contre, la statue de l’époux de Nefertiti trouvée juste à côté de la sienne est défigurée ! Pas de chance !

Nefertiti et l'Egypte

          Le mercredi 28 décembre 2010, la chaîne de télévision France 3 a diffusé un documentaire faisant état des travaux de l’historien et égyptologue suisse. On y apprend qu’un contemporain de Ludwig Borchardt qui, le premier a vu la supercherie et a voulu la dénoncer, a été aussitôt nommé conservateur du musée qui a accueilli le fameux buste de Nefertiti. Une habile façon de le faire taire et étouffer la tromperie. En Égypte, assure Henri Stierlin et tous les autres intervenants du documentaire, les pierres et l’argile de l’Antiquité se trouvent en grande quantité sur les différentes ruines, jusqu’au centre du Caire. Avec ces matériaux, on peut fabriquer la statue que l’on veut accompagnée de l’attestation scientifique qu’elle est de l’époque pharaonique. Oui, si le matériau est d’époque pharaonique, la statue est de la même époque, même si on l’a fabriquée au XXe ou au XXIe siècle. Depuis le XIXe siècle, précise-t-on dans le documentaire, les nombreux faussaires n’ont jamais été inquiétés, puisque n’importe qui peut vous procurer un certificat d’authenticité justifiant le caractère antique de ce qu’il vous vend. Et un conservateur de musée d’ajouter : « tous les musées du monde possèdent de fausses sculptures antiques égyptiennes ». Édifiant n’est-ce pas ? Mais tant que ça rapporte, il faut fermer les yeux, en d’autres termes ne rien dire.

Le pharaon, le sauvage et la princesse

          On apprend aussi dans ce documentaire que l’Égypte avait timidement réclamé la restitution du buste de Nefertiti du musée de Berlin. Devant la fin de non-recevoir qui lui a été signifiée, le pays se contente depuis de la statue de l’époque pharaonique, incontestable et incontestée, de Nefertiti : l’originale au nez cassé. Malheureusement, celle-ci ne constitue pas une manne financière extraordinaire parce qu’elle n’a pas la même éclatante blanchité que celle de l’Allemand Ludwig Borchardt dans laquelle les Européens se reconnaissent. Est-ce pour cette raison qu’une Nefertiti blanche a été érigée sur une place publique en Égypte ? Risible mais vrai ! Que ne ferait-on pas dans ce pays pour gagner de l’argent auprès des touristes blancs ! Aujourd’hui, ce pays majoritairement peuplé d’Arabes « aux traits gras et bedonnants » (selon les Africains) érige sur les places publiques des statues qui leur ressemblent mais dans la posture des pharaons. Déjà, des générations de visiteurs croient que les pharaons, ces gouvernants de l’Égypte ancienne et de Koush, étaient des Arabes. Oui, pour beaucoup, l’antiquité égyptienne est orientale.  

Pharaons arabes

                  Difficile de s’affranchir de ses préjugés !

La couleur des Noirs

          Quand on visionne ou qu’on visite le musée égyptien de Berlin, il faut être absolument malhonnête pour ne pas constater immédiatement que la statue de Nefertiti de Ludwig Borchardt détonne dans cette galerie de portraits de l’ancienne Égypte. Mais tous les Européens des documentaires et des films préfèrent attribuer cela au fait que sa beauté est parfaite (!!). Personne n’ose relever sa couleur blanche trop évidente par rapport à toutes les autres statues du musée ! Mais il est certain que dans le for intérieur de tous les visiteurs européens, cette exception confirme la règle que l’Égypte ancienne n’est pas blanche. De même que de l’avis de nombreux voyageurs, celui qui visite le musée du Caire ne peut en aucune façon croire en une Égypte ancienne blanche ! Mais cet avis est tout à fait récent. Retenons tous cette vérité : avant 2021, aucune revue française n’a osé associer le nom pharaon et l’adjectif noir ! On se contentait de montrer ces gouvernants égyptiens et koushites sans oser parler de leur carnation puisque tous les Européens avaient accepté le fait qu’ils étaient blancs. C’était une évidence incontestable puisque les pseudo-scientifiques européens du milieu du XIXe siècle (période de l’invention du racisme) l’assuraient et les films européens à grands budgets le montraient depuis des décennies ! Heureusement, aujourd’hui il n’y a pas que les scientifiques qui disposent de documents pour donner un avis à suivre. Chaque citoyen est capable de regarder les objets et se poser des questions. Et cette nouvelle donne a sans doute contribué à une nouvelle façon de faire de la science, rendant obsolètes toutes les images de l’homme préhistorique toujours blanc, toutes les images des pharaons blancs régnant sur des peuples blancs constructeurs de pyramides dans le désert d’Afrique jusqu’au sud de l’actuel Soudan !

Les couleurs de l'Africain

          Oublions donc la science de ces préhistoriens et autres égyptologues du XIXe et du début du XXe siècle qui ont écrit l’histoire de l’humanité avec les vues racistes et sexistes de la société dans laquelle ils évoluaient. Aucune autre statue de l’ancienne Égypte représentant une femme indubitablement blanche (ou un homme blanc) n’est venue confirmer la Nefertiti européenne de Borchardt. Si aujourd’hui des revues françaises osent associer pharaon et noir, c’est parce que depuis une cinquantaine d’années, les préhistoriens et autres chercheurs ne se contentent plus de tirer des conclusions à partir des seuls éléments archéologiques qu’ils découvrent. Ils font désormais appel à l’ethnologie (l’étude des peuples). Une nouvelle méthode de recherche totalement différente de celles des deux derniers siècles est née : l’ETHNOARCHEOLOGIE ! 

Africains du Sahel et du Sahara

          L’ethnoarchéologie est une méthode scientifique qui prend en compte les peuples actuels pour mieux comprendre ceux du passé. Exemple, « L’étude des chasseurs-cueilleurs actuels peut [permettre de] mieux comprendre les modes de vie des populations du paléolithique », dit l’archéologue Sophie A. de Beaune. Effectivement, en 2018, des chercheurs ont fait appel à des chasseurs-cueilleurs Africains – précisément de Namibie – pour traduire ou expliquer des traces de pas dans la grotte de l’Aldène (Hérault), à leur grande satisfaction. Non seulement les Namibiens ont confirmé certaines de leurs hypothèses mais surtout ont révélé des comportements

Une figurine égyptienne 2022

insoupçonnés de celles et ceux qui ont laissé les traces il y a 8000 ans. Au XIXe et au XXe siècle, aucun Blanc n’aurait pensé faire appel à un « sauvage » africain pour l’aider à expliquer ce qu’il ne comprenait pas ! Et Sophie A. de Beaune d’ajouter : « [cette démarche] permet détendre le champ des possibles […]. Elle permet aussi d’écarter certaines hypothèses farfelues, jamais observées dans aucune population actuelle ou ayant existé » (Lady sapiens, 2020). En effet, parce qu’au XIXe et au début du XXe siècle ils ont négligé l’ethnologie, « les archéologues ont fait de l’Égypte ancienne un isolat, sans relation avec son environnement africain » (François-Xavier Fauvelle, Science et avenir, Hors-série juillet/août 2010). Si Nefertiti est blanche, son peuple blanc – aux usages si singuliers – qui aurait vécu durant des siècles ou des millénaires dans le désert d’Afrique devrait être reconnaissable sur ce continent. Malheureusement, on n’a jamais retrouvé sur terre un peuple blanc perpétuant quelques usages rappelant l’Égypte ancienne. Cette supercherie s’apparente à celle de l’affiche de propagande du XVIIIe clamant l’existence de marchés africains aux esclaves où les capitaines négriers allaient faire leurs courses ; image que les éditeurs français de manuels scolaires ont reprise sans discernement comme preuve d’une réalité africaine. Aujourd’hui, n’importe quel voyageur peut découvrir sur les côtes africaines les forts où les Européens tenaient captifs les Africains avant leur embarquement vers les Amériques mains et pieds dans les fers. Cette affiche de propagande du XVIIIe siècle comme Nefertiti la blanche de Ludwig Brochardt sont des exceptions qui confirment que la réalité est tout autre. 

Nefertiti

Raphaël ADJOBI

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