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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
30 avril 2009

Enquête sur le racisme au Vatican : Et si Dieu n'aimait pas les Noirs ?

                   Enquête sur le racisme au Vatican

                Et Si Dieu n’aimait pas les Noirs ? 

 

Le_vatican_et_les_Noirs

 

            Il vous est certainement déjà arrivé de saisir un beau fruit, d’admirer sa belle robe puis de mordre avec délectation dans sa chaire pulpeuse. Mais tout à coup, l’éloignant de vos lèvres pour mieux apprécier sa texture, vous crachez précipitamment et avec horreur la précieuse bouchée au moment même où vos yeux exorbités découvrent avec stupeur mille vers grouillant à l’intérieur de ce qui était quelques secondes auparavant un fruit adoré. Je me permets cette image pour faire comprendre combien j’ai été bouleversé, horrifié à la lecture du livre des journalistes Serge Bilé et Audifac Ignace. Sous les ors du Vatican, je découvre le racisme qui me fait repousser loin de moi cette institution.

            Certes, ordinairement chacun s’imagine des choses pas très « catholiques » au sein de l’Eglise Romaine. Je suis de ceux qui ne lui « donneraient pas la communion sans confession » au regard de l’Histoire, même si je n’ai pas la pleine connaissance de tous ses méfaits. Cependant, j’étais loin de m’imaginer que cette église apparemment au-dessus de tout soupçon en matière de racisme depuis un demi siècle est infectée de ce racisme ordinaire que l’on rencontre dans les administrations civiles, dans les clubs de sports, dans les lieux de fêtes, dans la vie quotidienne avec ses voisins. Oui, ce racisme ordinaire et quotidien en France, en Italie ou ailleurs en Europe existe bel et bien à tous les étages au Vatican.

            Vous découvrirez en effet en lisant ce livre combien les prêtres et les Evêques Européens, dans le saint lieu de l’Eglise Catholique, c’est à dire au Vatican, font subir à leurs pairs africains les mêmes humiliations dans les mêmes termes que le racisme dont font montre les Européens ordinaires à l’encontre des Noirs dans les bus, aux guichets lors de la recherche d’un emploi, dans une administration de demande de logement. Vous découvrirez que, semblables à n’importe quel étudiant africain sans bourse en Europe, des prêtres africains étudiant au Vatican mendient ou travaillent pour pouvoir poursuivre leurs études qu’ils ne terminent parfois pas. D’autres sont sans papiers et vivent dans la clandestinité parce que voulant terminer leurs études contre l’avis du Vatican. Vous découvrirez comment des religieuses africaines envoyées dans ce saint lieu pour palier la crise des vocations chez les Europénnes sont obligées de se prostituer avec des prêtres et des civiles italiens pour pouvoir vivre au quotidien. Qui aurait imaginé que, vivant dans le dénuement total,  vendre ses charmes aux policiers italiens et autres civiles est une pratique ordinaire chez les religieuses africaines du Vatican ? Qui aurait imaginé que les religieuses africaines sont en fait des domestiques dans les couvents italiens ? Ce livre fait d’entretiens et de témoignages de religieuses et religieux noirs pourraient vous bouleverser autant que moi.

            Outre les entretiens, Serge Bilé et Audifac Ignace remontent dans l’histoire pour expliquer pourquoi le racisme au sein de l’Eglise Catholique est une véritable institution qui l’empêche de réaliser - au niveau de la papauté – ce que les Etats-Unis ont fait en choisissant barack Obama comme président. Les derniers chapitres de ce livre nous apprennent beaucoup sur les relations du Vatican avec le monde noir depuis le début du christianisme. De brefs portraits très intéressants de certains Papes et leurs positions vis à vis des Noirs retiendront l’attention du lecteur. En clair, au vu de l’histoire, le Vatican n’a jamais su s’éloigner de façon radicale du racisme populaire italien qui, en toutes circonstances, tente de contrôler par des pressions cette institution catholique.

            Ce livre est publié depuis janvier 2009 et je suis surpris que les témoignages qu'il contient n'ébranlent absolument pas la presse française. Le racisme est-il devenu chose si ordinaire que lorsqu'il touche le milieu religieux il laisse indifférent ? Des religieuses qui avouent être contraintes de se prostituer à cause des mauvais traitements qu'elles subissent au sein de leurs congrégations italiennes ne méritent-elles aucune attention ? Dans quel monde sommes-nous donc parvenus ?    

 

Raphaël ADJOBI

 

Auteurs : Serge Bilé / Audifac Ignace

Titre : Et si Dieu n’aimait pas les Noirs ?

     (Enquête sur le racisme aujourd’hui au Vatican)

Editeur : Pascal Galodé

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18 avril 2009

Afrique : l'expansion de la téléphonie mobile, un anneau d'or au doigt du lépreux

          Afrique : l’expansion de la téléphonie mobile

 

                      un anneau d’or au doigt du lépreux

 

T_l_pnonie

 

            La floraison du téléphone mobile en Côte d’ivoire est un phénomène remarquable mais nullement surprenant. Elle est à la fois le signe d’un besoin réel de communiquer plus aisément mais aussi l’expression de la carence des pouvoirs publics face à ce besoin. La situation de la Côte d’Ivoire n’est sans doute pas différente de celle du Sénégal, du Mali, du Togo du Cameroun ou des deux Congo.

            En une décennie, la Côte d’Ivoire est devenue un marché juteux pour les opérateurs français qui l’ont totalement inondée de toutes les innovations technologiques en matière de téléphone mobile. Aujourd’hui, il est rare de trouver une famille où aucun membre ne possède ce petit appareil. On pourrait se réjouir de cet engouement et conclure à un véritable saut dans l’ère moderne. Malheureusement, il convient de constater que cette extraordinaire expansion de la téléphonie mobile cache un taux d’équipement absolument faible en téléphones fixes. Et dans ce dernier domaine, les gouvernants ont fait preuve d’un manque d’appréciation inadmissible en matière de développement. Jamais, rien n’a été fait pour couvrir le pays de cet élément de communication qui est reconnu dans les pays avancés comme essentiel aux progrès économiques, administratifs, et même sociaux. En un mot, un formidable moteur de développement national.

            En Côte d’Ivoire, et sans doute ailleurs dans les pays cités plus haut, le téléphone fixe demeure toujours un objet de luxe, non point parce que l’on n’en veut pas, mais parce qu’il est peu fiable et une source de conflits avec l’administration. Une installation avec des délais délibérément trop longs qu’il faut écourter en corrompant les administrateurs locaux ; une facturation aléatoire qui peut vous plonger du jour au lendemain dans un conflit sans fin avec l’opérateur national ; un service après vente inexistant. Force est de reconnaître que tout cela n’est guère engageant. Par ailleurs, jamais l’état n’a eu la ferme volonté de développer le réseau du téléphone fixe ; jamais d’incitation à l’acquisition de cet outil par une quelconque campagne qui en montre la nécessité vitale ; jamais la volonté de faciliter son accès à la population.

           Alors bien sûr, l’avènement du téléphone mobile est vite apparu comme le moyen idéale de se libérer des problèmes administratifs et financiers avec l’état et lui tourner définitivement le dos. Désormais, les usagers savent ce qu’ils consomment. Très vite, ont fleuri sur tous les trottoirs des villes et des villages - même parfois les plus éloignés - des kiosques téléphoniques. De petits commerçants ont supplée la carence de l’état en montrant par cette couverture extraordinaire du pays le réel besoin des populations en matière de communication plus rapide et sûre. Personne ne peut donc nier que les Ivoiriens étaient dans le besoin ; un besoin que l’état ne satisfaisait pas parce qu’il ne le prenait pas en compte dans son programme de développement.

La conséquence d’un tel état de chose est inévitablement la fracture numérique avec les pays avancés. Le faible taux de connexion à Internet en Côte d’Ivoire est dû en premier lieu à l’absence d’un réseau téléphonique fixe conséquent. La légèreté des bourses et le véritable intérêt des usagers pour cet outil ne seront pris en compte dans ce faible taux de connexion que lorsque les moyens techniques préalables seront disponibles. D’autre part, on peut constater qu’une fois encore la Côte d’Ivoire – comme d’autres pays africains – brûle les étapes du progrès technique perdant ainsi le contrôle de son propre développement. Le téléphone mobile apparaissant ainsi comme l’anneau d’or au doigt du lépreux.

En attendant donc que l’état ivoirien – et sans doute les autres états africains – comprenne qu’il y a un véritable marché qu’il peut conquérir, ce sont les opérateurs étrangers de téléphonie mobile qui se frottent les mains le sourire aux lèvres.                           

 

Raphaël ADJOBI

 

14 avril 2009

La Pensée noire (les textes fondamentaux)

Les textes fondamentaux de la pensée noire

Pens_e_Noir__LE_POINT            C’est avec plaisir que j’ai découvert le vingt-deuxième numéro Hors-série de l’hebdomadaire Le point qui vient de paraître. Dans ce dernier numéro, Le Point offre au public l’occasion de découvrir les textes fondamentaux de la littérature et de la pensée noires du 18 è siècle à nos jours.

            Pour introduire ce dossier, la revue donne la parole à quelques éminents enseignants d’Université tels Souleymane Bachir Diagne (Université de Columbia, originaire du Sénégal), Romuald Fonkoua (Université de Strasbourg), Françoise vergès (Université de Londres) auteur du livre d’entretiens avec Aimé césaire (Nègre je suis, nègre je resterai / Albin Michel). Puis la revue donne des clés de lecture (présentation de la personnalité suivie d’un extrait d’œuvre) pour aborder une série d’auteurs, de Olaudah Equiano (1745-1797) et Toussaint Louverture à Derek Walcott et Edouard Glissant en passant par Louis Delgès, Frederick Douglass, Marcus Garvey, Richard Wright, Cheikh Anta Diop, James Balwin, Wole Soyinka, Léopold S. Senghor, Toni Morrison, Aimé Cessaire et bien d’autres. En tout une vingtaine d’écrivains ou penseurs noirs auxquels s’ajoutent les figures illustres des combats modernes dont les plus connus sont Frantz Fanon, Nelson mandela, Malcom X, et Martin Luther King. Figurent également dans cette dernière étude Kwamé Nkruma , l’Américain Louis Farrakhan (que je découvre), et le chantre du rastafarisme Bob Marley.

            Ce numéro du Point sera un précieux auxiliaire pour tous ceux qui sont désireux de connaître les Noirs qui, par leurs écrits ou leurs combats théorisés ont contribué à forger une pensée autour de l’esclavage, de la colonisation et de la lutte pour la dignité de l’homme noir. 130 pages qui présentent de belles pistes de lecture. J’ai été pour ma part très heureux de découvrir des figures littéraires que j’ignorais totalement.

Raphaël ADJOBI

Le Point, Hors-série n° 22, Avril-Mai 2009.

Prix : 6,50 € / 5000 f cfa.

(Pour commander : Le Point, Libre réponse 29606.

75482 Paris Cedex 10)

3 avril 2009

Des nègres et des juges ou La scandaleuse affaire Spoutourne

Des_n_gres___des_juges     Des nègres et des juges

                            ou

la scandaleuse affaire Spoutourne

                                              

            C’est ici l’histoire de la scandaleuse affaire Spoutourne du nom de la plantation martiniquaise où se sont déroulés les événements dont le livre retrace le procès.

            Les faits : La plantation Spoutourne appartenant à une veuve installée en métropole est gérée par le sieur Vermeil qui a tout autorité pour diriger le travail des esclaves. Aux dires de ceux-ci, l’homme serait devenu violents après son mariage et n’a cessé depuis lors de multiplier les sévices à leur encontre. Ce qu’il n’était point quand il fréquentait une négresse. Abusant de son pouvoir, il lui plaisait pour un oui pour un non de fouetter un esclave jusqu’au sang ou le mutiler, enfermer plusieurs d’entre eux dans une pièce minuscule où ils les laissait à la limite de la mort par asphyxie. Il abandonna un jeune Noir, qu’il venait de faire fouetter à mort, attaché nu sur une plage. Des crabes lui dévorèrent les parties intimes durant la nuit. Devant tant d’injustices et de mauvais traitements, une délégation de douze esclaves se rendit  au bureau du nouveau juge de la Martinique à la suite de nouvelles violences. Puis ce fut tous les esclaves de la plantation – certains en sang - qui se présentèrent pour demander la fin des injustices et cruautés. Le juge convoqua le sieur Vermeil pour l’entendre et lui fit quelques reproches sur sa mauvaise gestion.

            Analyse et réflexions : Contrairement à la révolte violente qui est la forme de revendication attendue par les colons, cette tentative faite par un atelier d’esclaves d’utiliser les institutions coloniales pour tenter d’obtenir une amélioration de leur sort était si originale à l’époque qu’elle apparut une véritable bizarrerie aux yeux des Blancs de l’île. D’autre part, un juge métropolitain qui accepte non seulement de recevoir les plaintes des esclaves mais encore de leur donner suite en convoquant le géreur de l’habitation Spoutourne puis en adressant des courriers aux diverses autorités compétentes, voilà qui perturbe l’habituel rapport des forces et exaspère les colons prêts à tout pour sauvegarder leurs intérêts et leur pouvoir dans les colonies.

            Le livre de Caroline Oudin-Bastide tente d’analyser les documents publics et privés de ce procès inédit au centre duquel six des douze esclaves de la délégation du 8 février 1831 apparaîtront le plus souvent comme le prétexte de règlement de compte entre les colons et les administrateurs métropolitains affectés dans les îles. En clair, ce livre montre comment les colons ont oeuvré durant des années, des siècles, à faire en sorte que les lois de la République ne puissent jamais s’appliquer dans les Antilles françaises ; comment ils tentent toujours de convertir les nouveaux arrivants à leur ordre esclavagiste ; comment ils manœuvrent constamment pour discréditer et faire chasser tous les nouveaux arrivants chargés d’exercer un quelconque pouvoir qui rappellerait la métropole. La seule façon de leur plaire « consiste à leur donner gain de cause quand ils ont tort, lorsqu’ils ont des procès avec les gens de couleur. » Aussi, c’était bien souvent un Conseil privé de la Martinique, formé par les colons, qui jugeait les affaires à la place d’un vrai tribunal de juges venus de la métropole. Cyrille_Bisset_2

            Aujourd’hui, au regard de certains événements récents, je me dis qu’il est tout à fait inadmissible qu’un peuple connaissant l’injustice pratiqué par ses aïeux soit aussi inconscient devant les injustices actuelles. D’autre part, il serait bon que les Noirs scrutent les pages de l’histoire qui dorment dans les archives et réveillent la mémoire de leurs ancêtres qui se sont dressés contre la barbarie de l’esclavage et du colonialisme et leurs tressent les lauriers usurpés par la longue liste des prétendus abolitionnistes blancs qui ont plié l’échine devant leur combat. Parmi eux, il faut compter Cyrille Charles Auguste Bissette qui, obligé de quitter l’île pour la métropole n’a pas manqué de suivre l’affaire en qualité de mandataires des hommes de couleurs de la Martinique, comme il se définissait lui-même.

 

Raphaël ADJOBI   

Titre   : Des nègres et des juges

 

            La scandaleuse affaire Spoutourne

 

            (1831-1834)

 

Auteur : Caroline Oudin-Bastide

 

Edition : Editions Complexe

 

              (Collection : De source sûre)

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