Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

Vous trouverez ici des comptes rendus de lectures livresques concernant essentiellement l'histoire des Noirs d'Afrique et celle des Afrodescendants des Amériques et d'Europe. Les actualités de la diaspora africaine ne sont pas oubliées.

14 janvier 2009

Entretien avec Guy Everard M'Barga

            Entretien avec Guy Everard  M’barga

                                          Auteur du blog

                        « Noirs d’Amérique Latine »

Afin de permettre aux uns et aux autres de mieux connaître des blogueurs africains ou afrodescendants dont les travaux retiennent mon attention, j’ai décidé d’ouvrir une rubrique « Entretien ». Mon premier invité est Guy Everard M’barga, Camerounais, auteur du blog « Noirs d’Amérique Latine ». Merci à Mouélé Kibaya de m’avoir suggéré l’idée.

1. Derrière le blog « Noirs d'Amérique Latine », qui est Guy Everard Mbarga dans le quotidien ?

Guy_Everard_Nvo

J’exerce le métier d’enseignant à Montréal où je vis avec mon épouse et ma fille. Je suis très passionné par la diaspora africaine issue de l’esclavage en Amérique Latine particulièrement, et ayant fait des études en Langues Étrangères, j’en profite pour emmener d’autres, Africains ou afrodescendants francophones principalement, à jeter un œil sur les Afrodescendants d’Amérique Latine dont on parle si peu.

2. Quel intérêt les Africains peuvent-ils tirer des actualités des Noirs d'Amérique Latine que vous traduisez ?

Les intérêts sont multiples, à la fois culturel, spirituel, intellectuel, historique, social, politique et même économique. Nous sommes dans un monde où l’information, avec en plus Internet, permet une plus grande ouverture au monde, à d’autres horizons, à d’autres rêves. Prenons simplement les points de vue intellectuel, culturel, spirituel et historique, il est fort intéressant pour un Africain, un noir de connaître le vécu historique et présent des Afrodescendants. Pourquoi en tant qu’Africain je me préoccuperais plus du sort de telle population au Moyen Orient plutôt que de celui de personnes qui me ressemblent en Amérique Latine. Les télénovelas d’Amérique Latine sont populaires en Afrique, mais à part celles qui parlent de l’esclavage, il y en a très peu qui abordent les problèmes spécifiques vécus par les populations d’ascendance Africaine qui y vivent, soit environ 150 000 000 de personnes. Le blog des Noirs d’Amérique Latine essaie de rendre accessible en Français d’autres informations sur ses populations. L’objectif est en fait de briser le mur linguistique qui existe et qui empêche aux Africains en Afrique d’accéder à cette information. Lorsque les moyens me le permettront, je pense avec d’autres créer un site d’information totalement axé sur cette thématique. Personnellement, avant de m’y intéresser, je savais très peu de choses sur cette population. Mais quand on va en profondeur, ne serait-ce que du point de vue culturel, on en sort avec un plus. En résumé, l’information publiée sur le blog est une première étape pour susciter un intérêt qui me semble à priori naturel. Après, c’est à chacun d’aller plus loin, en décidant par exemple de voyager dans ces pays, d’y aller étudier, de créer des liens culturels, économiques, académiques etc. Au niveau du continent, l’Afrique brille en Amérique grâce à ces afrodescendants et à leurs contributions apportées de l’Afrique et adaptées là-bas. De la même manière que malgré l’image négative de l’Afrique, un grand nombre d’Afrodescendants d’Amérique revendiquent avec fierté leurs origines, les Africains peuvent tirer ne serait-ce que de la fierté pour les multiples accomplissements de cette diaspora dans ce continent. Mon avis est que l’Afrique aurait beaucoup à gagner en (re)créant des liens avec cette diaspora, en la valorisant, en lui octroyant des avantages en Afrique, en la privilégiant par rapport à toute autre population non africaine ou afrodescendante.

3. Vous êtes totalement absent de la communication entre les blogueurs africains. Même les commentaires ne vous font pas réagir ; sauf quand ils viennent du continent américain. Est-ce un choix délibéré ?

Je suis plutôt quelqu’un d’assez discret en général. Si je ne communique pas avec d’autres blogueurs, c’est simplement parce que je ne suis pas sollicité et puis, il faut que ce soit utile. J’essaie de laisser mon travail et les traductions que je mets en ligne communiquer en quelque sorte le message que je souhaite faire passer en tant que blogueur. Concernant les réponses aux commentaires, mon observation des blogs en général me laisse constater que les auteurs ne réagissent pas toujours aux commentaires, et très souvent quand ils le font, c’est pour censurer ou pour avertir. Mon rôle selon moi est de mettre à la disposition des lecteurs intéressés des informations traduites vers le Français et qui sont à priori inaccessibles dans cette langue. La plupart des lecteurs se contentent de lire, d’autres prennent le temps de réagir. Si les gens s’adressent directement à moi ou posent des questions auxquelles je peux répondre, je le fais sans problème. Mais il arrive par exemple que les gens ne se rendent même pas compte que je fais des traductions d’articles et dans leurs commentaires, ils me posent des questions comme s’ils s’adressaient à une personne dont on parle dans l’article. En bref, le choix n’est pas délibéré, c’est juste une façon de faire qui ne résulte pas d’une réflexion stratégique.

4. Quelle idée avez-vous des blogs en général et en particulier ceux tenus par les Africains ?

C’est une question assez difficile, parce que je ne veux pas paraître prétentieux. Le blog que j’anime par exemple ne ressemble en rien à la majorité de ceux qui existent. La plupart des blogs sont liés à l’actualité en général, celle que l’on retrouve dans les grands médias. Les blogueurs ne font qu’ajouter leur opinion. Mais on a l’impression de retrouver la même chose un peu partout. Très sincèrement, je trouve qu’il y a un peu de saturation au niveau des blogs en général. Ils sont très rares les blogs dans lesquels on retrouve une certaine originalité dans le contenu, une thématique qui sort de l’ordinaire. En toute modestie, je suis bien heureux de constater que le mien est radicalement différent à tout point de vue. J’ai vraiment l’impression de ne pas faire la même chose que les autres, je donne très peu d’opinions savantes par exemple. Je pense en bref que les meilleurs blogs sont ceux qui sont originaux, qui traitent de sujets qui ne sont pas les plus populaires, ces sujets là qui font la une de la plupart des grands médias au niveau mondial ou en Afrique par exemple. Je ne veux restreindre la liberté d’être blogueur d’aucun africain, mais je pense que quitte à ce qu’il y en ait plein, il faudrait qu’ils trouvent des formules plus originales pour que ce ne soit pas rébarbatif.

5. Les articles que vous traduisez parlent beaucoup de « la diversité » comme en France. Le besoin d'une plus grande représentation de la minorité afrodescendante dans les paysages social et politique incite-t-il les Latinoaméricains à valoriser la part héritée de l’Afrique ou à vouloir la gommer par une quelconque forme « d’intégration » ?

La question nécessite vraiment l’analyse d’un spécialiste, ce que je ne prétends pas être. Mais, mes observations suite à mes nombreuses lectures me laissent penser subjectivement qu’on retrouve les deux attitudes. Mais, vous savez, quoiqu’il arrive, on a beau vouloir s’intégrer, il y a toujours quelque chose qui fait que vous êtes différent des autres. Malgré les siècles de présence des noirs en Amérique en général, on en est encore à parler de leur intégration.  Simplement parce qu’ils dépendent des autres, de la place que les autres veulent bien leur laisser. Le combat que les noirs mènent aujourd’hui pour se faire une place égale à celle des autres ethnies présentes dans les pays d’Amérique est le même que les premiers esclaves ont mené. C’est dire que malgré la fin de l’esclavage, ils sont toujours à la recherche d’une certaine liberté, ce mot signifiant pour moi le fait de ne pas dépendre totalement de la bonne volonté des autres groupes ethniques du point de vue de l’éducation, de l’emploi, de la place dans la société, du développement économique, académique, intellectuel, culturel et politique. Le problème de leur représentation est assez complexe, et strictement de ce point de vue, ils n’ont pas nécessairement besoin de revendiquer leurs origines africaines. Mais ce qu’on observe c’est qu’il existe de plus en plus de communautés d’afrodescendants qui se regroupent en revendiquant leur statut de minorité afrodescendante, spécifique et qui nécessite une attention particulière des états pour leur permettre de goûter à un mieux être en général. Je dirais qu’actuellement, il est beaucoup mieux en Amérique Latine de revendiquer que l’on est Afrodescendant que de vouloir le cacher ou le gommer. Mais quelque soit l’époque, un grand nombre d’Afrodescendants ont toujours revendiqué haut et fort leur part héritée de l’Afrique.

Entretien réalisé par

Raphaël ADJOBI

Posté par St_Ralph à 12:42 - Portraits, entretiens - Commentaires [13] - Permalien [#]

Commentaires

  • Bien joué St-Ralph.

    Voici une initiative qui rajoute de la valeur ajoutée à ton blog que je prends plaisir à parcourir.J'attends donc les prochains entretiens.

    J'avais découvert ce blog par ton intermédiaire mais j'avoue ne pas avoir trop insisté. Merci pour cette piqure de rappel, et salutations à tous les 2.

    Posté par Djé, 14 janvier 2009 à 13:33
  • Belle réaction !

    Mon cher Djé,
    Merci de tout coeur pour ce que tu viens d'écrire. C'est justement la réaction que j'attendais. Il importe d'accorder un peu plus de temps aux autres pour comprendre ce qu'il peuvent nous apporter.

    Posté par Raphaël ADJOBI, 14 janvier 2009 à 15:00
  • Merci beaucoup ST Ralph

    Je te remercie d'avoir expérimenté l'idée.
    Je souhaite que cela fasse boule de neige et puisse agrandir le cercle.
    Bien à toi St. Ralph.
    Pour revenir à l'entretien notre ami Mbarga (dont j'apprecie beaucoup le site) a raison lorsqu'il évoque notamment la saturation thématique, cela exprime en fait un premier besoin qui est celui de voir s'installer dans nos pays des gouvernances qui accordent plus libertés publiques et privées. Il y a aussi le fait que nous les yeux rivés sur le materiel et le culturel n'arrive qu'en dernière position. Je pense qu'il faut continuer dans les deux directions cad culture et politique.
    Une fois encore merci pour l'interview on apprend des choses.

    Posté par Mouélé Kibaya, 14 janvier 2009 à 23:31
  • J'ai eu l'occasion de visiter le blog de Guy MBARGA. Son travail met en valeur les analyses de G. Bastide qu'ils proposent dans son livre Les amériques noires. Un ouvrage passionnant qui explore les différentes afrodescendances partant de l'Amérique du Sud, des Caraïbes et de l'Amérique du Nord. Il y est question également des survivances culturelles et religieuses africaines en fonction des zones d'origine.
    Par exemple, il fait une belle synthèse des travaux sur l'absence des croyances bantoues plus axées sur le culte des ancêtres, lié à la terre et qui disparait plus facilement du fait de la déportation alors que les groupes ayant un panthéon plus élaboré comme les fons ou les yoruba ont vu certains de leur culte survivre...

    Bref, la singularité du blog de Guy Mbarga est intéressante et elle devrait permettre à beaucoup d'africains de comprendre pourquoi l'équipe colombienne est à 95 % noire )

    @ +

    Posté par Gangoueus, 16 janvier 2009 à 10:58
  • bravo

    Bonjour,
    Bonjour St Raph et Bonne années 2009,
    C’est avec beaucoup de plaisir que lis cette interview et avec joie que je découvre ce blog (Noir D’Amerique latin). Ce Blog est riche et je veux te féliciter pour ton blog et féliciter l’auteur de ce blog qui sont de vrai plaisir culturelle

    Merci 1000 fois

    Olivier N’da
    http://dolindacafe.blogspot.com/

    Posté par olivier n'da, 16 janvier 2009 à 12:39
  • Belle initiative StRalph et quel invité de qualité!
    J'ai connu Marga à travers quelques uns de ses articles cités sur afrikara, avant de découvrir son blog. Je trouve tout à fait louable et peu banal son initiative de nous ouvrir à un monde qui devrait, comme il dit, nous intéresser naturellement mais duquel nous éloigne une barrière linguistique.
    Paix à vous!

    Posté par segou, 18 janvier 2009 à 14:42
  • Merci !

    Merci à tous les deux

    Olivier N'da
    et
    Segou

    pour les mots très chalheureux que vous avez eus pour cet entretien que j'ai réalisé avec guy Everard M'barga dont le blog mérite d'être connu. Oui, Olivier N'da,c'est un plaisir culturel de fréquenter ce blog. Oui, Segou, la barrière linguistique a fini par neutraliser l'intérêt que la vie des Noirs d'Amérique du sud devrait avoir à nos yeux.
    Prenons onc le temps de nous découvrir et enrichissons-nous les uns les autres.

    Posté par Raphaël ADJOBI, 19 janvier 2009 à 21:23
  • Bonne rentrée

    Salut St-ralph, comme tu vois la reprise s'annonce très timidement.Ton idée sur l'entretien avec des blogueurs est génial et le premier est riche en information.un blog intéressant pour en savoir plus.
    Merci pour ce post!

    Posté par mohamed billy, 21 janvier 2009 à 18:53
  • Uen rentrée très timide en effet !

    Bonne rentrée à toi aussi Mohamed billy. Oui, la rentrée est très timide pour presque tout le monde. C'est à croire que les fêtes de Noël et du Nouvel An nous ont beaucoup épuisés.
    A bientôt.

    Posté par St-Ralph, 22 janvier 2009 à 17:49
  • C'est vraiment super cette idée d'interview. Chapeau!!!!!!!!!!!

    Posté par Fatou, 04 février 2009 à 11:40
  • Merci d'être passée

    Merci d'être passée Fatou. Et au plaisir de te relire sur mon blog.

    Posté par Raphaël ADJOBI, 04 février 2009 à 20:28
  • Belle initiative

    Bonjour St-Ralph, je trouve ta démarche utile. C'est par la multiplication des initiatives comme celle ci qu'on finira par créer cette "bulle" qui fera que de l'idée à l'action il ne s'écoulera plus une éternité.

    Je veillerai les prochaines fois à être pro-actif, à arriver à me ménager du temps pour faire plus d'une chose à la fois.

    Posté par Ben, 01 mars 2009 à 19:59
  • La blogossphère africaine...

    Oui Ben, la "bulle" grossit et le contenu des travaux de plus en plus intéressant. Nous gagnerons à nous découvrir les uns les autres. Les idées et les avis des uns peuvent aider les autres à mieux se positionner sur la blogosphère africaine.

    Posté par St-Ralph, 01 mars 2009 à 20:29

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