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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
13 février 2012

John William, le chanteur franco-ivoirien, et moi

John William, Le chanteur franco-ivoirien, et moi

John William 0001            C'est bien triste que je rédige cet article sur John William, ce chanteur Franco-Ivoirien que j'ai découvert en 1968 et qui est demeuré à jamais l'une mes références en matière de chanson française. Je me souviens de son passage en Côte d'Ivoire en 1970 avec Marcel Zanini qui, à l'époque, avait repris avec beaucoup de succès une chanson brésilienne sous le titre "Tu veux ou tu veux pas". Je suis triste parce qu'au moment d'écrire cet article, j'apprends qu'il est mort depuis un an (8 janvier 2011).

            J’avais manqué l’occasion d’aller le voir à Auxerrexpo lors de son passage dans l’Yonne ; il y a de cela… une quinzaine d’années. Avec ou malgré le temps, on finit par oublier l’âge de ceux que l’on aime. On les imagine toujours avancer moins vite en âge que nous. L’amour est bien trompeur parfois, sinon toujours.

            Né à Grand-Bassam en 1922 d’une jeune mère de 15 ans, le jeune Yao quitte la côte d’Ivoire à huit ans avec son père blanc Charles Huss. Ernest Armand Huss – son nouveau patronyme depuis la reconnaissance du fils par le père – va très vite se retrouver seul, abandonné aux brimades des pensionnats de France. Quant au père, il est vite reparti pour d’autres aventures en Afrique. Heureusement, une marraine formidable lui redonnera le sourire. A 17 ans, alors qu’il travaillait comme ajusteur-outilleur dans une usine parisienne, la guerre éclate. Compte tenu de l’avancée des troupes allemandes, les ouvriers sont évacués à Laval. Le 9 mars 1944 – il a alors plus de vingt ans – il fait partie des 13 otages choisis par les Allemands après le sabotage de l’usine où il travaillait.

            Et c’est en Prison qu’il va découvrir sa voix. Parce que ces copains de cellule lui prédisaient tous une carrière de chanteur, une ambition sécrète se forma en lui et l’aida à survivre.

John william & Maya 0002            Mais à vrai dire, sa vie de prisonnier dans les camps allemands, c’est récemment que je l’ai découverte. En mai 20O5, le journal La Croix lui a consacré deux pleines pages ! C’était la première fois que je voyais son image et quelques bribes de sa vie dans une presse nationale. Serge Bilé n’a pas manqué de penser à lui quand il écrivit son livre « Noirs dans les camps nazis ». Malgré la découverte du volet triste de sa vie, je ne garde de lui que le chanteur qui me fit tant rêver. Je ne garde de lui que l’image de John William, ce patronyme choisi dans les années 1950, comme le voulait la mode des noms de spectacle de cette époque.

            Depuis 1968,  pour moi « Une île au soleil » chante le charme de l’île de Grand-Bassam. Cette liberté qu’à chaque être humain d’associer telle ou telle image au texte qu’il lit ou qu’il écoute construit notre mémoire et fait le charme de notre vie. Je sais que beaucoup de fans de John william adorent « Si toi aussi tu m’abandonnes ». Quant à moi, le texte que je préfère c’est « Je suis un nègre ». Sa belle construction et sa profondeur ne cessent de me charmer depuis 1968. 

                        

John William N&B 0006Je suis un nègre(1952) 

J'ai quitté mes amis et ma Louisiane
Pour un lointain pays, adieu savane !
On m'appelle Mambo
De couleur est ma peau
Je suis un nègre

Je n'ai pas de métier et dans la ville
Je traîne mes longs pieds las et dociles
J'ai trouvé le métro
Mais pas de p'tit boulot
Je suis un nègre

Je n'ai plus mon vieux soleil
Je n'ai plus jamais sommeil
Mambo !

Je ne regarde pas les belles dames
Car je n'ai pas le droit d'avoir une âme
Mon cœur est pourtant bon
Mais voilà l'obsession
Je suis un nègre

Mais voici qu'on me sourit
On me remercie
J'ai sauvé un enfant blanc
Comme je suis content !
Depuis, je suis portier
On peut me voir au cabaret
Tous les soirs

J'ai des galons brodés sur ma casquette
Et des boutons dorés sur ma jaquette
Je suis très imposant
J'amuse les passants
Je suis un nègre

L'orchestre joue des chants de ma Louisiane
Que j'écoute, lointain, comme un profane
New York c'est bien joli
Mais j' préfère mon pays
Je suis un nègre

J'entends le son des tam-tams
De la trompette qui clame
Sa joie

Mais un soir dans la rue, des mitraillettes
Crachant le feu, la mort, firent la fête
Ce n'était pas pour moi
Mais j'étais là, ben quoi !
J'étais un nègre

Je suis au Paradis avec les anges
C'est drôle en une nuit comme la vie change
En haut, je suis heureux
En bas, j'étais peureux
J'étais un nègre

J'ai retrouvé le soleil
J'ai retrouvé mon sommeil
Mambo !

Je n'ai plus de couleur, plus de visage
On n' se retourne plus sur mon passage
Je suis l'ami du Ciel
Et du Père Éternel
Je suis une âme
 

Raphaël ADJOBI

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Commentaires
S
Merci pour votre témoignage, Michel ! Vous avez eu la chance de l'avoir rencontré. Quant à moi, je n'ai pas saisi ma chance quand elle s'était offerte à moi, comme je l'ai dit dans mon texte. <br /> <br /> <br /> <br /> Moi non plus je n'ai pas regardé l'émission de Thierry Ardisson dont vous parlez Obambé et vous. Je vais faire des recherches sur le net ; peut-être que... <br /> <br /> <br /> <br /> Encore merci pour votre témoignage très riche que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire. C'est un réel plaisir de lire des témoignages agréables sur ceux que l'on aime.
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P
Bonjour Raphaël,<br /> <br /> <br /> <br /> Ayant le Net depuis peu, c'est un peu par hasard que je suis tombé sur votre site après avoir appris également il y a peu le décès de John William.<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai rencontré le chanteur, il y a je pense une quinzaine d'années à la Maison de la Radio lors d'un petit salon du disque des collectionneurs. Il faisait parti de quelques invités (comme "Stone et Charden", Marie-Josée Neuville). Je me suis empressé de trouver quelques 45 tours afin de lui faire dédicacer ("La Grande évasion", notamment). J'avais bien des disques de lui mais je ne les avais pas avec moi ce jour-là.<br /> <br /> Dans mon enfance, j'aimais déjà la musique de film et - sans me limiter - je ne tannais pas mes parents qu'à m'acheter que des véritables bandes originales. J'ai ainsi eu également des 45 tours d'une petite série de disques de John William où sa photo apparaît en haut et à droite de certaines pochettes (laissant la place avant tout aux photographies des films).<br /> <br /> C'est avec une certaine nostalgie que je possède ces disques (sans parler de ceux acheter depuis - en dehors de cette dite série - après l'avoir rencontré).<br /> <br /> Je lui avais dit que cela me faisait drôle de le rencontrer car c'était un pan de mon enfance qui resurgissait. Une enfance où je lui précisais que je l'avais vécu à Golfe-Juan (Alpes-Maritimes)et c'était donc là-bas que j'avais acheté ses disques.<br /> <br /> Très heureux de mes confidences, il s'empressa d'une manière extrêmement chaleureuse de me dédicacer les trois disques que j'avais ce jour-là dans mes mains.<br /> <br /> <br /> <br /> De plus est, il m'invitait à venir le voir sur son bateau qu'il avait justement à... Golfe-Juan.<br /> <br /> <br /> <br /> Hélas, le temps passa. Et je n'ai pas trouvé le moyen de passer par hasard le voir un jour là-bas.<br /> <br /> <br /> <br /> Par contre, j'ai été très heureux de regarder l'émission trop tardive de Thierry Ardisson où ce dernier avait invité John William (ce fut par hasard, car je n'étais pas au courant de son invitation ce jour-là).<br /> <br /> <br /> <br /> Je me souviens que l'animateur et instigateur de l'émission "Tout le monde en parle" était très heureux de l'avoir invité. Ça lui faisait vraiment plaisir de l'avoir sur son plateau. John William, quant-à-lui, a dû être ému de cette invitation chaleureuse. <br /> <br /> <br /> <br /> Je vais tenter de trouver sur le Net le passage de cette émission.<br /> <br /> <br /> <br /> Cordialement, Michel Portier.
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S
Ton mot me fait plaisir, mon cher Obambé. John william, c'est ma découverte de la vie citadine à Abidjan. C'est ma rencontre avec le monde de l'art grâce à un cousin qui était rentré en Côte d'Ivoire après ses études en France. John William et Harry belafonte resteront à jamais les artistes noirs de mon coeur. <br /> <br /> <br /> <br /> Je suis content content de savoir que tu as été séduit par son talent et ses qualités humaines. Il est d'une grande élégance.
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O
Bonsoir,<br /> <br /> <br /> <br /> J’avoue que je ne m’attendais pas du tout à lire un billet sur cet homme. Tu l’as connu depuis bien longtemps par rapport à moi. C’est le 22 janvier 2005 (pas de miracle, j’ai retrouvé la vidéo, http://www.ina.fr/ardisson/tout-le-monde-en-parle/video/I09114004/serge-bile-et-john-william.fr.html) que j’ai vu pour la première fois ce formidable artiste. Le lundi qui a suivi, je suis allé acheter son CD. Je remercie Thierry Ardisson et Serge Bilé pour ce beau cadeau qu’ils m’ont fait ce soir-là. Je regardais beaucoup la TV à cette époque et ce moment restera à jamais gravé dans mon esprit.<br /> <br /> Comme toi aussi, la chanson que j’aime le plus chez lui c’est « Je suis un Nègre ». La vie de cet est tout simplement formidable. Elle nous montre encore – si besoin – combien nos aînés ont donné leurs vies pour la France sur les champs de bataille en Europe, en Indochine etc. Sur le plateau d’Ardisson j’ai apprécié le sourire du vieillard de 83 ans qui avait su rester jeune et costaud, malgré le lourd poids des ans.<br /> <br /> Paix à son âme, encore une fois.<br /> <br /> <br /> <br /> @+, O.G.
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