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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
28 septembre 2014

Pour la vérité et la justice ; Côte d'Ivoire : révélations sur un scandale français (Laurent Gbagbo et François Mattei)

                       Pour la vérité et la justice

                    Révélations sur un scandale français

                      (Par Laurent Gbagbo et François Mattei)

L

            Ce livre à deux voix est à classer dans la catégorie "Histoire", rubrique "Relations entre la France et ses anciennes colonies". Même si la Côte d'Ivoire des années 2000 à 2011 constitue son noyau central, elle n'est rien d'autre que le microcosme permettant de bien cerner les périlleux tâtonnements de l'Afrique francophone sur le chemin du développement économique d'une part et de l'expérience institutionnelle et politique sur le modèle européen d'autre part. Un livre incontournable donc pour tous les Africains francophones - généralement très sectaires, se désintéressant des malheurs des voisins jusqu'à ce qu'ils en soient frappés eux-mêmes. 

            Avec ce livre, « Elle n'est pas belle, la France ! » Pas du tout. Nous avons ici un excellent résumé de la Françafrique et d'éclatantes illustrations de ses pratiques. Ce système d'ingérence de la France dans les affaires africaines nous laisse voir « sa classe politique – formée dans le moule étroit de l'ENA – plus habituée à gérer les acquis du passé qu'à imaginer un avenir » hors de l'Afrique. Elle préfère donc continuer à traire sa vache africaine. Comme le dit si bien François Mattei, dans l'Afrique, c'est comme dans le cochon : tout est bon ; même les dettes dont on la couvre rapportent gros à la France.           

            Ce livre montre surtout l'outrageante franchise des Français dans l'accomplissement de leurs forfaits en Afrique. Ils n'ont pas foi en l'ONU, mais ils aiment en faire la précieuse couverture de leurs actions destructrices. « L'ONU, [...] c'est une vue de l'esprit, ça n'existe pas », dit Jean-Marc Simon, ancien ambassadeur en Côte d'Ivoire ; propos qui fait écho à « ce machin » de Charles de Gaulle. Quant à l'affirmation de leur volonté délibérée  de se défaire de Laurent Gbagbo - pour le simple fait qu'il n'était pas prévu dans leur plan - est absolument sidérant !  On a tout inventé pour le salir, alors que, comme le remarque François Mattei d'un ton moqueur, « il n'y a pas plus de réseau pro-Gbagbo que de chocolaterie en Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao ».

                               Des portraits très instructifs

            Outre les multiples traces de l'acharnement destructeur et calomniateur de la France contre Laurent Gbagbo, ce livre retient aussi l'attention par les nombreux portraits savoureux qu'il propose. D'une façon générale, un ambassadeur français en Afrique est « une barbouze en cravate » ; rien de plus ! Nicolas Sarkozy, connu en France pour être le premier président inculte, est peint par Laurent Gbagbo comme celui qui « ne prend pas le temps de réfléchir [...]. Chez lui, à la place des idées, il y a l'arrogance ». Quant à Henri Konan Bédié - le président du PDCI-RDA - aucun de ceux qui l'ont côtoyé ne lui a découvert la moindre qualité ! A ceux qui pensent qu'il serait le fils naturel d'Houphouët-Boigny, la veuve du "vieux" répond qu' « il est trop laid pour être le fils de [son] mari ». Les Français de leur côté estiment qu'il est une vraie pâte à modeler : « Bédié – selon l'ambassadeur Jean-Marc Simon – il compte les enveloppes » ; un peu d'argent et il vous suit comme un petit "chien-chien". Et Laurent Gbagbo de compléter ce portrait en ajoutant que Konan Bédié s'accroche à la direction du PDCI parce qu' « il veut qu'on continue de l'acheter ». 

            Vous découvrirez d'autres portraits fort intéressants dans ce livre : celui de Dominique de Villepin, du général Doué, et une magnifique peinture de la CPI et de l'ONUCI. Bien sûr vous aurez droit à celui d'Alassane Ouattara qui n'a rien d'un homme politique mais tout d'un affairiste calculateur. Son caractère ignoble n'échappera pas au lecteur : ou bien il ne s'est jamais soucié du mauvais traitement que Laurent Gbagbo subissait, ou bien c'est lui-même qui a donné l'instruction pour qu'on le prive de la lumière du jour dans sa prison de Korhogo et surtout pour qu'on l'envoie à La Haye en plein hiver en petite chemise et en sandales. Cette absence de précautions particulières pour un haut dignitaire, fût-il prisonnier, fait de Ouattara un véritable monstre, indigne de toute considération.  

            Retenez aussi que dans le contexte des relations françafricaines et ivoiro-françaises, devant l'adversité étrangère ou locale, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara ont fui en se refugiant dans le giron d'une ambassade étrangère. Seul Laurent Gbagbo est demeuré ferme dans ses convictions face à l'armée ennemie. Il a été incontestablement le meilleur des politiciens dans une situation de crise ! Leçon que tous les Ivoiriens devraient retenir au moment de se choisir un président pour les diriger. 

            Combien d'Ivoiriens, combien d'Africains et combien de Français liront ce livre ? Que ceux qui n'oseront pas le lire se taisent à jamais quand ils entendront parler de la France en Afrique ou de Laurent Gbagbo. Cependant, qu'ils n'oublient pas que la France est le véritable ennemi de toute l'Afrique francophone. Car « tant que les piliers de la Françafrique seront debout – la présence de l'armée française, le franc Cfa, le choix des présidents par l'Elysée – la souveraineté des pays d'Afrique ne sera qu'un leurre, et la Françafrique, la réalité ». 

Raphaël ADJOBI

Titre : Pour la vérité et la justice ; Côte d'Ivoire : révélations sur un scandale français, 316 pages.

Auteur : Laurent Gbagbo et François Mattei.

Editeur : Editions du moment, 2014.     

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7 septembre 2014

Les deux filles noires de Louis XIV : la Mauresse de Moret et Dorothée

                    Les deux filles noires de Louis XIV :

                     la Mauresse de Moret et Dorothée

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            Dans son excellent petit ouvrage, publié en 2012, consacré à la religieuse métisse communément appelée La Mauresse de Moret, Serge Bilé laisse le lecteur libre d'arrêter son jugement personnel sur son ascendance, après une étourdissante promenade dans le dédale des archives et des témoignages littéraires du XVIIIe et du XIXe siècles. Cependant le dernier chapitre du livre, très riche sur les soins que Louis XIV apporta à cette religieuse noire, nous laisse croire que ceux qui continuent à voir en elle la fille de la reine Marie-Thérèse se trompent ou veulent nous tromper.

            Certes, dans la culture collective – sauf dans celle de quelques rares irréductibles, comme nous le verrons plus loin – Marie-Thérèse, l'épouse du roi Louis XIV, a mis au monde une fille métisse en novembre 1664. Les petites histoires sur l'excessive consommation du chocolat ou le simple regard d’une personne noire qui produirait des enfants noirs, inventées par son médecin et ses soutiens, n'ont pas suffi pour la laver de son adultère. Et même si la mort de la fille de la reine et la disparition de son père nègre n’ont pas clairement été établies, leur existence fait partie de l'Histoire de France depuis des siècles.

            Si malgré cela la polémique autour de la religieuse noire, qui vécut et mourut au couvent des bénédictines de la ville de Moret, ressurgit aujourd'hui et passionne de nouveau les historiens, c'est parce que les archives semblent montrer que l'adultère de la reine Marie-Thérèse – ou son prétendu adultère – était destiné à nier le fruit des relations sexuelles que Louis XIV aurait eues avec une négresse. La question que l'on se pose désormais est donc celle-ci : la Mauresse de Moret, la sœur Louise-Marie de Sainte Thérèse, est-elle la fille – déclarée morte à la naissance – de la reine Marie-Thérèse ou la fille adultérine de Louis XIV ? 

            Pour celui qui lit attentivement son livre, le récit de Serge Bilé ne peut longtemps entretenir le trouble dans son esprit. Il contient les éléments nécessaires pour donner la ferme conviction que cette religieuse noire était bien la fille de Louis XIV. Ce ne sont pas les affirmations de Saint-Simon et de Voltaire – selon ce dernier, la Mauresse est le fidèle portrait du roi – ni même les contradictions des historiens et de Victor Hugo qui peuvent aider en cela. Au contraire, ce qui nous ouvre les yeux, c'est la ferme négation de l’existence des filles adultérines de Louis XIV, et particulièrement celle des historiens comme Alain Decaux qui – ignorant à la fois la vie sexuelle du roi et son comportement à l’égard de la Mauresse – refusent de croire que le roi ait pu folâtrer avec une négresse.   

            Que dit l'Histoire de la vie sexuelle de Louis XIV ? En 1919, balayant les scrupules de tous ceux qui ne voulaient pas voir en la religieuse noire la fille du Roi Soleil, l'archiviste Jules Mathorez rappelait en ces termes l’idée que les précédents siècles avaient laissé de lui : « Lorsqu’on se souvient que, pour Louis XIV jeune, tout était bon, pourvu que ce fussent des femmes, et qu’il aima la Beauvais (femme de chambre borgne de la reine mère), des filles de jardiniers, et d’autres personnes de modeste condition, rien ne s’oppose à ce que, vers 1656, Louis XIV ait eu une héritière noire qu’il aurait fait conduire au couvent de Moret ». 

            L’évidente conviction raciste qui anime Alain Decaux et certains historiens et les pousse à nier la paternité du roi ne peut constituer un argument. Serait-il inconcevable qu’un roi de France ait eu des relations sexuelles avec une Noire ? Le fait d’être roi n’empêchait pas Louis XIV d’être homme. Et comme il avait plus de droit que les autres hommes – sinon tous les droits – il couchait avec qui il voulait. Oui, la réputation de Louis XIV était connue : ses conquêtes ne se limitaient pas aux femmes et aux filles des nobles de sa cour. Pauvre ou riche, négresse ou pas, qu’importait la condition : un joli minois condamnait une belle dame à ses rets ! 

            Plutôt que de se laisser enfermer pour des raisons racistes dans la négation pure et simple de cette filiation entre Louis XIV et la religieuse noire de Moret, tout lecteur attentif sera contraint de se poser cette question déjà formulée par Jules Mathorez en 1919 : « Comment expliquer [sans cette filiation] l’intérêt porté par la cour à cette négresse ? » 

            Ce sont en effet les soins particuliers, que le roi prit à la formation de cette religieuse noire mais aussi pour lui garantir une existence commode, qui étonnent. Les documents d’archives consultés par Serge Bilé attestent que cette attention n’a jamais faibli jusqu’à la mort de Louis XIV. C’est dire combien ceux qui continuent à croire que la religieuse noire Louise-Marie de Sainte Thérèse – annoncée morte et réapparue après une vingtaine d’années de silence ! – est la fille de la reine et du nain noir Nabo, ne sont absolument pas crédibles.

            Personne ne peut croire que Louis XIV, cocufié par la reine, se soit ardemment transformé en beau-père attentif et généreux au point de faire de cette jeune femme noire la prunelle de ses yeux et céder à ses volontés que Madame de Maintenon – sa dernière compagne – qualifiait de caprices. Signalons que la sœur Louise-Marie de Sainte Thérèse exigea et obtint en effet que le roi assistât à sa prise de voile le 30 septembre 1695. Elle avait alors trente-et-un ans.

            Non, personne ne peut croire qu’un cocu publiquement humilié – l’accouchement d’une reine se faisant toujours en public – se plie aux caprices du fruit de l’adultère de sa femme ! Non, un cocu ne multiplierait pas les visites à la fille dont la naissance a souillé sa réputation devant la cour entière. Seules les femmes sont capables de ce dépassement ; pas les hommes, à moins que le cocufiage ne soit pas connu de tous. Il est certain que le défilé des princes de la cour au couvent de Moret s’explique par le fait que la négresse Louise-Marie de Sainte Thérèse était bien la fille naturelle du Roi Soleil. Nous pouvons dire, après l'abbé Pougeois qui fut curé à Moret, que « ce n'était sans doute pas fortuitement que la Mauresse portait en religion le nom de Louise-Marie de sainte Thérèse, c'est-à-dire les noms mêlés du roi et de la reine » 

                                      Louis XIV, père de deux filles noires !

            Il nous a suffi de pousser un peu plus loin notre curiosité hors du livre de Serge Bilé, qui nous a permis de forger notre conviction, pour découvrir que selon Serge Aroles, « l’énigme de la fille noire de Louis XIV (est) résolue par les archives ». Oui, Serges Aroles montre clairement lui aussi, à travers les archives, que Louise-Marie de Sainte Thérèse – avec sa « triple dénomination alors rarissime, relevant quasi exclusivement de la haute noblesse » – est la fille de Louis XIV et non point celle de la reine Marie-Thérèse. Non seulement l’auteur affirme et démontre que la négresse de Moret est la fille du roi de France, mais aussi que celui-ci – toujours selon les archives – a eu une deuxième fille du nom de Dorothée, qu’il n’avait cessé de voir en cachette.

            Voici l’introduction de son court texte : « Les archives sont souveraines : elles dédisent formellement trois siècles de littérature, qui n’ont point fait usage d’elles mais qui veulent que la fameuse « mauresse de Moret » eût été une fille que la reine de France aurait eue en 1664 d’un amant noir. Et les archives stupéfient. Il est une autre fille que Louis XIV protège de tous ses soins, mais tant secrètement qu’elle est restée inconnue jusqu’à nos jours : Dorothée, précieuse petite créature que le roi fait escorter de Paris à Orléans par son trésorier général de l’Artillerie ». Quand Dorothée, placée chez les Ursulines d’Orléans devait rejoindre un couvent proche de Paris pour y rencontrer le roi, elle jouissait d’une protection quasi militaire, fait remarquer Serge Aroles. 

            Autre détail de l’histoire qui tend à confirmer cette double paternité de Louis XIV, c’est que le luxueux carton sensé contenir les documents personnels de  Louise-Marie de Sainte Thérèse nous est parvenu vide ; et quant à Dorothée, on a aussi pris soin d’effacer toute trace d’elle. Après leur mort, le vide trop soigneusement créé autour de ces deux femmes noires tend à confirmer leur lien de parenté avec le roi de France. Trop de « documents volés. Sans équivalent est l'absence de toute mention d'un acte de baptême [...] pour une religieuse bénédictine », fait remarquer Serge Aroles qui croit à une volonté délibérée d'effacer toutes les traces qui conduiraient à l'affirmation d'un quelconque lien de parenté entre les filles noires et Louis XIV. Il ne nous reste aujourd’hui, dans les archives, que peu de chose des enregistrements, au XVIIIe siècle, des minutes notariales disparues. Toutefois, « Louise et Dorothée, apparaissent […] – et avec quelle force pour cette dernière ! – dans les archives de la Maison du Roi. Que l’une ou l’autre eût été une enfant de la souveraine, elle apparaîtrait dans les comptes de la Maison de la Reine ». Ce dernier complément d’information lave la reine du soupçon de tout lien de sang avec l’une ou l’autre des deux femmes métisses.      

            Qui serait la mère de ces deux filles métisses ? Sont-elles sœurs ou demi-sœurs ? Sur ce chapitre, aucune certitude, selon Serge Aroles. Comme il n’y avait aucune servante noire, tant dans la « Maison du Roi » que dans la « Maison de la Reine », il émet l’hypothèse que ces filles seraient issues de « la petite noire vendue, jeune enfant, au premier comédien de Louis XIII, pour jouer les rôles de sauvage » que Louis XIV, amateur de théâtre, n’aura pas manqué de remarquer. Et, ajoute-t-il, si ces deux filles sont issues de la même femme, c'est qu'il y a eu relation amoureuse entre le roi et leur mère et non point une relation de passage. Logique !   

            Mais là où Serge Aroles surprend tout le monde, c’est quand il soutient – contre toutes les rumeurs du XVIIIe siècle – que la reine Marie-Thérèse n’a jamais accouché d’une fille noire. Selon lui, aucune correspondance entre les royaumes d’Europe (Autriche, Espagne, Grande-Bretagne, Vatican) ne mentionne ce fait. Or, ajoute-t-il, « malgré les alliances matrimoniales, ces puissances restaient ennemies de la France », et l’absence de pudeur et de retenue qui caractérisaient les lettres secrètes de l’époque n’auraient pas fait l’économie de l’information. 

            L’on peut donc dire que si l'enfant de la reine, né en novembre 1664, n'avait nullement la peau noire, c'est que cette histoire a été inventée comme un contre-feu aux naissances des enfants de Louis XIV. Oui, on peut imaginer que pour détourner l’attention de la cour et du peuple de ce qui lui arrivait, l’entourage du roi a propagé une nouvelle absolument fallacieuse. Et comme l’enfant de la reine est mort quelque temps après sa naissance, le public n’a pu, à l’époque, savoir la véracité de l’histoire.

            Cette lecture de l'Histoire que fait Serge Aroles lave non seulement la reine de la calomnie qui la couvre depuis des siècles, mais confirme aussi le fait que Marie-Thérèse ne pouvait en aucune façon être la mère de la religieuse noire de Moret qu'elle n'a d'ailleurs pas souvent visitée. Cette présentation tend plutôt à montrer que ses zélés calomniateurs ne cherchaient et ne cherchent qu’à protéger l’honneur de Louis XIV. En juillet 2014, un article publié sur le site internet du journal Paris Match était ainsi intitulé : « Scandale à la cour : la reine Marie-Thérèse accouche d’un bébé noir ». Un article apparemment écrit pour dire que le déshonneur du roi de France est venu de l’Espagne, le pays de naissance de la reine. Son auteur ne tient aucun compte des documents d’archives et tend plutôt à déformer l’histoire quand il dit que le roi allait voir la négresse de Moret parce qu’il avait entendu dire que celle-ci avait des dons pour l’occultisme et aussi parce que « le roi, bon père pour tous ses enfants, ne se résignait peut-être pas à abandonner la fille de Marie-Thérèse, victime avec Nabo d’une faiblesse passagère à laquelle lui-même, des années durant, n’avait cessé de s’abandonner ». Ces lignes montrent de manière éclatante que la grossière tentative de falsification de l’Histoire poursuit son cours parmi nous. Mais cette fois, elle est devenue plus que ridicule ; elle est risible ! 

Raphaël ADJOBI

° Serge Bilé : La Mauresse de Moret, la religieuse au sang bleu ; édit. Pascal Galodé, 2012.

° Serge Aroles, L’énigme de la fille noire de Louis XIV résolue par les archives ? (sur Internet).

                                            4 ans et demi après !

L'Histoire - La Francde noire

Dans la revue L'Histoire de mars 2019, c'est-à-dire quatre ans et demi après moi, un petit article (p.43) signé Joël Cornette fait la même analyse avec les mêmes éléments sans me citer ! Alors que jamais, avant moi, personne n'avait fait mention de Serges Aroles. Il finit son billet par une pirouette qui voudrait entretenir le négationnisme sans se rendre compte que son sentiment est aussi risible que celui de Paris Match : «Aucun document cependant ne permet d'étayer ces hypothèses. Le dossier Boinet 89 aux archives de la bibliothèque Sainte-Geneviève porte la mention manuscrite : "La Moresque Fille de Louis 14". Mais le dossier... est vide», affirme-t-il. Si le seul fait que le dossier est vide annule tous les indices qui trahissent la vérité, on peut conclure que peu de récits de l'histoire de France mériteraient d'entrer dans les livres d'histoire et dans les manuels scolaires. Le grand soin pris pour faire disparaître le dossier trouvé dans les affaires du roi est la preuve même que cette femme est la fille de Louis XIV ; le sentiment de Joël Cornette n'y change rien ! Joël Cornette aurait dû se poser cette question essentielle et élémentaire avant de conclure son article : pourquoi le dossier (même vide) d'une négresse se trouvait-il dans les affaires du roi de France ? Pourquoi n'a-t-on trouvé aucun document de cette fille dans les affaires de la reine ?            

Serge Aroles a cité le livre de Serge Bilé sur son site Internet, par probité, parce que celui-ci a été le premier à aller très loin dans les recherches pour affirmer que la Mauresse de Moret n'est pas la fille de la reine. Suite à mon article, Serges Aroles m'a adressé des documents relatifs à "l'Homme au masque de fer" en me suggérant de les exploiter pour un travail équivalent à celui que je venais d'accomplir.       

3 septembre 2014

Les trois fautes capitales d'Houphouët-Boigny ou l'historique naufrage d'un capitaine mal inspiré

                Les trois fautes capitales d'Houphouët-Boigny

                   ou l'historique naufrage d'un capitaine mal inspiré

Houphouët-B

            

Dans l'histoire de la jeune Côte d'Ivoire, l'image d'Houphouët-Boigny demeure en ce début du XXIe siècle une référence essentielle. Cependant, depuis quelques années, elle est sérieusement bousculée par celle de Laurent Gbagbo apparaissant de plus en plus éclatante parce que chargée d'un symbole qui parle au cœur de l'humain : la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes.

          En effet, dans l'Afrique des années soixante à quatre-vingt-dix, Houphouët-Boigny et la Côte d'Ivoire qu'il dirigeait représentaient pour la France et le reste du monde l'Afrique prospère quand elle accepte de marcher à l'ombre tutélaire de son ancien colonisateur. Les puissances européennes ayant lâché leur emprise sur leurs anciennes colonies - qui se débattaient dans les difficultés propres à des états nouvellement indépendants - apparaissaient alors comme de piètres humanistes. 

          Ardemment opposé à l'indépendance des pays africains, quand l'heure des indépendances sonna, Félix Houphouët-Boigny ne ménagea aucun effort pour arrimer la Côte d'Ivoire et l'Afrique francophone à la mère patrie : la France. Auréolé de tous les qualificatifs inventés par ses parrains – « père de la nation », « le sage de l'Afrique » – il se fit l'excellent ambassadeur de la France auprès de ses pairs africains et son zélé commissionnaire des basses besognes dans les conflits locaux.

          Il se montra si soucieux de l'intérêt et du prestige de la mère patrie qu'il oublia l'essentiel : la Côte d'Ivoire. Certes, son rôle de « préfet français », lui faisant bénéficier de toutes les indulgences – et peut-être aussi de certaines largesses – lui permit de donner à la Côte d'Ivoire un visage séduisant qui attirait tous les regards et aussi la jalousie de ses voisins. En effet, en une vingtaine d'années, son pays se révéla, dans ce désert de l'ouest africain, une oasis enchantée vers laquelle accouraient les pauvres hères assoiffés de bonheur matériel.

          Malheureusement, bien vite, certains, comme René Dumont – auteur de L'Afrique noire est mal partie, publiée en 1962 – reconnaissant le miroir aux alouettes, crièrent au mirage économique d'une terre en perdition. Rien ne sert en effet de s'ériger en bâtisseur d'œuvres titanesques si les populations ne peuvent bénéficier de soins, payer les études de leurs enfants, si les paysans qui sont les mamelles de l'Etat doivent vivre pauvrement. Ces voix qui s'alarmaient indiquaient que si le peuple restait écarté de la politique qui dessinait son destin, et si les lettrés ne devaient avoir pour seule visée que la place du colon, les grands projets seraient toujours inadaptés et insuffisants pour faire de la Côte d'Ivoire un pays développé. Selon ces esprits éclairés, la contribution volontaire des populations aux décisions politiques paraissait nécessaire pour mieux cibler les besoins et contribuer aussi à une meilleure cohésion nationale pouvant déboucher sur une vraie indépendance économique.

       Absence d'héritage politique de sa présidence

          Effectivement, sur le plan national, pendant très longtemps, Houphouët-Boigny s'est fermement opposé à tout projet pouvant aboutir à une sortie du giron français. Pour lui, la Côte d'Ivoire devait demeurer rivée à la France par ce que François Mattei appelle si joliment les « trois piliers de la cathédrale françafricaine » : le président du pays est choisi par la France ; l'armée française est installée sur le sol ivoirien ; la monnaie ivoirienne, le franc Cfa – vestige colonial – est contrôlée par la France. Ce qui voudrait dire que l'idéal d'Houphouët-Boigny, c'est une Côte d'Ivoire sous la telle de la France.

          Il y avait pourtant un domaine où le prétendu « père de la nation » aurait pu, s’il avait voulu, amorcer une brèche dans l'édifice françafricain. C'était celui de la démocratie. Un effort dans ce sens aurait permis l'émergence rapide d'idées nouvelles et de projets nouveaux aidant à la marche vers la véritable indépendance du pays. D'ailleurs, à cette époque, certains croyaient - naïvement ou non - que ne voulant pas lutter frontalement avec le colonisateur, il avait au fond de lui l'intime conviction qu'il fallait préparer les armes qui permettraient plus tard aux Ivoiriens d'arracher leur pays à l'emprise de la France. Il n'en fut rien. A aucun moment, « le vieux » – comme on l'appelait affectueusement – ne montra à ses compatriotes que cette conquête lui tenait à cœur, qu'elle était primordiale. A aucun moment, il ne pensa à leur confier un héritage qui leur deviendrait cher au point de les pousser à consacrer toutes leurs énergies, leur vie, à le défendre.

          Il commit même le crime de s’opposer fermement à l’instauration du multipartisme inscrit dans la constitution ivoirienne ! Sans l’entêtement de Laurent Gbagbo – qui a pris tous les risques et essuyé toutes les humiliations – jamais la Côte d’Ivoire n’aurait connu les balbutiements de la démocratie qu’elle a vécue avant le coup d’état français d’avril 2011. C’est grâce à la conquête du multipartisme par Laurent Gbagbo – qui n’a jamais remis en cause les institutions et particulièrement la composition du Conseil constitutionnel, le seul juge des résultats des élections – que chaque nouveau président de la république a été incontestablement le chef de l’armée nationale laissée par Houphouët-Boigny à sa mort.

          En effet, une armée nationale qui fait allégeance à l’élu du peuple proclamé et investi par le Conseil constitutionnel est la preuve que les institutions du pays fonctionnent et que la démocratie est bien en marche. Grâce à l'adoption du multipartisme, les Ivoiriens avaient donc enfin un bien commun à défendre. La preuve qu'ils s’imprégnaient peu à peu des principes de la démocratie et en reconnaissaient les valeurs se vérifie dans ce qui s’est passé après l'épisode du pouvoir militaire avec le général Robert Guéi. En 2000, après des élections chahutées, l’armée s’est placée sous l’autorité de celui qui été reconnu l'élu du peuple par le Conseil constitutionnel. Malheureusement, ce processus démocratique avec des institutions fortes a pris fin en avril 2011, lorsqu'un nouveau pouvoir s’est installé hors de l’investiture prononcée par le Conseil constitutionnel avec une armée autre que celle héritée des précédents présidents. Or, toute armée, suppléant celle existante grâce à la volonté d'un seul homme, est une armée prétorienne, c'est-à-dire une armée privée. Les FRCI sont en effet l'armée personnelle d'Alassane Ouattara et de ses amis et constituent un danger pour l'avenir de la République.

          Qui peut dire ce que Houphouët-Boigny a laissé à ses compatriotes et pour quoi ils seraient prêts à se battre ? Nous mesurons la vacuité de son héritage politique aujourd’hui d'autant plus que la démocratie – disparue en 2010 – apparaît véritablement chère au cœur des Ivoiriens. Oui, le multipartisme a enseigné à chaque Ivoirien la force nécessaire des institutions avec ses bienfaits immédiats : l’absence de prisonniers politiques, la liberté de la presse et d’opinion, le respect de la vie. Et force est de constater que l'architecte de cette grande œuvre, qui constitue la vraie construction d’une nation, n’est pas celui que l’on a pompeusement appelé « le père de la nation », mais le Prométhée national – Laurent Gbagbo – qui, aujourd'hui, le supplante largement dans le cœur des Ivoiriens. Sans ce dernier, « le vieux » les aurait laissés démunis au bord d'un précipice insondable, sans héritage politique, sans idéal à défendre. Grâce à Laurent Gbagbo, entre 2000 et 2010, quand les Ivoiriens descendaient dans la rue, ce n'étaient pas pour crier qu'ils avaient faim mais pour défendre la démocratie menacée.

                 Absence de mémoires ou de manuscrit

         Si Houphouët-Boigny n’a laissé aucun héritage politique à ses concitoyens, il n’a pas songé non plus à les instruire par des écrits. Pas de mémoire de son vivant, pas de mémoire après sa mort !

          Pour se dédouaner de ce manquement, il aimait à clamer que les deux personnes les plus célèbres de notre ère – Jésus et Mohamed – n’ont jamais rien écrit. Il a oublié qu’il n’est ni l’un, ni l’autre. Il avait surtout perdu de vue que Jésus et Mohamed ont beaucoup agi, exposant leur vie à l’adversité. S’il avait été plus attentif à l’Histoire, il aurait constaté que l’esprit de l’humanité se nourrit de deux sources : l’attachement, d’une part, à ceux qui ont donné leur vie pour un idéal, et d’autre part à ceux qui ont laissé des idées fortes pour instruire les générations futures.

          Un vrai pouvoir d’Etat, lorsqu’il est confronté à des situations particulières, doit être capable de prévenir ses successeurs de certains dangers, leur faire partager ce qu’il a pu ou n’a pas pu faire dans le secret, afin que ceux-ci puissent avancer d’un pas plus serein. A-t-on forcé la main à Houphouët-Boigny pour qu’il favorise l’immigration de ses voisins sahéliens sur la terre ivoirienne afin d’éviter à la France d’être inondée de Burkinabés et de Maliens ? Dans quelles conditions a-t-il nommé Alassane Ouattara Premier ministre alors que personne ne le connaissait ni d’Eve ni d’Adam ? Que savait-il réellement de son dernier Premier ministre, dont il prenait publiquement la défense devant ses compatriotes qui voyaient très mal sa présence à ce poste ? A-t-il passé un contrat avec lui ? Que croyait-il avoir réussi et quel projet avait-il pour l’avenir politique de la Côte d’Ivoire qu’il n’a pu réaliser ? Que de questions sans réponse ! 

          Par des écrits, Houphouët-Boigny aurait pu nous éclairer et nous éviter certaines crises fâcheuses et déchirantes. S’enorgueillir d’être un grand bâtisseur de monuments ne fait pas de vous un bâtisseur de nation. Quand on avoue sa faiblesse intellectuelle et politique, on choisit de se refugier dans le pouvoir de l’argent en élevant des édifices à sa propre gloire et à celle de ceux que l’on aime. On se montre dépensier pour s’attirer les faveurs des uns et des autres. Mais la nation se construit avant tout en esprit et en politique, c’est-à-dire en pensant à l’homme attaché à son milieu, en lui donnant l’occasion de tendre vers un idéal où son bonheur peut se réaliser par son travail et sa persévérance. Que pensait Houphouët-Boigny de tout cela ? Nous n'en savons rien parce qu'il est parti sans nous laisser un seul mot pour nous éclairer.

                             Absence d'héritage familial

          L'élément qui a fini par convaincre, rétrospectivement, bon nombre de ses concitoyens que « le vieux » était indigne de leur admiration et de leur considération, c'est la bataille qui s'est engagée autour des biens qu'il n'a pu emporter dans sa tombe. Personne ne peut dire qu'il a été surpris par la mort, puisqu'il n'a pas quitté ce monde dans la fleur de l'âge. D'autre part, nous savons qu'il a longtemps vécu en France et côtoyé les pratiques de ce pays.

          Malheureusement, on constate aujourd'hui qu'il a vécu parmi les Français qu'il a servis, de près et de loin, sans jamais avoir été imprégné de l'esprit de leurs pratiques qu'il copiait cependant. Tel le crocodile dont il a fait son animal de compagnie parce qu'il l'inspirait, la rivière dans laquelle il se baignait quotidiennement ne l'a jamais rendu meilleur.

          Houphouët-Boigny est demeuré, durant sa vie entière, un paysan baoulé, gérant ses affaires familiales de la même façon qu'il gérait celles de l'Etat. Il est demeuré dans l'oralité alors que la société moderne se construit sur la base de l'écrit, sur des textes de lois, sur des témoignages palpables.

          Imbu de sa personne, méfiant des siens, il ne plaça sa confiance qu'en ses amis Blancs qui savaient le flatter comme il aimait. Aussi confia-t-il la gestion de sa fortune aux Européens. Normal donc que personne ne sache aujourd'hui ce que sont devenus tous ses biens immobiliers sur le territoire français. On prétend çà et là qu'ils ont été vendus. Par qui ? Pour le compte de qui ? Qui en avait la gestion ? La France et ses médias, toujours prompts à accuser Laurent Gbagbo de tous les maux, n'ont pas osé lui imputer ce vol, même au nom de la Côte d'Ivoire. 

          Parce qu'il était doué pour ne jamais faire confiance aux siens, les nombreux comptes que Houphouët-Boigny se vantait publiquement d'avoir ouverts en Suisse sont aujourd'hui introuvables. A qui la faute ? A lui tout seul, bien sûr. Il est normal que des comptes ouverts sous le sceau du secret se perdent dans la nature - pour ne pas dire dans les poches des banquiers - après la mort du détenteur du code. Sans testament écrit officiel ou officieux désignant les bénéficiaires et contenant les éléments nécessaires pour accéder aux biens cachés, courir après l'héritage familial d'Houphouët-Boigny, c'est courir après un mirage.

          Que peuvent retenir les Ivoiriens de la présidence d'Houphouët-Boigny ? Une seule image : le précipice béant qui s'ouvre devant eux ! Résultat, on se jette dans le vide, on se déchire, on se fait la guerre. A sa mort, les Ivoiriens n'ont même pas eu l'honneur d'être perçus comme une famille se disputant un héritage ; parce qu'il n’y en avait pas. Aussi, ils ont assisté, indifférents, à la querelle entre Konan Bédié et Alassane Ouattara pour le fauteuil présidentiel. Par contre, quand Laurent Gbagbo leur offrit le multipartisme et la démocratie, ils devinrent fiers et jaloux de leur patrie et se mirent à la défendre ardemment contre l'adversité et même contre la puissante armée française. C'est dire combien un héritage national, bien reconnaissable par tous, est nécessaire à la cohésion d'un pays. Grâce à Laurent Gbagbo, tout le monde sait ce que les Ivoiriens défendent contre le pouvoir installé par la France en avril 2011. Houphouët-Boigny est donc définitivement écarté des valeurs qui animent le combat des Ivoiriens.

Raphaël ADJOBI

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