Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

Vous trouverez ici des comptes rendus de lectures livresques concernant essentiellement l'histoire des Noirs d'Afrique et celle des Afrodescendants des Amériques et d'Europe. Les actualités de la diaspora africaine ne sont pas oubliées.

25 février 2011

Black Rock (Amanda Smyth)

                                          Black Rock

                                   (Un roman d’Amanda Smyth)

           

Black_Rock_Amanda_Smyth            Trinité et Tobago ! Un nom qui évoque sans doute pour beaucoup des îles perdues quelque part dans l’océan Atlantique. « Quelque part » parce que rares sont ceux qui seraient capables de les situer de manière précise sur une carte. Ce premier roman d’Amanda Smyth invite le lecteur à prendre conscience de la dimension de la vie quotidienne dans cet univers étroit où tout semble se réaliser sous les yeux de tous, où les rêves semblent implacablement déboucher sur les réalités peu variées à moins qu’elles vous emportent vers les continents que chacun imagine aussi immenses que le ciel.

 

            Quel peut être l’avenir d’une jeune fille noire dans un pays aussi minuscule que Trinité et Tobago, situé à douze kilomètres au large du Venezuela ? Que peut espérer de l’avenir Célia, vivant dans la petite ville de Black Rock sur l’île de Tobago avec sa tante et ses deux cousines. Visiblement, le monde qui gravite autour d’elle semble ne rien promettre de bon.

 

            Violée au lendemain de ses seize ans, elle fuit vers l’autre île, Trinidad, où, à Fort of Spain (la capitale) elle trouve un emploi de domestique chez un médecin blanc qui, séduit par sa fraîcheur juvénile, en fait sa maîtresse. Visiblement, cette situation ne déplaît guère à Célia. Elle est même convaincue de vivre le grand amour. Mais bientôt, des circonstances défavorables viennent assombrir son horizon. Elle entreprend donc de se montrer plus volontaire contre les forces du mal qui se dressent contre sa passion. Dans sa juvénile et naïve conviction, la jeune Célia ne se doutait pas évoluer dans un monde d’adultes où ce genre de relation entre un homme blanc marié et une jeune domestique noire semble réglé comme du papier à musique.

 

            Ce livre nous permet de découvrir - en même temps que le personnage principal - que l’univers des jeunes filles de ces îles est bien borné et que leurs rêves s’agrippent invariablement à la bienveillance intéressée des blancs locaux et des marins américains. Quand on regarde avec attention les différentes expériences des membres de sa famille, on comprend avec elle que sur ces îles « tous les chemins ne mènent nulle part ». Heureusement qu’il y a la famille. Dans ses moments difficiles, à quelques kilomètres de là, les bontés d’une tante vivant dans une plantation laissent un moment espérer à Célia qu’elle sortira grandie de sa folle passion et peut-être même accéder à une vie meilleure.  

 

            Le charme de Black rock réside surtout dans la peinture sobre et chatoyante des villes de Trinidad et Tobago s’opposant aux drames des intérieurs des maisons. On a comme le sentiment que le soleil et les belles maisons bien entretenues constituent un manteau trompeur.  C’est dans les demeures que se jouent les destins des hommes. Aussi, la plus grande partie des scènes du livre sont des scènes d’intérieur. Mais il faut reconnaître que la peinture des nombreux ébats amoureux d’une jeune fille qui n’a que dix-neuf ans à la fin du roman peut donner au lecteur masculin d’un certain âge le sentiment d’être "un vieux qui lit des romans d’amour".

 

Raphaël ADJOBI

 

Titre : Black Rock (349 pages) ; traduit de l’anglais

          par Bruno Boudard.

Auteur : Amanda Smyth

Editeur : Phébus (Paris, 2010)

Posté par St_Ralph à 19:11 - Littérature : romans - Commentaires [6] - Permalien [#]

Commentaires

  • Très belle chronique, cher St-Ralph. J'enregistre ce titre.
    Un thème intéressant. Et cette sensation d'enfermement que j'ai l'impression de retrouver dans les romans des petites Antilles. Je veux un horizon déjà figé... Enfin... je pense en lisant ta chronique au roman Mon frère de Jamaïca Kincaid...

    Posté par Gangoueus, 26 février 2011 à 17:59
  • Evidemment Gangoueus, toi qui connais mieux que moi la littérature des caraïbes, mon analyse ne peut que te renvoyer à tes images et à des lectures précises. Pour moi, ce livre fut une découverte. Ce n'est absolument pas l'atmosphère des îles françaises que j'ai retenue en lisant Raphaël Confiant.

    Posté par St-Ralph, 26 février 2011 à 21:24
  • Toujours dans les relations Noirs-Blancs, esclaves-maîtres, St-Ralph ? Ce thème t'inspire vraiment de beaux billets. J'aime particulièrement ce passage :
    "On a comme le sentiment que le soleil et les belles maisons bien entretenues constituent un manteau trompeur. C’est dans les demeures que se jouent les destins des hommes" et aussi ton clin d'oeil final.
    C'est curieux de trouver le commentaire de Gangoueus qui fait allusion à un autre roman que je viens justement de terminer. Moi je commence juste la littérature des îles.

    Posté par Liss, 27 février 2011 à 19:15
  • C'est étonnant en effet, chère Liss. Etonnant!

    Cher St-Ralph, je n'ai pas lu beaucoup d'ouvrages des petites Antilles. Haïti absorbe l'essentiel de mon intérêt...

    Posté par Gangoueus, 27 février 2011 à 22:51
  • Littérature noire des caraïbes

    Je me rends compte qu'en matière de littérature, nous avons beaucoup a apprendre en prêtant attention aux écrivains noirs des îles du caraîbes. Si Gangoueus se retrouve, c'est qu'il y a dans cette littérature un fond commun qui évoque ces îles.

    @ C'est vrai Liss, mais cette fois, c'est un peu par hasard que j'ai été conduit à mon thème de prédilection.

    Posté par St-Ralph, 04 mars 2011 à 19:22
  • Une belle découverte :)

    Bonsoir,

    Je pense que le livre merite son billet, le roman là c'est ma découverte de cette litterature que j'ai jamais eu le plaisir de lire.

    Merci de la découverte.

    Je vous est répondu sur mon blog

    Posté par agharass, 06 mars 2011 à 18:30

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