29 mai 2008
Sang négrier
Sang négrier
Sang négrier est le premier de deux « récits sidérants » comme le précise le sous-titre du recueil Voyages en terres inconnues. C’est une nouvelle, brève (27 pages), d’une rare beauté et de surcroît poignante.
Certes, c’est une nouvelle fantastique ; ce qui suppose une part d’indéfinissable parce que les événements dépassent l’entendement humain. « Cinq esclaves qui s’échappent d’un bateau négrier, une traque dans les rues de Saint-Malo … et l’inconcevable qui surgit, sous la forme d’un doigt sanglant cloué à une porte ! » Mais c’est également un récit au ton très réaliste mené par le nouveau commandant du navire négrier qui poursuit la routine de convoyer des captifs depuis l’île de Gorée vers l’Amérique, le Nouveau monde. Rigoureux et professionnel, le narrateur nous fait entrer dans la conscience des maîtres de la traite négrière qui ne font rien au hasard. Négrier, c’est un métier qui rapporte mais qui connaît des aléas.
Je conseille vivement ce petit livre à tous les adultes et aussi aux élèves à partir de la 3è. Les enseignants des lycées africains auxquels je pense et leurs élèves des lycées y trouveront un bon sujet de discussion sur l’esprit des négriers à l’époque du commerce dit triangulaire.
Laurent Gaudé, l’auteur, a fait preuve ici d’une grande justesse dans le rendu des propos et du comportement du personnage principal. Il est très convaincant. Je n’ai relevé qu’une seule erreur : les captifs africains ne parlaient pas tous la même langue. On ne pouvait donc pas au hasard choisir des éléments pour toucher les autres par le discours.
°Petite remarque à l'attention des élèves : tant que les Noirs ne sont pas arrivés dans les Amériques et employés par les colons, il ne faut pas parler "d'esclaves" mais de "captifs" ; tout simplement parce que ces êtres n'étaient pas esclaves en Afrique mais des hommes libres. Faites donc la différence entre un captif (personne capturée, enlevée de force) et un esclave (personne employée sous la force et l'autorité d'une autre).
Raphaël ADJOBI
Titre : Voyages en terres inconnues
(Première nouvelle : Sang négrier)
Edit. : Magnard / coll. Classique & Contemporains
Auteur Laurent Gaudé
21 mai 2008
Le bilan de Sarkozy
Le bilan de Sarkozy
Quelle année ! Quel début de présidence ! Il fallait avoir du souffle pour suivre les aventures de celui que les policiers appelaient Speedy Gonzalez quand il était au ministère de l’intérieur. Devenu Président, il a encore accéléré le rythme. Il a beaucoup parlé, abordé donc de sujets touchant la vie des Français. Mais…
Pour faire le bilan de la première année de la présidence de Nicolas Sarkozy, je prends ma vie de citoyen français et celle de mes amis et connaissances et cherche à savoir ce qui a changé dans notre quotidien. Est-ce que les objectifs du président Sarkozy se réalisent et changent favorablement notre vie ?
1. « Il faut travailler plus pour gagner plus », disait-il. Est-ce que ceux qui travaillent plus gagnent plus depuis un an ? Sur les feuilles de paie des français, en ce mois de mai 2008 où se font les déclarations de l’impôt sur le revenu, ceux qui ont fait des heures supplémentaires en 2007 constatent effectivement que ces heures accomplies sont exonérées d’impôt. Bravo donc Sarkozy ! Mais, le problème, c’est que tous ceux qui aimeraient faire des heures supplémentaires ne peuvent pas en faire. Car la réalité c’est que c’est le patron qui décide selon ses besoins. Il ne suffit pas que l’employé veuille en faire. Il est donc normal que certains crient à l’injustice.
2. La discrimination positive ! Quel beau rêve national ! Une volonté électorale qui, si elle avait été appliquée dans les administrations, aurait réhabilité les noirs et autre basanés dans le paysage social français. Rien à espérer à l’horizon de ce côté-là.
3. L’immigration choisie. Slogan électoral qui a rallié à Sarkozy les partisans du Front National. Pour le moment, le gouvernement n’est qu’à la phase « expulsions » des sans-papiers que l’on devrait plutôt appeler « les papiers illégaux ». A vrai dire, l’immigration choisie s’effectue depuis toujours : médecins africains et européens de l’Est dans les hôpitaux, ouvriers africains dans les usines et les services de sécurité, dans les tâches subalternes de l’hôtellerie, et employées africaines dans l’aide à domicile. Cependant, nombreux sont ceux qui travaillent avec des faux papiers. Il ne reste donc au gouvernement que la politique de l’expulsion avec pour objectif 25 000 reconduites à la frontière par an. Une politique de la terreur sur laquelle nous reviendrons dans un prochain article.
4. Le travail des seniors. Les seniors de plus de 55 ne sont plus, sous Sarkozy, dispensés de la recherche d’un emploi. Il propose de pénaliser tous ceux qui refuseront plus de deux propositions d’emploi « valables » ; qu’ils soient seniors ou pas. Le gouvernement affirme que la mesure vise à remettre les chômeurs au travail. En réalité, elle vise à faire des économies sur le dos de ces derniers. Car la réalité des faits est la suivante : les mesures Borlo qui visaient à pénaliser les employeurs qui font des économies en licenciant les seniors – trop chers selon eux – ont été vaines. Incapable de sanctionner les employeurs, l’Etat a décidé de sanctionner les chômeurs. C’est une solution facile et qui remet de l’argent dans les caisses.
5. La loi sur le divorce enterrée ! Dans les projets de Sarkozy, il est une mesure qui aurait Simplifiée la vie de beaucoup de français. Il était question de confier les divorces à l’amiable aux maires. Les citoyens n’auraient recours aux avocats que dans les cas de désaccord et donc de conflit. Au moment où l’on montre du doigt les lenteurs des tribunaux engorgés, on se serait attendu à ce que cette loi fût unanimement bien accueillie. C’était sans compter avec les avocats qui voyaient là un manque à gagner non négligeable. Et Sarkozy n’aime pas déplaire aux riches. Il abandonne donc cette loi et avec elle les usagers français. Dans ces conditions, on comprend très bien que les chauffeurs de taxi refusent que l’on touche à leur privilège même si tout le monde est persuadé que leur rareté empoisonne la vie des grandes villes. Ce protectionnisme catégoriel a d’ailleurs fait perdre à Paris le statut de ville de congrès et de grandes conférences internationales.
6. Les réformes de l’enseignement et des institutions. Pas facile de dégraisser le mammouth ! L’enseignement professionnel sera désormais sanctionné par le Bac au bout de trois ans au lieu de quatre. Là encore on soupçonne l’état de privilégier la réduction des heures et donc du personnel enseignant. Quant à la réforme des Institutions, nous attendons de voir les quinze points qui vont changer.
Avouons que les résultats sont bien maigres. Beaucoup de bruit pour rien donc.
Raphaël ADJOBI
15 mai 2008
Comment est né l'Etat dIsraël
Comment est né l’Etat d’Israël
Les 13 et 14 mai 2008, l’état d’Israël fêtait son soixantième anniversaire alors qu’au même moment, les Palestiniens commémoraient le soixantième anniversaire de La Grande Catastrophe. Pour la première fois, les médias français n’ont pas manqué d’associer les deux événements qui sont naturellement indissociables. Et on peut louer la justesse des points de vue de bon nombre de journalistes français qui n’ont pas manqué, dans des émissions diffusées au début du mois de mai, de souligner les contrôles de tout genre que les Israéliens font peser sur les Palestiniens pour empêcher tout développement économique et social de cette population.
Mais je ne veux point ici traiter des relations entre ces deux peuples qui se disent naturellement ennemis. Je voudrais tout simplement vous emmener vers une source singulière de la naissance d’Israël et en tirer une conclusion tout à fait personnelle.
Tout le monde sait que c’est un acte de la Société des Nations qui, il y a 60 ans, donna naissance à l’Etat d’Israël. Tout le monde peut aussi aisément imaginer qu’il y a des hommes qui ont préparé cet acte. Mais c’est là qu’apparaît la singularité de la naissance de ce pays. Et il m’a fallu lire un livre magnifique pour découvrir la véritable origine de la colonisation de la Palestine par les juifs avec la complicité des organisations internationales.
C’est dans la biographie de Kessel par Yves Courrière que j’ai ppris le rôle déterminant joué par par Haïm Weizmann, ce biolorusse né en 1874, qui deviendra le premier président de la République du tout nouvel Etat d’Israël. Cet homme était devenu l’ami de Théodor Herzl, le grand Théoricien du retour des juifs en Israël. A la mort de ce dernier, le premier reprendra le flambeau du sionisme mondial et réalisera l’œuvre du grand Théoricien. Voici comment.
« Après la rencontre avec Théodor Herzl, Weizmann, devenu ardent propagandiste, avait émigré en Angleterre où il avait occupé un poste de professeur à Manchester. Naturalisé anglais en 1910, ce chimiste de génie avait travaillé pendant la Première Guerre mondiale dans les laboratoires de l’amirauté britannique où il avait découvert une acétone synthétique qui fut utilisée pour la fabrication des explosifs. Cette découverte essentielle en avait fait une célébrité aussi bien dans le monde scientifique que dans les cercles politiques britanniques. Profitant de ses importantes relations au sein du gouvernement, il avait obtenu, dès 1917, la fameuse déclaration Balfour selon laquelle, après la guerre, la Palestine, arrachée à la Turquie, serait reconnue comme foyer national juif. Depuis que la Société des Nations avait confié la Palestine en mandat au Royaume-Uni, Weizmann, élu à la tête de l’organisation sioniste mondiale, se battait pour que la promesse britannique devînt réalité et que le « foyer national » se transformât en Etat juif. Son principal souci était maintenant de trouver aux quatre coins du monde les capitaux nécessaires à l’émigration, au développement des colonies déjà implantées et à l’achat de nouvelles terres ». (page249)
La découverte d’un explosif contre un foyer de paix pour les juifs en Palestine. Tout le monde connaît la suite. 700 mille Palestiniens ont dû quitter leur maison au moment de la création d’Israël en 1948. Aujourd’hui, les nouvelles implantations ou colonies sont des machines à faire de nouveaux Israéliens. Ce sont des juifs étrangers de condition médiocre qui entrent en Israël pour grossir sa population. La simple visite de ces colonies est interdite aux arabes Israéliens, aux juifs Ethiopiens et aux Palestiniens. Seuls les étrangers et les autres juifs peuvent s’y aventurer.
Je retiens pour ma part que rien ne s’obtient gratuitement. Aucun peuple n’est généreux au point de vous offrir le paradis. Tout est une question de lutte, de pouvoir et d’influence. Tous les peuples, toutes les communautés qui aspirent à un certain mieux être, ont le devoir de se bâtir un pouvoir d’action. En définitive, c’est le moyen le plus sûr et le plus durable parce qu’il oblige l’opposant à revoir sa conduite. Quant au recours aux armes, il vous expose généralement à un retour de bâton douloureux.
Raphaël ADJOBI
Le passage cité est extrait de Joseph Kessel
Ou Sur la piste du lion (Yves Courrière),
Editions France Loisirs.
06 mai 2008
Discours sur la fin du monde
De la fin du monde
(Réflexion)
Quand la lumière du soleil faiblira jusqu’à ne plus nous éclairer, en d’autres termes, quand Dieu éteindra sa lanterne ou lancera « que la nuit soit », les ténèbres s’ouvriront, les éléments échappés du vase d’athanor, comme des hirondelles à l’appel de la saison nouvelle, accourront et s’y précipiteront.
Nous continuerons ça et là à rallumer nos torches et à entretenir le feu des foyers. Le temps passant, nos yeux s’habitueront à la lumière artificielle. Des enfants naîtront et ne connaîtront d’autre lumière que celle de l’artifice des hommes, et leurs yeux se formeront au patron de celle-ci. Mais peu à peu, sans soleil, la vie sur terre commencera à prendre une autre tournure. Il ne sera point besoin de cultiver les champs. Du bétail sans cesse plongé dans l’obscurité naîtront des animaux sans yeux ; la nature ne pourvoyant que ce qui est nécessaire à la survie de chaque espèce.
Progressivement, l’homme se lassera de lutter contre le poids des ténèbres et laissera mourir sa science. Car il vivra la fin du soleil comme une grande infirmité, une paralysie mortelle.
De la nuit des temps à l’ère du soleil et retourner à la nuit des temps, voilà le parcours de l’homme et de notre monde. Le point de départ sera donc le point d’arrivée ; c’est un parcours qui va se refermer sur lui-même. Et pourtant nous avons le sentiment de courir en ligne droite. Ce n’est qu’une illusion parmi tant d’autres auxquelles nous a soumis la disproportion de notre nature par rapport à l’immensité du monde et à la singularité des lois de l’univers. N’est-il pas vrai qu’en quelque point du monde où l’homme se trouve, il a le sentiment d’avoir la tête en haut et les pieds en bas tout simplement parce que la terre est sous ses pieds et le ciel au-dessus de sa tête ? Mais ce sentiment n’empêche pas la terre d’être ronde et de soumettre par conséquent à ce qui se trouve au pôle Nord une posture différente à ce qui se trouve au pôle sud. C’est une vérité physique vérifiable par tous qui me permet d’affirmer que celui qui est sur le sommet d’une boule et celui qui est placé en dessous de cette même boule regardent le ciel dans des directions différentes.
Nos illusions, nos inquiétudes et parfois même notre affolement devant les changements qui surviennent sur notre planète ne s’inscrivent donc que dans l’ordre des choses naturelles. C’est dire que les artifices des hommes qui nuisent à ce doux habitat s’inscrivent dans la vie de cette planète. Avant l’homme, d’autres espèces y ont vécu et ont disparu sans doute aussi par leur bêtise : trop gourmands, excessifs consommateurs d’énergie… Mais seul le déclin du soleil sera le véritable moteur de la mort de la terre. Tous les autres bouleversements ne seront que des éléments participant à son ordinaire évolution.
Raphaël ADJOBI