Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
12 novembre 2008

Le Rancheador ( journal d'un chasseur d'esclaves)

El_Rancheador                    Le Rancheador

 

          Journal d’un chasseur d’esclaves

 

            J’ai été tout de suite séduit par la qualité de l’introduction du livre faite par Anne-Marie Brenot qui en est également la traductrice. On se rend très vite compte que cette introduction est le travail d’une spécialiste de l’Amérique latine. Son analyse du style du chasseur d’esclaves, celle des détails ayant retenu ou non l’attention de cet employé  témoignent de son habitude à sonder l’histoire des administrations coloniales sud-Américaines ainsi que les habitudes des esclaves.

            Nous savons tous que l’Histoire de l’Amérique latine, et particulièrement celle des îles, est avant toute chose une grande partie de l’Histoire de l’esclavage des Noirs. Mais ce livre qui est le journal d’un chasseur d’esclaves est très original parce qu’il est un rapport d’activité. C’est le rapport d’une activité officiellement reconnue par l’administration coloniale espagnole à Cuba. Cependant, l’auteur  de ce rapport, Francisco Estévez, l’a écrit avec l’intention de se « disculper en cas de médisances et à faire foi devant les autorités en cas de contestations. » Aussi n’hésite-t-il pas à souligner la dangerosité de sa tâche et la célérité dont il fait preuve pour répondre aux sollicitations des planteurs pour qui un esclave qui prend la fuite est un voleur puisqu’il constitue une perte énorme pour son maître.

            Tout en montrant qu’il fait consciencieusement son travail de chasseur d’esclaves marrons  (« Mon unique désire étant leur extermination ») il souligne l’immensité de sa tâche en dévoilant la bravoure et les ruses des esclaves. Il mentionne le nombre de jours qu’il consacre à chacune de ses opérations ou sorties, et il nous découvre par la même occasion que le marronnage n’est pas seulement le fait de quelques esclaves isolés puisqu’il découvre des campements qui comptent jusqu’à 19 cases (p.75), ou d’autres pouvant compter jusqu’à 80 ou 90 personnes (p.68). Le Ranchéador souligne aussi la difficulté qu’il a à trouver des guides, surtout parmi les Noirs libres (p.76).

            Les détails de ce journal montrent à quel point les esclaves qui prenaient la fuite étaient organisés et combien ceux qui restaient docilement dans les plantations étaient majoritairement solidaires de leurs activités nocturnes. Contrairement à ce que l’on croit, les esclaves marrons (en fuite) exerçaient même une pression réelle sur certaines populations blanches qui pour ne pas subir leurs représailles préféraient taire la fuite de leurs esclaves ou la perte des produits de leur élevage ou de leurs champs. Dans ce livre, les dociles esclaves qu’on nous a toujours peints apparaissent des êtres assoiffés de liberté qui sont prêts à tout braver pour la conserver. Ce livre confirme l’idée de certains chercheurs comme Pierre H. Boulle (Race et esclavage dansla France de l’Ancien Régime) et Odile Tobner (Du Racisme Français) qui croient que la multiplication des rebellions des esclavages qui menaçaient l’effondrement du commerce coloniale et la perte des pouvoirs coloniaux ont été les principaux moteurs de l’abolition de l’esclavage. On peut peut-être ajouter que la rencontre de ces rebellions sans cesse renouvelées avec les idées humanitaires de quelques Européens a fait le reste. Plus jamais on ne devrait enseigner aux Africains que l’abolition de l’esclavage est due à la volonté de quelques philanthropes et aux discours persuasifs des intellectuels Européens.

 

Raphaël ADJOBI

 

Titre   : Le Rancheador (journal d’un

             Chasseur d’esclaves)          

Auteur : Francisco Estévez

             ( Traduit par Anne-Marie Brenot)

Editions :Tallandier

Publicité
Commentaires
S
Merci de tout coeur d'être repassée pour me donner de tes nouvelles, Josefina. Si, dos anos después, y no me olvidaste. Très content de te relire.<br /> <br /> <br /> <br /> "...on se heurte parfois à un mur mais il faut continuer de se lancer contre ce mur, inlassablement..." Oui, c'est ce qu'il convient de faire ! Il y a une véritable montagne à abattre pour que l'horizon s'éclaircisse afin que nos vues perçoivent les mêmes histoires de notre passé commun. <br /> <br /> <br /> <br /> Ne désespère pas du résultat de ton travail, ou du moins du jugement qui l'a sanctionné. L'important est de savoir rebondir avec. Ce travail t'a permis de t'intéresser à un pan de l'histire de l'humanité. Il te faudra continuer à le creuser pour le plaisir et éventuellement en faire une arme de combat dans ce monde. Désormais, il n'y a que le public qui pourra te juger. Tes affirmations, les fruits de tes recherches, tu pourras les déverser sans aucne santion officielle, sinon celle du public. <br /> <br /> <br /> <br /> Je compte sur toi, Josefina. Mes écrits sur le net sont pour moi une forme de combat. Je sais que de nombreux textes sont repris par des Internautes ou consultés par des élèves, des lycées et des enseignants. Je viens de faire, dans mon établissement, une exposition sur "Les expositions coloniales". Tout cela constitue ma manière à moi de m'attaquer au mur dont tu parles. <br /> <br /> <br /> <br /> Avec ta permission, je t'embrasse très fort et te souhaite bon courage.
Répondre
J
Bonsoir Raphaël! <br /> <br /> Cette fois-ci, c'est deux ans après ta réponse du 20 mars 2011 que je t'écris pour te dire que la thèse est soutenue depuis le 28 novembre 2011. <br /> <br /> Elle me satisfait si peu que je ne suis pas encore allée chercher mon diplôme de Docteur. <br /> <br /> Il faut que je revienne sur ton blog car j'ai très envie de lire tes articles. <br /> <br /> Tu as vraiment raison et je te rejoins sur le fait que l'histoire officielle est à réécrire totalement!<br /> <br /> Mais on se heurte parfois à un mur mais il faut continuer de se lancer contre ce mur, inlassablement...
Répondre
S
Heureux de te relire deux ans près, Josefina ! Oui, je repasse sur mes anciens articles chaque fois qu'un internaute me aisse un message. <br /> <br /> C'est vrai que certains prétendus abolitionnistes ont largement profité de l'esclavage. En europe, nous savons certainement peu de choses du contenu des archives des Caraîbes. Effectivement, l'histoire oublie les luttes des esclaves, notamment le marronnage qui menaçait constamment l'économie que générait l'esclavage dans cette région du monde. L'histoire oublie ces résistants et c'est injuste. Tu as tout à fait raison, josefina. <br /> <br /> Pour ton travail, je vois que tu es dans la dernière ligne droite. Tu n'es donc pas loin de la fin. Bon courage et tiens-moi au courant de la suite.
Répondre
J
Merci de vos encouragements, je suis toujours sur le métier et je ne sais si j'arriverai au bout c'est ma dernière année. Passez-vous encore sur ce blog, 3 ans après?<br /> L'histoire a fait la part trop belle aux abolitionnistes comme Domingo Del Monte qui vivait des rentes de son beau-père Domingo Aldama, l'un de principaux esclavagistes du XIXe cubain!<br /> C'est le marronage qui a été le ver décisif dans le fruit monstrueux de l'économie de plantation.<br /> Francisco Estévez sera vaincu, on asiste à sa descente aux enfers!
Répondre
S
Merci pour ce bref témoignage. Bon courage pour le travail qui vous attend.
Répondre
Publicité
Publicité