Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

Vous trouverez ici des comptes rendus de lectures livresques concernant essentiellement l'histoire des Noirs d'Afrique et celle des Afrodescendants des Amériques et d'Europe. Les actualités de la diaspora africaine ne sont pas oubliées.

28 juin 2020

La France et la culture de la haine du Noir

          La France et la culture de la haine du Noir 

Caricature et Rhénanie

          Les quatre grands contributeurs aux théories racialistes qui ont inondé le monde sont bien connus de tous aujourd’hui ; il s’agit de l’Angleterre, des Etats-Unis, de l’Allemagne et de la France. Et la popularisation de l’infériorité du Noir par rapport au Blanc s’est faite à travers toute l’Europe et l’Amérique du Nord – du milieu du XIXe siècle au début du XXe siècle - grâce aux nombreuses expositions coloniales que le musée du Quai Branly a rappelées à notre mémoire par son exposition «L’invention du sauvage» en 2011 – 2012. Mais au-delà de ce travail collectif contre l’homme noir, la France s’est illustrée par une politique singulière qui a entretenu durablement la haine du Noir en Europe.

Caricature allemande LE NEGRE

          A la veille de la guerre de 1914-1918, la France disposait d’un empire colonial de près de 50 millions d’habitants. Devant l’indispensable puissance que réclamait la première guerre mondiale, elle a puisé dans les ressources humaines de ses colonies. Ce seront «les poilus des colonies» dont des générations de Français n’entendront jamais parler. A ces militaires, il convient d’ajouter une foule non négligeable de travailleurs coloniaux que la France a fait venir pour des tâches subalternes. Le général Mangin, qui a favorisé la création de cette armée d’Afrique dite «Force noire», prétend que «Les Noirs d’Afrique au système nerveux moins développé sont inaccessibles à l’anxiété par anticipation et n’éprouvent qu’une légère frayeur» (Armelle Mabon – Prisonniers de guerre «indigènes»). Aussi, l’ordre était de «ne pas ménager le sang noir pour conserver un peu de blanc» (général Nivel). Et pourtant, malgré les sacrifices consentis sur tous les fronts et particulièrement lors de l’offensive du «Chemin des dames» où l’on dira qu’ils ont servi de chair à canon, les Africains sont absents des livres d’histoire, des manuels scolaires et des réalisations cinématographiques. Selon l’historien Anthony Clayton, «dans les tranchées, les tirailleurs ont subi des pertes supérieures à celles des unités françaises» (id. Armelle Mabon) pour la simple raison que servant principalement dans l’infanterie, ils étaient plus exposés. 

Caricature allemande OK

          Après la victoire des alliés, non contente de partager les colonies allemandes d’Afrique avec l’Angleterre, la France va pousser l’humiliation de l’ennemi plus loin en occupant la Rhénanie dès décembre 1918. Et devinez quelles troupes seront chargées de cette tâche ! Les troupes coloniales, et particulièrement celles d’Afrique noire ! «Un fait qui va marquer durablement les esprits tant civils que militaires, des deux côtés du Rhin. Les Allemands n’ont pas accepté cette présence sur leur sol et ont pris ce prétexte pour présenter la France auprès des instances internationales comme une ennemie de la civilisation». Une virulente campagne de presse, illustrée de caricatures explicites, est lancée par l’Allemagne et reprise dans toute l’Europe jusqu’aux Etats-Unis «contre l’inhumanité des troupes d’occupation et plus particulièrement contre la brutalité des soldats coloniaux qui terrorisent les femmes rhénanes désarmées devant la bestialité sexuelle de ces bêtes en uniforme, ces indicibles monstres, des animaux humains, des hyènes noires, des hommes singes du continent noir» (Jean-Yves Le Naour – La honte noire. L’Allemagne et les troupes coloniales françaises ; cité par Armelle Mabon). Toute l’Europe est scandalisée : des Noirs sont venus tuer des Blancs et occupent désormais l’Allemagne ! Cet événement et cette campagne, à laquelle la France participe gaiement, feront émerger «la honte noire» - die «schwarze schande» - aux graves répercussions bien après la fin de l’occupation. Selon les historiens, Hitler s’en est inspiré pour écrire Mein Kampf et sa théorie nazie.

Caricatures françaises OK

          En tout cas, en 1940, les soldats de l’empire colonial étaient encore là pour la seconde grande guerre. Malheureusement, suite à la victoire rapide de l’Allemagne, la vengeance de celle-ci sera terrible ! Les Allemands vont montrer à l’Europe entière et à la France ce qu’il en coûte d’envoyer des Noirs tuer des Blancs ! Dans la Somme (80) et un peu partout, ils procèdent à des massacres de bataillons noirs. Un millier d’entre eux seront exécutés entre le 24 mai 1940 à Aubigny, en Bourgogne, et le 22 juin 1940 autour de Lyon (Armelle Mabon – Prisonniers de guerre «Indigènes»). Les autorités françaises refuseront d’honorer ces prisonniers massacrés – souvent classés disparus - parce que, selon elles, ils ne sont pas morts au combat. Leur mort ne compte pas ! Pourtant, comme ceux enfin honorés à Reims en 2018 par un monument, ils ont quitté leur père et leur mère, et parfois femme et enfants, pour venir défendre à des milliers de kilomètres ce qu’ils appelaient alors «la mère patrie». Résultat : ils n’ont récolté que la haine ou le mépris des Européens à l’encontre de leurs descendants.

Raphaël ADJOBI

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Posté par St_Ralph à 18:54 - Actualités françaises - Commentaires [2] - Permalien [#]