Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
23 mars 2021

Il faut remettre le français au centre de l'enseignement (lu par Electre et Liss Kihindou)

   Il faut remettre le français au centre de l'enseignement

                           Une autre révolution est possible

Je vous invite à découvrir ma première publication papier : un livre sur l'enseignement du français. Tous les collègues qui l'ont lu sont enthousiastes en y découvrant ce qu'ils déplorent et subissent. Faut-il croire que pour eux aussi une autre révolution est possible si on remet le français au centre de l'enseignement ? "C'est aux familles et aux enseignants [que je m'adresse] ; autant dire à tout le monde. Le grand oeuvre commun de notre vie, c'est l'instruction de nos enfants et petits-enfants. Cette entreprise mérite toute notre attention et tous nos soins".

Les impliqués 1

© Electre 2021 (réseau de librairies)

« Un essai sur l’importance de l’apprentissage de la langue française et comment l’Education nationale échoue à l’inculquer, nuisant ainsi aux valeurs culturelles que la langue véhicule et aux réflexions qu’elle permet. L’auteur insiste sur le rôle des enseignants, critique l’enseignement personnalisé et évoque le surdiagnostic de la dyslexie et de l’hyperactivité ».

Extrait de l’analyse de Liss Kihindou

« Il faut remettre le français au centre de l’enseignement […] est un livre dont la lecture sera éminemment édifiante et profitable à tous, enseignants (ceux du primaire et du collège en particulier), parents, chefs d’établissement, aussi bien que décideurs politiques. […] Dans l’ensemble, ce livre fait écho à bon nombre de discussions entre collègues, en salle des profs ou pendant les réunions de l’équipe pédagogique, par exemple lorsque l’auteur dénonce l’intervention intempestive des parents dans un milieu désacralisé ou désanctuarisé. En outre, il est écrit dans une langue savoureuse qui ne se prive pas d’images ni d’humour, pour ne pas dire d’ironie... » / Accédez à l'article de Liss Kihindou : valetsdeslivres 

° 10 euros, chez votre libraire ou à la Fnac.
Publicité
16 mars 2021

Les Oeuvres littéraires étudiées au collège et au lycée sont l'expression de l'idéologie dominante (Raphaël ADJOBI)

Les œuvres littéraires étudiées au collège et au lycée

       sont l’expression de l’idéologie dominante

Manuels scolaires

          En 1748, dans L’esprit des lois (L. IV), Montesquieu assurait que le citoyen d’une nation doit être instruit dans l’esprit de sa constitution et de ses « lois fondamentales ». En d’autres termes, la forme de gouvernement sous laquelle l’on vit détermine l’éducation que chacun doit recevoir. Conformément à ce principe dirigiste, les livres conseillés par les instructions officielles de chaque pays pour nourrir les thématiques qui jalonnent son système pédagogique illustrent merveilleusement le parti pris politique de l’idéologie dominante – sauf dans les pays subsahariens francophones arrimés à la France. Ce qui veut dire que la seule conscience du caractère politique du choix des livres et surtout du contenu des manuels scolaires doit nous obliger à être prudents et nous inciter à boire à d’autres sources que celles indiquées par la tutelle ministérielle. Faute de ce travail d’investigation volontaire, l’enseignant se condamne – ici ou ailleurs – à n’être qu’un répétiteur des directives de l’idéologie dominante. Heureusement, en France, si la thématique est contraignante, la liberté de choix du livre, du texte ou de l’image qui doit l’illustrer est totale pour l’enseignant. Mais trop souvent, nous cédons à la facilité et n’étudions que les livres suggérés par les officiels de notre enseignement ; et surtout, nous sommes trop fidèles aux manuels scolaires distillant leurs discours forcément tendancieux.

          Au collège où les pièces de Molière font figure de monuments incontournables depuis des décennies, qu’étudie-t-on ? Les Fourberies de Scapin, L’avare, Le bourgeois gentilhomme, Le malade imaginaire, Tartuffe et Le médecin malgré lui. Et qu’apprenons-nous de toutes ces pièces du célèbre dramaturge du XVIIe siècle ? Evidemment les caractères des hommes de la société de son époque et non les caractères de la société elle-même. Or, s’attaquer aux traits de caractères des hommes qui rendent la vie infernale aux autres, c’est laisser intactes les structures de la société et éviter les foudres du pouvoir en place. En effet, en n’étudiant que ces pièces de Molière – excepté la féroce critique des médecins dans Le malade imaginaire, donc critique d’un corps social – nous finissons par entretenir dans notre esprit et dans celui des jeunes l’image d’un artiste qui a passé son temps à tourner en dérision les mauvais caractères de ses contemporains qui vivaient dans une société où tout était bien dans l’ordre naturel des choses. En d’autres termes, on retient que la société était belle mais ce sont les hommes qui étaient mauvais. Et pourtant, Molière n’était pas qu’un amuseur public ; il était aussi un critique de la société, un critique de la difficile relation que les différents éléments qui la structuraient entretenaient entre eux. Sa pièce Georges Dandin en est la preuve.

          Pourquoi ne privilégie-t-on pas l’étude de Georges Dandin dans nos collèges ? Trop difficile pour les jeunes ? Non ! La seule raison est que cette pièce est éminemment politique : elle est la critique de la société française, ou européenne, dans laquelle les bourgeois – les riches commerçants des villes – se heurtaient à la ligne de démarcation ou plafond de verre des normes et valeurs instituées par l’aristocratie. Plafond de verre qui finira par voler en éclats un siècle plus tard – en 1789 ! Avant cette date, seul l’achat d’une charge nobiliaire conférait au bourgeois la considération due à un aristocrate. Le mépris ouvertement affiché des derniers à l’égard des premiers, mis en évidence de manière éclatante par Molière, ne semble pas être le bienvenu dans nos établissements. Cela pourrait permettre aux jeunes générations de comprendre l’esprit des siècles qui ont précédé la révolution ; un esprit dont ils pourraient aisément reconnaître les traces dans la société française de ce XXIe siècle. C’est pour la même raison politique qu’Aimé Césaire et son Discours sur le colonialisme ont été exclus du concours d’agrégation.

          Par ailleurs, dans les lycées, dès que l’on aborde certains sujets comme les grandes causes défendues par les penseurs du XVIIIe siècle, le poids politique apparaît tout de suite clair dans le choix des textes proposés. La critique de l’esclavage des Noirs dans les Amériques est le sujet qui récolte la palme du dirigisme de l’État français à travers le contenu des manuels et des livres proposés aux élèves et enseignants. Voltaire et Montesquieu y apparaissent auréolés du titre de défenseurs ou de pourfendeurs de l’esclavage et donc comme des frères des Noirs. Or, non seulement l’un et l’autre étaient convaincus de la supériorité de leur race, mais encore leurs discours proposés aux élèves méritent d’être élargis à ceux qu’on ne lit jamais afin de mieux juger si oui ou non ils sont des défenseurs des Noirs déportés et soumis à l’esclavage dans les Amériques. Concernant le fameux texte de Montesquieu censé être une critique de l’esclavage – le seul étudié par tous les lycéens de France et d’ailleurs depuis près d’un siècle – il suffit de dire qu’il ne fait pas l’unanimité des critiques quant à son esprit. Le fait que ce même texte a servi d’argument pro-esclavagiste au XVIIIe et au XIXe siècles est une raison suffisante pour susciter l’attention et des interrogations chez ceux qui en font un discours anti-esclavagiste. Oui, ce texte a servi à soutenir et à justifier l’esclavage des Noirs à l’époque de Montesquieu ! (Voir Regards sur l’esclavage au XVIIIe siècle – Montesquieu, Bernadin de Saint-Pierre, collection BT2, PEM). Concernant Voltaire, il convient de dire que le fait de désapprouver une mauvaise action ne veut pas dire prendre la défense de la victime. Les enseignants doivent prendre soin de ne pas pousser les jeunes à passer aussi allègrement de l’un à l’autre ; car la différence est très grande. De nombreux textes de Voltaire montrent son racisme à l’égard des Noirs qui sont à ses yeux des êtres inférieurs. Par ailleurs, contrairement à Condorcet, il tient les Africains pour les premiers responsables de la déportation des leurs et non point les esclavagistes européens. Je renvoie tous les collègues professant dans les lycées à l’excellente présentation des Réflexions sur l’esclavage des nègres de Condorcet réalisée par Jean-Paul Doguet (Edit. Flammarion, 2009), pour reconnaître entre les penseurs du XVIIIe siècle ceux qui déplorent, ceux qui critiquent et enfin ceux qui combattent. Ce travail est absolument nécessaire pour ne pas faire de tous ceux qui ont écrit sur l’esclavage des combattants. C’est au risque que l’on prend par rapport à la pensée dominante que l’on mesure la force de notre engagement.

          Retenons tous que l’humanisme des penseurs du XVIIIe siècle, tel qu’il nous a été enseigné durant des décennies, est aujourd’hui fortement remis en question. Contrairement à ce qui a bercé notre jeunesse – et que beaucoup reproduisent sans travail de recherches supplémentaires – il convient de retenir désormais que « l’humanisme du siècle des Lumières n’est pas un humanisme accueillant des autres et de la diversité des cultures » (Corinne Pelluchon, Comment réinventer les Lumières – France inter, janvier 2021 – auteure de Les Lumières à l’âge du vivant, édit. Du Seuil). C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi, selon Jean-Paul Doguet, Condorcet – président de la société des amis des Noirs – voue une hostilité foncière à Pascal et au pessimisme janséniste. En effet, « le pessimisme pascalien est précisément le genre de philosophie qui déplore et justifie à la fois la violence et l’oppression en s’interdisant d’y remédier positivement » (Jean-Paul Doguet). Parce que ses Réflexions sur l’esclavage des nègres était une critique très explicite et très analytique par rapport à toutes les productions du XVIIIe siècle sur le sujet, Condorcet a dû le publier sous pseudonyme. Ce fait est la preuve irréfutable qu’au siècle des Lumières on ne pouvait pas se permettre de critiquer aussi frontalement avec maints détails une pratique qui alimentait les caisses du royaume de France. Lire Condorcet, c’est donc toucher la limite de la liberté d’expression et de la prétendue vaillance de certains penseurs au siècle des Lumières.

Raphaël ADJOBI

Publicité
Publicité