Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

Vous trouverez ici des comptes rendus de lectures livresques concernant essentiellement l'histoire des Noirs d'Afrique et celle des Afrodescendants des Amériques et d'Europe. Les actualités de la diaspora africaine ne sont pas oubliées.

08 novembre 2010

Les élections présidentielles en Côte d'Iboire : des leçons pour la démocratie en Afrique

    Les élections présidentielles en Côte d'Ivoire :

           des leçons pour la démocratie en Afrique

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            Les Ivoiriens ont relevé le premier défi sur le chemin qui mène au miracle qu'ils veulent réaliser : un premier tour sans heurt. Est-ce l'effet de la lassitude due à la vie éprouvante qui leur est imposée depuis 2002 par la guerre venue du Nord ? 

            Certainement la soif de trouver une vie normale et pacifique est à l'origine de ce calme et de cette grande dignité. Cependant, à ce réel désir de paix il faut ajouter un esprit nouveau d'une grande importance. Pour la première fois, des règles simples et claires ont été respectées. Oui, il faut souligner cet aspect des choses car le respect des règles est loin d'être le souci des Ivoiriens et des Africains en général. Il serait bon que lors des élections, les pays africains exigent que les candidats ne fassent pas d’interventions publiques avant la proclamation officielle des résultats. Les Ivoiriens ont réussi le premier tour de leurs élections grâce au respect de cette règle. Deuxièmement, les pays africains devraient imposer aux candidats l'obligation de ne pas quitter le territoire national entre les deux tours. Le Président sénégalais Wade recevant Alassane Ouattara au lendemain des résultats s'est mêlé de ce qui ne le regarde pas. Et ce dernier a montré par ce voyage précipité la preuve qu'il est une marionnette de l'étranger.

            La proclamation des résultats prévue trois jours après les votes a suscité quelques remous, de l'impatience. Pour éviter que l'action de la commission électorale indépendante ne paraisse suspecte au peuple, ne serait-il pas préférable que les résultats soient communiqués au fur et à mesure des dépouillements ? Certes, il vaut mieux aller lentement mais sûrement dans ce genre de procédure. Mais en publiant les résultats région par région, chacun verrait clairement l'évolution de la situation de son candidat comme une évidente réalité.

            Enfin, la grande quantité de bulletins nuls doit retenir l'attention de tous et exiger des démonstrations en image à la télévision, longtemps avant le jour décisif.

            Analyse des résultats et du visage du 2è tour

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            Quand il s'agit d'élections en Afrique, les observateurs européens pointent toujours du doigt le vote ethnique comme s'il est un mal en soi. Le vote ethnique n'est pas plus méprisable que le vote partisan ou clanique que pratiquent les Européens puisqu’ils votent de moins en moins pour les idées. Les Africains n'ont pas à se mépriser pour cela. L'essentiel est de savoir, dans un cas comme dans l'autre, reconnaître sa défaite. Et savoir reconnaître sa défaite n'est pas le point fort des Africains. J'y reviendrai.

            Au regard de la carte montrant les bassins électoraux des candidats, seul Alassane Ouattara bénéficie du vote exclusif du Nord tenu par les rebelles et donc un vote exclusivement ethnique. Henri Konan Bédié triomphe dans sa zone ethnique également mais s'adjuge le vote des populations du sud-ouest et échappe ainsi au vote exclusivement ethnique. Quant à Gbagbo Laurent, issu d'une ethnie de taille insignifiante de l’ouest, il bénéficie d'un vote national à l'exception du Nord, le fief des rebelles. En d'autres termes, le vote ethnique ou partisan ne donne la victoire absolue à aucun des candidats. Un mélange des ethnies ou des partis du pays s'avère donc nécessaire à la victoire de l’un ou l’autre candidat.

            L'accord passé entre Alassane Ouattara et Konan Bédié est un accord de raison entre deux chefs de partis. Un calcul très Européen ! Or, les sensibilités des populations ne suivent pas les bannières des partis politiques mais les hommes et ce qu'ils représentent à leurs yeux. Que représente chacun des deux derniers candidats aux yeux de la majorité des Ivoiriens ? Peut-on croire que l'électorat de Bédié, constitué majoritairement de la population du pays baoulé qui a le plus souffert des atrocités des rebelles, pourrait donner ses voix à leur commanditaire Alassane Ouattara ? Si cela se produit, alors nous aurons compris que les Ivoiriens donnent un autre sens aux événements qui ont déchiré leur pays durant huit ans. Cela voudra dire qu'il n'y a eu ni victime ni coupable. Pour aller plus loin dans les relations Bédié-Alassane, je vous propose de lire l’article de Delugio.

                           Un mot des incidents

            Mis à part le rebelle abattu à Abidjan et la brève contestation des résultats par les partisans d’Henri Konan Bédié, les incidents notés sont à mettre à l'actif des partisans d’Alassane Ouattara : Le jeudi 4 novembre à Abobo - quartier d'Abidjan - des partisans du RDR d'Alassane Ouattara ont assiégé la mairie de cette localité accusant le maire (RDR) de cacher des urnes encore pleines et donc des bulletins non comptabilisés. A Paris, C'est un militant RDR (encore !) dans toute sa splendeur du délinquant ivoirien égaré qui a jeté l'urne par la fenêtre d'un bureau de vote tout simplement parce qu'il a trouvé des bulletins dans l'urne à son arrivée. Le pauvre ignorait sans doute que le vote par correspondance existe en France. Enfin, la fraude officiellement constatée vient du Nord du pays où les performances excessives du candidat du RDR vont laisser une marque indélébile : Madinani, dans la région du Denguélé, qui comptait officiellement 9.970 inscrits, Alassane Ouattara a obtenu... 11.144 voix ! Il fallait le faire. Heureusement, la fraude officielle de Madinani, les saccages à Paris et les irrégularités qu'on croit avoir noté ça et là ne sont nullement significatives au point de remettre en question ce premier tour que tous les observateurs considèrent comme un succès. Le manque d’expérience dans la pratique de la démocratie est cause de ces balbutiements.

            Je termine en posant la question essentielle à laquelle personne n'a la réponse : si les voix de Bédié vont à Laurent Gbagbo et qu'il gagne les élections, qui désarmera les rebelles ? Alassane Ouattara qui, en huit ans, n'a jamais lancé d'appel à leur adresse pour qu'ils abandonnent les armes le fera-t-il enfin cette fois ? L’ONU s’en chargera-t-elle ? Le miracle ne semble guère évident.

            Bravo et merci au blogueur Charlie qui a été très efficace dans la communication des résultats.                         

Raphaël ADJOBI

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02 novembre 2010

Les parias de l'art (un poème de Serge Moreau)

                             Les parias de l’art

                             (Un poème de Serge Moreau)      

A Liss, qui a vécu d’espoir de lire ce poème promis depuis bientôt un an. Qu’elle trouve ici, non pas « le feu » (Baldwin) mais « Les parias de l’art » délicatement déposé au pied du lit de sa longue attente.

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C’est pendant l’été 2009, lors d’une visite faite au musée de Noyers-sur-Serein dans l’Yonne (prononcez Noyère), que j’ai découvert ce magnifique poème. Pour ma part, c’est l’un des plus beaux sur l’image du poète. Dans l’imaginaire populaire, il semble que depuis l’Antiquité le poète a toujours été représenté comme ayant la tête aux nues et les pieds trébuchant sur la pierre du chemin. Baudelaire en a fait un albatros dont les ailes de géant l’empêchent de voler une fois installé sur la terre commune. C’est en effet un être des hauteurs, des rêveries, un être qui côtoie l’immensité céleste. Cette vision baudelairienne est encore très proche de celle que l’on prête à l’imaginaire populaire, avec l’aspect pitoyable plus accentué. Par contre, avec Serge Moreau, le poète devient douloureusement humain. Ce n’est point l’être aux dimensions célestes qu’il nous propose, mais l’artiste parmi les artistes, l’artisan parmi les hommes. Et l’on découvre que dans sa dimension sociale, le poète n’est pas moins à plaindre que lorsqu’il est présenté comme étranger parmi les hommes parce qu’ayant constamment la tête perdue dans « ces rêveries merveilleuses ».     

                    Les parias de l’art

            Les poètes sont les parias de l’art,

            Dans la longue parade des artistes

            Qui arrivent de toutes parts

            Leurs chariots sont les plus tristes.

            En tête, sur les chariots dorés, avancent les comédiens,

            Les chanteurs, les jeunes premières,

            Les bonimenteurs, les clowns, les musiciens,

            On y voit même, parfois, des écuyères.

            Voici les gens de plume, appelés écrivains ;

            On dit que certains seraient très riches

            Mais inutile de chercher en vain

            Où sont les nègres de ceux qui trichent.

            Puis suivent, en rangs serrés :

            Architectes, peintres, humoristes,

            Dessinateurs, illustrateurs inspirés,

            Quelques acrobates, quelques journalistes.

            Passent encore beaucoup de grands personnages

            Qui n’ont généralement rien fait.

            Cependant ils présentent si belle image

            Qu’on les balade à grands frais.

            Bons derniers, longtemps après

            Sur des charrettes incroyables

            Brinqueballent des êtres délabrés

            Dans un anonymat pitoyable.

            Ils progressent, malgré tout, ainsi

            Dans leur misère orgueilleuse,

            Depuis des siècles endurcis

            Soutenus par des rêveries merveilleuses.

            Personne ne salue ces pauvres illuminés

            Pas même ces chamarrés vieillards

            Qui regardent passer, comme des condamnés

            Les poètes, qui sont les parias de l’art.

                          Serge Moreau

            Serges Moreau est un poète bourguignon originaire de l’Yonne (89). Il a passé son enfance à Noyers-sur-Serein – classé parmi les plus beaux villages de France - puis à Joigny. Il vit actuellement à Laroche Saint-Cydroine où j’ai pu le rencontrer plus d’un an après mon coup de foudre pour son poème. L’homme est également un grand collectionneur de boîtes métalliques qui ne manquent pas de susciter la curiosité de ses visiteurs.

Raphaël ADJOBI

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27 octobre 2010

Côte d'Ivoire, élections 2010 : les Ivoiriens espèrent un miracle !

                               Côte d’Ivoire, élections 2010 :

           les Ivoiriens espèrent un miracle !

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            Ainsi donc à la fin de ce mois d’octobre 2010 la Côte d’Ivoire va tenter de mettre fin à une crise qui, durant huit ans, a fait vivre les Ivoiriens dans la peur puis dans l’angoisse et le dénuement. Tout le monde affiche son espoir ; même les sceptiques font bonne mine en cachant leur sentiment afin de ne pas provoquer les mauvais esprits prompts à gâcher nos rêves.

            Si ces élections maintes fois promises et maintes fois reportées ont lieu à la dernière date annoncée, alors la Côte d’Ivoire réalisera une prouesse jamais connue nulle part dans le monde. Elle réalisera alors un vrai miracle, une leçon de politique que le monde entier aura à méditer.

            Où, en effet, a-t-on vu une situation identique à celle que vit la Côte d’Ivoire se solder par la paix grâce à des élections présidentielles ? Nulle part ! C’est pourquoi, à ceux qui accusent Laurent Gbagbo de ne pas organiser les élections pour demeurer cramponné au pouvoir, j'ai toujours posé cette question : « avez-vous l’exemple d’un pays coupé en deux militairement ayant réussi à organiser des élections nationales et instaurer par voie de conséquence la cohésion politique et sociale ? »   Non ! Jamais, une telle expérience n’a été vécue. La recette aurait déjà fait le tour du monde et Chypre ne serait pas aujourd’hui encore coupé en deux confirmant l’incapacité de l’ONU et des Européens à réaliser l’exploit qu’ils exigent de Laurent Gbagbo depuis 2002.

                               Le mince espoir de la normalisation

Mais depuis que, en août dernier, le Président ivoirien a dit qu’un accord est intervenu entre les rebelles et la partie loyaliste du pouvoir sur le chapitre épineux de l’entrée dans l’armée nationale d’une partie des jeunes désoeuvrés du Nord recrutés par les assaillants venus du Burkina, je me suis mis à espérer. Non pas que le recrutement de civils aux pieds nus dans l’armée nationale soit juste. Mais parce que c’est encore un prix à payer pour la paix civile. Cependant, rien ne nous dit qu’après des élections convenables, les rebelles joueront la carte de la loyauté en cessant toute action et tout propos belliqueux susceptibles d’enlever tout espoir de paix aux Ivoiriens. Rien ne nous dit non plus que le Burkina voudra cesser d’être un grand producteur de cacao depuis que ce plaisir lui est tombé du ciel. Rien ne nous dit, que les roitelets installés dans le Nord du pays voudront descendre de leur trône et fouler de nouveau la poussière d’où les a tirés la guerre et la partition du pays. De tout évidence, c'est donc un miracle que tout le monde attend.                                       

            Depuis qu’en 2002, à Marcoussis, la France a mis la Côte d’Ivoire dans l’impasse –oui, je dis bien la France ! – en ne faisant pas coïncider le premier « gouvernement d’union nationale » avec la réunification du pays, une deuxième situation exceptionnelle était née dans le monde, après Chypre. Jamais dans aucun pays coupé en deux militairement, les ennemis n’ont formé un gouvernement d’union pour gouverner une moitié du pays pendant que l’autre moitié demeurait entre les mains des amis des rebelles toujours armés. Seule la Côte d'Ivoire fait cette expérience depuis huit ans ! Cela a donné suite à des insolences et à un manque de savoir vivre inqualifiable de la part de ceux qui pouvaient se pavaner impunément en zone ennemie sans que leur adversaire ne puisse se permettre la même chose chez eux.  Il a fallu du courage et du génie pour tendre la main par-dessus la ligne de séparation du pays - formée par la France et l'ONU - pour calmer les propos belliqueux permanents, les insolences incessantes et les multiples appels – pour un oui, pour un non - à la boiteuse ONU et autres malsaines organisations internationales aux mains des puissances européennes.

            Depuis que cette main tendue a été saisie et a fait de l’ombre à l’ONU et à la France, les passions se sont apaisées de part et d’autre de la ligne de séparation sans apporter la confiance et le respect.

            Or sans la confiance et le respect, les élections attendues par tous se solderont par un échec. Si le moindre soupçon de tricherie, doit donner suite à des mouvements de colère d’une ampleur nationale, si la victoire de l’adversaire ne peut être imaginée et acceptée, si les décisions des institutions ne peuvent être respectées et si elles ne peuvent avoir l’entière confiance des leaders politiques, alors tout espoir est d’avance perdu. 

                         Les Ivoiriens, victimes de la cohabitation       

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            Quant aux programmes des candidats, il est inutile de perdre son temps à les étudier pour choisir celui que l'on jugera le plus profitable au pays. L'heure n'est point aux promesses démagogiques. Ce qui nous importe, c'est de rêver ! Oui, faites-nous rêver messieurs. L'homme ne se nourrit pas seulement de pain. Il a fondamentalement besoin d'idéal pour rester debout. Déjà, certains par le passé ont cru faire le bonheur de l'Ivoirien en lui pourvoyant son pain quotidien. Il a suffi qu’il vienne à manquer pour que la panique s'empare de la maison. Ils avaient oublié de nous donner des symboles fédérateurs comme la démocratie pour nous permettre de nous défendre contre l'adversité. Faute de socle fédérateur, les aînés ont permis à la France et à ses valets Ivoiriens de commettre le sacrilège de tenter de toucher à nos institutions. Mon Dieu ! Comment des Ivoiriens peuvent-ils s'abaisser jusqu'à confier la révision de leur constitution à un pays étranger ? Celui qui n'a pas vu dans ce geste un crime contre la Côte d'Ivoire est indigne du respect de ses compatriotes, indigne de la moindre considération.

            A bien regarder, cette élection est placée sous les signes de la dignité, du respect et de la confiance. Une dignité collective, un profond respect de nos institutions et par voie de conséquence de nous-mêmes,  une confiance réciproque entre tous les citoyens. Il ne peut pas avoir de démocratie là où il n'y a ni respect ni confiance. Respect et confiance en nos institutions, respect et confiance entre les citoyens.

           Aucun des principaux candidats ne sort indemne des huit années de troubles et de querelles. Les plus affaiblis dans leur capacité de représenter la cohésion nationale ne sont pas forcément ceux qu'on croit. A bien réfléchir, ceux qui ont su encaisser les coups sans laisser choir l'étendard national sont encore les plus méritants. Les Ivoiriens ne sont pas appelés aux urnes pour choisir un programme ou pour sanctionner un parti politique mais pour sceller la paix civile. Durant Huit ans, aucun parti n'a dirigé seul la Côte d'Ivoire avec un programme particulier. C'est donc à une cohabitation de huit années, que ce vote doit mettre fin. Huit années ou tous les partis, en entrant au gouvernement, ont travaillé à empêcher le président de diriger le pays selon son plan, selon le programme de son seul parti. C'est d'ailleurs la règle dans toute cohabitation : empêcher le Président de mener librement les actions qu'il veut ! Les anciens Présidents français, François Mitterrand et Jacques Chirac, ne diront pas le contraire. Voilà ce que les Ivoiriens doivent retenir des huit années de ce que tout le monde appelle « le gouvernement de Gbagbo ». Non, Gbagbo n’avait pas de gouvernement personnel formé par son seul parti, donc il n’a pas la responsabilité personnelle des actions de ce gouvernement ! Tous les partis et leurs leaders qui y ont délégué leurs hommes de confiance sont responsables de l’état de la Côte d’Ivoire. Qu'ils sachent que s'ils n'avaient pas mis le ver dans le fruit confié à Laurent Gbagbo, le fruit aurait fait des petits. Les Ivoiriens sont donc victimes d’un gouvernement fourre-tout formé au nom de la tranquillité nationale.   

            Le voeu qu'il faut formuler pour la Côte d'Ivoire, c'est de retrouver la paix nationale et sortir absolument de cette désastreuse inertie que constitue la cohabitation ! Il faut remettre le pouvoir entre les mains d'un seul parti qui dirigera le pays avec ses alliés. Il faut apprendre à reconnaître la victoire de l’adversaire, entrer dans l’opposition et constituer une alternative en cas d’échec du parti au pouvoir. C'est cela la démocratie qui doit être établie en Côte d'Ivoire. D’autre part, il faut apprendre à compter sur soi-même, sur ses propres moyens, ses propres institutions, ses propres connaissances pour instaurer cette démocratie et la paix. Il est tout à fait honteux, en effet, de voir les hommes politiques africains se comporter comme de grands enfants incapables de rien, toujours prêts à se jeter aux pieds des Européens pour solliciter leur arbitrage, pour se plaindre de ceci et de cela.            

Raphaël ADJOBI

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16 octobre 2010

Aux Etats-unis d'Afrique (Abdourahman A. Waberi)

                                      Aux Etats-Unis d'Afrique

 

Aux_Etats_U            Voici un  livre déroutant, étourdissant même. Un livre que l'on lit avec le sentiment d'avoir la tête à l'envers. Cependant, à chaque pas, le lecteur retrouve la réalité de l'histoire actuelle du monde, de l'humanité. La seule différence, c'est que les choses ne sont pas à leur place selon nos connaissances et notre vie quotidienne. Les Etats-Unis d'Afrique, c'est la nouvelle société africaine à l'image de l'Europe d'aujourd'hui. Et l'on reconnaît, dans l'Europe pleine des maux qui nous sont familiers, l'Afrique et le reste du Tiers-monde actuels.

            Forcément, vu sous cet angle, cette fiction ne peut que susciter sourires et francs éclats de rire. Comment rester insensible devant certaines subtilités comme cette belle parodie du poème d'un célèbre poète africain :

 

 

               Femme blanche, femme pâle

 

               Huile que ne ride nul souffle, huile

 

               Calme aux flancs du marin, aux

 

                   Flancs des poivrots du Jura

 

        Bouquetin aux attaches célestes, les perles

 

                  Sont étoiles sur l'aube de ta peau...

 

                                              Mzee Maguilen Joal.

 

 

Oui, ici, ce sont les Européens qui clament leur « blanchitude » afin de rester debout face au mépris des Africains. Elle est en effet surprenante cette Afrique florissante avec ses gardes-frontières, ses gardes-côtes, ses sherpas du Kilimandjaro, lancés dans la chasse aux immigrés venus de l'hémisphère nord ; cette Afrique avec ses potières du Swaziland qui inondent le monde entier avec leurs créations industrielles bas de gamme ; cette Afrique avec ses écoliers organisant chaque année l'opération « Un bol de mil à la sauce gombo » pour nourrir toutes ces bouches affamées par les guerres ethniques qui sévissent en Europe comme celle « opposant le Mouvement patriotique pour la libération de l'Occitanie (MPLO) aux troupes républicaines de Paris. »

 

            Dans cette plaisante fiction, les personnages sont comme des ombres chinoises glissant d'abord imperceptiblement sur une scène encombrée d'éléments hétéroclites, puis devenant plus présentes grâce à leurs mouvements de plus en plus rythmés par les événements de leur vie. Dès lors le lecteur ne veut plus les quitter et il découvre que ce livre est parsemé de profondes réflexions sur les préjugés comme celle touchant les langues : « Contrairement à nos langues à tons, à accents et à clics, le français est une langue monotone, dépourvue d'accent et de génie [...] Une langue en mal d'écriture et de savoirs fixes. [...] Pas étonnant que le plus insignifiant de nos clercs se fasse passer pour linguiste expert en langues indo-européennes. » Le lecteur découvre aussi que ce livre est une profonde réflexion sur l'exil, sur les enfants adoptés par  des familles qui n'ont pas leur couleur de peau et étrangères à leur culture de naissance et qui, devenus grands, entreprennent la quête de leur origine ; une réflexion sur ceux qui partent loin, et qui reviennent un jour à leur point de départ.

 

            Ce livre peut être vu comme une invitation à l'humilité à l'adresse de l'Europe. Le parcours de Malaïka (Maya), cette petite blanche adoptée par des Africains oblige le lecteur à voir le monde autrement, et le lecteur blanc à découvrir le monde actuel dans la position des opprimés, des nécessiteux.

 

            Que de réflexions positives je retiens de la lecture de ce livre ! Pourtant, j'ai failli ne pas l'achever. Trop de longues descriptions ou digressions vers la fin du premier chapitre (le livre en compte trois) qui ressemblent à des monologues écrits pour ennuyer le lecteur ont failli avoir raison de ma patience. Dans cette partie du roman, le texte apparaît en effet comme une sorte de délire d'écrivain, une sorte de recherche de style particulier dans laquelle l'auteur baigne avec délectation sans se soucier de notre ennui. Avoir franchi cette étape me donne le sentiment d'être tout à coup devenu plus patient, plus sage ! Mais sans doute que cela a été possible parce que, même dans ces moments de digressions, le style de l'auteur reste agréable et enjoué.

 

 

Raphaël ADJOBI

 

Titre : Aux Etats-Unis d'Afrique (188 pages)

Auteur : Abdourahman A. Waberi

Editeur : édition de poche Babel, 2008.

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10 octobre 2010

Côte d'Ivoire : les fossoyeurs de la République

Côte d'Ivoire : les fossoyeurs de la République

CIMG0330            La critique est permise à tous, et concernant la Côte d'Ivoire, il y a aujourd'hui matière à s'égayer. Mais la persistance d'une race de fossoyeurs qui rappelle étrangement les négriers africains collaborateurs de la traite atlantique européenne  ou la traite arabo musulmane fait peur et exaspère à la fois. L'Afrique a eu ses collaborateurs de négriers, puis ses collaborateurs de colons, ses collaborateurs de néo-colons, et enfin elle produit ses propres ambassadeurs-négriers qui depuis l'étranger travaillent contre elle. C'est de cette nouvelle race qui n'est nullement commandée par une main étrangère dont il est question ici.

            C'est avec stupéfaction et colère que j'ai lu sur le site de « Connection Ivoirienne » la lettre d'un certain Henri Tohou adressée le 23 juillet 2010, depuis Londres, au Premier Ministre anglais suite à l'arrestation en Côte d'Ivoire de trois journalistes. La lettre mentionne que le « sit-in organisé par les journalistes (...) devant le palais de justice a été dispersé avec une extrême violence. Certains journalistes qui ont couru se réfugier dans la cathédrale qui est juste à côté ont été pourchassés et  battus par les policiers dans l'enceinte de la cathédrale. » L'auteur de cette lettre estime donc que « les médias ivoiriens ont besoin de l'aide des pays occidentaux pour obtenir la libération des journalistes emprisonnés et protéger la liberté de la presse en Côte d'Ivoire ». Selon lui, « la situation préoccupante des droits de l'homme et de la liberté d'expression en Côte d'Ivoire » doit retenir l'attention du Premier ministre anglais.

            Les Ivoiriens ont-ils vraiment besoin des occidentaux pour protéger leur liberté d'expression ? Cette liberté d'expression que connaissent les journalistes ivoiriens est-elle l'oeuvre des occidentaux pour qu'ils s'en portent garants ? Assurément, certaines personnes ont besoin de réfléchir un peu avant de mener des croisades sous les ors des palais européens en vue de libérer les Africains. Qu'ils sachent que ceux qui se battent sur le terrain connaissent mieux que quiconque le prix de leur liberté. Il n'appartient pas à un Ivoirien vivant à l'étranger de courir au palais du prince des lieux pour lui demander de venir faire le pompier. Des manifestants pourchassés et battus, l'Occident les compte par milliers chaque année. Quel Africain se soucie alors de ces pauvres Européens privés de liberté d'expression, comme ce fut récemment le cas en Grèce lors des manifestations contre la crise dans ce pays ?

            Cette lettre n'est donc pour moi qu'une imbécillité de plus à mettre sur le même pied que le comportement de ceux qui voyagent avec des coupures de journaux où l'on voit des corps criblés de balles et qu'ils présentent aux pays étrangers comme ceux de leurs parents afin de bénéficier de l'asile. Oui, c'est toujours pour des intérêts égoïstes que des Ivoiriens flétrissent l'image de leur pays pour tromper les Européens et aujourd'hui les Latino-Américains. Ils apprennent par coeur des récits à dormir debout afin d'attirer sur eux les faveurs des pays où ils se rendent. Je me souviens avec horreur, comme si c'était hier, des propos qu'un Ivoirien originaire du nord du pays m'avait tenus lors d'une rencontre à Dijon. Il jurait par ses grands dieux qu'il ne mettait pas les pieds en Côte d'Ivoire parce que l'origine de son nom ferait de lui une victime facile des populations du sud et du régime de Gbagbo (qui est pourtant également le régime de ses frères du Nord). Il est clair qu'un tel homme ne peut être qu'un mauvais ambassadeur auprès des Français qu'il côtoie quotidiennement. Il est à leurs yeux une pauvre victime des querelles ethniques qui décimeraient la Côte d'ivoire comme la peste. Mais pour moi, cet homme n'est qu'un égoïste qui se drape du malheur de l'Afrique pour légitimer sa vie en France.

            Ce n'est point cette forme d'attaque faite de dénigrements menée par ses fils dont a besoin l'Afrique pour avancer. Ce ne sont point les leçons de morale importées des palais occidentaux dont elle a besoin. Elle a besoin de la manifestation de la volonté de chacun sur le terrain, de la lutte de chacun sur le terrain. Et dans ce domaine, les Ivoiriens vivant dans le pays pourraient donner des leçons aux fossoyeurs de la République vivant à l'étranger puisque ce sont eux qui ont bravé les armes de l'armée française au prix de leur sang quand il fallait sauver l'honneur du pays. Et récemment, ce sont ses journalistes qui ont fait front à l'abus d'autorité d'un homme pour faire reculer l'injustice.

            Critiquer pour permettre aux Ivoiriens de voir d'autres aspects des choses qu'ils peuvent ne pas voir ou ignorer, c'est ce que l'on appelle une critique positive. Critiquer pour être bien vu de l'étranger et jouir de ses faveurs, c'est purement de l'égoïsme doublé d'un talent de fossoyeur de son pays.

Raphaël ADJOBI

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20 septembre 2010

Histoire de l'Afrique ancienne (VIIIè s. - XVIè S.), par Pierre Boilley et J-Pierre Chrétien

                         Histoire de l'Afrique ancienne

                                         (VIIIè - XVIè siècle)

 

Histoire_de_l_Afrique_Ancienne            Incroyable ! Mon Dieu, quelle nouvelle ! « L'Afrique a une histoire » ! Oui, vous avez bien lu : « l'Afrique a une histoire ». Ce sont les mots qui commencent ce dossier de la revue française La documentation photographique. On ne peut s'empêcher, en les lisant, de penser au fameux discours de Dakar.

 

            Ainsi donc les pages de la vie de l'Afrique noire ne sont pas vides ou plutôt remplies du ron-ron de l'éternel recommencement qui a fait que, selon certains, l'homme noir n'est jamais entré dans l'histoire de l'humanité. Mais balayons notre colère, puisque tous les Africains sont convaincus en leur for intérieur que « moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui paraît bête. » (André Gide, in Voyage au Congo).

 

            C'est pourquoi, la première des choses que reconnaissent les auteurs de ce document, ce sont les préjugés fortement ancrés dans l'inconscient collectif européen et au premier desquels ils retiennent le déni d'une histoire africaine. A quoi tient ce préjugé ? Au seul fait que l'Europe a parlé de l'Africain sans jamais l'écouter, sans jamais prendre en compte sa parole. « Pourtant (...), les sources, tant orales qu'écrites ne manquent pas pour écrire une histoire longue de l'Afrique », assurent Pierre Boilley et Jean-Pierre Chrétien. Aussi tentent-ils de nous faire découvrir cette Afrique ancienne qu'ils évitent d'appeler « le Moyen-âge africain » ; le terme renvoyant trop à une conception européenne de l'histoire d'une époque.

 

            Reconnaissant que l'Afrique ne peut-être considérée comme « un vaste ensemble homogène » où les hommes ne connaissent qu'un destin commun, ils nous proposent de découvrir plutôt « des mondes africains » ou des histoires africaines. Pour ce faire, ils ont déterminé trois zones géographiques : une Afrique occidentale liée au nord de L'Afrique puis à l'Europe (Empire du Ghana, empire du Mali, Empire Songhaï), une Afrique Orientale ouverte sur l'océan Indien et le monde asiatique (outre les héritages antiques de Nubie et d'Ethiopie), et une Afrique centrale et méridionale de peuplement essentiellement bantou malgré sa diversité culturelle. Cependant, au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture de cette Histoire de l'Afrique ancienne, on a le sentiment de plonger dans celle de l'humanité tout entière parce que les connexions avec les autres parties du monde se révèlent de manière tout à fait éclatante.Et on se dit que le goût des voyages ne date pas de notre époque !

 

             On finit par se convaincre que cet excellent travail sur l'histoire de l'Afrique ancienne de notre ère - un travail de vrais historiens au service de l'humanité - s'adresse avant tout aux Européens qui enseignent dans leurs écoles et leurs universités une l'histoire de l'Afrique qui n'est rien d'autre qu'une « histoire de leur conquête et de leur oeuvre coloniale ». Chacun devra en effet retenir qu'ils n'enseignent « en réalité (que) l'histoire de l'Europe en Afrique et non l'histoire des Africains eux-mêmes ». La soixantaine de pages de ce dossier, illustré de magnifiques photos et cartes à caractère pédagogique, suffit pour abreuver l'esprit du lecteur d'une multitude de connaissances qui bouleversent des croyances communément admises. Ainsi les chapitres consacrés à l'image des Africains dans l'Europe médiévale, la renommée mondiale de l'Empereur du Mali, la relation diplomatique entre les rois du Kongo et du Portugal ne pourront que l'étonner.

 

            Beaucoup de monde oublie ou ignore que les civilisations naissent et meurent, fleurissent puis s'étiolent, dominent puis sont soumises. L'Afrique noire a connu tout cela. Qui aurait cru que c'est en Afrique noire, dans l'actuel Mali (à Ounjougon) que les plus anciennes céramiques connues au monde (10 000 ans avt. J.C.) ont été retrouvées. Un détail matériel qui se révèle un grand pas dans l'histoire de l'humanité puisqu'il est une marque du génie humain. Mais l'Afrique, berceau de l'humanité n'a pas besoin de donner la preuve de son génie puisque c'est là qu'est né le génie humain. Ce qui fait dire à un historien anglais cette parole que chacun doit méditer pour éviter de dire des bêtises sur le génie africain : « Les Africains ont été, et sont toujours, ces pionniers qui ont colonisé une région particulièrement hostile du monde au nom de toute la race humaine. En cela réside leur principale contribution à l'histoire ». 

 

Raphaël ADJOBI

Titre : Histoire de l'Afrique ancienne (VIIIè - XVIè), 63 pages                                                                                        

Auteurs : Pierre Boilley & Jean-Pierre Chrétien

Editeur : La documentation française ; mai - juin 2010 ; dossier n° 8075  

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08 septembre 2010

L'amère patrie, Histoire des Antilles françaises au XXè siècle (Jacques Dumont)

                                        L’amère patrie

Histoire des Antilles françaises au XXè siècle

 

 

          L_am_re_patrie_1  Quiconque lira ce livre en fera son bréviaire chaque fois que le besoin de connaître un aspect des Antilles françaises se fera sentir. Son organisation en une multitude de chapitres permet de le consulter aisément, bien que son abord soit assez rebutant du fait des nombreux renvois aux notes regroupées en fin d’ouvrage. Dommage car c’est un texte passionnant où les documents de presse (antillaise) et de l’administration ainsi que les extraits de discours politiques prennent une grande place.     

 

            C’est la peinture de la longue et pénible marche des Antillais vers la pleine reconnaissance de leur citoyenneté française et de leur totale assimilation aux  enfants blancs de la France que Jacques Dumont nous donne dans ce livre. Car, « Si tous les habitants de Guadeloupe et de Martinique, comme ceux de Guyane et de la Réunion, ont été, avec l'abolition de 1848, déclarés citoyens français, ils sont néanmoins restés colonisés pendant encore un siècle ». Il aurait pu dire « plus d'un siècle » puisque les luttes se sont poursuivies au-delà des années soixante. Chacun pourra découvrir dans ce livre que la théorique égalité citoyenne instaurée avec l'abolition définitive a été régulièrement bafouée. D’abord avec la suppression du suffrage universel et la représentation des Antilles au Parlement. Ensuite avec le retard pris par la mise en place de la départementalisation pour les Antilles. Quant à la Sécurité Sociale, son application dans ces anciennes colonies donna lieu à des débats épiques. L’auteur nous présente ici une foule de situations administratives et de décisions politiques qui ne peuvent qu’étonner le lecteur.

 

            L’amère patrie montre de façon évidente que tout est flou concernant les Antilles, sur les plans juridique, administratif, social. Jamais rien ne semble urgent pour tout ce qui les concerne. Tout est fait avec beaucoup de retard, quand quelque chose est fait. Souvent ce qui est fait se limite à des décisions ou des décrets jamais suivis ou appliqués. Tout laisse croire que les Antillais ne sont jamais assez Français pour mériter le même traitement que les autres citoyens sans des discussions supplémentaires préalables.

Or, au sortir de l'esclavage, leur âme et leur esprit étaient tendus vers l'assimilation, prêts à se sacrifier pour « la mère patrie ». Les premiers chapitres du livre sont même émouvants : lorsque la guerre franco-prussienne éclata en 1851, les hommes refusant d'être assimilés aux autres Noirs des autres colonies, se montrèrent plus patriotes que les Français de la métropole en revendiquant leur participation à l’effort militaire. Mais cela leur fut refusé parce qu'il ne fallait pas enlever aux colons leur main d'oeuvre servile dans les champs de canne ! Et quand l'Etat cède, il ne cède qu'à moitié en créant en métropole « un contingent de troupes coloniales » pour les Antillais, comme pour freiner leur assimilation. D’autres revendications suivront et se heurteront toutes au silence, à la lenteur administrative.

            De temps à autres les revendications cèdent la place à la déception et à l'exaspération. Alors devant leurs mouvements, périodiquement, on voit les autorités de la République « agiter le chiffon rouge de l'abandon ». Celles-ci ne se rendent même pas compte, remarque l’auteur, que le simple fait de parler d'abandon c'est reconnaître que l'intégration des populations de ces anciennes colonies est incomplète.

            Dans l’histoire entre la France métropolitaine et les Antilles, Jacques Dumont note une période cruciale qui se situe entre 1960 et 1970. D’une part, la société antillaise qui était jusque là une société de plantations bascule dans la société de consommation. Les grands planteurs se reconvertissent dans l’importation massive de marchandises déséquilibrant les échanges avec la France. D’autre part, la politique de transplantation d’une multitude d’Antillais en métropole  qui fut entreprise durant cette période les fit découvrir brutalement « qu’ils étaient des Nègres comme tous les autres » (Aimé Césaire).  Le rêve d’assimilation s’envole !

            Mais comme durant les années de revendication d’une totale assimilation ils ont nié leurs caractères proprement africains, voilà que les Antillais se sentent désormais obligés de « s’employer consciemment à l’élaboration d’une culture originale » qu’ils ne veulent pas considérer comme la somme de l’Afrique, de la France et de l’Asie. C’est donc récemment qu’apparaît les termes « créolité » et « créolisation » dont les contours restent flous. Le lecteur peut se demander avec Michel Leiris si la culture s’invente avec « une pléiade d’intellectuels de couleur ». On ne peut donc qu’être d’accord avec Joël Nankin quand il dit « (qu’) en plaçant la politique au-dessus de la culture, (les Antillais) avaient mis la charrue avant les bœufs ».

            Il est donc clair que c’est l’échec de l’assimilation qui a poussé les Antillais à se raccrocher à ce qui ne leur rappelle pas l’Afrique et les singularise par la même occasion par rapport à la France colonisatrice : la langue créole. Maigre caractérisation certes, mais qui constitue un canal d’affirmation de soi parce qu’elle est considérée comme la naissance d’une ethnie, d’un groupe socio-politique. Mais, outre ce caractère linguistique auquel on s’accroche comme à une bouée de sauvetage, il reste à étoffer l’âme antillaise qui ne peut se limiter à la langue et aux rythmes musicaux. Une question demeure : peut-on renier à la fois ses ancêtres et sa mère adoptive et prétendre conserver son âme ?

Raphaël ADJOBI

Titre : L’amère patrie, Histoire des Antille

            françaises au XXè siècle, 351 pages

Auteur : Jacques Dumont

Edition : Fayard, mars 2010

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27 août 2010

Tsippora, l'épouse noire de Moïse

        Tsippora, l'épouse noire de Moïse

Moïse et son épouse Séphora

            Je bénis l’occasion qui m’a été donné d’écouter l'histoire de Miriam, la soeur de Moïse, frappée brutalement par la lèpre. Dans ce récit biblique, un mot a retenu mon attention et m'a poussé dans des investigations pour étancher ma soif. Le passage de Nombre Ch.12 v.35 racontant l'exode des Hébreux après la sortie d'Egypte dit en effet : « De Qibroth-Taava le peuple partit pour Hatséroth ; il s'arrêta à Hatséroth. Alors Miriam et Aaron parlèrent contre Moïse au sujet de la Koushite qu'il avait prise - c'est une Koushite qu'il avait prise pour femme. » Me référant à la géographie biblique, je sais que le pays de Koush se situe dans l'actuel Soudan comprenant sans doute aussi l'actuel Ethiopie. La femme de Moïse est donc noire, me suis-je dit ! Curieux, j'entrepris la lecture du livre de l'Exode pour en savoir davantage. Au Ch. 2 v. 21 et 22, j'apprends qu'ayant fui l'Egypte, Moïse s'est installé dans le pays de Madiân, et qu'il prit pour femme Sephora, l'une des sept filles du prêtre Jethro. Au Ch. 4 v. 18 et 20, on peut lire aussi que quand Moïse reçut de Dieu l'ordre de retourner en Egypte, « de retour auprès de Jethro, son beau-père, [...] il prit sa femme et ses fils, il les fit monter sur des ânes et retourna en Egypte. » Koush_2

(Koush et le pays de Madiân qui couvre toute la péninsule où se trouve le Mont Sinaï)

 

            Nous savons tous que la Bible est très elliptique sur la peinture de certains personnages. Sur l'épouse de Moïse qui est une noire venue de Koush ou appelée Koushite parce que noire, le Livre Saint reste très avare. Il mentionne qu'elle est Koushite seulement quand le frère et la sœur de Moïse ont manifesté leur animosité à son égard. Tant que ce sentiment n’a pas été exprimé, nulle part il n’est dit qu'elle est Koushite. Selon la Bible, visiblement, ce serait son statut d'étrangère noire qui est la cause de la désapprobation de Aaron et Miriam. Et l'intervention de Dieu pour punir Miriam en la frappant de la lèpre de manière miraculeuse est pleine de sens pour tout le peuple de Dieu hier comme aujourd'hui. La présence de cette femme noire parmi les Hébreux et le regard qui est porté sur elle va même pousser Dieu à insérer dans les tables qu’il donnera à Moïse, une loi protégeant les étrangers. C’est dire combien cette femme noire, l'épouse de Moïse, a été aux yeux de Dieu aussi importante que celui qu’il a chargé de libérer les Hébreux.

 

Tsippora__femme_de_Mo_se            Tsippora, le roman de Marek Halter auquel m'a conduit ma curiosité, tente de combler le vide laissé par la Bible concernant cette épouse pour laquelle Dieu a fait des miracles quand elle a été menacée par les hébreux par le biais du frère et de la soeur de son époux. On peut penser qu'en écrivant ce livre, Marek Halter a dû certainement se dire : « il faut vraiment que cette femme soit très importante dans la vie de Moïse pour que Dieu intervienne directement pour réprimander Aaron et punir sévèrement Miriam ! ». En tout cas le portrait qu'il donne ici de Tsippora est digne de la grandeur de la Bible elle-même. D'autre part, quand on lit ce livre, on comprend aisément pourquoi Moïse n'a pas suivi les Hébreux en terre promise après les avoir libérés d'Egypte. La restitution de la vie de cette femme biblique est à la fois très humaine et exemplaire à l'image de toutes celles que le Livre Saint nous présente comme bénies de Yahvé. C'est aussi l'un des rares romans écrit par un auteur blanc où l'héroïne noire reçoit tous les attributs d'un être admirable. Marek Halter rejoint donc Claire de Duras, l’auteur de Ourika dont l’héroïne noire devint l’idole de tout un peuple blanc au 19è siècle.

 

            Toutefois, certains, comme moi, ne manqueront pas de relever le subterfuge inventé par l'auteur pour contenter le lecteur Européen blanc qui a du mal à admettre qu'un Madiânite peut être noir. On oublie bien souvent que de la même façon qu'à l'époque de l'esclavage, presque tous les noirs qui faisaient les délices des salons aristocratiques et bourgeois de France étaient considérés comme des Sénégalais, de même à l'époque des récits bibliques tout ce qui était noir était appelé éthiopien, égyptien, nubien, ou koushite. A une époque plus récente, dire que tel est un maure voulait dire qu’il est noir, et dire que tel est « un tirailleur sénégalais » voulait dire qu'il était un soldat noir de l'armée coloniale française. On oublie aussi qu'aujourd'hui, parmi nous, on dit que tel ou tel est africain et cela tout simplement parce qu’il est noir. Sephora est donc appelée la Koushite, non pas forcément parce qu'elle vient du pays de Koush mais certainement parce qu'elle est tout simplement noire comme son père et ses soeurs. Quant à ces derniers, à aucun moment la bible ne parle d'une quelconque animosité à leur égard nécessitant une justification par la couleur de leur peau. Normalement quand on écrit un livre rien ne nous oblige à préciser si nos personnages sont blancs ou noirs si aucune circonstance ne l'exige. La Bible respecte scrupuleusement ce principe. D'autre part, affirmer qu'il n'y avait point de Noirs hors de l'Afrique à l'époque de la fuite d'Egypte des hébreux serait un grossier mensonge. Si Sephora est noire, pourquoi serait-il exclu que son père Jethro le soit également ? Il n'était vraiment pas nécessaire que Marek Halter fasse de Tsippora une fille adoptée par une famille blanche. Cette famille était sûrement noire !         

                                                   Faites un don ou adhérez à l'association La France noire

Raphaël ADJOBI 

 

Titre : Tsippora (318 pages) 

Auteur : Marek Halter

Editeur : Robert Lafont ; collect. Pocket

 

                (La Bible au féminin)   

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17 août 2010

Ourika (Madame de Duras)

                    Ourika, la première grande héroïne noire

                                  de la littérature occidentale

 

 

Ourika_1            L’esclavage étant interdit sur le territoire français, une mode étrange se répandit dans la deuxième moitié du XVIIIè siècle : des négrillons arrachés d’Afrique, qu’on sauvait pour ainsi dire de l’esclavage des colonies, étaient offerts ça et là à de riches aristocrates et à des bourgeois qui en faisaient les délices exotiques de leurs demeures ou de leurs salons (1). C’est ainsi qu’une fillette emmenée du Sénégal (tout ce qui venait du Sénégal, alors le point de rassemblement des captifs africains, était faussement baptisé sénégalais) recevra une éducation aristocratique et finira sa vie comme religieuse dans un couvent parisien au début du XIXè siècle.

            C’est de son couvent que la religieuse Ourika, malade, confie à son médecin le chagrin qui a ravagé sa vie et l’a conduite au bord de la tombe. N’est-il pas toujours vrai que pour nous guérir, les médecins ont besoin de connaître les peines qui détruisent notre santé ?

 

            Ourika raconte donc son arrivée en France à l’âge de deux ans, son éducation et sa formation intellectuelle auprès de Madame de B. qui « s’occupait elle-même de ses lectures, guidait son esprit, formait son jugement ». Mais, à quinze ans, elle prend brutalement conscience de sa couleur comme le signe  par lequel elle sera toujours rejetée, le signe qui la séparait de tous les êtres de son espèce, « qui la condamnait à être seule, toujours seule ! jamais aimée ! » La voilà donc une étrangère parmi ses semblables. Dans sa douleur, la douce compagnie de sa maîtresse et de ses deux fils ne lui sont d’aucun secours.

 

            Quand éclate la Révolution, elle pense un moment que dans le grand désordre des événements de 1792, elle pourrait trouver sa place en se lançant dans l’action et en montrant quelque qualité qui serait appréciée et ferait oublier la couleur de sa peau. Pensée vite chassée, car « bientôt leur fausse philanthropie cessa de l'abuser, et elle renonça à l'espérance, en voyant qu'il resterait encore assez de mépris pour elle au milieu de tant d'adversités. » Elle se replia donc sur son chagrin, se persuada qu’elle mourra sans laisser de regrets dans le cœur de personne, elle qui ne sera jamais « la sœur, la femme, la mère de personne ! » Il ne lui restait que le couvent ! Mais la vérité, c’est que le chagrin qui ruinait sa santé était encore plus profond que celui que lui causait la couleur de sa peau.

       

            Il semble que ce court roman (50 pages) eut un formidable succès au moment de sa parution en 1824. Il y eut même une mode Ourika en France : rubans, blouses, colliers, pendules, vases « à l’Ourika ». Le roman arracha des larmes à Goethe, fut salué par Châteaubriand qui hissa son auteur, Madame de Duras, au même rang que Mme de Lafayette et Mme de Staël, figures emblématiques du classicisme et du romantisme. Sainte Beuve et Stendhal saluèrent également le talent de l’auteur. Pourtant, Ourika est tombé dans l’oubli. Notre siècle verra-t-il sa résurrection ? Il est vivement conseillé de lire l’ensemble du dossier très instructif - réalisé par Virginie Belzgaou - qui accompagne le roman afin de saisir tout le retentissement de l’œuvre et ses qualités littéraires.

 

           Ourika n’est nullement une apologie du Noir au XIXè siècle. Ce roman ne semble pas non plus écrit pour servir d’étendard aux abolitionnistes de l’époque. Ourika n’est pas non plus une sorte de Lettres persanes permettant de voir la société française sous un regard étranger. Ourika n’est rien de tout cela parce que le personnage est une aristocrate noire avec les préjugés de l’aristocratie blanche au sein de laquelle elle a été élevée. Mais ce n'est pas pour autant que les lecteurs noirs devront hâtivement la qualifier de "peau noire, masque blanc", pour reprendre l'expression de Frantz Fanon. Le charme d’Ourika, c’est que pour la première fois dans la littérature européenne – comme l’a déjà remarqué un romancier anglais – un écrivain blanc pénètre dans une conscience noire avec élégance et sincérité au point de permettre à des lecteurs blancs de s’identifier au personnage. Quant à moi, j'ai vu en Ourika une Princesse de Clèves noire.

 

 

(1) Du XVIIè au début du XXè siècle, Le salon n’est pas une simple pièce, mais un des lieux essentiels de la vie mondaine et culturelle : femmes de la noblesse et de la grande bourgeoisie y reçoivent les élites sociales, intellectuelles et, à partir du XIXè siècle surtout, les élites politiques de leur époque.

 

 

Raphaël ADJOBI      

 

Titre : Ourika (50 pages)

Auteur : Madame de Duras (Claire de Duras)

Edition : Gallimard, 2007 (Collection : Folioplus classiques)

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05 août 2010

L'affaire de l'esclave Furcy (Mohammed Aïssaoui)

L’affaire de l’esclave Furcy (Mohammed Aïssaoui)

 

L_affaire_Furgy            Le problème de tout un pan de l’histoire humaine, c’est que les victimes ne laissent pas de trace écrite. Pour ce qui est des esclaves, outre le problème d’absence d’identité dans les actes d’état civil, nous avons peu de traces de ces milliers d’enquêtes qui ont émaillé les siècles pour juger de l’application du Code noir, peu de traces de ces milliers de procès et condamnations entraînant mutilations et pendaisons. C‘est ce silence résultant de « cette absence de textes et de témoignages directs sur tout un pan d’une histoire récente » que ce livre veut dénoncer par l’intermédiaire du combat judiciaire le plus audacieux qu’un Noir ait livré au nom de sa liberté. Car le combat judiciaire de l’esclave Furcy révèle, plus que tous les traités, le caractère diabolique de la machine judiciaire coloniale toute vouée à son modèle économique.

 

            L’affaire de l’esclave Furcy commence en octobre 1817 à l’île Bourbon (La Réunion) quand, à 31 ans, il découvre à la mort de sa mère que celle-ci était affranchie depuis 26 ans. Puisqu’il n’avait pas sept ans au moment de cet affranchissement, Furcy était normalement né libre au regard de la loi coloniale. Son état d’esclave est donc injustifié, illégal. L’affaire prend fin vingt sept ans plus tard à la Cour de cassation à Paris, le 23 décembre 1843, cinq ans avant l’abolition de l’esclavage en France. Ce livre est en fait l’extraordinaire combat d’un homme sur le chemin de la liberté. Un combat administratif que l’auteur qualifie avec justesse de « guerre des papiers ».

 

Quand il apprend qu’il est né libre, Furcy ne prend pas la fuite. Il décide de faire entendre son droit devant le tribunal colonial. Pourtant, Furcy avait la loi coloniale régie par le Code noir contre lui puisqu’elle stipule qu’un esclave ne peut attaquer son maître en justice. Selon cette même loi, c’est le maître qui doit porter la plainte de l’esclave devant le tribunal. Tout être humain sous tous les cieux, à toutes les époques, reconnaîtra par ce subterfuge qu’aucun esclave ne peut dénoncer les mauvais traitements dont il est l’objet. En clair, l’esclave n’a aucun droit car pour en avoir un, il faut avoir le droit de faire appel à un tribunal pour vous rendre justice.

 

            Dans ces conditions, comment donc Furcy peut-il espérer atteindre son but ? Cette question nous permet de toucher l’autre aspect du livre que Mohammed Aïssaoui a plusieurs fois souligné. Si ce procès n’a pu être vite classé comme tous les autres, c’est non seulement grâce à « la détermination, l’obstination et la patience » de ce jeune esclave, mais grâce également au « souci de l’autre qui fait avancer le monde » qui l’animait. Oui, nous pouvons être convaincus avec l’auteur que Furcy a tenu à aller jusqu’au bout de son combat parce qu’il était « conscient que sa démarche dépassait sa personne ». Il savait qu’il devait poursuivre ce combat pour ces juges blancs intègres qui ont risqué leur carrière pour prendre sa défense, il le devait pour sa famille et pour tous les abolitionnistes. Oui, il devait continuer ce combat pour ceux qui comme lui avaient « le souci de l’autre », le souci de l’altérité.

 

            Afin que ce récit qui est une véritable « guerre des papiers » ne soit pas fastidieux, Mohammed Aïssaoui a choisi de tisser la toile de la fiction entre les pièces historiques, reliant les unes aux autres comme pour établir une cohérence qui, en les animant, fait ressurgir le visage et la vie de Furcy. Mais le conflit latent entre colons et « Français » (entendons métropolitains) que souligne le livre n’est point l’œuvre de la fiction mais bien la réalité sociale que révèlent les nombreuses plaidoiries, les nombreuses lettres des colons qui tenaient à tout contrôler jusqu’aux arcanes de la justice sur l’île. Le fait que la réglementation royale impose que le plus haut magistrat ne soit pas un natif de l’île ni marié à une créole, en d’autres termes que le procureur général - obligatoirement nommé par la France - doit être sans intérêt avec la colonie, engendrait irrémédiablement les attaques des colons qui voyaient dans toute décision qui ne leur était pas favorable un sabotage de l’économie de Bourbon. C’est le même climat conflictuel entre colons et « Français » que nous révélait déjà le livre Des juges et des nègres de Caroline Oudin-Bastide. L’affaire Furcy se révèle donc, à travers les textes officiels du procès, une belle peinture de l’esprit colonial qu’il faut absolument connaître avant d’entreprendre de juger de la passivité des Noirs dans les colonies. Esprit colonial qui survivra à l’abolition en 1848 où, même dans les discours favorables à la fin de l’esclavage, on fera du propriétaire blanc le père et du travailleur noir l’enfant. Dans le même esprit, on verra la naissance de deux devises : Liberté, Egalité, Fraternité pour les Blancs, Dieu, la France et le Travail pour les Noirs.   

 

            Réjouissons-nous que les sept lettres de Furcy au procureur général Gilbert Boucher ainsi que le dossier constitué par ce dernier depuis l’île de la Réunion, - dossier qu’il a continué à étoffer loin de l’île - nous soient parvenus aujourd’hui. Il ne faut pas, en effet, perdre de vue que la destruction des documents touchant l’esclavage et les jugements expéditifs des tribunaux coloniaux ont souvent brûlé, surtout à l’approche de l’abolition, pour effacer les traces des passés liés à l’esclavage et aux affaires judiciaires. Ainsi, mis à part les nombreuses personnes en France qui s’appellent Négrier comme la marque indélébile du forfait de leurs ancêtres, beaucoup se réjouissent aujourd’hui de n’avoir aucune trace de leur passé se rattachant à l’esclavage des Noirs. Les archives qui ont brûlé ça et là les ont donc lavés de leur passé.

            Si les hommes politiques français étaient justes, au moment où ils ont le souci d’élever au rang de gloire nationale un jeune homme qui écrit à sa mère pour lui dire qu’il va mourir, ils songeraient à un homme qui, emprisonné puis exilé, aura durant vingt-sept ans mené un combat contre l’injustice pour le triomphe de la Liberté. N’est-il pas vrai qu’ils admirent Nelson Mandela qui, dans sa longue captivité, mena le même combat ? Qu’ils apprennent alors qu’avant Mandela, il y eut Furcy.

Raphaël ADJOBI                               

Titre : L'affaire de l'esclave Furcy (190 pages)

Auteur : Mohammed Aïssaoui

Edition : Gallimard, mars 2010.

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