Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

Vous trouverez ici des comptes rendus de lectures livresques concernant essentiellement l'histoire des Noirs d'Afrique et celle des Afrodescendants des Amériques et d'Europe. Les actualités de la diaspora africaine ne sont pas oubliées.

18 avril 2009

Afrique : l'expansion de la téléphonie mobile, un anneau d'or au doigt du lépreux

          Afrique : l’expansion de la téléphonie mobile

 

                      un anneau d’or au doigt du lépreux

 

T_l_pnonie

 

            La floraison du téléphone mobile en Côte d’ivoire est un phénomène remarquable mais nullement surprenant. Elle est à la fois le signe d’un besoin réel de communiquer plus aisément mais aussi l’expression de la carence des pouvoirs publics face à ce besoin. La situation de la Côte d’Ivoire n’est sans doute pas différente de celle du Sénégal, du Mali, du Togo du Cameroun ou des deux Congo.

            En une décennie, la Côte d’Ivoire est devenue un marché juteux pour les opérateurs français qui l’ont totalement inondée de toutes les innovations technologiques en matière de téléphone mobile. Aujourd’hui, il est rare de trouver une famille où aucun membre ne possède ce petit appareil. On pourrait se réjouir de cet engouement et conclure à un véritable saut dans l’ère moderne. Malheureusement, il convient de constater que cette extraordinaire expansion de la téléphonie mobile cache un taux d’équipement absolument faible en téléphones fixes. Et dans ce dernier domaine, les gouvernants ont fait preuve d’un manque d’appréciation inadmissible en matière de développement. Jamais, rien n’a été fait pour couvrir le pays de cet élément de communication qui est reconnu dans les pays avancés comme essentiel aux progrès économiques, administratifs, et même sociaux. En un mot, un formidable moteur de développement national.

            En Côte d’Ivoire, et sans doute ailleurs dans les pays cités plus haut, le téléphone fixe demeure toujours un objet de luxe, non point parce que l’on n’en veut pas, mais parce qu’il est peu fiable et une source de conflits avec l’administration. Une installation avec des délais délibérément trop longs qu’il faut écourter en corrompant les administrateurs locaux ; une facturation aléatoire qui peut vous plonger du jour au lendemain dans un conflit sans fin avec l’opérateur national ; un service après vente inexistant. Force est de reconnaître que tout cela n’est guère engageant. Par ailleurs, jamais l’état n’a eu la ferme volonté de développer le réseau du téléphone fixe ; jamais d’incitation à l’acquisition de cet outil par une quelconque campagne qui en montre la nécessité vitale ; jamais la volonté de faciliter son accès à la population.

           Alors bien sûr, l’avènement du téléphone mobile est vite apparu comme le moyen idéale de se libérer des problèmes administratifs et financiers avec l’état et lui tourner définitivement le dos. Désormais, les usagers savent ce qu’ils consomment. Très vite, ont fleuri sur tous les trottoirs des villes et des villages - même parfois les plus éloignés - des kiosques téléphoniques. De petits commerçants ont supplée la carence de l’état en montrant par cette couverture extraordinaire du pays le réel besoin des populations en matière de communication plus rapide et sûre. Personne ne peut donc nier que les Ivoiriens étaient dans le besoin ; un besoin que l’état ne satisfaisait pas parce qu’il ne le prenait pas en compte dans son programme de développement.

La conséquence d’un tel état de chose est inévitablement la fracture numérique avec les pays avancés. Le faible taux de connexion à Internet en Côte d’Ivoire est dû en premier lieu à l’absence d’un réseau téléphonique fixe conséquent. La légèreté des bourses et le véritable intérêt des usagers pour cet outil ne seront pris en compte dans ce faible taux de connexion que lorsque les moyens techniques préalables seront disponibles. D’autre part, on peut constater qu’une fois encore la Côte d’Ivoire – comme d’autres pays africains – brûle les étapes du progrès technique perdant ainsi le contrôle de son propre développement. Le téléphone mobile apparaissant ainsi comme l’anneau d’or au doigt du lépreux.

En attendant donc que l’état ivoirien – et sans doute les autres états africains – comprenne qu’il y a un véritable marché qu’il peut conquérir, ce sont les opérateurs étrangers de téléphonie mobile qui se frottent les mains le sourire aux lèvres.                           

 

Raphaël ADJOBI

 

Posté par St_Ralph à 17:20 - Actualités Monde - Commentaires [9] - Permalien [#]

Commentaires

  • Le constat ets bien établi. L'analyse nous situe très bien. Les entreprises (dites) "nationales" (elles n'appartiennent pas forcément à la Nation)se sont rendues compte qu'elles ont échoué dans l'expansion du téléphone fixe dans les zones les plus réculées. Et là où elles ont échouées, la téléphonie mobile est en train (fortement) de réussir. J'étais en décembre dernier dans un village dans le nord du pays et j'ai pu consulter mes mails via mon téléphone avec mon crédit d'appels. Inovation ! oui... Mais l'entreprise leader de la téléphonie fixe veut donc controler le flux des nouvelles compagnies mobiles. C'est d'ailleurs pour cela qu'en Côte d'Ivoire, Côte d'Ivoire télécom à un pourcentage sur le prix des appels. Je trouve que c'est abérant. L'autonomie n'existe pas encore. Mais elle viendra à coût sûr.
    Une chose est sûr, les popualtions (rurales comme citadennes) se réjouissent de pouvoir être sur la première marche de l'échelle de connexion au monde. Le mobile. Bientôt, j'en suis sûr on franchira le deuxième pas: "Internet".

    Posté par Yoroba, 26 avril 2009 à 13:36
  • " La charrue avant les boeufs "

    N'est-ce pas par le téléphone fixe qu'il fallait commencer ? Je crois que si. C'est ce que l'on appelle mettre la charrue avant les boeufs. Pour développer Internet, c'est par le fixe qu'il faut commencer. S'abonner au net par le mobile seul coûte les yeux de la tête ; même en France. Sa réussite en Côte d'Ivoire n'aidera pas au développement de l'Internet. S'il y a une réelle volonté de développer Internet en Côte d'Ivoire, il faut parallèlement une réelle volonté de mettre le téléphone fixe à la portée du plus grand nombre.
    Le téléphone fixe n'a pas seulement échoué dans les zones reculées comme tu dis. Le parc du fixe est absolument faible dans toutes les villes de Côte d'Ivoire ; même à Abidjan, le taux d'installations est absolument faible.

    Posté par St-Ralph, 26 avril 2009 à 20:30
  • Il faut donc je crois, trouver le moyen de contourner "l'indispensable" fixe (qu'on utilise pour installer internet) pour développer le réseau Internet. Je ne sais pas trop comment c'est possible. Aujourd'hui les téléphonies mobiles offrent des pistes. Il existent des connexions mobiles. - A vrai dire ce n'est pas aussi chère qu'on le crois. Il y a des entreprises par exemple qui font payer la connexion en illimitée à 10 000 francs par mois. Comparé aux 20 000 f cfa mensuel de Aviso... - A mon avis il faut aller dans ce sens. "Les entreprsies de fixe" doivent comprendre que l'époque du monopole est révolue. La toile s'aggrandit et ce avec ou sans les fixes.

    Posté par Yoroba, 26 avril 2009 à 22:53
  • importance de l'accès à la communication

    Il ressort de ces commentaires que notre problème en Côte d'Ivoire, c'est que les gouvernants soient moins frileux et facilitent l'accès à la communication.C'est vrai que nos sociétés ne nous appartiennent véritablement pas , mais nous avons au moins le pouvoir de la négociation des marchés.Cela pour dire que nos gouvernants peuvent faire ressortir les priorités pour leurs populations.
    L'éclosion de la téléphonie cellulaire s'est faite de la même façon que celle des antennes satellites; la signification d'une insuffisance face au besoin.Si la volonté avait été de permettre aux populations de pouvoir échanger, la téléphonie filaire aurait couvert nos zones reculées.
    J'ai passé 10 années à Divo ( 1998 à 2009)la réception de la seule chaîne de télévision sur les deux pour lesquelles on nous prélève la redevance, a toujours été laborieuse, car l'antenne fonctionne au gasoil.Ici à Bouaké je préfère rester sur internet.
    Quant j'entends Yoro me dire que il a pu lire ses mails grâce au cellulaire , c'est bien, mais dans l'objectif du développement , devrait-il en être ainsi?

    Posté par hilaire KOUAKOU, 27 avril 2009 à 10:21
  • A vérifier...

    Il me semble, mon cher Yoro, que tu bénéficies de la même connexion que moi. J'ai un Iphone qui me permet de lire mon courrier électronique et surfer depuis n'impote quel lieu du territoire français et peut-être même du monde. Et pour cela je paie aussi 10 000 fr cfa (14,99 €). Mais cet abonnement est en supplément de mon contrat internet fixe ! Et je pense aussi que c'est ton cas. Mais si je choisis de bénéficier d'un abonnement en illimité via internet avec possibilité de connexion en tous lieux (Net everywhere avec clef 3G), il me faut débourser 50 € par mois soit 33 000 fcfa.
    Comme dit Hilaire, c'est aux gouvernants d'indiquer aussi les priorités du pays dans les contrats qu'ils signent avec les fournisseurs. Il faut absolument que l'état ivoirien fasse des effort pour revoir sa politique plutôt que de se rejouir de l'expansion du portable. Le portable pour la communication, c'est parfait. Mais pour le net, tant que le fixe ne sera pas généralisé, nous serons à la traîne.
    D'autre part, j'ai lu sur Ivoireconnexion, il y a quelque jour, les propos d'un certain louKou Michel qui s'énervait de voir une association ivoirienne s'inquiéter de l'implantation d'une anntenne de téléphone. Ses propos étaient pleins de certitudes comme tous les défenseurs des intérêts des Français. L'article a disparu du Net. Mais j'avais fait savoir que cet homme était un ignorant de la question des dangers des ondes. Cette question est d'ailleurs devenue une préoccupation nationale au point que pendant un mois se tiendront les consultations du Grenelle des ondes provoqué par les inquétudes des Français. Ce M. Loukou Michel dit que des médecins français ont produit des documents attestant la non nocivité des antennes téléphoniques. Qu'ils sachent qu'en France personne ne fait confiance aux affirmations des scientifiques devant les nombreuses personnes qui témoignent des nombreux troubles dont ils sont les victimes depuis l'installation d'une antenne téléphonique près de chez eux. La problème est devenu tellement sérieux qu'orange est souvent sommé de démonter ses antennes. Le grenelle tentera de mettre un peu d'ordre dans l'implantation de ces antennes.
    Les africains qui n'ont pas les moyens de contrôler les Européens qui ne cherchent qu'à faire du commenrce devraient se monter plus méfiants.

    Posté par St-Ralph, 27 avril 2009 à 15:16
  • Ici lorsqu'on touche aux questions des méfaits de produits ou de technologies sur la santé, la première des choses c'est de dire cela est faux.C'est vrai que nous n'avons pas de structure de contrôle, raison pour laquelle il faut être très méfiant et prendre du recule avant de prendre position (surtout que souvent c'est uniquement pour protéger son pain immédiat).
    Pour la communication en côte d'Ivoire , trop de personnes en veste-cravate aiment à dire que tout viendra à temps;
    oui, mai le monde avance et nous sommes dans l'obligation d'échanger avec

    Posté par hilaire KOUAKOU, 29 avril 2009 à 09:46
  • Dans la presse française...

    La semaine dernière, presque tous les quotidiens français ont conscacré une page au problème des antennes de téléphones portables. Dans son édition du jeudi 23 avril 2009, en page 4, le journal LE MONDE titrait : Un " Grenelle des ondes " en écho à l'inquiétude. Alors que tout le monde est dans le doute et multiplie les mises en garde et les précautions d'utilisation des portables, les africains doivent se montrer prévoyants en veillant à implanter les antennes pas trop près des habitations. En Afrique, même dans nos villes, il y a parfois des zones de quelques mères désertes. Dans les villes Européennes, cela est souvent difficilement trouvable. Il faut savoir tirer profit de l'avantage que nous offre notre retard dans l'urbanisation de nos cités.

    Posté par St-Ralph, 29 avril 2009 à 23:20
  • Je ne comprends pas bien

    pourquoi ceci est vrai: ""Le faible taux de connexion à Internet en Côte d’Ivoire est dû en premier lieu à l’absence d’un réseau téléphonique fixe conséquent.""

    Je ne vois pas en quoi Internet aurait utilisé la téléphonie fixe et son réseau. Il me semble que ce n'est le cas nulle part.

    Posté par oniN, 30 avril 2009 à 10:23
  • C'est plutôt moi qui suis surpris !

    OniN,
    c'est plutôt moi qui suis surpris de lire que nulle part Internet n'a besoin du téléphone fixe. J'ignore comment est faite ton installation Internet, mais en ce qui me concerne, je ne connais personne en France qui dispose d'Internet uniquement par clef 3G ou uniquement via le téléphone mobile. La connexion par la clef 3G est récente et elle est loin de se généraliser compte tenu du prix. Mis à part cette possibilité qu'utilisent quelques rares personnes en Europe, tout le monde a besoin d'une installation de téléphone fixe pour pouvoir bénéficier d'Internet. N'est-ce pas ton cas ? Ton modem ou Ta livebox n'est-elle pas connectée à ton téléphone fixe ? J'aimerais bien alors que tu m'expliques comment se font les installations en Côte d'Ivoire. Je ne demande qu'à apprendre.

    Posté par St-Ralph, 30 avril 2009 à 18:43

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