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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
14 mars 2012

Manifeste pour les "produits" de haute nécessité

Manifeste pour les "produits" de haute nécessité

numérisation0001            Ma place à la fois dans le monde du travail et la société de consommation me donnait depuis quelques années le sentiment d'être embarqué dans un train tiré à folle allure par le capitalisme. Quiconque en descend est soit écrasé soit perdu à jamais sur le bord de la voie. Ce petit manifeste me faire comprendre que cette image n'est point irrationnelle mais la peinture exacte d'une triste réalité. Le terme "déconstruire" signifierait alors trouver les moyens d'arrêter ce train, ou lui imprimer un rythme qui serait conforme à la vie de ceux qu'il transporte. 

            Ce manifeste fait suite au mouvement social qui s'est installé en Guadeloupe et en Martinique en janvier et février 2009. Ceux qui l'ont lu n'ont certainement pas manqué d'y repenser lors des récents troubles survenus à l'île de la Réunion en février 2012. Ses rédacteurs ont vu dans l'ampleur et la profondeur de l'âme du mouvement, plus qu'une colère contre les békés. Pour eux, les affres de la "hausse des prix" ou de la "vie chère" ne sont que les résultantes du libéralisme économique qui condamne chacun de nous à n'être qu' « un consommateur » ou « un producteur » : le consommateur ne travaillant que pour consommer ce que produit sa force de travail devenue marchandise ; et le producteur étant réduit à la seule perspective de faire des profits sans limite sur des consommateurs.

            Ce texte est donc la peinture d'une économie devenue sa propre finalité. Il nous tend le miroir de la course aux nécessités immédiates, au pouvoir d'achat, au panier de la ménagère, à cette vie prosaïque à laquelle le poétique fait tant défaut. Il montre que la vie de nos hommes politiques se limite à gérer les misères les plus intolérables et à réguler les sauvageries du "Marché". 

            Pour accompagner le panier de la ménagère plein des produits de première nécessité, le manifeste plaide pour des produits de "haute nécessité" qui font appel à la part poétique de la vie et donc à des exigences existentielles d'un autre ordre.   

            Puisque le mouvement social de 2009 a montré la faillite de tous les pseudo-pouvoirs intermédiaires (régions, préfets, département, association des maires) entre les Antilles et le pouvoir central métropolitain, les rédacteurs du texte proposent l'émergence d' « une force politique de renouvellement et de projection apte à nous faire accéder à la responsabilité de nous-mêmes par nous-mêmes et au pouvoir de nous-mêmes sur nous-mêmes » ; car c'est le déficit de responsabilité qui crée l'amertume, la xénophobie, la crainte de l'autre et le manque de confiance en soi. D'autre part, selon les rédacteurs, les Antilles doivent rechercher leur autosuffisance en se fournissant en produits de toutes sortes dans les Caraïbes plutôt que de se laisser dominer par les intermédiaires entre elles et la métropole. Enfin, ils estiment nécessaire de faire en sorte que le travail « même acharné, même pénible » redevienne un lieu d'accomplissement pour l'homme.

            Si les propositions contenues dans ce manifeste apparaissent quelque peu utopiques, c'est parce que nous avons constamment en tête le manque de volonté politique de nos dirigeants quand il s'agit de mettre à genoux les réseaux de grands profits comme la grande distribution ou les paradis fiscaux. Mais force est de constater qu'elles pourraient s'appliquer à d'autres populations à travers le monde. L'on pourrait même dire qu'elles s'inscrivent dans l'idée de "déconstruction ou décroissance", le nouvel ordre économico-social, dont de nombreux acteurs économiques projettent l'avènement.             

Raphaël ADJOBI 

Titre : Manifeste pour les "produits" de haute nécessité, 12 pages

Editeur : Edition Galaade Institut de Tout-Monde

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Commentaires
S
J'avoue, chère Kathleen, que j'ignore tout de Léon G. Damas que je gagnerais certainement à découvrir. je me réjouis donc de ton passage qui me montre le chemin qui mène à lui. Je suis très curieux de découvrir les textes dont tu parles et les traductions en baoulé. J'espère qu'un visiteur pourra satisfaire ton désir qui devient aussi le mien.
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G
Damas avait avant eux manifesté contre la "profitation" dans "Un clochard m'a demandé dix sous", ou encore dans "Limbé" (toponyme au Cameroun et son "concept" pour dire le spleen )ou dans "Réalité".<br /> <br /> Qui peut me trouver la traduction en "baoulé" de Pigments (Léon Gontran Damas, 1937, Ed Guy Lévis Mano) ou même le moindre petit fragment de poésie? <br /> <br /> <br /> <br /> Bien à vous<br /> <br /> KG
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S
Ce manifeste est très séduisant. Mais je suis vraiment curieux de savoir ce que les intellectuels font localement pour inciter leurs élus à aller dans le sens de leurs propositions. Il est triste de voir qu'aux Antilles même les gradés des forces de police et des corps des pompiers sont des Blancs. On fait venir en métropoles les Antillais pour occuper des postes de subalternes et on envoie dans les îles des Blancs pour diriger toutes les structures de l'Etat. Le projet d' "une force politique de renouvellement" qui comblerait le déficit de responsablilté - source d'armertume et de crainte de l'autre - doit être tenté. Le manifeste dit même que si cela soit se solder par un échec, l'expérience mériterait d'être tentée. L'Etat français veillera sans doute à ce que l'expérience échoue, mais on ne peut pas l'accuser avant d'avoir tenté quelque chose.
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L
Ton image du train lancé à folle allure et qu'on ne peut réfréner qu'à ses risques et périls n'est pas irrationnelle, cependant il semblerait qu'aux Antilles il y ait possibilité de lui faire prendre un rythme plus raisonnable, malheureusement, comme tu le dis si bien dans ta conclusion,les politiques n'ont aucune envie de mettre les pieds dans le plat dans ces cas-là, c'est bien le "manque de volonté politique de nos dirigeants quand il s'agit de mettre à genoux les réseaux de grands profits" qu'il faut déplorer. Ils oublient qu'à trop vouloir fermer les yeux ou fermer sa gueule face aux "grands profits", cela finit par retomber sur tout le monde, en particulier sur ceux-là mêmes qui se croyaient à l'abri ! La crise des subprimes aurait dû en édifier plus d'un ! J'extrapole peut-être, mais qui aurait pu imaginer que la Grèce se retrouve dans la situation qu'elle connaît aujourd'hui, elle, berceau de la civilisation occidentale ?
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