25 avril 2013
Le Montespan ou le cocu du roi Louis XIV (de Jean Teulé)
Le Montespan
ou le cocu de Louis XIV
(Jean Teulé)
Le Montespan est un roman historique ravissant ! Ceux qui, comme moi, ont été quelque peu traumatisés par Mangez-le si vous voulez vont retrouver le sourire en lisant Le Montespan. Ici, Jean Teulé parle gaiement de cocus, de putains, de bâtards difformes, du sexe du roi et des cornes de la honte que Versailles transforme en cornes d'abondance. Mais chut ! N'allez pas gêner les royalistes en les mettant dans une fâcheuse posture.
Quand à vingt-deux ans, Louis-Henri, marquis de Montespan, épouse la blonde et voluptueuse Françoise de Mortemart le 28 janvier 1663, leurs complices espiègleries semblaient leur promettre des jours merveilleux. En effet, quand on vit de rentes et que l’on a du temps devant soi, on peut s’amuser à faire l’amour sans vergogne partout et à tout moment. Toutefois, pour éviter l'ennui qui guette sa femme et le déclin qui menace leur train de vie, le jeune noble se met en quête de gloire guerrière qui les rapprocherait des fastes de Versailles.
Après deux enfants, Françoise - que son tendre mari appelle délicieusement Athénaïs – participe enfin à une fête dans un salon de la noblesse. Elle y « rayonne comme un enfant joue à la princesse parmi les rires qu’elle déclenche ». Elle a des persiflages pour tout le monde. Son esprit séduit. On lui propose de devenir dame d’honneur de la reine. Mais « Versailles est un pays effroyable et il n’y a pas de tête qui n’y tourne. La cour change les meilleurs ». Très vite, Athénaïs est élevée au rang de favorite, c'est-à-dire maîtresse officielle du Roi-Soleil !
D’ordinaire, « l’honnête homme trompé par le roi s’éloigne et ne dit mot ». Mais voilà que Louis-Henri a le mauvais goût de se plaindre que le roi séduise sa femme. Son beau-père a beau lui crier « Louis-Henri, être cocu, c’est la chance de votre vie. Ne la ratez pas, elle ne repassera pas », le jeune marquis ne renonce pas à son amour. Au grand plaisir des chansonniers de l’époque - n'en déplaise à Molière qui a pris le parti du roi - il orne son carrosse de cornes gigantesques et entre en résistance pour crier son infortune et dénoncer ce privilège royal.
On devine aisément que le combat est inégal. Cependant, l’amour fait accomplir des prouesses insoupçonnées. Comment lutter sans arme à la main contre la puissance royale, contre « Sa Majesté qui, elle seule, peut décider qui doit mourir et comment chacun devra vivre » ? C’est donc le combat du pot de terre contre le pot de fer que nous propose Jean Teulé dans ce magnifique récit agrémenté de peintures pittoresques de bouches édentées, de dents cariées, de perruques poudrées mises de travers et de vêtements sales à couper le souffle. On reconnaît sous sa plume le style de Saint-Simon et de Jean de La Bruyère croquant des portraits savoureux des gens de leur siècle. Crus et enjoués, ces portraits ne révèlent pas moins les caractères de la société du XVIIe siècle.
Raphaël ADJOBI
Titre : Le Montespan, 333 pages
Auteur : Jean Teulé
Editeur : Julliard, Paris, 2008
Autre article à Lire sur " Les pages politiques de Raphaël"
Côte d'Ivoire, élections municipales et régionales : le FPI sauve sa peau.
21 avril 2013
Afrique 3.0 ou quand les Africains racontent la nouvelle dynamique du continent (hors-série du Courrier international)
Afrique 3.0
Ou quand les Africains racontent
la nouvelle dynamique du continent
(Hors-série du Courrier international)
Si vous n’avez pas encore acheté ce hors-série du Courrier international - un numéro consacré à l’Afrique et rassemblant de très intéressants articles publiés par les grands journaux africains, européens et américains – pensez à le faire afin de découvrir un autre regard sur l’Afrique ; un regard à multiple facettes qui vous remplira d’espoir et vous incitera peut-être à vous demander la couleur de la pierre qu’il vous faut ajouter à la nouvelle dynamique de ce continent.
La diversité des articles répond, de façon évidente, au parti pris de faire émerger à la fois la parole et le regard des Africains - issus de la diaspora ou non - sur ce qui se fait ou se vit dans les différents pays ou sur l’état de l’Afrique noire dans sa globalité. Architectes, économistes, inventeurs, mais aussi écrivains, historiens, journalistes, photographes et artistes prennent le pouls du continent et racontent son dynamisme à travers ce qu’ils vivent eux-mêmes.
Vous découvrirez donc avec beaucoup d’intérêt l’extraordinaire essor du « naija », le pidgin nigérian qui, avec ses millions de locuteurs, ne cesse de gagner en vigueur et en notoriété malgré les mesures que prennent les autorités pour réprimer son usage. Vous ne resterez pas insensible à la réflexion de Pape Sadio Thiam sur l’intérêt pour les pays francophones de se mettre massivement à l’Anglais. Par ailleurs, vous serez ravis de lire les belles peintures sociales faites par des journalistes et des écrivains et les analyses qui les accompagnent. C’est avec un grand plaisir que vous lirez le bel article de la ghanéenne Afua Hirsh sur « le grand retour des enfants d’immigrés » et les propos de la journaliste ougandaise Melinda Ozongwu sur ce que l’Afrique peut apprendre au reste du monde. Il ne faut surtout pas manquer l’excellent article du kényan Binyavanga Wainaina – « Une Kalachnikov et des seins nus » – qui montre la recette faite de préjugés et de lieux communs dont s’imprègnent écrivains et journalistes occidentaux au moment d’écrire sur l’Afrique. Passionnant !
Si vous ne le connaissez pas, vous ferez connaissance avec Mo Ibrahim, l’entrepreneur visionnaire de la téléphonie mobile. Ce soudanais de 67 ans a lancé en 2007 le prix Ibrahim pour récompenser « des chefs d’Etat ayant développé leur pays, sorti leur peuple de la pauvreté et jeté les bases d’un avenir prospère » ! Un article à lire absolument. Le Congolais brazzavillois Verone Mankou qui revendique la première tablette et le premier portable conçus en Afrique, le regard de l’architecte ghanéen David Adjaye sur l’architecture des capitales africaines ainsi que celui du burkinabé Diébédo Francis kéré qui construit des écoles avec des matériaux locaux ne manqueront pas de retenir votre attention. Vous découvrirez de nombreux autres articles qu’il serait fastidieux d’évoquer ici.
Vous sentirez, en lisant ce hors-série du Courrier international, qu’au-delà de cette « poussière d’Etats faibles » (Achille Mbembé) où « il n’y a que deux tribus : les riches et les pauvres » - aux dires de l’écrivain kényan Ngugi wa Thiong’o – palpite une Afrique pleine de vie, de dynamisme qui ne demande qu’à s’épanouir dans un cadre plus serein ; un cadre où la convoitise de ses ressources devra cesser de se traduire par la violence des armes et des coups d’état téléguidés. Vous pourriez même – en lisant l’article « Maudites ressources » de l’économiste ivoirien Koffi Allé - vous demander si, au lieu de regarder ses ressources naturelles, l’Afrique ne devrait pas changer de cap.
Raphaël ADJOBI
Titre : courrier international, Hors-série n° M 04224
(Mars-avril-mai 2013)
11 avril 2013
Ils ont tenu à rester assis pour que nous puissions nous lever
Ils ont tenu à rester assis
pour que nous puissions nous lever
Souvenons-nous : le 11 avril 2011, à coups de canons, la France a réussi à extirpé du palais présidentiel ivoirien Laurent Gbagbo qui refusait de céder le siège sur lequel le Conseil Constitutionnel de son pays l'avait installé. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes venait d'être bafoué par un pays occidental dit amoureux de ce droit.
N'oublions donc pas que, comme Rosa Parks en 1955 aux Etats-Unis, Laurent Gbagbo est resté assis afin que nous puissions nous lever pour gagner le combat des indépendances africaines. Le samedi 13 avril, participez à la marche internationale de soutien à Laurent Gbagbo à partir de 12 h, de la Place de Clichy à la Place de Stalingrad.
Lire l'article sur Les pages politiques de raphaël
Les photos et le texte de la marche du 13 avril
01 avril 2013
La publicité, baromètre du racisme français
La publicité, baromètre du racisme français
La France blanche est-elle profondément raciste ? Oui, on peut le croire ! Au regard des messages publicitaires par lesquels les annonceurs s'adressent à elle, on peut répondre à cette question par l'affirmative. En effet, le monde de la publicité a cette particularité de bien étudier ce qui touche la fibre sensible du destinataire avant de lui délivrer le moindre message.
Pour vous le prouver, il me suffit de vous montrer que les politiques et les annonceurs s'adressent généralement à la population dans le langage qu'elle comprend. En d'autres termes, si le politique ou l'annonceur manie le langage raciste à l'adresse du public, c'est parce qu'il sait que celui-ci a les éléments culturels nécessaires pour le comprendre et l'accepter comme chose normale qui ne choque pas.
Prenons l'exemple de cet humoriste qui disait dans un de ses sketchs qu'il n'était pas raciste parce qu'il avait un disque de Sidney Bechet. Il ne faisait alors qu'exprimer la manière ordinaire des Français blancs de nier le racisme qui était en eux. Plusieurs décennies plus tard, en mars 2013, Nadine Morano justifiait l'absence de racisme en son coeur et en son âme de la même façon. "Je ne suis pas raciste, j'ai une amie tchadienne plus noire qu'une arabe", avait-elle fièrement clamé. A qui s'adressait-elle ? A ses compatriotes blancs, seuls capables de comprendre que ce discours vous lavait du soupçon d'être raciste. Quant aux Français noirs, coutumiers de ces propos racistes censés montrer que l'on ne l'est pas, ils n'osent plus s'en offusquer parce que leur indignation serait prise pour du racisme anti-blanc.
Une chose est sûre : en France, les politiques, les journalistes et les publicistes s'adressent spécifiquement aux Français blancs. Aussi s'appuient-ils particulièrement sur les présupposés culturels que ceux-ci ont bien intégrés, dans leur conscience ou leur subconscient. Démonstration !
Quand le Noir est présenté comme un mangeur de chair blanche, à qui s'adresse le publiciste ? Forcément aux Français blancs qui comprennent ce message ; message qui ne les choque pas parce qu'il est dans l'ordre des choses admises. Cela ne mérite aucun procès. D'ailleurs, beaucoup trouvent l'image amusante. Si un Noir s'en indigne, on dira qu'il fait du racisme anti-blanc.
D'autre part, quand les illustrations des magazines ou des articles des journaux évoquent les peuples d'Afrique, ceux-ci sont bien souvent présentés comme des pauvres affamés ou des sauvages. Cela répond bien à ce que pensent les Français blancs ; ou cela contribue à les entretenir dans l'idée qu'ils sont très évolués par rapport à cette catégorie de personnes. Et le Français noir n'a pas intérêt à en être chagriné ; il manifesterait du racisme anti-blanc.
Entretenir le racisme grâce à l'image du Noir assisté
et celle du Blanc supérieur volant à son secours
D'ailleurs, pour l'Afrique, que proposent les publicités, les associations, les politiques ? De l'aide ! Oui, de l'aide. Ils demandent aux populations françaises de les aider à aider l'Afrique, à aider les pauvres Africains qui ont grand besoin d'eux ; sinon, ils mourront tous. Cette indignation devant la pauvreté de quelques populations bien choisies n'est que la manifestation d'une bonne conscience visant à cacher un racisme institutionnalisé. Ils oublient en effet - ou feignent d'oublier - que ce sont les plantations africaines d'hévéa qui font travailler les usines de pneumatique en France. Combien d'emplois ? Ils refusent de voir que ce sont les métaux extraits du sous-sol africain qui font travailler les usines en France. Combien d'emplois ? Ils ne veulent pas penser que ce sont les fruits tropicaux (café, cacao...) et le pétrole africain qui permettent à bon nombre de sociétés françaises de tourner. Combien d'emplois ? Oui, l'action des sociétés privées françaises en Afrique génère des emplois dans le privé en France pour le grand bonheur de tous. Et gare au gouvernant africain qui aura le malheur d'envisager la transformation de ces matières premières sur place ! Il s'exposera à un coup d'état. On ne demande pas à l'Afrique de montrer le savoir-faire de ses cadres formés dans les universités européennes, mais de fournir à l'Europe des matières premières. C'est tout !
Pour l'Etat français comme pour les autres pays européens, les Africains doivent demeurer des éternels assistés, des abonnés au FMI et aux ONG, c'est-à-dire des abonnés à la soupe populaire. Il leur est difficile de concevoir que l'Afrique noire veuille jouer un autre rôle que celui qu'ils lui ont attribué. Et cela, c'est du racisme érigé en politique d'état.
Raphaël ADJOBI