Du racisme français (Odile Tobner)
Du racisme français
La couverture et le titre du livre d’Odile Tobner apparaissent à première vue racoleurs surtout dans cette période où il est de bon ton de parler du racisme dont font preuve un certain nombre de dirigeants et d’élus politiques sans oublier certains « peoples ». En réalité, c’est un ouvrage d’étude très sérieux et très complet que je conseille aux universitaires, aux hauts fonctionnaires et hommes politiques africains.
L’introduction du livre reprend les différents propos racistes de Nicolas Sarkozy, de Jacques Chirac, de l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse à qui l’auteur décerne la palme (sans jeu de mots), de Alain Finkielkraut, de Pascal Sevran, de l’élu socialiste Georges Frêche et les confronte à la bonne conscience des intellectuels et des gens instruits et à leur impudence à nier le racisme en France. Odile Tobner y indique ensuite clairement son objectif : fouiller dans les bibliothèques et donc dans les textes pour mettre à jour « comment s’est constitué le racisme tranquille qui sous-tend toute opinion, même bienveillante, à l’égard des Noirs » et « comprendre pourquoi, aujourd’hui, les affirmations les plus objectivement scandaleuses sont couvertes du voile d’une indulgence complice ». Comme l’écrit l’éditeur, « Odile Tobner révèle que la négrophobie fait partie de l’héritage français ».
C’est donc un livre de recherches qui part du 16è siècle où la traite négrière et l’esclavage font du racisme « une véritable innovation moderne » bâtie comme une idéologie au service du capitalisme pour s’approprier le monde. En effet, « une civilisation qui est prête, par tous les moyens, même les plus violents, à convertir le reste du monde à ses valeurs idéologiques doit avoir, selon l’auteur, une grande tranquillité d’âme, un grand sens de son bon droit ». Et c’est ce souci de la tranquillité de son âme et de son bon droit qui pousse la France à développer des idées de tout genre pour justifier son comportement. C’est exactement ce qui se passe dans la fable du Loup et de l’Agneau de La Fontaine : accuser faussement pour justifier l’injustice que l’on accomplit.
Elle présente et analyse les thèses racistes professées par les auteurs français à travers quatre siècles et donne à leur suite les réactions africaines et antillaises les plus vibrantes comme celles de Frantz Fanon, René Maran, Cheikh Anta Diop et de Aimé Césaire. Elle n’oublie pas non plus les réactions des Européens comme Anténor Firmin et Melville J. Herskovits que les Africains gagneraient à lire.
J’ai pour ma part particulièrement apprécié les analyses que fait l’auteur des théories racistes à prétentions scientifiques de Montesquieu, et l’étude très approfondie de la pensée de Frantz Fanon. J’ai également été très sensible à toutes ses réflexions personnelles que lui ont inspirées ses lectures des propos des auteurs français (Bossuet, Montesquieu, Lucien Lévy-Bruhl, Guillaume Apollinaire, Olivier Pétré-Grenouilleau …) qui sont parfois de véritables niaiseries qu’on hésiterait à attribuer à un enfant ou à un simple d’esprit. Toutes ces absurdités qui font que l’on lit ce livre la colère au ventre et l’esprit tendu comme un arc.
Raphaël ADJOBI
Titre : Du racisme français
(quatre siècles de négrophobie)
Auteur : Odile Tobner
Editeur : Les arènes (2007)