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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
18 juin 2011

Appel du 18 juin : Critique de l'esprit français et hommage aux soldats africains

             Appel du 18 juin : Critique de l'esprit français

                          et hommage aux soldats africains 

 

A la fin du mois d'octobre 2006, j'avais écrit un article dans lequel je critiquais le qualificatif "cartésien" souvent accolé à l'esprit français. J'avais alors trouvé dans le film "Indigènes", sorti la même année, et les remous politiques qu'il provoqua, les arguments suffisants pour fustiger ce que je considérais comme un abus de langage. C'était l'esprit français que j'attaquais. En ce jour de commémoration de l'appel du 18 juin, mes pensées vont vers tous les Africains qui ont été convoyés sur les différents fronts européens au nom de la liberté de la France et des français. Payés en monnaie de singe, les promesses faites sous l'ère Chirac ne furent concrétisées que récemment, au moment où ces combattants pour la liberté de la France ne sont guère que quelques rares individus à rester encore en vie.  

de Gaulle à Brazza 2 

           « Indigènes », la France n’est pas cartésienne

 

                Dans l’esprit de nombreux intellectuels et hommes politiques français, la France est drapée dans le magnifique manteau de la pensée de Descartes. On se plaît à affirmer avec beaucoup d’orgueil que l’esprit français est rationnel, cartésien.

                Et c’est la même fierté qui enfle le cœur du français lorsqu’il affirme à haute et intelligible voix qu’il vit dans un pays de liberté, d’égalité et de fraternité, oubliant totalement que ces trois notions ne sont point une réalité concrète mais plutôt un idéal à atteindre. Oui, c’est se tromper par excès d’orgueil que d’affirmer avec les hommes politiques et les journalistes prétentieux que règnent en terre de France la liberté, l’égalité devant la loi et la fraternité entre les citoyens. Au moment du choix de cette devise, ce n'était point l’idée qui animait ses initiateurs. Cela, personne ne peut en douter. Plus humblement, les pères de cette devise fixaient au peuple français un idéal vers lequel ils voudraient qu’il tende en toute circonstance ; un idéal qui se voulait le moteur des actions.

Il est donc temps que nous quittions cet air prétentieux qui nous porte sans cesse à affirmer ce qui n’est point. Il faut se garder d’être ridicule à force de s’envoyer des fleurs ou de se tresser des lauriers. Être français ne signifie point que l’on est meilleur ou pire que les autres ; et surtout il ne faut point croire qu’être français signifie que l’on est rationnel dan sa manière de concevoir l’égalité ou la justice sociale. Être français ne signifie en aucune façon que l’on est cartésien du simple fait que Descartes est français.

                Il me suffit, pour illustrer ma pensée, de rappeler ici les conséquences  de la sortie du film « Indigènes ». Quel homme politique, quel journaliste français, quel citoyen français ignorait – avant la sortie de ce film – que les Africains ont été nombreux à venir se battre pendant la deuxième guerre mondiale pour la libération de la France ? Quel homme politique, quel journaliste, quel citoyen français ignorait – avant la sortie de ce film – que ces Africains, une fois la guerre terminée se sont retrouvés avec des soldes dérisoires alors que les anciens combattants français étaient gracieusement récompensés ? Quel homme politique, quel journaliste n’a jamais entendu le cri de détresse des anciens combattants africains demandant justice par le versement d’une solde égale à celle des anciens combattants français.

                Face à leurs cris, face à leur douleur, face à leur misère, le prétendu esprit rationnel français est toujours resté aveugle et sourd. C’était à croire que si la raison n’a point de cœur, elle n’avait point d’yeux ni d’oreille non plus.

                Puis sortit le film « Indigènes ». Lors de sa première projection, l’épouse du président de la République aurait été émue aux larmes et aurait dit à son illustre mari : « Jacques, il faut faire quelque chose ». Sitôt dit, sitôt fait. Les élus du peuple proclamèrent en grande pompe l’avènement de l’égalité des soldes entre tous les anciens combattants de la dernière guerre qui ont défendu la France sous sa bannière. Voilà enfin les anciens combattants africains Libres et Egaux avec les anciens combattants français.

                Il me plaît de souligner ici combien il est regrettable que la raison soit incapable de reconnaître l’injustice là où le cœur la sent profondément. Il a suffi qu’une reine émue demande à son prince de satisfaire un de ses désirs pour que l'on songe à accorder l'égalité devant la loi à de milliers d’anciens combattants qui en étaient privés. 

                Sincèrement, il me semble que l’effet produit par la sortie de ce film peut être vu tout simplement comme la volonté de satisfaire le caprice d’une princesse que comme la juste et rationnelle réparation d’une injustice longtemps consciemment ignorée.

 

Raphaël ADJOBI

 

(Jeudi 26 octobre 2006 ; première publication : décembre 2006)

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Commentaires
P
Nous avons fait un appel du 18 juin pour commémore la tombe du soldat inconnu nous avons pris des photos et jaimerai échange plein de chose avec vous notre association s'appelle africains mais citoyens Francais mon contacte 0603471837 merci
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S
Mon cher Obambé, visiblement mon texte a réveillé en toi une profonde indignation avec une pointe de colère. Je suis content de lire ces sentiments qui m'ont inspiré ce texte que j'ai écrit comme on va au combat. Le récit d'Anastasia Tudieshe que tu rapportes ici est un des exemples de blessures que les Français blancs infligent régulièrement à leurs compatriotes noirs. Le héros du dernier livre de Fouad Laroui ("Une année chez les Français") est un élève qui vit la même expérience que celle vécue par la jeune soeur d'Anastasia Tudieshe. <br /> Ta dernière phrase m'a bien fait rire. Oui, mon cher Obambé, drapés dans leur suffisance, les Français blancs disent beaucoup de contre-vérités quand il s'agit de notre histoire commune.
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O
« (…) les arguments suffisants pour fustiger ce que je considérais comme un abus de langage. ». Mon cher St-Ralph, je n’ai jamais compris comment on pouvait accoler un ou des qualificatifs à tout un peuple, surtout quand il dépasse le million d’âmes. Je récuse la plupart du temps ce genre de choses et c’est un véritable plaisir pour moi de lire ton propos à ce sujet.<br /> « (…)oubliant totalement que ces trois notions ne sont point une réalité concrète mais plutôt un idéal à atteindre » Excellent ! On ne saurait mieux le dire…<br /> Dans l’esprit de nombreux intellectuels et hommes politiques français, la France est drapée dans le magnifique manteau de la pensée de Descartes. On se plaît à affirmer avec beaucoup d’orgueil que l’esprit français est rationnel, cartésien.<br /> Et c’est la même fierté qui enfle le cœur du français lorsqu’il affirme à haute et intelligible voix qu’il vit dans un pays de liberté, d’égalité et de fraternité, oubliant totalement que ces trois notions ne sont point une réalité concrète mais plutôt un idéal à atteindre. <br /> La France et son histoire ? C’est toute une histoire, je dirai. Entre les indignations sélectives, les commémorations sélectives etc., la France officielle ne sait où donner de la tête. Pourtant, que je sache, elle ne l’a pas perdu depuis que la guillotine est en place… A propos de tête, de guillotine etc., il me revient en mémoire une émission récente dont j’ai suivi une partie. Parmi les polémistes (c’est une mode en France et chaque radio et télé a ses polémistes…. Qui sont souvent les mêmes, allant de plateau en plateaux, de studio en studios), il y avait 2 femmes qui ont pour habitude d’avoir des positions radicales (c’est le jeu) : Natacha Polony (Blanche, journaliste au Figaro et enseignante à Sces Po Paris) et Anastasie Tudieshe (Noire, journaliste à Africa1). Cette dernière pour illustrer dans une certaine mesure ce que tu dis, mon cher St-Ralph a donné l’exemple de sa jeune sœur. En effet, un spectacle portant sur la Révolution française (1789) devait avoir lieu dans l’école de cette dernière. Alors que la gamine avait participé à son élaboration, au dernier moment, l’enseignante dira à la petite qu’elle ne pourra prendre part au spectacle. La cause : « Il n’y avait pas de Noirs ayant participé à cette Révolution ! » Pourtant, il est assez connu que des Noirs aussi ont apporté leur pierre à cet édifice. Bon, si une enseignante dit que ce n’est pas vrai…<br /> <br /> @+, O.G.
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G
Superbe texte, Raphaël ! Merci de nous l'avoir fait partager.
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L
Je pense que vous m'aviez comprise : je voulais dire "dans toute sa laiDeur...", le "s" étant à côté du "d", erreur de frappe. <br /> <br /> @ Cunctator,<br /> Merci pour ton éclairage.<br /> <br /> @ St-Ralph : les dirigeants africains ne se préoccupent que de savoir si les membres de leur famille ont bien une part du gâteau national dont ils ont fait une propriété privée !
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