16 mai 2007
Sarkozy, Bolloré et Gbagbo
Sarkozy, Bolloré et Gbagbo
Sarkozy vient d’être officiellement installé à l’Elysée. Chirac est parti sans avoir triomphé de Laurent Gbagbo. Nombreux sont les Ivoiriens qui attendaient cette petite victoire du dernier sur le premier. Mais la voie est-elle pour autant suffisamment dégagée pour que le président ivoirien et ses compatriotes aient le temps de mener à bien la paix qu’ils ont initiée ?
D’abord, la récente rencontre entre Nicolas Sarkozy et le président gabonais Omar Bongo lors d’un séjour privé à Paris m’avait enlevé l’espoir de voir progressivement la françafrique perdre un peu de sa superbe avec le départ de Chirac. En effet, j’ai vu dans cette rencontre entre les deux hommes le passage du témoin pour la poursuite du système français d’exploitation de ses anciennes colonies aujourd’hui très décrié sur le continent africain. Ensuite, c’est l’escapade à Malte de Nicolas Sarkozy au lendemain de son élection qui m’a plongé dans une profonde inquiétude qui devient peu à peu une véritable peur du lendemain pour la Côte d’Ivoire. Et pourquoi donc ? me direz-vous.
Tout d’abord parce que si la collusion entre Nicolas Sarkozy et le monde des finances est connue, la découverte de son amitié avec le milliardaire Bolloré me renvoie à la Côte d’Ivoire et la crise qui la secoue depuis cinq ans. En effet Bolloré est le milliardaire français dont le tiers de la fortune est réalisé en Côte d’Ivoire (in la revue Challenges n° 237 du 16 décembre 2004 au 5 janvier 2005, p. 29). Inutile de rappeler que désormais tout le monde, en Europe et en Afrique, est d’avis que la revendication essentielle des loyalistes ivoiriens est l’indépendance économique de leur pays. Une question se pose donc. Comment Sarkozy s’y prendra-t-il pour ne pas décevoir son ami ? Tout porte à croire, qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir de Président des français pour défendre les intérêts de ses compatriotes en aidant la venue au pouvoir en Côte d’Ivoire des hommes qui leur sont favorables.
D’autre part, n’oublions pas que Sarkozy est le parrain de mariage de Alassane Ouattara et qu’il ne cache pas son amitié pour ce dernier. C’était bien pour Ouattara - par l’intermédiaire de Soro Guillaume - que Chirac a voulu dépouiller Gbagbo de ses fonctions essentielles en vue de le faire chuter. Et aujourd’hui Soro se croit bien placé pour mener ce dessein à bien. Il le confiait au journal Le Monde dans son édition du 19 mars 2007 en des termes très explicites en parlant de Laurent Gbagbo au moment même où celui-ci venait de lui proposer le poste de Premier Ministre : Je vais « le feinter, le dribbler ».
Les éléments d’un scénario explosif semblent donc réunis. Le sentiment national sera-t-il assez fort chez Soro pour qu’il poursuive l’entreprise de paix commencée avec Laurent Gbagbo ou cédera-t-il à l’appel de ses amis qui ont fait sa fortune et lui ont permis de vivre jusque là comme un prince alors qu’il n’avait jamais exercé de fonction rémunérée ? En tout cas, des nuages bien sombres s’amassent sur la Côte d’Ivoire.
Raphaël ADJOBI