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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
29 mai 2009

Les discriminations en France

                            Les discriminations en France

 

Les_discriminations

 

            Vous avez sans doute entendu parler de la Halde (Haute Autorité de Lutte contre les discriminations et pour l’égalité). Son nom ne vous est pas inconnu ; mais la connaissez-vous vraiment ?   

C’est parce qu’il a l’intention de faire connaître cette institution et « sortir les gens de la résignation, du fatalisme qui consiste à penser qu’il y a des discriminations mais que l’on ne peut rien faire » pour le combattre que Louis Schweitzer a écrit ce livre. Afin que les gens aient le réflexe de faire appel à la Halde, L’auteur qui en est le président depuis sa récente création en 2005, présente cette institution en insistant sur ses compétences et son organisation.

            D’abord, il fait une distinction très nette entre les délits (traiter quelqu’un de salle nègre, de juif assassin, ou peindre une croix gammée sur une tombe) qui relèvent de la compétence de la justice et les discriminations (ne pas obtenir un poste ou un logement parce qu’on est noir ou handicapé physique) pour lesquelles les citoyens peuvent saisir la Halde. Même si, dans ce dernier cas, la Halde n’est pas un passage obligé pour les victimes d’une discrimination, les expériences relatées montrent qu’il vaut mieux passer par elle plutôt que de tenter une démarche solitaire devant les tribunaux.

            Ensuite, l’auteur mentionne (p.48) l’article du code pénal qui donne la liste des dix-huit critères de discriminations pour lesquels un citoyen peut faire appel à la Halde pour une action en justice. Aucune hiérarchie n’est établie entre les discriminations pour l’âge, l’orientation sexuelle, l’origine, les mœurs, le sexe, l’appartenance à une ethnie, la nationalité, la race, le handicap, l’état de santé, la grossesse, le patronyme, l’opinion politique, les convictions religieuses, l’activité syndicale, la situation familiale ou les caractéristiques génétiques. Puis l’auteur explique et analyse chacun des critères et souligne les combats, les succès et les échecs de la Halde dans chacun de ces critères. Le relatif succès de la Halde est dû au fait qu’elle peut intervenir, à sa propre demande, devant toutes les juridictions administratives (prud’homme, tribunal administratif) et judiciaires où elle joue le rôle d’expert dans le domaine des discriminations.Louis_Schweitzer

 

Analyses et réflexions

            Si la tâche de la Halde est louable, elle ne me semble pas un élément moteur dans la lutte contre le racisme ambiant. Tant que les injures et les quolibets dont vous êtes l’objet ne vous font pas perdre votre emploi ou ne vous empêche pas d’obtenir tel ou tel poste, il vous appartient de vous défendre seul. La Halde ne peut nullement vous aider parce que ces délits ne relèvent pas de sa compétence. C’est votre parole contre celle de l’autre. Un combat que vous pouvez d’avance considérer comme perdu puisqu’à la lecture de ce livre, il apparaît que même convaincus de discrimination dans un dossier présenté par la Halde, certains individus et certaines administrations publiques font appel du premier jugement qui les condamne. C’est dire qu’en France certaines personnes jugent en leur for intérieur qu’ils ont la liberté d’opérer des discriminations (souvent sur la base raciale) dans le choix de leurs collaborateurs ou employés ou encore dans l’attribution d’un service. 

            Force est de constater que si la France était en retard dans la lutte contre l’esclavage au 19 è siècle, elle est encore à la traîne dans le domaine de la lutte contre les discriminations puisque des institutions analogues à la Halde existent ailleurs depuis le 20è siècle : Etats-Unis en 1964 ; Québec en 1975 ; Grande Bretagne en 1976 ; Belgique en 1993. La France ayant toujours nié le racisme sur son sol et estimant que l’on exagérait son ampleur ne se décide à entreprendre cette lutte qu’au 21 è siècle !

D’autre part, en faisant de la discrimination raciale un élément quelconque perdu dans le flot des critères discriminatoires, on la banalise et on évite ainsi la recherche d’une politique spécifique pour rendre les minorités visibles sur les scènes administratives et politiques. Ailleurs dans le monde et surtout en Europe du Nord, les institutions semblables à la Halde sont souvent doublées de dispositions spécifiques (discrimination positive ou politique muticulturelle) en ce qui concerne la discrimination raciale.

            Certes, la création de la Halde est la preuve même que la France reconnaît officiellement enfin l’existence du racisme sur son territoire. Mais quand Louis Schweitzeir – d’ailleurs conscient du retard  pris par la France dans la lutte contre les discriminations - dit que le sentiment de discrimination est très fort en France parce que les interrelations (relations entre personnes d’origines différentes) sont plus nombreuses que dans les pays anglo-saxons où les gens se définissent en terme de communautés, c’est ne pas reconnaître l’échec de la politique française qui consiste à dire «  parce que nous sommes égaux, il faut s’interdire toute solution spécifique au traitement du racisme ». Tant que la France continuera a penser cela, l’action de la Halde ne sera qu’une goutte d’eau dans l’océan des discriminations liées à la couleur ou à l’origine retardant ainsi le progrès du pays sur la voie de la diversité. 

Raphaël ADJOBI

 

Auteur : Louis Schweitzeir

Titre :   Les discriminations en France (184 pages)

Editeur : Robert Lafont

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