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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
7 novembre 2009

Les murs de la honte

                                          Les murs de la honte

 

 

            En France, comme certainement ailleurs en Europe, des manifestations sont prévues pour fêter le 20 è anniversaire de la chute du mur de Berlin dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989. Afin que cette commémoration ne soit pas un culte du Mur, France Inter associe aux manifestations l’ensemble des murs qui séparent les hommes à travers le monde. Je m’en réjouis très fort et voudrais ici en faire l’écho.

Mur_Allem_1

 

            Je trouve juste en effet que l’Europe ne se contente pas de se réjouir d’avoir lavé cette honte tout en fermant les yeux sur d’autres murs auxquels elle pourrait trouver quelque vertu. Bravo donc aux journalistes de cette station de radio d’avoir une pensée pour tous ceux qui vivent –délibérément ou par la contrainte - derrière des murs en béton ou en fer.

 

            Le mur de Berlin était un mur idéologique – symbole de la guerre froide entre l’Amérique et l’occident d’une part, et l’Union Soviétique et l’Europe de l’est d’autre part. Celui dressé entre les Etats-Unis et le Mexique ainsi que celui de Rio au Brésil sont des murs anti-pauvreté. Ceux élevés ça et là dans la ville de Bagdad séparant quartiers chiites et sunnites sont des murs de séparation confessionnelle ; celui érigé par Israël est d’ordre ethnique. N’oublions pas le mur idéologique et militaire de cantonnement élevé par les Américains à Bagdad pour se couper de la population irakienne. Tous sont des murs de la honte !

Mur_Israel_2

 

            Entre tous ces murs, celui dressé par Israël revêt deux caractères singuliers. Il est à la fois un mur de séparation ethnique mais aussi un mur d’annexion des terres cisjordaniennes. Sa forme très sinueuse épousant celle des villages palestiniens sans tenir compte des terres que ceux-ci cultivent et qui se retrouvent ainsi derrière le mur du côté Israélien en est la preuve. Il est également un mur d’isolement des palestiniens qui ne peuvent communiquer entre eux de village en village, et un mur d’enfermement psychologique pour les Israéliens eux-mêmes. En effet, ce mur empêche ces derniers de s’intégrer à leur région. Les Israéliens sont ainsi clairement isolés de leur géographie naturelle et ne se voient plus qu’européens (ligue de football européen, Eurovision) ou Américains. Dans leur inconscient, leur pays n’existe pas dans un espace géographique naturel supposant un voisinage et des limites humaines exigeant des efforts de cohabitation.

Mur_USA_3

 

            Pour finir, osons cette réflexion tout en pensant au vulgarisateur de l’ethnologie qui vient de nous quitter : Claude Lévi-Strauss. L’égalité entre les hommes que l’on demande à travers la terre entière et dans l’enceinte des frontières des nations n’est nullement une demande de nivellement des états et des conditions des personnes, mais la mise en place de politiques qui permettent à chacun d’avoir la même chance de réussir sa vie. Oui, c’est cela la vraie égalité.

 

Raphaël ADJOBI

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17 septembre 2009

Le Gabon, l'Afrique francophone et la démocratie

                          Le Gabon, l’Afrique francophone

 

                                         et la démocratie

 

Carte_du_Gabon

 

           Les récentes élections présidentielles et les affrontements qu’elles ont engendrés nous obligent à une sérieuse réflexion sur l’idée que nous nous faisons de la démocratie en Afrique et les moyens à mettre en œuvre pour la réussir.

            Afin de faciliter la compréhension de la démarche que je vous propose, éliminons momentanément la pieuvre Françafrique et retrouvons le socle nu de la chose gabonaise et africaine. Dès lors, posons-nous ces quelques questions : le peuple gabonais, dans sa majorité, était-il désireux de tourner la page de la famille Bongo ? Les leaders de l’opposition au régime qui a toujours dirigé le pays désiraient-ils sincèrement un changement du mode de fonctionnement et de gouvernement de l’état ?

            A la première question, on peut répondre sans hésiter par l’affirmative au regard  des totaux des voix de l’opposition. A la deuxième, je suis bien obligé de répondre par la négative. Car, quoi ? Malgré des années d’opposition, les adversaires d’Omar Bongo n’ont-ils jamais pensé à la nécessité d’une coalition pour affronter celui que tout le monde savait qu’il serait l’héritier du père ? 17 candidats, drainant chacun ses partisans - et donc en rangs dispersés - à l’assaut d’un pouvoir qui semblait déjà détenu par Ali Bongo, voilà le spectacle qu’il nous ont offert. Signe que cette opposition n’était point sérieuse et donc absolument pas crédible. En privilégiant l’égoïsme et l’opportunisme, elle a démontré que le seul objectif qu’elle poursuivait était s’asseoir sur le trône du roi afin de jouir à son tour des honneurs et de tous les autres avantages attachés à cette fonction. S’il s’avère qu’ils ont été loyalement battus (malgré quelques tricheries), les opposants ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.

            Mais dans cette entreprise électorale, un autre maillon incroyablement faible a été la commission nationale chargée de sa gestion. Qu’il y ait des fraudes dans une élection d’une telle importance n’est nullement un signe de sous-développement puisqu’elles sont courantes sous tous les cieux. Mais que la commission électorale ne soit pas capable de juger de l’ampleur de la fraude pour invalider le vote de telle ou telle circonscription ou pour déclarer l’invalidité des élections pour fraude généralisée est la preuve même d’une incapacité à assumer une charge dans une structure qui se veut démocratique. La commission électorale gabonaise a-t-elle joué la transparence ? A-t-elle pris toutes les dispositions pour que le doute ne soit pas jeté sur son action ? La clarté et la fermeté à ce moment crucial d’une élection sont absolument nécessaires. A ce sujet, je voudrais saluer ici l’intégrité de la commission électorale de la Côte d’ivoire lors des élections de 2000 au cours de laquelle son président a refusé de se plier aux injonctions du pouvoir du général candidat, l’obligeant à s’autoproclamer élu avant d’être chassé par la rue.Gabon_les_3_pr_tendants

            Ce qui manque en effet à la base des élections troubles africaines, c’est cette assise solide des institutions. Mais je reconnais qu’avant d’être l’œuvre du temps, cette solidité doit avant tout être l’œuvre de la ferme volonté de quelques individus capables de faire abstraction de leurs intérêts personnels pour se sacrifier sur l’autel des idées républicaines. C’est par la volonté des hommes que commence la force des institutions. L’habitude ou le temps ne fait que leur donner la respectabilité nécessaire à leur ancrage dans le paysage politique d’une nation.

 

Le poids de la relation avec la France

            Mais voilà que dans le cas de l’Afrique francophone, un joug pèse lourdement sur les événements politiques et les font apparaître comme la chaleur d’une marmite qui tente vainement de se débarrasser de son couvercle pour laisser voir la réalité de son contenu. L’Afrique francophone est aussi malade de sa relation excessivement exclusive avec cette France dont les institutions interdisent à son peuple et à ses élus d’avoir un droit de regard sur ce que son président et ses hommes d’affaire font sous d’autres cieux. Ce qui autorise une manipulation sans borne de l’opinion publique via les médias.

            Un fois n’est pas coutume. Alors qu’elle a fermé les yeux devant le pétrissage des institutions ivoiriennes dans le giron chiraquien sur les bords de la Seine, alors qu’elle est restée muette devant les images des urnes togolaises en fuite sur les épaules des militaires, la presse française cette fois n’a pas hésité à montrer du doigt la nébuleuse Françafrique qui a accentué l’opacité des élections gabonaises à travers les propos de ses multiples intervenants. Voilà qu’on ose enfin déclarer publiquement qu’un ministre français a été « proprement viré » par Omar Bongo, le président défunt. Voilà qu’elle juge que les saccages des biens français au Gabon sont le résultat du mécontentement populaire à l’encontre de l’attitude de la France qui est très loin d’être impartiale.

            Profitons donc de l’occasion pour enfoncer le clou et apportons des éclaircissements à deux affirmations récurrentes dans les propos publics français. Ici, je requiers l’attention des lecteurs français.

L’Afrique francophone n’est pas un boulet pour la France mais un marché d’exploitation et d’exportation ! Le sous-sol de l’Afrique francophone n’est pas pauvre ; bien au contraire il permet aux voitures des français de rouler, à leurs avions de voler et à leurs usines de tourner ; sa population est grande consommatrice de produits français permettant de préserver des emplois ; son espace est un champ d’investissements pour les entreprises françaises privées comme publiques (ce  n’est point dans les pays déjà développés que l’on investit !). La pauvreté de l’Afrique est donc une occasion de richesse pour la France. Il est connu que ce sont les pauvres qui entretiennent les maisons des riches ; sans eux, le désordre s’installerait dans la demeure. Qu’est-ce qu’un châtelain sans les pauvres serfs ?

Aussi, il est incorrect de dire que l’Afrique francophone n’est rien sans la France ; il convient plutôt de dire que la France n’est rien sans l’Afrique francophone. La chute de celui qui est plus proche du sol est moins douloureuse que celle de celui qui est juché sur un piédestal. Il y en a qui peuvent se contenter de rien et d’autres incapables de se contenter de peu. La France est ainsi dans l’incapacité de lâcher prise par peur de sa propre chute. Et pourtant un autre rapport entre elle et ses anciennes colonies est possible pour qu’il n’y ait pas à proprement parlé de chute pour ses affaires. Mais la peur est maîtresse de bien des maux infligés à ceux qui vous l’inspirent. Le commun des africains sait aujourd’hui que quand un pays Européen lâche un pays du tiers-monde, il s’entend avec ses amis au sein de l’Onu pour mettre le pays rebelle sous embargo afin de ruiner toutes ses chances de développement loin du giron néo-colonial. On tue en quelque sorte pour l’exemple, pour obliger les autre pays pauvres à se tenir tranquilles. Les cas de la Guinée de Sékou Touré et de Cuba de Fidel Castro ne s’effaceront jamais de nos mémoires.

  La démocratie dans les pays francophones dépend donc dans sa forme – c’est à dire dans la structure de ses institutions et de leur maniement - des africains eux-mêmes. Mais elle ne peut atteindre son objet qui est le développement dans une gestion libre de l’économie que lorsque les relations avec la France seront défaites de l’opacité du joug françafricain. Malheureusement, les interférences entres les intérêts du joug françafricain et la vie politique de ces nations sont telles que l’entreprise démocratique s’avère une véritable épopée avec les soubresauts que nous connaissons.

 

Raphaël ADJOBI

18 avril 2009

Afrique : l'expansion de la téléphonie mobile, un anneau d'or au doigt du lépreux

          Afrique : l’expansion de la téléphonie mobile

 

                      un anneau d’or au doigt du lépreux

 

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            La floraison du téléphone mobile en Côte d’ivoire est un phénomène remarquable mais nullement surprenant. Elle est à la fois le signe d’un besoin réel de communiquer plus aisément mais aussi l’expression de la carence des pouvoirs publics face à ce besoin. La situation de la Côte d’Ivoire n’est sans doute pas différente de celle du Sénégal, du Mali, du Togo du Cameroun ou des deux Congo.

            En une décennie, la Côte d’Ivoire est devenue un marché juteux pour les opérateurs français qui l’ont totalement inondée de toutes les innovations technologiques en matière de téléphone mobile. Aujourd’hui, il est rare de trouver une famille où aucun membre ne possède ce petit appareil. On pourrait se réjouir de cet engouement et conclure à un véritable saut dans l’ère moderne. Malheureusement, il convient de constater que cette extraordinaire expansion de la téléphonie mobile cache un taux d’équipement absolument faible en téléphones fixes. Et dans ce dernier domaine, les gouvernants ont fait preuve d’un manque d’appréciation inadmissible en matière de développement. Jamais, rien n’a été fait pour couvrir le pays de cet élément de communication qui est reconnu dans les pays avancés comme essentiel aux progrès économiques, administratifs, et même sociaux. En un mot, un formidable moteur de développement national.

            En Côte d’Ivoire, et sans doute ailleurs dans les pays cités plus haut, le téléphone fixe demeure toujours un objet de luxe, non point parce que l’on n’en veut pas, mais parce qu’il est peu fiable et une source de conflits avec l’administration. Une installation avec des délais délibérément trop longs qu’il faut écourter en corrompant les administrateurs locaux ; une facturation aléatoire qui peut vous plonger du jour au lendemain dans un conflit sans fin avec l’opérateur national ; un service après vente inexistant. Force est de reconnaître que tout cela n’est guère engageant. Par ailleurs, jamais l’état n’a eu la ferme volonté de développer le réseau du téléphone fixe ; jamais d’incitation à l’acquisition de cet outil par une quelconque campagne qui en montre la nécessité vitale ; jamais la volonté de faciliter son accès à la population.

           Alors bien sûr, l’avènement du téléphone mobile est vite apparu comme le moyen idéale de se libérer des problèmes administratifs et financiers avec l’état et lui tourner définitivement le dos. Désormais, les usagers savent ce qu’ils consomment. Très vite, ont fleuri sur tous les trottoirs des villes et des villages - même parfois les plus éloignés - des kiosques téléphoniques. De petits commerçants ont supplée la carence de l’état en montrant par cette couverture extraordinaire du pays le réel besoin des populations en matière de communication plus rapide et sûre. Personne ne peut donc nier que les Ivoiriens étaient dans le besoin ; un besoin que l’état ne satisfaisait pas parce qu’il ne le prenait pas en compte dans son programme de développement.

La conséquence d’un tel état de chose est inévitablement la fracture numérique avec les pays avancés. Le faible taux de connexion à Internet en Côte d’Ivoire est dû en premier lieu à l’absence d’un réseau téléphonique fixe conséquent. La légèreté des bourses et le véritable intérêt des usagers pour cet outil ne seront pris en compte dans ce faible taux de connexion que lorsque les moyens techniques préalables seront disponibles. D’autre part, on peut constater qu’une fois encore la Côte d’Ivoire – comme d’autres pays africains – brûle les étapes du progrès technique perdant ainsi le contrôle de son propre développement. Le téléphone mobile apparaissant ainsi comme l’anneau d’or au doigt du lépreux.

En attendant donc que l’état ivoirien – et sans doute les autres états africains – comprenne qu’il y a un véritable marché qu’il peut conquérir, ce sont les opérateurs étrangers de téléphonie mobile qui se frottent les mains le sourire aux lèvres.                           

 

Raphaël ADJOBI

 

14 avril 2009

La Pensée noire (les textes fondamentaux)

Les textes fondamentaux de la pensée noire

Pens_e_Noir__LE_POINT            C’est avec plaisir que j’ai découvert le vingt-deuxième numéro Hors-série de l’hebdomadaire Le point qui vient de paraître. Dans ce dernier numéro, Le Point offre au public l’occasion de découvrir les textes fondamentaux de la littérature et de la pensée noires du 18 è siècle à nos jours.

            Pour introduire ce dossier, la revue donne la parole à quelques éminents enseignants d’Université tels Souleymane Bachir Diagne (Université de Columbia, originaire du Sénégal), Romuald Fonkoua (Université de Strasbourg), Françoise vergès (Université de Londres) auteur du livre d’entretiens avec Aimé césaire (Nègre je suis, nègre je resterai / Albin Michel). Puis la revue donne des clés de lecture (présentation de la personnalité suivie d’un extrait d’œuvre) pour aborder une série d’auteurs, de Olaudah Equiano (1745-1797) et Toussaint Louverture à Derek Walcott et Edouard Glissant en passant par Louis Delgès, Frederick Douglass, Marcus Garvey, Richard Wright, Cheikh Anta Diop, James Balwin, Wole Soyinka, Léopold S. Senghor, Toni Morrison, Aimé Cessaire et bien d’autres. En tout une vingtaine d’écrivains ou penseurs noirs auxquels s’ajoutent les figures illustres des combats modernes dont les plus connus sont Frantz Fanon, Nelson mandela, Malcom X, et Martin Luther King. Figurent également dans cette dernière étude Kwamé Nkruma , l’Américain Louis Farrakhan (que je découvre), et le chantre du rastafarisme Bob Marley.

            Ce numéro du Point sera un précieux auxiliaire pour tous ceux qui sont désireux de connaître les Noirs qui, par leurs écrits ou leurs combats théorisés ont contribué à forger une pensée autour de l’esclavage, de la colonisation et de la lutte pour la dignité de l’homme noir. 130 pages qui présentent de belles pistes de lecture. J’ai été pour ma part très heureux de découvrir des figures littéraires que j’ignorais totalement.

Raphaël ADJOBI

Le Point, Hors-série n° 22, Avril-Mai 2009.

Prix : 6,50 € / 5000 f cfa.

(Pour commander : Le Point, Libre réponse 29606.

75482 Paris Cedex 10)

28 mars 2009

L'audace contagieuse d'Obama

                  L’audace contagieuse d’Obama

Obama_can_pas_tout__hm_

            Il est fort plaisant de constater que les dernières élections américaines qui avaient embrasé la terre entière commencent a porter des fruits dans les sociétés multiraciales. Disons-le net, l’audace d’Obama qui fut récompensée de la plus belle des manières a contaminé bien des esprits.

            Tout porte à croire que le coin du monde où cette élection de l’homme aux multiples cultures aura le plus d’impact sera sans aucun doute l’Amérique latine. A force de regarder les maux du sous-développement de notre Afrique et nos guerres intestines attisées par les marionnettistes du Nord, nous avons totalement perdu de vue les souffrances de nos semblables noirs dans les Amériques.

            Mais à regarder cette partie du monde de plus près, nous nous rendons compte que là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique, des Noirs comme nous portent des boulets semblables aux nôtre et mènent par voie de conséquence le même combat pour la reconnaissance de leur dignité et surtout le droit d’exister dans une société mutiraciale. Il semble en effet que les Noirs vivant dans des sociétés multiraciales se sentent plus concernés que les Africains par l’audace d’Obama au point de se sentir quelque peu galvanisés.

Epsy_Cambel_Costa_Rica           Au Costa Rica, petit pays d’Amérique central de moins d’un demi million d’habitants, dont seulement 3 % de Noirs, l’ex-députée afrodescendante Epsy Campbell a confirmé depuis plusieurs semaines son intention d’être la candidate de son parti (PAC = Parti Action Citoyenne) aux élections présidentielles de 2010. Elle va donc affronter dans une élection interne le fondateur du parti Otton Solis. Quelques quatre mois avant l’investiture d’Obama, cette économiste de 45 ans et consultante internationale avait elle-même écarté l’idée d’être candidate aux élections présidentielles de son pays. Sans doute, Epsy Campbell est devenue plus confiante et se met à rêver que tout est possible ou qu’il faut tout simplement oser comme Obama.   

            Combien parmi nous savent qu’environ deux millions d’Irakiens ont des racines africaines ? Dans ce pays, jamais les Noirs n’ont eu droit à des postes de pouvoir important, ni politiquement, ni administrativement. C’est sur cette terre d’Europe musulmane, à Zubayr, une ville qui compte 800 noirs, située au sud de Basra, que vit Al Reckayis, un employé municipal. Le 31 janvier 2009, Al Reckayis avait décidé de se présenter aux élections provinciales. Nous ignorons le sort que lui ont réservé les urnes. Mais cette audace dans cet océan d’indifférence et de mépris pour les Noirs propre aux pays arabes mérite d’être soulignée. Notre homme avait reconnu lui-même que c’estAl_Rekhayis_Iraquien l’audace d’Obama qui lui avait donné le courage de se présenter.

            En janvier 2009, c’est d’abord par le mépris du silence que l’état et les médias français ont traité la grève guadeloupéenne durant deux semaines. « Quand les Noirs auront faim, ils reprendront le travail. » C’est ainsi que généralement l’état et les patrons Békés répondent aux manifestations sur les îles quand ce n’est pas par les armes comme ils l’ont fait en mai 1967. Mais cette fois, sachant que la France avait encensé l’Amérique qui venait de tourner une page sur la question raciale, le monde entier attendait de voir sa réaction. Les Antillais savaient que leurs îles sont proches des Etats-Unis et qu’ils partagent avec les Noirs de ce pays la soif de reconnaissance et de justice. Et puisque le monde entier regardait vers l’Amérique en ce mois de janvier 2009, ils étaient aussi regardés.  Réprimer dans le sang une grève contre les restes de l’esclavages quelques jours après l’investiture d’Obama, la France n’a pas osé. Comme a son habitude, le remuant Sarkozy a d’abord refusé ce que les patrons békés acceptaient d’accorder aux grévistes pour ensuite se rendre compte qu’originaire de l’Europe de l’Est, il est ignorant d’un pan de l’histoire de la France qu’il lui faudra apprendre à gérer. La grève antillaise commencée le 20 janvier 2009, date de l’investiture du 44 è président des Etats-Unis, dura 44 jours. Tout un symbole.

Raphaël ADJOBI

                         

(Les informations recueillies sur Epsy Campbell et Al Reckayis viennent du blog Noirs d’Amérique Latine)

Le dessin est de Wiaz, publié dans le Nouvel Observateur.

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26 novembre 2008

Blogueurs, qui sommes-nous ?

Blogueurs, qui sommes-nous ?

Ordi_et_blog

La devise du blogeur : si tu veux être visité, laisse ta signature.

            Afin d’apporter ma contribution à la chaîne de « taguage » initiée par Théophile Kouamouo, je vais pour une fois vous parler de moi et vous indiquer des blogs que je fréquente passionnément.    

            Qu’il est loin déjà le temps où, en France, les blogs étaient synonyme de batifolage des adolescents. Une conception qui explique sans doute le retard de l’implantation des blogs dans le paysage Internet français. Heureusement, en quelques années, les choses ont beaucoup évolué.          Et quel bonheur de voir que dans la blogosphère les africains de la diaspora et ceux vivant sur le continent ont très vite compris les immenses potentialités de ce moyen de communication !

            Me concernant, le blog fut au départ une espèce de coffre-fort dans lequel je pouvais jalousement conserver mes poèmes et mes essais qui encombraient les cahiers que je pouvais égarer en quelque malheureuse circonstance. Quand la guerre éclata en Côte d’Ivoire et que

la France

jouait au marionnettiste, j’ai abandonné poèmes et essais pour participer activement à des forums sur Internet et principalement à celui du journal Lacroix qui avait consacré une rubrique à

la Côte

d’Ivoire. La fermeture de ce forum m’a d’ailleurs fait perdre des textes dont je ne suis pas mécontent ; des textes qui montrent la naissance de ma passion pour les relations franco-africaines. Cette passion faite d’indignation grandit davantage devant l’absence de place concédé à l’histoire des Noirs français dans l’Histoire générale de

la République Française.

La découverte de l’histoire du Chevalier de Saint Georges me plongea pour de bon dans la lecture et la divulgation de tous les écrits concernant le peuple Noir. Depuis, j’ai découvert l’existence de trois jeunes historiens noirs qui me permettent de boire à des sources que je ne soupçonnais pas. Il s’agit de Claude Ribbe, Dieudonné Gnammangou et Runoko Rashidi.

            Mais bloguer, ce n’est pas seulement écrire, c’est également partager des connaissances et des informations. C’est apprendre à faire attention au regard et aux propos de l’autre. Un échange qui vous oblige à garder le cœur humble. Et dans cet univers je suis avec beaucoup d’intérêts les productions de quelques blogueurs que je tague ici :

Guy Evrard Mbarga : nullement communicatif mais dont j’apprécie le travail parce qu’il me permet de découvrir la vie des Noirs Sud-Américains.

Mohamed Billy : dont la sobriété des textes et la curiosité incitent à l’humilité. C’est sa curiosité qui a hâté ma lecture du livre de Runoko Rashidi que j’avais en ma possession depuis bientôt un an.

Théophile Kouamouo, Théo pour les intimes. Ce jeune journaliste a suscité l’admiration de tous pour avoir osé dire non là ou beaucoup auraient plié l’échine. Depuis, il apparaît comme un agitateur d’idées ou initiateur de débats. Suivre son regard se promenant sur les productions des médias est très instructif.

Hilaire Kouakou : dernier venu parmi mes amis blogueurs. J’aime le côté terroir de son blog même s’il ne dédaigne pas les questions nationales.

Yoro : Il est assurément l’œil qui balaie

la Côte

d’Ivoire. C’est la camera de surveillance !

Djé : Prompt à « tirer l’épée » et vous pousser dans vos derniers retranchements. A disparu quelque peu de la circulation mais revient en douceur.

Gangoueus : j’ai découvert un peu tard que ses lectures cosmopolites et ses réflexions sont agréables à suivre. 

Aphrika : qui semble avoir pris le même chemin que moi et que j’encourage à creuser son sillon sans relâche.

Je n’oublie pas Ben dont les contacts sont devenus plus rares ; le Pangolin dont j’apprécie les visites.

A bientôt

Raphaël ADJOBI

10 novembre 2008

Obama ou de l'appartenance raciale des métis

                                  Obama

          ou de l’appartenance raciale des métis

Obama_assis

            « Historique ! » est le qualificatif venu de tous les continents pour saluer l’élection de Barack Obama, le 4 novembre 2008, à la présidence des Etats-Unis d’Amérique. Selon les radios françaises, c’est le qualificatif qui est revenu le plus souvent à

la Une

des journaux américains. Une élection « historique » parce que l’élu est Noir ou métis. Une Française Blanche dit avoir été envoyée au lit par ses parents la nuit où l’homme a marché pour la première fois sur la lune. Aussi, pour rien au monde elle n’a voulu rater ça. Le parallèle n’est-il pas édifiant ? Une élection « historique » parce que, sans être directement issu de la minorité qui a vécu l’esclavage, l’élu en rappelle la marque visible dans son pays et aux yeux de l’humanité tout entière. Disons-le net, tout le monde reconnaît que le caractère historique de cette élection tient à la couleur de la peau de Barack Obama.

            J’ai lu ça et là que certains Noirs refusent que l’on dise que le nouveau président Américain est noir. Ils préfèrent que l’on dise qu’il est métis parce qu’il y a du sang blanc qui coule dans ses veines. 

            Je me permets de dire ici que le sentiment de ses personnes importe peu parce que se situant très loin de la réalité des faits. Vous pouvez sous le toit de votre demeure être convaincu que cet homme n’est pas tout à fait noir, l’histoire et la vie quotidienne dans laquelle évolue l’homme le classent comme Noir. Selon la pratique des règles chez les blancs depuis les siècles de l’esclavage, quiconque a du sang noir est Noir ou n’est pas Blanc. Nulle part en Europe ou aux Etats-Unis, un métis issu d’un Noir n’a été considéré autrement qu’un Noir ou homme de couleur. En d’autres termes, les blancs ont toujours refusé d’accepter les métis comme des éléments de leur « race ». Que vous le vouliez ou non, il en est ainsi. Et ceux qui ont des enfants métis ou qui sont métis eux-mêmes le savent très bien. C’est comme si les blancs les obligeaient a choisir leur camp.

Qu’on le veuille ou non, dans la conscience collective des blancs, Obama est Noir. Et celui-ci se reconnaît lui-même comme un élément de la communauté Afro-Américaine et non point comme membre de la communauté Anglo-Américaine. Dans ce pays composite que sont les Etats-Unis d’Amérique, on a aucune honte à se définir comme Latino-Américain, Afro-Américain, Juif-Américain, Italo-Américain, Anglo-Américain, Sino-Américain etc. C’est, conscient du caractère composite et fièrement assumé par son pays que McCain a salué le vainqueur qu’il considère Afro-Américain en ces termes : « C’est une élection historique. Je reconnais la signification particulière qu’elle a pour les Afro-Américains, la fierté qui doit être la leur ce soir. […] nous savons tous les deux (Barack Obama et lui) que, même si nous avons fait un long chemin depuis les injustices anciennes qui ont entaché par le passé la réputation de notre nation et qui ont empêché des Américains de jouir pleinement de leur nationalité, leur mémoire reste une blessure […] Il n’y a plus aucune raison maintenant pour les Américains de ne pas chérir leur citoyenneté. »

            Aucun blanc ne dit qu’Obama est Anglo-Américain ; tous reconnaissent qu’il est Afro-Américain à cause de la couleur de sa peau qui ne peut selon eux que le classer dans la « race » noire. La couleur de la peau n’est pas si anodine qu’on veut le croire. Elle est la marque essentielle dans la manière dont les Blancs, les Jaunes, les Rouges ou les Noirs se reconnaissent et reconnaissent les autres races. A ce propos, Cheik Anta Diop affirme l’existence de l’idée de race dans la conscience collective de l’humanité, et cela qu’on le veuille ou non. « Une classification raciale est conférée à un groupe d’individus qui partagent entre eux un certains nombres de traits anthropologiques, ce qui est nécessaire pour qu’on ne puisse pas les confondre avec d’autres. Deux aspects doivent être distingués, le phénotype et le génotype. […] Si on ne considère que le génotype, je peux trouver un Noir qui, au niveau de ses chromosomes, se rapproche plus d’un suédois que Peter Botha. Mais ce qui compte dans la réalité c’est le phénotype. C’est l’apparence physique. Ce Noir, même s’il se rapproche plus au niveau de ses cellules du Suédois que Peter Botha, lorsqu’il se trouve en Afrique du Sud, c’est à Soweto qu’il vivra. Dans toute l’histoire, c’est du phénotype qu’il a toujours été question ; nous ne devons pas perdre ce fait de vue. Le phénotype est une réalité, l’apparence physique est une réalité. […] C’est le phénotype qui nous a causé tant de difficultés à travers l’histoire, c’est donc lui qui doit être considéré dans (les) relations. Il existe, est bien réel et ne saurait être nié. »

            Il est clair – parce que c’est une réalité de fait - que ce n’est point le sang qui coule dans nos veines qui détermine notre appartenance raciale mais bien la couleur de notre peau. Métis ou pas, lorsqu’il allait jouer en Afrique du Sud au temps de l’Aparteid, après les matchs, Yannick Noah était relégué au même statut que les Noirs, c’est à dire au même statut que les gens auxquels il est apparenté au regard de la couleur de sa peau. Récemment aux Etats-Unis d’Amérique, un Blanc qui faisait du porte-à-porte pour la campagne d’Obama avait sonné à la porte d’une maison en Virginie Rurale. Quand il a demandé à la dame pour qui elle comptait voter, elle a crié à son mari à l’intérieur : « Qui on soutient déjà ? – le nègre », a répondu une voix. Elle s’est alors tournée vers le bénévole et lui a dit : « On vote pour le nègre ! » (1)          

Raphaël ADJOBI

(1) Lu dans le journal Le Point.

14 octobre 2008

Les démocraties contestées

Elections : Les démocraties contestées

Urne__lectorale_2

            En novembre prochain, deux élections majeures auront lieu dans le monde : aux Etats-Unis et en Côte d’Ivoire (si le miracle se produit). Aux Etats-Unis, nous saurons si dans le secret de l’isoloir les Américains auront vaincu la question raciale et auront envoyé un noir à

la Maison Blanche.

En Côte d’Ivoire, nous saurons si pour la première fois un peuple africain aura donné tort à

la France

et aux institutions internationales en refusant de donner la direction de leur pays à celui que l’ancien colonisateur a choisi. En d’autres termes, nous saurons si

la Côte

d’Ivoire a entériné la première révolution en Afrique Francophone depuis 1960 lorsqu’elle a bravé l’armée française en 2004 devant l’Hôtel Ivoire d’Abidjan.

            Puisque les Africains sont prompts à décrier les premiers pas de la démocratie moderne sur le continent, je voudrais leur rappeler ici que les élections présidentielles ou autres ne sont presque jamais parfaites ; même dans les pays où le suffrage universel est devenu une tradition électorale. Les Ivoiriens – particulièrement ceux qui ont versé leur venin sur leur pays et en ont fait le pays le plus raciste et le plus xénophobe de la planète depuis six ans -  ont tout intérêt à réfléchir sur cette liste d’élections contestées que je donne ici mais qui n’ont pas donné lieu à une guerre armée.

            1) En Colombie, en octobre 2004, malgré une commission internationale qui a surveillé le bon déroulement des votes, l’opposition a crié à la fraude et à la reprise des élections. Elle ne fut pas écoutée.                             2) En Afghanistan, à la fin du mois d’Octobre 2004, les partis d’opposition ont manifesté contre les irrégularités des votes.               

            3) Aux Etats-Unis, dès le 29 octobre, les Républicains ont dénoncé la présence sur les listes électorales de près de 100 mille faux électeurs. Le camp adverse a crié à la manipulation de l’opinion publique. Les deux camps ont fait appel à leurs avocats.

            4) Le 22 novembre 2004, après le premier tour des élections en Ukraine (48 millions d’habitants), l’opposition est descendue dans la rue en criant à la fraude. Le chef de l’opposition est proclamé Présidents par ses députés. 

            5) Le 5 janvier 2008, suite aux élections contestées au kénya, le Président élu mais contesté accepte de former un gouvernement d'union nationale ; ce que refuse son opposant direct qui réclame sa démission avant toute négociation. Une façon de s'enfermer dans l'impasse.

            6) Toujours en janvier 2008, en Georgie, on parle de preuves en images des fraudes électorales : images d'électeurs qui viennent voter à plusieurs reprises ; images de personnes tenant les urnes en train de les ouvrir avant la fin des votes.

            7) le 2 mai 2008, cinq semaines après les élections au Zimbabwé (29 mars 2008), la commission électorale livre enfin les résultats. Le président Mugabé est dévancé par son opposant qui n'obtient pas la majorité absolue (47 %). Celui-ci refuse un deuxième tour. Que prévoyait la constitution ? Election du président à la majorité absolue ou relative ?

            8) le 27 juillet 2008, élections aux Cambodge. Selon les médias, le gouvernement en place a institué dans le pays un système de rachat des voix ; ce qui lui permet d'influencer les votes et pérenniser sa mainmise sur le pays.

            9) Le 5 septembre 2008, élections en Angola. On déplore le manque de listes d'émargement dans de nombreux bureaux de vote.

10) Inutile de revenir en détails sur les conditions de la première élection de George Bush qui a permis au monde entier de voir et comprendre que même les vieilles démocraties reposent sur des fondements qui ne sont pas parfaits. En France, plus personne ne s'amuse à comptabiliser les votes nuls ou à faire des commentaires sur les bulletins d’électeurs non reçus. Cependant, suite à l’annulation de l’élection du maire de Perpignan en raison d’une fraude à « la chaussette » (le 16 mars 2008, le président du bureau de vote n°4, frère d’un colistier du maire sortant, a été pris en flagrant délit de fraude avec des bulletins dans ses chaussettes), le journal français La Croixn a publié une liste de toutes les élections des maires annulées ou contestées mais non annulées en 2008. Le recours en annulation représente une commune sur dix en France, soit 300 requêtes sur le territoire ; 10 % des maires voient donc leur élection contestée après chaque scrutin. En ce mois d’octobre, dix annulations et une confirmation ont été prononcées par les tribunaux administratifs qui ont six mois (à partir des élections) pour statuer sur  les recours en invalidation des élections municipales. Mais, précise le journal, « si les recours sont fréquents, les annulations sont rares ». Cependant, aux yeux d’un africain qui regarde une vielle démocratie, cela est beaucoup, sinon trop pour tempérer ses ardeurs à recourir aux armes afin d’obtenir justice.

      

Raphaël ADJOBI

3 octobre 2008

La fin du capitalisme roi

                           La fin du capitalisme roi

 

 

            Nous avons vu s’effondrer les fondements du communisme. Depuis la fin de cet idéal de gouvernement, tout le monde ne jurait que par le libéralisme qui était devenu aux yeux de tous le système économique qui convient le mieux au genre humain. Et voici que celui-ci s’écroule révélant toutes les perversités qui constituent ses fondements.

            Aux Etats-Unis, c’est un véritable hold-up légal que le gouvernement organise avec la complicité des députés et des Sénateurs pour éponger les frasques de Wall street avec l’argent du contribuable américain. On croit rêver en apprenant que le pays de l’oncle Sam nationalise à tour de bras comme un vulgaire pays communiste.

            Les états européens, avec leurs démocraties des apparences complaisantes à l’égard des circuits financiers et de l’argent sale ou des fortunes volées venues d’Afrique, se préparent à agir de la même façon que les Américains mais de manière plus sectorielle. Les organismes bancaires Daxia et Fortis sont nationalisés. En d’autres termes, c’est l’état ou le contribuable européen qui éponge les dettes et reprend la gestion de ces entreprises. Il semble que le mouvement va se poursuivre.

Cartes_bancaires

La situation en Europe

 

            Nous y sommes donc ! C’est la fin du Capital roi ! C’est la fin du libéralisme ! Voici venu l’ère du retour à l’état. Cet état que tout le monde critiquait l’accusant de freiner le développement des entreprises par des contraintes sociales trop lourdes. Devant ces accusations, l’état non seulement desserrait les freins, mais en plus il leur octroyait des avantages fiscaux énormes pour leur permettre de s’implanter ça et là. Devant le ralentissement de la croissance économique, les entreprises disaient aux états que si elles pouvaient licencier plus librement que dans les pays anglo-saxons, elles embaucheraient plus. Là encore l’état plie l’échine avalisant la multiplication des emplois à mi-temps et les contrats à durée déterminée jetant ainsi des familles entières dans la précarité. Au bout du compte, on entend parler de délocalisation des entreprises qui ont empoché l’argent de l’état. En France, un million de personnes cumulent plusieurs emplois pour parvenir à un revenu correct pendant que les patrons ayant mené des sociétés à la faillite sont grassement payés pour les abandonner. On parle sans vergogne de parachutes dorés alors que la situation devenait de plus en plus difficile pour le commun des européens. Mais tout le monde vit à crédit avec des cartes bancaires qu’il suffit de présenter comme le passeport pour un monde virtuel quand on n’a rien en banque.

            En France, comme certainement ailleurs en Europe, fleurissent donc depuis un an sur les maisons les pancartes « A vendre ». Pour le moment, les familles ne sont pas sommées de rembourser et jetées à la rue comme aux Etats-Unis. Mais une chose est sûre : les banque ne prêtent plus, et donc on n’achète plus. On voit aussi apparaître chez les concessionnaires automobiles, des grosses cylindrées que les propriétaires cèdent à bas prix. Prix élevé du carburant oblige. Il y a quelques mois encore, les images des émeutes de la faim en Afrique et ailleurs dans le tiers monde, celles des Haïtiens mangeant des galettes de boue, semblaient très loin de l’Europe. Bertrand Delanoé, le Maire de Paris, était encore sûr de se valoriser en disant qu’il était libéral. Aujourd’hui, tous les libéraux le sont dans de nombreux domaines mais ne le sont plus totalement dans le domaine de l’économie où ils voudraient voir l’état jouer un rôle de soupape de sécurité. En France, ce ne sont pas les gauchistes qui pourfendent le libéralisme ; ce sont les libéraux eux-mêmes. Il suffit pour cela de lire le récent discours de Nicolas Sarkozy au Zénith de Toulon. Ne lui volons donc pas la vedette en le paraphrasant. Il est, selon moi, bien agréable de lire ces propos venant d’un homme qui a fait du libéralisme l’idéal de son projet de candidature à la présidence et au nom duquel ses opposants apparaissaient jusqu’à hier comme des arriérés ramant à contre courant du monde.

 

Nicolas Sarkozy clame la fin du Libéralisme économique

 

            « Dire la vérité aux Français, c’est leur dire […] que

la France

est trop engagée dans l’économie mondiale pour que l’on puisse penser un instant qu’elle pourrait être à l’abri des événements qui sont en train de bouleverser le monde […] La génération qui avait vaincu le communisme avait fait rêvé d’un monde, où la démocratie et le marché résoudraient tous les problèmes de l’humanité. Elle avait rêvé d’une mondialisation heureuse qui vaincrait la pauvreté et la guerre. […] le rêve s’est brisé sur le retour des fondamentalismes religieux, des nationalismes, des revendications identitaires, sur le terrorisme, les dumpings, les délocalisations, les dérives de la finance globale, les risques écologiques, l’épuisement annoncé des ressources naturelles, les émeutes de la faim. »                      

            Ne nous trompons pas : c’est le capitalisme et ses malversations qui ont entraîné le monde dans cette farandole enivrante et généré les maux dont il est question ici. Les risques écologiques, l’épuisement des ressources naturelles et la faim dans le monde sont les marques évidentes de son échec. Il fallait faire confiance au libéralisme et la laisser mener le monde, nous disait-on.

            « L’autorégulation pour régler tous les problèmes, c’est fini. […] Le laisser-faire, c’est fini. […] Le marché a toujours raison, c’est fini. L’idée de la toute puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle. L’idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle. […] On a financé le spéculateur plutôt que l’entrepreneur. […] On a laissé sans aucun contrôle les agences de notation et les fonds spéculatifs. […] on a obligé les entreprises, les banques, les compagnies d’assurances à inscrire leurs actifs dans leurs comptes au prix du marché qui monte et qui descend au gré de la spéculation. […] Ce système a creusé les inégalités, il a démoralisé les classes moyennes et alimenté la spéculation sur les marchés de l’immobilier, des matières premières et des produits agricoles. »

            Tout est donc bel et bien fini.  Les pays africains qui croyaient s’appuyer sur l’expérience européenne en matière de gestion des capitaux et s’en remettaient pieds et mains liés au FMI en cas de difficulté, doivent se dire qu’ils ont été bernés par des farceurs, des charlatans. Aucun n’a émergé du sous-développement. Tous ont été ruinés et sont donc devenus plus pauvres.  Plus qu’une critique sévère du capitalisme, c’est une remise en cause de son principe même qui est – comme le dit si bien un internaute - de « chercher à obtenir un gain ou éviter une perte ».

            Après avoir demandé aux états de laisser les affaires entre les mains des seules entreprises, des banques et des spéculateurs, voilà que, après la faillite retentissante du capitalisme, des hommes politiques européens comme Nicolas Sarkozy rejoignent les gauchistes, les tiers-mondistes et autres alter mondialistes pour demander « un nouvel équilibre entre l’état et le marché, alors que partout dans le monde les pouvoirs publics sont obligés d’intervenir pour sauver le système bancaire de l’effondrement. »     

            La leçon que doivent retenir les gouvernants africains, c’est que l’état doit absolument garder la mainmise sur certains services qui sont nationalement très proches des populations comme la poste, les hôpitaux, l’eau, l’électricité. Tout ce que

la France

s’apprêtait à privatiser et qui fera désormais – j’ose le croire – l’objet de sérieux débats et longues réflexions si toutefois le mal n’est pas déjà fait.       

                                    

Raphaël ADJOBI   

11 septembre 2008

Afrique : signes extérieurs de sous-développement

                              AFRIQUE :   

Signes extérieurs de sous-développement

 

Abidjan_Plateau            A vrai dire, il est aisé de distinguer un pays sous-développé d’un pays qui ne l’est plus. Mais avant tout, il faut que chacun chasse de son esprit le lien étroit ordinairement établi entre la richesse et le développement ; même si à un certain degré la richesse y est d’un bon secours.

            Un pays sous-développé se reconnaît d’abord à l’inadéquation entre ses pensées et son comportement par rapport à son développement économique, industriel et social. Ainsi, l’on voit dans les contrées dites du « tiers monde » l’édification d’immeubles administratifs et de logement sans que l’on prévoie des places de stationnement pour les occupants et les visiteurs. Et pourtant, ces constructions avaient été entreprises pour satisfaire une population aisée disposant des moyens modernes pour se déplacer.

            On constate aussi que lorsque les villes s’étendent, on ne prend guère le soin de modifier le mode d’identification des demeures. Résultat : nous avons de grandes métropoles où il est impossible de retrouver un habitant en se fiant à sa seule adresse. Les rues portent certes des noms (souvent étrangers), mais les maisons ne sont point numérotées pour permettre d’affecter à chaque habitant une adresse précise. De grandes villes fonctionnent encore sous le mode de boîtes postales rendant toute recherche des individus impossible autrement que par un courrier. Le développement des techniques modernes de communication ou d’enquête ne peut se faire que de manière anarchique.

            Un pays sous-développé se reconnaît ensuite par son incapacité à prévoir et par conséquent à faire face à l’imprévu. La réactivité d’un pays face aux catastrophes de tout genre permet de juger de sa capacité à gérer l’avenir en emmagasinant des provisions suffisantes pour répondre aux catastrophes naturelles ou industrielles. Ainsi certains ont pu dire de l’attitude des Etats-Unis lors des désastres causés par le cyclone Catarina que ce pays a réagi à la manière d’un pays sous-développé parce que sa réaction n’était point proportionnelle aux moyens dont il disposait. Cette capacité à réagir nous renvoie aux premiers hommes au moment où ils ont cessé de ne vivre que de la cueillette et de la chasse et se sont mis à envisager des jours de grande famine en faisant des provisions de ce qu’ils trouvaient ou cultivaient grâces aux progrès techniques de l’époque. Plus un pays a les moyens techniques et scientifiques suffisants de résister ou de combattre l’imprévu, plus il démontre son degré de développement.

            Pour comprendre ce qui est dit plus haut, il suffit d’imaginer où serait un pays africain si l’Amoco Cadiz avait échoué sur ses côtes déversant le flot de pétrole qu’avaient reçu en son temps les plages bretonnes. Tout récemment, la Côte d’Ivoire n’a pas été capable à elle seule de réagir techniquement à la pollution de ses décharges publiques. D’autre part, les côtes africaines sont jonchées de boulettes de mazout sans que les pays prennent des mesures pour les limiter ou mettre en œuvre les moyens pour garantir la propreté des plages. Ce qui nous permet de dire que le manque de réaction des autorités africaines face aux dégazages sauvages des navires croisant dans les eaux du golfe de Guinée ne relève pas seulement de l’incompétence ou de l’impuissance mais d’une forme d’inconscience propre à l’esprit du sous-développé.

            En affirmant cela, nous abordons l’un des points les plus effrayants du sou-développement. Il y a en effet dans les pays sous-développés une sorte d’inconscience collective qui fait que ce qui paraît évident ne l’est pas. Pour mieux comprendre cette attitude, il convient de la rapprocher de la définition de l’Utopie selon l’écrivain français Stendhal : les utopies sont souvent des vérités prématurées, dit-il. Il semble en effet que devant la vérité brute, l’esprit humain qui la reconnaît refuse d’en faire sienne en appliquant les règles qu’elle impose. Tout le monde voit la vérité mais personne ne veut agir, dira-t-on. Une sorte d’inadéquation entre l’esprit humain et la vérité parce que le premier refuse de suivre la dernière qu’il admire. Ainsi tout le monde est d’avis que pour rendre la vie plus agréable et moins coûteuse, il serait nécessaire que chacun cède sa maison pour occuper celle qui est la plus proche de son lieu de travail. Mais devant une telle évidente vérité, chacun fera valoir des arguments flattant son égoïsme au point de rendre le projet utopique en le faisant tomber dans le domaine du rêve irréalisable.   

            C’est donc ainsi que cette inconscience collective produit des effets fort étonnants en Afrique : On voit des rues bordées d’arbres dans les grandes villes européennes mais pas dans les villes situées sous les tropiques où la végétation est bien dense. On voit des parcs publics immenses aux arbres gigantesques, mais pas sous les tropiques. On voit des pistes cyclables dans les villes riches du Nord mais pas dans les villes pauvres du sud où les populations ont du mal à s’offrir des voitures personnelles ou même les voyages en transport en commun. En Europe, les noms des rues évoquent la mémoire des hommes illustres de ce continent. En Afrique, ils rappellent toujours les immortels Européens. Le lecteur peut lui-même multiplier aisément les exemples illustrant cette situation aberrante que connaissent les pays sous-développés de manière plus aiguë que toute autre nation.

            Nous voyons donc clairement que si certains éléments du sous-développement sont liés aux moyens dont il faut disposer, donc à une certaine richesse monétaire, technique et scientifique, globalement cet état tient plus à une certaine façon de fonctionner, de penser. En d’autres termes, le sou-développement n’est pas une fatalité puisque la volonté peut s’appliquer à réparer bon nombre d’aberrations sans porter atteinte aux libertés individuelles fondamentales.

 

Raphaël ADJOBI

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