Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
19 juin 2014

Les malades précieux (Obambé Gakosso)

                                 Les malades précieux

                                        (Obambé Gakosso)

Les malades précieux 0002

            Ce recueil de onze nouvelles que nous propose Obambé Gakosso est la peinture d'une Afrique en pleine mutation. On découvre ici le visage d'un continent se situant entre une société dont le socle traditionnel est difficilement reconnaissable et une société moderne dont on ignore les réelles visées. C'est donc un monde en ébullition, aux manifestations grimaçantes, pour ne pas dire anarchiques, la peinture d'une société congolaise, reflet d'une Afrique qui se cherche à tâtons, que nous présente l’auteur. Et la jeunesse de la plupart des personnages principaux témoigne de cette société en mutation. 

            La sixième nouvelle - Les malades précieux - qui a donné son nom au recueil est un véritable cri d'indignation à l'encontre des pratiques prédatrices pour les finances des Etats dont se rendent coupables les élites africaines. Elle met en lumière la responsabilité qui incombe à chaque Africain au moment de prendre ses fonctions dans nos nouvelles sociétés : il faut choisir entre se mettre au service de tous et se mettre au service des privilégiés tout en bénéficiant des avantages qui en découlent.

            Malgré la force de cette nouvelle, elle n'aura pas forcément la préférence de tous les lecteurs. Il y a dans ce recueil des récits séduisants comme La Fac au pied du baobab qui peint les rêves très réfléchis de deux jeunes étudiants et nous remplit d'espoir en l'avenir ou Une tête au menu qui montre l'irresponsabilité et l'inconscience des jeunes hommes dans une société où l'arrivisme est une règle d'or pouvant conduire à l’impensable. On peut aussi ne pas être insensible à la sagesse retrouvée de Karumba dans la première nouvelle intitulée Je n'ai plus de temps à perdre. Mais sans hésitation, ma préférence va à L'assiette n'a pas changé. Bien construite,  cette nouvelle montre l'ingéniosité des mères africaines pour mener à bien l'éducation de leurs enfants emportés dans le tourbillon des nouvelles pratiques amoureuses de la jeunesse d'aujourd'hui. La force de caractère dont fait montre la mère de Loketo pour responsabiliser son fils, pour lui faire prendre conscience des devoirs attachés à la liberté est tout à fait admirable. Une mère comme on les aime et les redoute à la fois.

            Toutefois, force est de reconnaître que la nouvelle la plus instructive sur l'état de notre Afrique en mutation est bien Ma route de Loango, et cela grâce aux multiples réflexions qu'elle contient. Le lecteur y trouvera une peinture très réaliste du fonctionnement de nos Etats ainsi que de toutes les carences des Africains en matière de gestion et d'organisation sociale. A lire absolument. 

            La lecture de ce recueil suscite cependant une question importante sur le regard que les éditions L'Harmattan portent sur les textes qui leur sont proposés pour leur collection "Ecrire l'Afrique" : pourquoi n'y a-t-il pas de relecture de ces textes ? Cette question nous renvoie à un problème social qui devient inquiétant : il s'agit de la place de moins en moins grande des correcteurs dans la fabrication du livre ; problème que soulignait le journal La Croix dans deux articles dans son édition du jeudi 15 mai 2014. Son constat est sans appel : « bien des éditeurs, épaulés par les logiciels de correction, sont tentés de faire des économies sur ces invisibles correcteurs - rendant soudain visible leur absence ».

Raphaël ADJOBI

Titre : Les malades précieux, 281 pages

Auteur : Obambé Gakosso

Editeur : L'Harmattan, collection Ecrire l'Afrique, 2013  

Publicité
Commentaires
S
Je voudrais ajouter que j'ai vu dans la nouvelle "L'assiette n'a pas changé" un très bel hommage de notre ami Obambé aux mères africaines. C'est le récit qui a parlé à mon cœur et que je vais relire avec plaisir.
Répondre
S
En fait, si je comprends bien, les éditeurs veulent pousser les écrivains à prendre eux-mêmes en charge les frais de correction. Ils deviennent donc de plus en plus mesquins. Et pourtant cette relecture, ce regard de l'autre avant la sortie du livre est primordial. "Me suis-je fait bien comprendre ? En portant toute mon attention à mes idées, n'ai-je pas laissé passer des fautes élémentaires ?" Celui qui écrit ne cesse de se poser ces types de questions. Le correcteur est donc d'une aide précieuse. Les éditeurs ne doivent pas oublier que ce sont eux que le lecteur juge avant tout.
Répondre
L
Je n'avais pas vu cet article, j'aime bien ta présentation des nouvelles, montrant la particularité de chacune, surtout celles qui dévoilent la situation de l'Afrique aujourd'hui. J'ai aussi été séduite par la détermination de cette mère qui apprend à son fils que rien ne tombe du ciel et qu'il faut assumer ses actes, dans "l'assiette n'a pas changé".<br /> <br /> Il est vrai aussi qu'il est regrettable de trouver des coquilles, c'est le sort des auteurs livrés à eux-mêmes, ce serait tellement bien si l'éditeur pouvait à ses frais faire le travail de correction, comme c'est attendu, or aujourd'hui on en est là en ce qui concerne la majorité des auteurs du Sud se débrouiller soi-même pour tout faire : c'est ça ou rien.
Répondre
Publicité
Publicité