28 mars 2009
L'audace contagieuse d'Obama
L’audace contagieuse d’Obama
Il est fort plaisant de constater que les dernières élections américaines qui avaient embrasé la terre entière commencent a porter des fruits dans les sociétés multiraciales. Disons-le net, l’audace d’Obama qui fut récompensée de la plus belle des manières a contaminé bien des esprits.
Tout porte à croire que le coin du monde où cette élection de l’homme aux multiples cultures aura le plus d’impact sera sans aucun doute l’Amérique latine. A force de regarder les maux du sous-développement de notre Afrique et nos guerres intestines attisées par les marionnettistes du Nord, nous avons totalement perdu de vue les souffrances de nos semblables noirs dans les Amériques.
Mais à regarder cette partie du monde de plus près, nous nous rendons compte que là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique, des Noirs comme nous portent des boulets semblables aux nôtre et mènent par voie de conséquence le même combat pour la reconnaissance de leur dignité et surtout le droit d’exister dans une société mutiraciale. Il semble en effet que les Noirs vivant dans des sociétés multiraciales se sentent plus concernés que les Africains par l’audace d’Obama au point de se sentir quelque peu galvanisés.
Au Costa Rica, petit pays d’Amérique central de moins d’un demi million d’habitants, dont seulement 3 % de Noirs, l’ex-députée afrodescendante Epsy Campbell a confirmé depuis plusieurs semaines son intention d’être la candidate de son parti (PAC = Parti Action Citoyenne) aux élections présidentielles de 2010. Elle va donc affronter dans une élection interne le fondateur du parti Otton Solis. Quelques quatre mois avant l’investiture d’Obama, cette économiste de 45 ans et consultante internationale avait elle-même écarté l’idée d’être candidate aux élections présidentielles de son pays. Sans doute, Epsy Campbell est devenue plus confiante et se met à rêver que tout est possible ou qu’il faut tout simplement oser comme Obama.
Combien parmi nous savent qu’environ deux millions d’Irakiens ont des racines africaines ? Dans ce pays, jamais les Noirs n’ont eu droit à des postes de pouvoir important, ni politiquement, ni administrativement. C’est sur cette terre d’Europe musulmane, à Zubayr, une ville qui compte 800 noirs, située au sud de Basra, que vit Al Reckayis, un employé municipal. Le 31 janvier 2009, Al Reckayis avait décidé de se présenter aux élections provinciales. Nous ignorons le sort que lui ont réservé les urnes. Mais cette audace dans cet océan d’indifférence et de mépris pour les Noirs propre aux pays arabes mérite d’être soulignée. Notre homme avait reconnu lui-même que c’est l’audace d’Obama qui lui avait donné le courage de se présenter.
En janvier 2009, c’est d’abord par le mépris du silence que l’état et les médias français ont traité la grève guadeloupéenne durant deux semaines. « Quand les Noirs auront faim, ils reprendront le travail. » C’est ainsi que généralement l’état et les patrons Békés répondent aux manifestations sur les îles quand ce n’est pas par les armes comme ils l’ont fait en mai 1967. Mais cette fois, sachant que la France avait encensé l’Amérique qui venait de tourner une page sur la question raciale, le monde entier attendait de voir sa réaction. Les Antillais savaient que leurs îles sont proches des Etats-Unis et qu’ils partagent avec les Noirs de ce pays la soif de reconnaissance et de justice. Et puisque le monde entier regardait vers l’Amérique en ce mois de janvier 2009, ils étaient aussi regardés. Réprimer dans le sang une grève contre les restes de l’esclavages quelques jours après l’investiture d’Obama, la France n’a pas osé. Comme a son habitude, le remuant Sarkozy a d’abord refusé ce que les patrons békés acceptaient d’accorder aux grévistes pour ensuite se rendre compte qu’originaire de l’Europe de l’Est, il est ignorant d’un pan de l’histoire de la France qu’il lui faudra apprendre à gérer. La grève antillaise commencée le 20 janvier 2009, date de l’investiture du 44 è président des Etats-Unis, dura 44 jours. Tout un symbole.
Raphaël ADJOBI
(Les informations recueillies sur Epsy Campbell et Al Reckayis viennent du blog Noirs d’Amérique Latine)
Le dessin est de Wiaz, publié dans le Nouvel Observateur.