23 octobre 2008
Le génocide voilé
Le génocide voilé
Le génocide dont il est ici question est la traite négrière que les arabo-musulmans ont infligée à l’Afrique durant plus de treize siècles et qui subsiste encore sur le continent sous des formes très sournoises. Le ton ferme de l’introduction du livre faite par l’auteur est historique à mes yeux. Il me plaît en effet de savoir qu’un Africain noir de confession musulmane prenne enfin le passé de l’Afrique en main en osant dire clairement ce que fut l’Islam et ce qu’il est aujourd’hui comme héritage pour les Noirs d’Afrique. Après avoir lu le livre de Malek Chebel (L’esclavage en Terre d’Islam), je suis heureux de découvrir celui de Tidiane N’diaye. Nous sommes loin des discours traditionnels qui nous peignent le passé de l’Afrique sous ses atours idylliques.
L’esclavage, forme suprême de la domination de l’homme par l’homme, est absolument une des caractéristiques fondamentales de l’histoire de l’Humanité. Et le premier chapitre du livre décrit scrupuleusement les formes d’asservissements pratiquées par les sociétés traditionnelles d’Afrique Noire. Cependant, comme l’affirme si bien Tidiane N’diaye sans toutefois tomber dans la hiérarchisation victimaire, « force est de reconnaître que la dimension prise par la traite et l’esclavage qu’ont subi les peuples noirs dépasse en nombre de victimes, en durée et en horreurs tout ce qui avait précédé. Et dans la genèse de ces malheurs, historiquement la traite négrière est une invention du monde arabo-musulman. » (p.16) La dimension et l’intensité de l’esclavage pratiqué par les arbo-musulmans semblent ici d’une cruauté rarement peinte, sinon jamais, dans les manuels proposés dans l’enseignement en Afrique. Préservation de la susceptibilité des musulmans ?
A certains passages, ce livre rappelle dans son esprit celui d’Odile Tobner (Du racisme français) et nous oblige à nous demander lequel des deux esclavages – la traite atlantique (4 siècles) et l’esclavage arabo-musulman (13 siècles) – fut le plus cruel, le plus intense, le plus raciste. La cruauté de l’esclavage outre-atlantique se révélait dans les conditions de l’exploitation des Noirs entre les mains de leurs maîtres dans les plantations. La cruauté de la traite négrière des arabo-musulmans apparaît surtout dans les conditions d’enlèvement des Noirs sur leurs terres natales. Les conditions des voyages à travers le désert sont extrêmement déshumanisantes et mortelles. La peinture qu’en fait l’auteur donne à réfléchir sur la barbarie qu’a vécue l’Afrique. Las razzias que les chefs des tribus musulmanes du Nord, du Sahara et du Sahel opéraient ont contribué à détruire des villes noires entières. Ce commerce généralisé dans le monde musulman africain, Tidiane N’diaye ne le tait pas et cite les figures historiques des noirs qui ont été des ardents esclavagistes mais qui sont aujourd’hui louées dans certains pays. Il n’oublie pas non plus la castration massive des Noirs convoyés dans les royaumes du Moyen Orient et qui servent aujourd’hui encore comme gardes au Maroc et à la Mecque. Il parle également des armées essentiellement noires constituées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord grâce à la traite des Noirs.
Les arabo-musulmans, venus nombreux de Perse et de Turquie, ont fait de chaque noir musulman un mercenaire pour la cause esclavagiste avec la bénédiction de l’Islam. L’aveugle solidarité musulmane qui poussent les noirs à tenir plus compte de la consonance du nom que des idées politiques vient de cette colonisation selon laquelle les bons musulmans peuvent faire la guerre aux mauvais musulmans et aux non musulmans. L’autre intérêt du livre est de nous permettre de comprendre le drame qui se joue au Soudan. Il nous montre que la crise humanitaire qui sévit dans cet immense pays est indissociable de la pratique de l’esclavage par les arabo-musulmans et les Touregs. D’autre part, les pirates Somaliens qui, dans l’Océan Indien prennent aujourd’hui les équipages des navires européens en otage pour obtenir des rançons vivaient dans un passé récent de la traite négrière vers l’Asie et le Moyen Orient. Le comptoir turc de Zanzibar était encore florissant au 20è siècle. Et tout cela, gouvernants africains et européens le savaient mais fermaient les yeux.
Raphaël ADJOBI
Auteur : Tidiane N’diaye
Titre : Le génocide voilé (enquête historique)
Edition : Continents Noirs NRF Gallimard.
Commentaires
Un grand débat en effet...
Je suis de ton avis qu’il était question pour la traite Outre Atlantique d’une véritable industrie qui a nécessité tous les efforts des grandes puissances de l’époque. Dieudonné Gnammangou, le biographe officiel de pouchkine a consulté pour sa part des revues russes de la traite négrière et a conclu que les investisseurs et les économistes suivaient à travers les journaux de l’époque le sort des navires qui transportaient les esclaves vers les amériques. Je pense que des éléments semblables existent dans toute l’Europe. Le rapprochement du chiffre des victimes de ce commerce avec celui de la traite arabo-musulmane sert surtout à décomplexer les Européens et les Français en particuliers.
Cependant une chose est certaine : les différents récits et études que j’ai lus montrent bien que jusqu’au 20è siècle, la traite arabo-musulmane a éparpillé les Noirs en Asie, au moyen Orient, et même en Russie où il semble qu’il existe des foyers de noirs depuis plusieurs siècles. Cet esclavage est un commerce de luxe et donc se faisait à petites doses puisque les Noirs étaient surtout destinés au confort domestique des maîtres même si certains régimes en ont constitué des armées. Mais deux ou trois individus vendus par-ci par-là peuvent aussi constituer un bon chiffre dans la durée. La partie la plus inhumaine de ce dernier commerce est justement les razzias, le transport des victimes et le racisme qui en est résulté.C'est vrai que les ventes au compte-goutte peuvent faire gros dans la durée, mais j'ai du mal à croire que cela puisse déclasser la position de ce commerce triangulaire.tout est possible!j'ai moi même fait une terrible expérience dans les années 93 où j'ai visité le Niger de Niamey à Agadez au Nord du désert.J'ai pu constater que certains Noirs qu'on appelle les Bêla, étaient encore "des sujets" de Tribu comme les touaregs(toucouleur à peau blanche).Un peu comme on en trouve en Mauritanie actuelle à certains endroits.D'ailleurs en Mauritanie l'esclavage a été pointée du doigt et il a fallu l'arrivée de l' ex-Président Ely Ould Mohamed vall pour voir le phénomène commencer à s'estomper.Derrière cet avilissement, le facteur racial est toujours derrière.la traite Arabo-musulmane a effectivement causé beaucoup de torts mais je ne sais pas pourquoi ce contentieux reste geler.Beaucoup de noirs ignorent ce phénomène où le prennent à la légère.Mais, mais!que penses tu de la thèse du Pr Anta Diop sur la domination très ancienne des Noirs Egyptiens et Ethiopiens sur les anciens Mésopotamiens et blancs européens?
Et Merci pour le coup de m'avoir enrichir sur le sujet.C'est cette traite qui a destabilisé l'Afrique
En effet le debat est difficile et soulève beaucoup de passion. Ce que je peux dire c'est que cette traite (musulmane) est à l'origine des malheurs de l'Afrique c'est elle qui causé le déclin du continent en destructurant les grandes villes comme Gao, Tombouctou ou Djenné hauts lieux du savoirs.
Maintenant il nous faut voir dans cette histoire ce qu'il ne faut lus faire pour permettre l'envol de l'humain en Afrique.Ne nous égarons pas dans le subsidiaire...
le problème n´est pas de commencer à tester la température d´un mort, mais bien de sauver un vivant souffrant qu´est l´africain dont les plaies psyschologiques saignent encore sans qu´il ne veuille se l´avouer lui-même. Aucune race, aucun peuple ne peut rester indifférent devant une telle calamité historique d´assujetissement, de destruction culturelle, philosophique et mentale. Comment et à quel point les hordes ilamiques ou chrétiennes furent les plus sanguinaires ou brutales...cela peut être instructif, certes, mais cela ne détermine plus notre histoire immédiate - du moins, la réponse ou les détails que nous approfondirons ou pas ne vont pas parfaire notre avenir. Mais j´avoue que sans reconnaître ou comprendre le mal réel qui a été fait au psychisme de l´homme noir, il est difficile de le guérir réellement. Et c´est dire alors que sa culture se battra toujours avec des démons invisibles du passé, et stagnera beaucoup plus qu´elle n´avancera. Il suffit de regarder l´Afrique aujourd´hui pour comprendre que décidément le désemparement était grand. Mais il faut bien aujourd´hui se guérir et s´organiser pour aller de l´Avant!
Cet article m´a beaucoup plu, parce qu´il attire l´attention des africains et de la race noire en particulier sur un mal comlexe qu´ils ont jusqu´aujourd´hui soit ignoré par honte, soit enseveli dans leur subconscient en croyant ainsi le vaincre ou l´oublier. Mais ce genre de crime à la liberté et au psychisme humain est tenace et pervers autant dans ses séquelles que dans ses involontaires soubresauts temporels négatifs. Même Thabo Mbeki y avait fait allusion. Seulement, ceux qui devaient prendre cet aspect des choses à coeur et mettre sur pied dans la société africaine de moyens modernes de recouvrement psychoculturels, ce sont ceux en général qui s´alignent sur le passé ou s´aliènent envers un islamisme ou un occidentalisme bon marché et aveuglant.
C´est curieux, lorsque je parlais de ce phénomène, et à plus d´une fois de ce que ces années et siécles de destruction mentale ont causé dans l´idéal, la conception et la notion de responsabilité envers soi-même de la race noire, beaucoup croyaient que je suis extrémistes, ou même raciste. Ce qui est absolument faux. Si aujourd´hui les noirs ont peur de définir par eux-mêmes leur liberté, leur sens réel de l´histoire, de crier au scandale ou de dire ce qu´ils pensent quand on leur fait des préjudices criants, il y a des raisons à tout cela. On ne peut pas être pendant autant de siècles avoir eté privé de liberté, obligé à courber l´échimme, à souffrir l´enfer de l´esclavage et à abandonner son moi le plus vrai pour...survivre ou adopter la spiritualité du criminel vainqueur et son sens dévoyant de l´histoire... Et se taire ou faire de grands sourire de satisfaction. Il y a, c´est le moins qu´on puisse dire, quelque chose qui ne va pas. D´où aussi ma profonde révolte. Surtout lorsque j´entends nos prédateurs d´hier clamer de leur respect pour la spiritualité des autres, sur leur sens de liberté ou de démocratie...cela me mets en rage, parce que je sais que derrière ces fassades, le primitif prédateur nous préjudiciait encore à coeur joie, comme par le passé ! Sacrebleu, faudra bien que cela finisse un jour, cette fausseté !
Musengeshi Katata
"Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu"
Forum Réalisancel'effort psychoculturel à surmonter
Bonjour Musengeshi kataka,
Effectivement que quand on a bien saisi l'histoire de l'esclavage des noirs,on comprend vite les séquelles "psychoculturels" dont beaucoup de noirs ne se sont pas encore libérées.On comprend aussi d'où nous viennent l'islam et le christianisme.Mais la religion étant sujet très sensible, je pense vous suivre quand vous évoquer le terme de "spiritualité des autres".Merci pour ce compte rendu de lecture St-Ralph.
Dans le débat sur les différents esclavages qu'ont subi les peuples d'Afrique noire, je dois avouer qu'il y a un point qui m'embarrasse et qui semblent récurrent chez les élites africaines : On analyse les oppresseurs Arabo-berbères ou occidentaux, mais il y a un réflexe naturel à occulter la responsabilité de l'oppressé.
Pourquoi, le peuple noir plus qu'un autre a été suffisamment perméable pour que sa jeunesse soit pillée, arrachée à ses terres?
Je suis tenté par la lecture de Petré-Grenouilleau ou Tidiane, mais si c'est pour constater le même genre d'analyse, à quoi bon?
Quand Axelle Kabou, ou certains religieux africains ont abordé la responsabilité africaine, les mecanismes de collaboration forcés ou volontaires de certains royaumes côtiers on a crié à la conspiration occidentale visant à alleger le poids de cette traite.
Cependant, tant qu'on aura pas décortiqué les moyens culturels par lesquels les loups sont rentrés dans la bergerie, l'histoire est appelé à se répéter.
L'autocritique est donc nécessaire, et c'est cet élément qui m'intéresse : Un musulman qui analyse les mécanismes de la traite arabe. J'acheterai surement ce livre à cause de cette argument. Que chacun balai devant sa porte avant de crier au loup et l'Afrique fera un pas en avant.
@+Je rebondis...
Je rebondis, Mohamed Bily sur ce que tu dis à propos du Niger. J'apprends aujourd'hui qu'un organisme africain a condamné le Niger a verser à une ancienne esclave 10 millions de francs cfa (15 000 euros) de dommage. Cette dame a été mise en esclavage dès l'âge de 12 ans. Son maître lui a fait des enfants et l'a libérée plusieurs années après. Quand la femme a voulu se remarier, son ancien maître s'y est opposé. La femme a porté plainte en produisant l'attestation de sa libération délivrée par son ancien maître....
Oui, l'esclavage sévit encore en Afrique comme tu le dis si bien. Les autorités africaines ferment les yeux sur ce problème pour ne pas déplaire à leurs voisins. Mais la réalité est bien là. (pour ta question, voir plus bas).
Ainsi donc mon cher Mouélé Kibaya, tu as eu la chance d'aller sur le terrain pour constater cette situation étrange. Les Africains accusent sans cesse les Européens. C'est bien. Mais il ne faut pas oublier que bien des pays africains sont causes de nos malheurs dans ce domaine. Moi aussi je rêve de faire un jour un séjour dans les villages des pays sahéliens afin d'apprendre à observer ce phénomène. En Côte d'Ivoire, quand je voyais des groupes de Mauritaniens blancs et noirs, jétais toujours intrigué par le rôle que jouaint les nois dans le groupe. C'était toujours eux qui faisaiet le service du thé.
Cher Musengeshi, il est indéniable que le phénomène dont nous parlons a fait du mal à l'inconscient des Africains et qu'il est difficile de l'évaluer. Mais pour le moment, le plus important est de mettre le mal en évidence, en parler c'est le traiter, et ensuite aller plus loin. Nous ne pouvons pas bâtir un avenir sûr si nous ne savons pas notre propre histoire.
Quant à la thèse du Pr Anta Diop concernant l'ancienne domination des Noirs d'Egypte et d'Ethiopie sur les mésopotamiens blancs, j'avoue que je n'ai pas encore fait des lectures assez précises sur la sujet. Cependant, toutes mes lectures concordent pour dire que si l'esclavage est vieux comme le monde, le racisme est né avec la traite négrière des arabo-musulmans et repris par la traite des Noirs dans le nouveau monde. D'autre part, il y a aujourd'hui des preuves qu'il y avait des Noirs en Europe avant les deux esclavages. Il y a des Noirs en Russie ; ils y étaient avant les traites négrières que nous connaissons. La domination des peuples puissant a toujours été une réalité. Donc les peuples noirs ont pu à un moment donné dominé d'autres peuples qui n'étaient pas noirs. L'esclavage est un phénomène humain. C'est depuis quelques siècles qu'il est uniquement réservé aux Noirs.De la responsabilité de l'oppressé...
Mon cher Ganguoueus, ton embarras est compréhensible. La réaction de ceux qui refusent de reconnaître une responsabilité africaine, surtout dans la traite arabo-musulmane, est d'ordre politique. C'est tout simplement parce qu'il ne veulent pas montrer du doigt les voisins pour éviter de s'attirer des inimitiés.
Nous devons apprendre à assumer notre Histoire. Le livre de Tidiane N'diaye souligne cette complicité des Noirs dans cet esclavage. Mais cette implication a été possible grâce à l'Islam. Et c'est cela qui est très intéressant. C'est d'ailleurs ce qui explique que l'esclavage existe encore dans des pays africains entre les Noirs.
Moi aussi je vais lire le livre de Pétré Grenouillau. Apparemment, ce qu'on lui reproche, c'est de vouloir déculpabiliser les Européens. D'ailleurs c'est ainsi que beaucoup d'Européens ont reçu le livre. J'ai lu le livre d'un de ses disciples. J'ai été horrifié ! J'ai trouvé que c'est du révisionnisme. Mais il faut que je lise le maître lui-même.Une parole que je trouve à point !
"Cependant, tant qu'on aura pas décortiqué les moyens culturels par lesquels les loups sont rentrés dans la bergerie, l'histoire est appelé à se répéter." Gangoueus à travers ce beau passage nous rappelle qu'on est toujours pas à l'abri.Du même type d'asservissement?NON! Mais d'une autre forme dans laquelle l'histoire pourrait se déguiser.
@ St-ralph,
Oui le cas de cette jeune Nigérienne est qualifié d'"historique" et de telles sanctions se multiplier.C'est un témoignage vivant que la responsabilité même des Africains dans la traite n'est pas nulle.
Sur la thèse d'Anta Diop, à propos de la domination des Égyptiens sur les mésopotamiens, et j'ai longtemps croisé des lectures et j'adhère au final!Il y a de nombreux témoignages, les célèbres de Diodiore de sicile et d'hérodote et bien d'autres..Enfin ...on reste vigilant tout de même,Suite de la réponse faite à Mohamed Bily...
Suite à ta question sur la domination des noirs d'Egypte et d'Ethiopie sur les Mésopotamiens, je me suis jeté sur un livre que j'ai acheté depuis un an mais dont je remettais toujours la lecture à plus tard. Il s'agit du livre de l'Américain (et aussi africain) Runoko Rashidi sur les Africains en Asie.
Dès le début de son livre il confirme la véracité des recherches du Dr Cheik Anta Diop. D'ailleurs, ce pan de l'histoire était confirmé comme une vérité par plusieurs chercheurs dont de nombreux Américains. D'ailleurs, dans la deuxième édition de son livre dans les années 70 (celui que je possède), Cheik Anta Diop lui-même faisait remarquer que le fruit de ses recherches rencontrait désormais la reconnaissance des autres Historiens.
Ainsi le soulèvement de l'armée Noire qui domina pendant 15 ans l'Irak est même rapporté dans le livre de Malek Shebel (L'esclavage en terre d'Islam dont j'ai fait le commentaire sur mon blog) et dans celui de Runoko Rashidi.
Le livre que je lis confirme le passé millénaire des Noirs en Asie et au Moyen Orient. J'en ferai bientôt un commentaire.
En clair, la présence et parfois même la domination des Noirs hors de l'Afrique est une vérité Historique. Les propos de Sarkozy à Dakar ne sont rien d'autre que de l'inculture. Il faut dire qu'il y a très peu de travaux traduits en Français. La traduction du livre de Runoko Rashidi date de 2005 alors qu'il était publié en anglais plus de douze ans auparavant.Tidiane Ndiaye à la Grande Librairie
Cher Raphael, j'ai suivi Tidiane NDiaye à la Grande librairie (émission de François Busnuel) récemment qui se déroulait à Dakar. Si tu l'as loupé, je te conseille de revoir l'émission sur France5.fr ne serait-ce que pour suivre les interviews d'Ousmane Sow ou de Cheikh Hamidou Kane.
Pour revenir à Tidiane Ndiaye, j'ai eu l'impression qu'il était en service commandé. Certes, il aborde de manière interessante la traite arabe. Mais il y a chez lui un désir de la comparer à la traite atlantique que je trouve malsain. En insistant sur la castration massive des esclaves noirs dans les terres d'Islam ils opposent le système occidental qui lui encourageait la reproduction des esclaves pour augmenter la productivité des plantations. La fonction du noir en terre d'Islam n'est pas économique. Cela est d'une évidence qu'un intellectuel de cet accabit peut saisir. Aussi, je me demande quel a été ton sentiment sur cette question? Faut-il exhumer la traite arabe pour mieux excuser la traite atlantique ou pour mieux completer le travail de l'Histoire?Franchement dit...
Cher Gangoueus,
Tout d'abord merci pour l'info sur l'émission que je ne vais pas manquer de regarder.
Concernant la place que nous devons accorder à la traite arabo musulmane, mon sentiment est qu'elle ne doit nullement être présentée comme un élément qui doit atténuer la lourdeur de la faute des Européens dans la traite atlantique. La traite arabo musulmane alimentait la servitude domestique ; la traite atlantique était purement économique et supposait par conséquent des exigences plus grande sur les terres de destination.
Mes différentes lectures me permettent de dire que c'est sur les terres d'Afrique, lors de l'enlèvement et du transport des Noirs que la traite arabo musulmane était extrêmement meurtière. L'histoire ne parle pas de maltraitance significative dans leur état de domestiques. Elle ne souligne que leur état d'êtres inférieurs. Quant à la traite atlantique, c'est dans les conditions de travail sur les terres des Amériques qu'elle montrera toutes ses atrocités. Les souffrances dans les plantations duraient le temps de toute une vie. Les Européens ne peuvent donc pas se vanter d'avoir été moins cruels que les Arabes. Tout laisse penser que leur joug était plus pesant puisqu'il était fait de pressions économiques permanentes qui s'exprimaientt durement sur la peau des Noirs.Comparaison
Mon cher Gangoueus
La description que je fais de la traite transatlantique dans de précédents ouvrages (Mémoire d'Errance, La longue marche des peuples noirs et L'Eclipse des Dieux) est sans complaisance. Toutefois il convient de reconnaitre que dans cette entreprise criminelle, la volonté de supprimer un peuple au sens d'un génocide n'y est pas prouvée. En revanche, suivant l'idée de Ibn Khaldun - largement partagée par les peuples arabo-musulmans de l'époque -, selon laquelle les Nègres appartiennent aux peuples à caractère bestial est que la place de ces sous-hommes est proche du stade animal, préfigure parfaitement du sort qui leur sera reservé par la suite. Dès lors, la question était de savoir comment, après leur utilisation, empecher que ces "animaux" ne fassent souche chez eux. C'est ainsi que la castration massive fut appliquée. Il ne faut voir aucune sorte de valorisation d'une calamité au détriment de l'autre. Ma comparaison entre une dynamique diaspora noire formée de 70 millions d'individus sur le continent américain par rapport à la quasi disparition des Noirs dans le monde arabo-musulman, voulait simplement illustrer le caractère génocidaire de la traite arabo-musulmane et expliquant le tire de mon aouvrage. Enfin, si la plupart des médias "politiquement corrects" ont censuré mon ouvrage, c'est bien la preuve que je n'ai jamais été en "service commandé". Seulement après avoir fait le tour du crime transatlantique, j'ai refusé malgré les nombreuses pressions, d'occulter celui des arabo-musulmans envers les peuples noirs et qui continue encore en Maurotanie, au Niger et pire encore au Darfour. Et comme le dit Raphael je n'ai pas non plus passé sous silence la collaboration - possible du fait de l'islamisation -, de rénégats africains, monarques ou sujets.
Cordialement
Tidiane N'DiayePosture médiatique
Cher Tidiane N'Diaye,
Il est à votre honneur d'intervenir dans la modeste cour que constitue nos blogs, et c'est une joie pour nous de réaliser que nos propos ont un écho qui peut atteindre les faiseurs d'opinion que vous êtes. Merci de réagir à mon propos.
Tout d'abord, vous remarquerez que mon propos est une réaction à votre passage à la Grande Librairie sans que je n'ai une connaissance de votre bibliographie. Or votre intervention ici est intéressante. Vous soulignez que vous avez déjà produit des travaux sur la traite atlantique, chose qui n'apparait absolument dans la présentation de Busnuel et de votre part.
Ensuite la mise en scène à Gorée est d'une symbolique très forte que vous avez tenu à relever. Pour mieux introduire la relativité des traites. C'est ce que laisse transparaître votre propos.
Pourtant, et c'est surement la raison pour laquelle je lirai votre ouvrage, vous soulevez très bien les connivences liées à l'influence de l'Islam qui empêchent les élites sénégalaises voire africaines à analyser cette question délicate. Question qui met en évidence un racisme rampant entre arabo-berbères et nègres appartenant à la même communauté.
Votre intervention a cependant laissé beaucoup plus transparaître la relativité de ces violences. Cette approche n'est pas anodine quand on sait le débat qui secoue la France sur les questions de l'esclavagisme et de la Traite négrière, et le révisionnisme de certains auteurs français. La manière dont vous avez présenté votre ouvrage dans une émission à forte audience apporte de l'eau au moulin de ce qui veulent faire avancer en France la commémoration et l'enseignement de ces drames de l'histoire française et la construction de certaines populations de ce pays.
Vous ne pouvez pas dire que votre ouvrage n'a pas subi un soutien médiatique. S'il peut arriver qu'on parle du roman africain, vous êtes l'un des rares essayistes africains à avoir eu pignon dans ces médias, comme sur Evene.fr ou France5.
Encore une fois, cela ne remet en cause votre travail. Le débat doit avoir lieu sur le continent sur les compromissions du passé, les collaborations pendant la Traite ou la colonisation n'ont exhumé par les historiens. Mais quand on sort du contexte africain, il faut veiller à ne pas être manipulé.
Bien à vous (non relue)Bonjour Gangoueus
J’espère qu’à le lecture de mes ouvrages précédents, vous aurez réellement l’occasion d’approuver mon objectivité quant aux deux sujets traités. Par ailleurs, le rendez – vous de Gorée m’a été fixé par France 5 du fait que je séjournais par hasard au Sénégal. Ceci plus d’un an après la sortie de cet ouvrage, preuve que ce n’est pas du favoritisme, mais simplement de l’opportunisme de leur part. Ce qui m’a surtout amené à souligner le caractère génocidaire de ce crime du fait du mépris constant de ces peuples envers les Noirs – en citant Ibn Khaldoun -, est le triste constat que j’ai fait en cotoyant beaucoup d’Africains qui me félicitaient pour ce travail. Alors que sur place le débat n’a jamais lieu. Or, tous ceux que j’ai rencontré et qui ont eu à séjourner (Etudiants ou touristes), au Maghreb ou ailleurs en terrains arabes se plaignent et regrettent d’y avoir mis les pieds. Car au Maroc, comme dans le reste du Maghreb, il existe un réel problème de racisme envers les Noirs. « Noirs marocains » ou « Noirs africains », ils n’en restent pas moins des descendants d’esclaves. Qualifiés de « hartani », littéralement « homme libre de second rang » ou plus violemment de « aâzi », que l’on pourrait traduire par « sale nègre », les Noirs du Maroc, qu’ils soient étudiants, migrants, subsahariens et autres, sont victimes chaque jour de discrimination de la part du peuple chérifien.
Voici un extrait du témoignage d’Affet Mosbah ( “Etre noire en Tunisie”, Jeune .Afrique L’Intelligent. n° 2270 : “ Le racisme, dans mon pays, n’est pas un racisme institutionnel (…). Il est social. Il s’éructe dans les rues, il se déploie dans les attitudes, il s’abrite dernière les persiennes, il se fouille dans les regards, il se glousse dans les moqueries. Il est un crachat permanent et camouflé “.
Au Maroc, comme dans le reste du Maghreb, le peuple noir est depuis toujours victime de discriminations. Persécutions, agressions, insultes, injures... sont le lot quotidien des hommes de couleur. Le racisme au Maghreb transforme le quotidien des Noirs qui en sont victimes, en enfer. Mais c’est un racisme qui ne réclame d’aucune idéologie, d’aucune vision du monde, si abjecte soit-elle. C’est un racisme sans militants. Il ne se trouve personne pour le revendiquer et encore moins pour l’expliquer. Pourtant, chaque Maghrébin y a un jour cédé, même sans le vouloir, tellement il imprègne le langage, en se glissant derrière les dictons de grand-mère et les mots les plus ordinaires du dialecte.
Autre témoignage d’un étudiant originaire d’un pays d’Afrique centrale, vivant en Tunisie. Il raconte : “Moi et mes congénères vivons l’humiliation et l’offense dès que nous sortons dans la rue. On se fait traiter de Kahlouch (”nègre”), d’oussif (“esclave”) ou de Kird ( “singe”), comme ça, gratuitement. On voit les gens faire des grimaces à notre passage, se boucher le nez ou rire bruyamment. Je ne suis pas étonné de rencontrer des gens racistes, il y en a dans toutes les sociétés. Ce qui m’étonne plus, c’est la passivité de la “majorité silencieuse”. L’absence de réactions des gens dans le bus ou dans le métro, quand on se fait insulter par des enfants. Les parents ne semblent éprouver aucune gêne quand ils voient leur progéniture nous balancer des noms d’oiseaux. Au contraire, ils en rigolent. Pareil comportement serait impensable dans nos sociétés africaines. Cela me déçoit profondément. Cela ne correspond pas à l’idée que je me faisais du Maghreb. »
Si, en dépit d’une religion commune, ce mépris des Noirs persiste encore dans l’attitude des peuples arabo-musulmans, c’est bien parce qu’il n’y a jamais eu débat sur la question de leurs crimes passés, de la cause et de leurs conséquences actuelles. Seule une telle prise de conscience du phénomène, aurait pu conduire ces peuples à prononcer, comme les Occidentaux, leur aggiornamento voire changer de regard envers des peuples qu’ils continuent de mépriser sans raison. Mais dans le monde arabo-musulman, on n’a jamais privilégié la tradition critique et encore moins celle de l’autocritique, dès lors qu’il s’agit de pratiques non réfutées par l’Islam qui n’a jamais aboli l’esclavage. Et pour certains Arabes, peu importe que l’homme noir soit musulman ou pas. Voilà pourquoi dans cet univers invariablement raciste, les fondements et les conséquences de la traite transsaharienne et orientale entachent les relations interpersonnelles, comme un processus qui se perpétue à travers le temps et les hommes : le Darfour, aujourd'hui ensanglanté, ancien gisement d'esclaves ; le silence des gouvernements arabo-musulmans ou leur totale solidarité avec un El Béchir, pourtant accusé de génocide de populations noires. A ce rythme, on attendra longtemps encore dans cet univers, des Colin Pauwel, Wolé Soyinka ou encore inimaginable : un Barak Obama. Mais si la publication de mes travaux, a permis d’interpeller voire de bousculer durement les intéressés , pour ouvrir un débat pouvant mener à celui affronté par les Occidentaux depuis des décennies, ce ne sera que tant mieux. Car l’histoire ou la connaissance des faits avérés dans un passé aussi sombre soit-il, doit servir à interpréter notre présent, entreprendre l'avenir avec plus de clairvoyance pour un meilleur rapprochement de la grande famille humaine. C’est juste cela mon objectif sans subir aucune manipulation.
Cordialement
Tidiane N’Diaye .Une page édifiante !
C'est avec beaucoup d'attention que j'ai lu votre dernière intervention, cher Tidiane N'diaye. Les témoignages livrés ici me bouleversent profondément. J'aime que les gens parlent de leur vécu. J'aime les éléments d'archives et les témoignages parce qu'ils échappent à la méfiance et au désir de plaire.
Ce qui flétrit mon coeur c'est le mutisme qui couvre l'Afrique entière sur les questions de l'esclavage et du racisme. Jamais je n'ai entendu de dénonciation publique. Aujourd'hui, les pays d'Afrique du Nord abritent des réseaux de passages des Noirs venus du sud du Sahara vers l'Europe. Vivant de ce commerce, les arabes ne peuvent que continuer à traiter les Noirs comme du bétail. Les familles ne peuvent donc que rire des quolibets dont sont victimes les Noirs qu'ils voient quotidiennement. Pour elles, la réalité actuelle est en parfait accord avec les récits du passé concernat les Noirs.Alors vous comprenez mon cher Raphael, pourquoi j'ai titré le dernier chapitre de l'ouvrage "Le syndrome de Stocholm à l'africaine" Tout se passe comme si les Africains qui savent tout cela, se taisent par solidarité religieuse. Et comble des absurdités, nos dirigeants soutienne même El béchir (grand tueur de Nègres devant l'éternel) et mettent un guignol encore plus raciste et méprisant comme Khédafi à la tête de l'UA. Voilà pourquoi Ernesto Guévara, après son court séjour en Afrique, avait confié avec desespoir à un journaliste : avec des dirigeants comme celui-là (il parlait de Kabila comme d'autres d'ailleurs), l'Afrique ne retiendra jamais les leçons du passé et risque encore de connaitre des siècles de servitude.
Cordialement
TidianeAngle d'attaque différent...
Cher Tidiane Ndiaye,
L'angle dans lequel vous répondez, je ne peux qu'approuvez votre propos. Je pourrais d'ailleurs étoffer votre argumentaire par des anecdotes croustillantes que j'ai personnellement vécu en France avec des collègues berbères ou arabes, des dérapages verbaux liés au fait que dans l'inconscient des maghrébins "noirs = esclaves". Du tout chaud, j'en ai plein les tiroirs. Vous savez, il n'y a qu'à voir comment beaucoup de noirs et d'arabes ont grandi dans les mêmes cités et pourtant trouver un petit lascar black ayant pour femme une rebeuh relève du miracle absolu.
Vous avez donc parfaitement raison de produire cette réflexion pour apporter un vrai débat avec nos frères (ennemis?) arabes...
Il n'empêche que ce n'est pas l'orientation qu'a pris votre intervention à la Grande Librairie. Peut-être est-ce le fait de la présentation de Busnuel et de la réalisation de cette émission plaçant le cadre de votre entretien sur Gorée.
Comme je le signalais à St Ralph, je lis actuellement Ségou de Maryse Condé, et le racisme entre correligionaires musulmans y est très présent. La question n'est pas nouvelle? Pourquoi est-elle éluder par l'intelligentsia négro-africaine?
A propos de Ibn Khaldoun, j'étais resté sur ces récits de voyage que Cheikh Anta Diop avait abondamment cité dans son essai L'Afrique noire précoloniale. Découvrir avec vous qu'en rentrant en Andalousie, cet intellectuel arabe avait développé une idéologie raciste m'a beaucoup étonné, puisqu'il a eu le temps d'observer la cour de l'empire du Mali à son faîte.
Encore une fois, Monsieur Tidiane Ndiaye, ma remarque ne concerne que la gestion de cette émission. Pour le reste, croyez que vous m'avez donné envie de lire vos livres... et de les critiquer sur mon blog.
Bien à vous,Mon cher Gangoueus
Vous connaissez les journalistes. Entre ce qu'ils enregistrent - souvent plusieurs fois en votre présence -, et ce que vous découvrez par la suite à l'écran, nous avons toujours des surprises. François Busnel m'a enregistré 45 mn et n'a passé que 5 iminutes de l'entretien, suivant ses propres critères. Et ce n'est pas la première fois. Mais c'est souvent le prix à payer pour voir votre travail montré par les grands médias. Heureusement encore que j'ai la chance d'être publié et imposé par Gallimard. Quant à Cheikh Antan Diop, vérifiez quand même s’il ne s’agit pas de Ibn Batouta qu’il cite et non Ibn Khaldoun. Si vous ne vous êtes trompé cela ne me surprendrait pas. Car en Anthropologue allergique au « mélange idéologie – sciences », je vous avouerais que très jeune, j’ai eu l’occasion de lui notifier de vives voix ce que je pensais d’une partie de ses travaux, lorsqu’il m’a fait parvenir son dernier ouvrage CIVILISATION OU BARBARIE. Hélas pour beaucoup de nos frères africains, particulièrement les Afrocentristes fanatiques, ne veulent pas admettre qu'il a pris quelques aises avec des réalités historiques. Il m’a fallu 23 ans de recherches minutieuses et fatidiques pour arriver à cette conclusion. Le magazine AFRICULTURES vient de publier le résultat de mes travaux, sur les véritables origines de la civilisation égyptienne. Cela me vaut en ce moment les pires attaques d’éminents intellectuels africains.
Voici le lien :
http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=8357
Vous me direz ce que vous en pensez
Cordialement
La grande querelle d'intellectuelle ou d'historiens sur la question de savoir laquelle des traites Arabo-musulmane ou transatlantique a fait le plus de perte à l'Afrique subsaharienne est un sujet qui m'avait beaucoup tenu en haleine en ces moments de grands débats où il était question de commémoration de l'esclavage. Aux propos que je pense erronés de l'historien Olivier Petré-Grenouilleau dans son livre "les traites négrières" dans lequel il chiffre à 17 millions le nombre d'esclaves qu'aurait produit la traite transatlantique contre 17 pour celle Arabo-musulmane, je trouve que c'est un vrai délire!Nul ne peut croire que ce commerce organisé et structuré en industrie par les européens ne puisse pas faire un score aussi explosif que toutes autres traites.je reconnais que la question méritaient cependant d'être posée au vu des différences non négligeables en terme de durée, mais j'ai du mal a avalé la pilule de Petré. je n'ai pas lu le livre que tu nous présentes mais je fais confiance au sérieux et à la rigueur de l'historien pour son soucis de défendre toute vérité historique.
la traite interafricaine,se passe aussi actuellement sous forme de servitude mais les conditions de ces nouveaux esclaves sont dignes d'un esclavage d'un nouveau genre.