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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
19 avril 2016

Général Toussaint Louverture, Mémoires

             Général Toussaint Louverture, Mémoires

 

Toussaint Louv

            Cinquante ans après la mort de son auteur, c'est l'historien haïtien Joseph Saint-Rémy qui a découvert – grâce à l'abbé Grégoire – et publié les Mémoires du général Toussaint Louverture en 1853 avec de nombreuses notes explicatives sur les noms des lieux et des protagonistes. C'est cette première édition qui est reprise ici par le Mercure de France, avec une introduction de Philippe Artières instructive quant au long silence ayant entouré ces mémoires jusqu'en 2011. Réjouissons-nous donc de pouvoir boire à la source de la vérité des faits se rapportant à celui qui les a vécus et en a subi les conséquences. 

            C'est depuis sa prison du fort de Joux, souffrant terriblement du froid – selon ses dires et ceux du général Caffarelli qui lui a rendu visite plusieurs fois – que le général Toussaint Louverture entreprit, de « rendre au gouvernement français un compte exact de [sa] conduite ». En effet, de même que l'homme concevait inadmissible l'attaque brutale de l'île dont il avait la gouvernance par le général Leclerc parce que violant les règles militaires, de même il jugeait injuste son emprisonnement au regard des troubles survenus sur l'île suite à cette attaque.

            Pour qu'on l'entende, il organise son compte rendu en trois mouvements. Il parle d'abord longuement de son comportement et de ses actions depuis l'arrivée de l'escadre du général Leclerc sur les côtes de Saint-Domingue (Haïti) et sa brutale pénétration sur les terres. Puis il fait une analyse de ce qui s'est passé et en tire des conclusions. Enfin, il évoque sa conduite sur l'île avant l'arrivée de l'escadre et la violence inexpliquée du général Leclerc.

            Il est tout à fait étonnant de constater que c'est avec une grande confiance en la loi de l'Etat qu'en 1802 Toussaint Louverture écrit au pouvoir napoléonien pour demander justice : c'est-à-dire comparaître devant un tribunal militaire pour être jugé. Sans doute parce que l'esclavage était aboli – une première fois – depuis août 1793, à aucun moment, il ne croit Napoléon capable de bassesse et de méchanceté. Il est donc certain que le général Victor Leclerc n'a pas agi conformément aux instructions de la France qui ne peut qu'être soucieuse du bien-être des habitants de l'île et de sa prospérité. Que l'on ne se décide pas à « agir avec lui comme on agit dans tous les temps à l'égard des généraux blancs français » pour qu'éclate enfin la vérité sur sa responsabilité ou non dans les troubles survenus à Saint-Domingue, sera son grand étonnement.

            L'analyse des événements que fait le prisonnier du fort de Joux et le contenu du Journal du général Caffarelli qui l'accompagne ne peuvent que susciter des interrogations chez le lecteur. D'après les notes de l'historien haïtien Joseph Saint-Rémy, aucun administrateur colonial n'a été aussi excellent dans la gestion de l'île que Toussaint Louverture. C'est sans doute cette excellente gestion financière qui a propagé le mythe du trésor caché de Toussaint Louverture. On peut penser que cette richesse supposée, qui a nourri l'imaginaire des autorités françaises, jointe au fait que la constitution promulguée dans l'île faisait de Toussaint Louverture le « gouverneur général perpétuel, avec le droit de nommer son successeur » ont suffi pour attirer les foudres de Napoléon. Mais un détail nous fait renoncer à cette hypothèse. En effet, le fait que le général Leclerc ait attaqué l'île sans faire parvenir auparavant au Général Toussaint Louverture la lettre de Napoléon dont il était porteur nous laisse croire qu'il avait la ferme volonté de s'emparer de ce fameux trésor pour s'enrichir personnellement. Le soin avec lequel il a dépouillé la famille de Toussaint Louverture et la longue place qu'occupe ce trésor dans l'interrogatoire du prisonnier de Joux réalisé par le général Caffarelli participent à la crédibilité de cette thèse. Il est tout à fait étrange de constater que les politiques et les historiens ont toujours dédaigné dans leurs analyses de l'Histoire ce manquement grave du général Leclerc. Celui-ci avait-il jugé que c'était accorder trop de considération à ce nègre que de lui remettre la lettre de Napoléon ? Penchons pour la cupidité qui fait souvent prendre des raccourcis. Mais reconnaissons que d’une façon ou d’une autre l’expédition a réussi et permis le rétablissement de l’esclavage. C’était ce qui importait pour Napoléon et les antiabolitionnistes.      

Raphaël ADJOBI 

Titre : Général Toussaint-Louverture, mémoires

            suivi du journal du général Caffarelli, 188 pages.

Auteur : Toussaint Louverture

Editeur : Mercure de France, 2016        

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