20 mars 2011
Côte d'Ivoire postélectorale : l'U.A. n'est pas garçon !
Côte d'Ivoire postélectorale :
l'U.A n'est pas garçon !*
En proposant comme solution à la crise postélectorale en Côte d'Ivoire le retour à la case "départ" avec un gouvernement d'union présidé par Alassane Dramane Ouattara, l'U.A vient non seulement de démontrer son manque de courage à prendre ses responsabilités vis à vis de l'Union Européenne mais aussi qu'elle persiste à contribuer à la déstabilisation de ce pays. Un acte à double conséquence que l'histoire ne manquera pas de rappeler à la conscience des Africains comme la preuve qu'ils sont leurs propres bourreaux.
Certes, le rôle du panel des chefs d'Etats africains chargés de proposer une solution définitive à la crise était délicat à plus d'un titre. D'abord, à la suite de Sarkozy et d'Obama, ils ont plongé comme des moutons dans le précipice ouvert par les deux hommes. Ensuite, ils sont allés jusqu'à sonner la charge guerrière contre la Côte d'Ivoire avant que Sarkozy ne leur dise de recourir finalement au dialogue vainement proposé au départ par Laurent Gbagbo. Comment pouvaient-ils après cela se renier ? Enfin, dans la constitution du panel chargé de trouver le remède salvateur, il a manqué à l'U.A la sagesse de ne pas y inclure des hommes impliqués de près ou de loin dans la crise. Oui, il a manqué aux chefs d'Etats Africains cette intelligence qui leur aurait permis de prendre le risque de ne considérer que l'analyse des résultats des élections pour se prononcer comme des juges impartiaux. Au regard de tous ces manquements, comment ce panel pouvait-il avoir l'apparence d'un groupe de sages volant au secours d'un pays en grande difficulté, d'un pays frère ? Non, le panel n'avait pas la carrure du sage et était donc condamné à se fourvoyer.
Malgré tous ces manquements, les cinq chefs d'Etat Africain chargés de proposer une solution définitive auraient pu réussir s'ils s'étaient fixé un objectif clair comme la recherche de la vérité sur les résultats du deuxième tour des élections. Oui, ils seraient sortis de l'impasse dans laquelle les a engagés leurs prises de position hasardeuses s'ils s'étaient limités uniquement à la consultation des documents pour dire qui des deux candidats a gagné, et si le Conseil Constitutionnel a favorisé ou non Laurent Gbagbo au détriment d'Alassane Ouattara. Au lieu de cela, ils ont cherché des remèdes sans avoir pris le temps de savoir où se situe le mal ou encore si le malade souffre d'une maladie imaginaire. S'ils s'étaient fixé pour objectif de juger le vrai du faux, ils auraient agi en sages et auraient reconnu avoir été trompés ou auraient confondu Laurent Gbagbo et le Conseil Constitutionnel. La terre entière aurait alors salué leur probité et leur impartialité et ils auraient par leur acte permis à l'Afrique de faire un grand pas vers l'indépendance morale et politique.
Comme diraient les Ivoiriens, l'U.A n'est pas garçon ! Incapable de prendre ses responsabilités, elle a préféré renvoyer les Ivoiriens à la case "départ" avec un gouvernement d'union et un pays coupé en deux. Incapable de dire qui a gagné les élections avec les preuves à l'appui, elle remet la Côte d'Ivoire dans l'exacte situation dans laquelle elle se trouve depuis 2002. L’absence d’éléments électoraux clairs justifiant sa décision fait apparaître celle-ci comme la simple confirmation de sa position initiale. Rien de plus ! Adieu espoir ! Adieu paix ! Adieu la Côte d'Ivoire réunie ! Tout ça pour ça ! J'espère que l'U.A ne s'attend pas à ce que les Ivoiriens lui disent merci. On peut franchement se demander si les dirigeants africains se montreront un jour dignes de leurs populations qui attendent un peu plus d'audace de leur part. Question : sur quelle base se fonde l'U.A pour confier la présidence de la République à Alassane Ouattara plutôt qu'à Laurent Gbagbo ? Le premier fanfaronne en claironnant que le fait de lui confier la formation de ce gouvernement est la reconnaissance de sa victoire. Le pauvre ! S'il avait gagné, personne ne l'obligerait à former un gouvernement d'union. Se dire vainqueur et être obligé d'accepter de composer un gouvernement hétéroclite qui vous empêchera de travailler, c'est reconnaître qu'il n'y a pas eu d'élection présidentielle. Huit ans de cohabitation désastreuse, ça suffit !
Dernière solution : la guerre ?
Au moment où certains cherchaient des solutions diplomatiques, les rebelles d'Alassane Ouattara avaient décidé de violer le cessez le feu qui avait coupé la Côte d'ivoire en deux et d'attaquer la zone sud loyaliste. Pas un seul journal européen n'a condamné cette violation. Pas un ! Par contre on ne cesse d'annoncer ça et là leur victoire "à mains nues" - comme dit notre ami blogueur Delugio - contre l'armée de Laurent Gbagbo. L'ONU et les ONG n'ont toujours pas enregistré un seul mort dans les villes attaqués par les rebelles. Les saints hommes !
Fin politique, Laurent Gbagbo a le défaut d'être attentiste quand ses ennemis sortent les armes. C'est maintenant qu'il doit montrer à ceux qui ont choisi de le combattre par le feu qu'ils ont de fortes chances de périr par le feu. Je ne cesse de me demander pourquoi il n'a pas profité de la violation du cessez le feu pour lancer une contre offensive de très grande envergure pour montrer à l'ennemi un peu de la force de son armée. Cette passivité fait raconter à ses ennemis sur les ondes des radios françaises qu'il n'a pas d'armée (dixit l'ambassadeur d'Alassane Ouattara à Paris).
Certes, déjà L'Onuci convoie les rebelles dans Abidjan comme de simples voyageurs en danger en terre étrangère qu'il convient de protéger leur permettant ainsi de rejoindre leurs bases où ils détiennent leurs armes. C'est ainsi que les rebelles sont en mesure d'attaquer ou de saccager des sites stratégiques dans la capitales. Certes, la France et l'ONU seront toujours du côté des rebelles. Mais il convient de ne pas oublier que la lutte continue et que si elle change de terrain, il faut y aller sans tarder au risque d'être débordé et laisser les civils se faire la guerre à la place des professionnels.
*Dans le parler populaire ivoirien, « être garçon » c’est avoir du cran, être audacieux, « être cap » comme disent les jeunes en France et ailleurs en Afrique.
Raphaël ADJOBI