10 juin 2009
De la Françafrique à la Mafiafrique
De la Françafrique à la Mafiafrique
Voilà un petit livre qui me permet de découvrir François-Xavier Verschave que je n’avais jamais lu. Ce texte est la retransmission par Judith Cypel de son exposé-débat qui a eu lieu le 3 décembre 2003 à l’espace Renaudie d’Aubervilliers (Seine-Saint-denis).
Il est ici question de la naissance et du fonctionnement, depuis 1960, des relations franco-africaines connues désormais sous le vocable Françafrique puis de son évolution en système mafieux généralisé que le conférencier appelle Mafiafrique. Délibérément, François-Xavier Verschave parle plus du rôle de la France que de celui des gouvernants africains. Cependant, le lecteur comprend clairement que ce système fonctionne exactement de la même manière qu’aux temps de l’esclavage avec la criminalité financière en plus.
Cette analyse de la mise en place de la Françafrique est très intéressante ; surtout le rappel des figures illustres africaines qui voulaient la vraie indépendance promise officiellement. On retiendra aussi les techniques employées par la France pour la mettre en oeuvre : envoyer des soldats très efficaces déguisés en mercenaires pour que la France ne soit pas responsable de ce qui se passe ; affaiblir un pays pour qu’il vende moins cher son pétrole ou autre exploitation en finançant militairement l’opposition et le pouvoir en place,
comme en Angola ; organiser des coups d’état comme la réinstallation de Sassou Nguesso au pouvoir (p.29-32 ; lecture vivement recommandée) ; pratiquer la désinformation pour que le peuple français ne perçoive rien des fourberies politiques et financières. Edifiants !
Mais où va l’argent que toute cette politique de mainmise et de destruction apporte aux acteurs français de la Françafrique ? C’est à cette question que répond la deuxième partie de l’exposé. Eh bien, dit François-Xavier Verschave, cette situation permet aux « plus grandes banques françaises d’avoir la moitié de leurs comptes non déclarés dans les paradis fiscaux. » En d’autres termes, cet argent alimente des caisses illicites et permet aux gouvernants français de faire ce qu’ils veulent : financer leurs partis, faire des coups d’état…
A voir de près, cet exposé montre l’antagonisme existant dans le monde entre d’une part la construction de biens publics que tentent de réaliser les états et d’autre part la criminalité financière qui passe son temps à détruire cette construction par la sauvegarde des paradis fiscaux, ces « pays vassaux, serviteurs de finance parallèle ». Ceux-ci sont en effet un pan économique non négligeable des grandes banques qui par ce biais échappent aux fiscs nationaux , c’est à dire à la contribution ordinaire au fonctionnement des états.
En annonçant ce 3 décembre 2003 que, dans cinq ans, les paradis fiscaux constitueront un drame pour les conquêtes sociales (p.46-47), le public qui écoutait François-Xavier Verschave ce jour-là ne pensait pas entendre un discours prémonitoire. Mais la crise mondiale va lui donner raison en éclatant à la face du monde dans la deuxième moitié de 2008 et au début de 2009. C’est à dire, exactement cinq ans après ! Aujourd’hui, les paradis fiscaux qu’il pointait du doigt en 2003 sont au centre des débats des nations.
Afin de mieux saisir la complexité des réseaux françafricains, il me faudra lire d’autres ouvrages de l’auteur. Grâce à ce petit livre, la face immergée de l’iceberg que constitue ce système semble prendre une dimension plus grande encore puisqu’elle révèle la face financière qui rejoint un fonctionnement de la finance mondiale. Un peu étourdissant tout cela mais passionnant. Un petit livre à lire et à relire. Le détail de la photo est aussi à regarder.
Raphaël ADJOBI
Auteur : François-Xavier Verschave
Titre : De la Françafrique à la Mafiafrique (69 pages)
Edition : Editions Tribord
Commentaires
Echange utile !
Bonjour Caro !
Ainsi donc mon petit mot t'a été utile. En tout cas, j'ai trouvé ton blog très structuré. C'est bien.
J'ignore où tu es allée passer tes vacances mais j'espère que tu en as bien profité.
Grosses bises.
@
Cher Hilaire,
je crois que le système françafrique a encore de beaux jours devant lui. C'est une question de pouvoir sur l'Afrique et de gros sous que la France a du mal à abandonner.C'était donc ici...
St Ralph,
Je n'étais pas en vacances, mais en mission à l'étranger. Je n'avais pas remarqué cette tête en lisant cet article. Avec un zoom c'est plus visible. Comme quoi, il faut toujours regarder à plusieurs reprises et sous plusieurs angles pour se faire une idée, c'est pour çà que je ne commente pas ton analyse sur ce livre.
à bientôt
CaroLes détails qui nous échappent...
Figure-toi que la personne qui m'avait prêté le livre n'avait pas non plus remarqué cette tête coupée trônant sur un pieu. un jour qu'elle le laissait traîner sur une table, son petit fils de 11 ans lui a dit en montrant du doigt la photo : "Tu as vu ça mamie ?" C'est alors qu'elle a remarqué le détail effroyable.
Pas prêt de disparaître
Malheureusement, cette situation continue et change petit à petit de main sans que cela ne prenne fin.