11 juin 2010
Le diable dévot (Libar M. Fofana)
Le diable dévot
ou les mésaventures du sexe féminin
en Afrique noire musulmane
Dans le monde musulman en général, le regard de l'homme de ce siècle sur la femme reste encore singulier. On peut même se demander s'il y a eu des évolutions dans ce domaine depuis les siècles passés. En tout cas, les récits que nous découvrons ça et là nous surprennent toujours parce qu'ils semblent sortir de la nuit des temps. Le Diable Dévot de Libar M. Fofana s'inscrit parfaitement dans le même esprit.
Mamadou Galouwa, surnommé l'imam fatwa (ce qui veut tout dire !), est sûr d'être en parfait accord avec les volontés d'Allah. l'érudition et la piété qu'il ne manque pas d'étaler dans ses sermons et dans la vie quotidienne ont fait de lui un être à part devant les hommes et sans doute devant Dieu. Mais voilà : un imam n'est accompli qu'après un voyage à la Mecque d’où il revient auréolé du titre de hadji. Et pour lui déplaire, un jeune imam ayant accompli ce pèlerinage espère prendre sa place. Pour le tirer d'affaire, un riche octogénaire de son village lui propose un billet en échange de la main de sa fille Hèra, âgée de treize ans. En un mot un pacte avec le diable.
Cette proposition n'enchante guère Mamadou Galouwa ; mais il ne peut repousser davantage le séjour à la Mecque au risque de perdre sa place. Heureusement pour lui, il est convaincu d'une chose : son "salut" viendra de la chair de sa fille. Le lecteur peut alors avec raison se demander lequel du riche tentateur et du père d'Héra, l'imam dévot, est le diable personnifié ?
L'histoire pourrait se terminer sur les délibérations intérieures et la décision finale de Mamadou Galouwa. Mais il semble que le but recherché par l'auteur est de plonger le lecteur au coeur de la sexualité de la femme dans le monde musulman. Car c’est finalement la jeune Héra qui semble l'héroïne du roman. C'est en fait l'histoire de son sexe qui nous est narrée ; ses mésaventures étant intimement liées à la vie de son sexe. Aussi bien dans son combat pour un idéal social que dans ses rêves d'amour, son sexe ne cessera de faire l'objet des plus grandes dissertations.
Ce qui retient l’attention dans ce livre, c’est l’inégale beauté du style entre le début et la fin : soigné et profond quand il s’agit de peindre les cœurs, les âmes ou interpréter les pensées des personnages, il devient moins agréable - disons quelconque - quand l’auteur multiplie les dialogues ou accélère les actions relatant la vie d'Hèra. Même si les mésaventures du sexe de celle-ci sont très instructives et la rendent attachante, ce sont les pages consacrées à l’imam dévot qui sont les plus belles d’un point de vue stylistique. Toutefois, le lecteur ne peut à aucun moment perdre de vue le réalisme cru, la peinture violente de l’étonnante cruauté des sentiments masculins faits de sordides calculs dans lesquels le cœur et l’âme de la femme ne sont jamais pris en compte. On croit avoir tout dit sur les astuces de l’homme pour s’approprier le sexe de la femme et voilà qu'on en découvre encore avec le diable dévot.
Raphaël ADJOBI
Commentaires
Cette lecture semble intéressante, surtout si le personnage féminin a de la consistance, de la personnalité. Je ne demande pas que tu me racontes la fin, mais est-ce qu'elle refuse de rester passsive face aux décisions du père ? est-ce qu'elle essaie de conquérir une certaine liberté, pas forcément physique, mais même morale et spirituelle ?
A découvrir absolument !
@ Kinzy,
Si tu as aimé son style dans son premier roman que je n'ai pas lu, tu apprécieras "Le diable dévot". Libar M. Fofana écrit magnifiquement bien ! Raison pour laquelle j'ai été un peu déçu quand le récit est devenu un peu quelconque dans sa deuxième partie ; sans doute à cause du rythme des actions.
Bon week à toi aussi, Kinzy !!
@ Sylvie,
Tu ne te trompes pas Sylvie. Il s'agit bien encore de la volonté des hommes de contrôler la sexualité de la femme dans le monde musulman. J'ai appris dans ce livre des choses que j'étais très loin de soupçonner. Inimaginable ! Je crois que l'auteur est Guinéen. Une partie des actions se déroulent à Conakry.
@ Liss,
Non, Liss, je ne vais pas te conter la fin de l'histoire. Je prendrai toujours soin de ne jamais vider les livres de leur substance. Pour répondre à ta question, je dirai qu'à treize ans, on subit la loi paternelle. Mais heureusement que l'on grandit et que la vie nous forme. Malgré la violence des événements vécus par l'héroïne, rien ne semble exagéré dans ce livre. Même la volonté grandissante d'Héra. C'est une jeune fille magnifique aux dimensions humaines.
Je ris parce que je m'imagine que tu es en train de te dire : "il tourne autour du pot" !!vacances
bonjour
heureuse de pouvoir vous contacter, nous nous sommes rencontrés dans l'Ardèche cette année, je suis allée au train à Ales chercher une amie qui est venue me rejoindre 1 semaine, peut souvenez vous de moi, nous avons parlé un peu voyages... j'espère que pour vous tout va bien et peut être à l'an prochain même endroit
bien à vous
SylvieL'art du titre
Je dois dire que le nom de Fofana me dit vaguement mais alors trop vaguement quelque chose pour que je puisse des choses intéressantes. Par contre, je trouve le titre très attractif. Je ne me précipiterais pas sur ce livre tout de suite, mais je le note quelque part pour plus tard. Puisqu'on est sur le sujet, as tu lu la dénommée Ken Bugul, elle a écrit sur le thème et je me demande bien ce que tu en dirais ou en dis, tu en as peut-être parlé déjà ?
CaroCaro !
Chère Caro,
Je donne une suite tardive à ton mot. Tu m'as laissé tant de mots à la fois sur des articles différents que celui-ci m'a échappé.
Non, je n'ai pas lu Ken Bugul. J'ignore tout d'elle jusqu'à son nom. Mais puisque j'ai décidé de me mettre à lire des romans, sans doute que je la lirai un jour.
Excellent choix
Magnifique écriture , je l'ai découvert dans N'KOro. Si tu ne l'as pas déjà lu , je te le recommande.
Il ne me reste plus qu'à me le procurer celui -ci.
Bô week end St Ralph