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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
30 mai 2015

Le sparadrap, un signe extérieur de sous-développement en Afrique noire

 Le sparadrap, un signe extérieur de sous-développement

                                        en Afrique noire

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            L'usage du sparadrap – ce ruban adhésif servant à panser les plaies et dont l'universalité n'est plus à démontrer – a toujours suscité en moi des interrogations, du simple fait que je suis Noir. Mais c’est seulement en avril 2015 que, dans un débat public, j’ai eu l’occasion de démontrer que son usage sur les peaux noires était un signe de sous-développement. Ce jour-là, tout le monde est tombé d’accord avec moi pour dire que c'est dans les choses les plus élémentaires que l'on voit l'incapacité des Africains à s'assumer pour s'imposer au monde.

            En effet, nous savons tous qu'en fabriquant cette bande adhésive pour recouvrir les plaies, les industriels européens ont pensé à la rendre quelque peu invisible sur les peaux blanches, donc moins disgracieuse. Ce qui veut dire que la couleur chair – mais « chair blanche » – du sparadrap est un choix esthétique mûrement pensé.  

            Figurez-vous qu'aujourd'hui encore, au XXIe siècle, après plus d'une soixantaine d'années d'indépendance des Etas africains – indépendance certes tronquée, parce que les dés étaient pipés – le sparadrap vendu en Afrique noire dans les pharmacies et autres places publiques est de couleur chair blanche. C'est-à-dire que le sparadrap produit par les Européens pour les peaux blanches d'Europe et du reste du monde blanc est celui-là que les peuples noirs d'Afrique et d'ailleurs continuent d'utiliser comme pansement. 

            La question que je me suis toujours posée est celle-ci : pourquoi aucun gouvernant d'Afrique noire n'a-t-il jamais pensé à commander pour son pays des sparadraps « chair noire » ou « marron » pour ses populations ? Il est très surprenant de constater que jamais les gouvernants africains n'ont pensé peser dans la balance commerciale en faisant valoir leur besoin particulier. Je ne parle pas d'investissements techniques lourds pour la production du sparadrap, mais tout simplement de commande auprès d’une industrie pour un besoin spécifique !

            Nous voyons bien par cet exemple que le sous-développement ne se mesure pas uniquement à la pauvreté liée aux besoins matériels. Il est avant tout une inadéquation entre les besoins et la force de la pensée. C'est quand l'esprit se limite à considérer la satisfaction des besoins comme une façon de combler un vide - et uniquement cela - et non pas également comme une conquête de la liberté et de la dignité que l'on reconnaît l'état de sous-développement. C’est cette manière de voir les choses qui conduit certains à parler d'aliénation et de besoin d’indépendance mentale. En d’autres termes, si un industriel d’Afrique noire – désireux de conquérir le marché africain – se mettait à fabriquer des sparadraps couleur chair blanche pour les populations noires, il serait considéré comme mentalement prisonnier d'un schéma culturel.

Permettons-nous donc de dire qu’il n’est pas sage de rechercher ardemment l’indépendance du ventre si la tête demeure aliénée. Peut-être qu’en commençant par la liberté de l’esprit on atteindrait plus facilement et plus judicieusement celle du corps, et les changements que pourraient opérer les réalisations techniques seraient plus adaptés aux réalités humaines et sociales de chaque peuple.              

Raphaël ADJOBI  

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