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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

12 septembre 2020

Des expositions pédagogiques pour les collèges et les lycées (Association La France noire)

 Les expositions pédagogiques de La France noire

                     pour les collèges et les lycées 

Paul Bert 6

Découvrez notre association et nos trois expositions en cliquant ici : "LA FRANCE NOIRE"

St-Jacques novembre 2019

Dépliant 2 Face extér

Raphaël ADJOBI
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19 août 2020

La Martinique, Victor Schoelcher et Joséphine de Beauharnais (Raphaël ADJOBI)

La Martinique, Victor Schoelcher et joséphine de Beauharnais

Victor Schoelcher sur la savane 2

La chute des statues de Victor Schoelcher et de l'impératrice Joséphine de Beauharnais nous oblige à revenir sur l'histoire de l'abolition de l'esclavage telle qu'elle doit être connue pour comprendre ce que les activistes martiniquais reprochent à ces deux personnages. lIRE L'ARTICLE SUR www.lafrancenoire.com

Découvrez d'autres articles de L'association LA FRANCE NOIRE
14 août 2020

Le bilan politique sans perspective d'Alassane Ouattara

                                   La Côte d’Ivoire en 2020 :

         le bilan politique sans perspective de Ouattara

Ouattara et les Blancs

          Imposé à la tête de la Côte d’Ivoire par la France en 2011 – après avoir extirpé Laurent Gbagbo du palais présidentiel – Alassane Dramane Ouattara a gouverné ce pays pendant près de 10 ans avec arrogance et mépris dans le silence d’une population hébétée. Deux facteurs expliquent cet état d’esprit des Ivoiriens ayant permis au pouvoir de cet homme de ne jamais chanceler malgré ses innombrables injustices. D’une part, le prix payé en vies humaines lors des manifestations massives de 2000 (contre Robert Guéhi), de 2004 (contre la France après la destruction au sol de l’aviation ivoirienne) et de 2011 (contre le soutien de la France à Ouattara), a plongé le coeur et l’esprit des Ivoiriens dans une profonde lassitude. D’autre part, la neutralisation de l’armée régalienne locale par la France - de toute évidence sa prise en main de la chute de Laurent Gbagbo - a permis aux rebelles de Guillaume Soro et d’Alassanne Ouattara de se livrer à des assassinats et à des exactions publiques théâtrales qui ont précipité la jeune nation dans un traumatisme sans précédent. Si on ajoute à cela l’exil des populations de l’Ouest, l’emprisonnement massif des autorités de l’Etat et des militaires leur ayant opposé de la résistance, c’est un pays politiquement et socialement exsangue dont Ouattara a pris la direction en 2011 et a maintenu en l’état jusqu’en 2020.

          Evidemment, ce pouvoir – incontesté par faute d’adversaires politiques - a permis à la France de prospérer non seulement en Côte d’Ivoire mais également dans l’ouest africain. Toutes les actions menées sur la scène internationale pour dénoncer ses méfaits n’ont jamais porté de fruits parce qu’il jouissait de la confiance et du soutien des autorités françaises et de leurs fervents journalistes. De 2011 à 2020, jamais les Français n’ont trouvé la moindre injustice à fustiger dans les mesures prises ou les actions engagées par le président de la Côte d’ivoire. Le fameux principe de la démagogie – des contrats et l’aveugle soumission à la France pour défendre le franc CFA – adoptée par Alassane Dramane Ouattara lui a permis de s’assurer une bonne image ou un silence complice à l’international. A l’intérieur du pays, les rebelles d’hier, constituant désormais une garde prétorienne du président, ont bénéficié d’une formation militaire française pour contrer toute velléité. Dans ces conditions, oubliant les élections n’ayant rien de démocratique sous un tel régime, les Ivoiriens ne se posaient qu’une question : combien de temps Ouattara restera-t-il au pouvoir ? Dix ans, quinze ans, vingt ans ? Seule sa mauvaise santé laissait espérer un changement plus ou moins lointain à la tête du pays.

          Soudain, le 5 mars 2020, alors qu’on ne lui avait rien demandé – puisqu’il avait tous les droits depuis bientôt dix ans - voilà que l’homme annonce qu’il ne se représente pas aux prochaines élections présidentielles pour un troisième mandat. Stupeur chez ses partisans regroupés dans un club appelé RHDP qui se veut l’habit consensuel du RDR (le parti du président) et soulagement du côté de ses opposants qu’il vaut mieux appeler ses attentifs spectateurs. Mais cinq mois après, dans la population, les sentiments s’inversent : le 6 août, veille de la fête de l’indépendance du pays, prenant prétexte de la mort de son dauphin désigné devant représenter son parti aux élections, Alassane Dramane Ouattara décide d’être candidat pour un troisième mandat. C’est, selon lui, un cas de force majeure, compte tenu de l’absence d’une figure compétente au sein de son parti pour briguer la présidence de la république en octobre prochain. Lorsque le pouvoir initiait la nouvelle constitution nationale en 2016, chacun s’était pris à espérer que, cette fois, l’homme respectera les règles qu’il édictait lui-même. Mais il est clair que quand on n’a pas respecté la Constitution une première fois, et cela sans préjudice, on peut se permettre de ne pas la respecter une seconde fois. Aussi, il nous semble inutile de perdre du temps à discuter de la légitimité ou non de cette candidature qui semble ébranler les coeurs. Il faut plutôt s’attacher à étudier sérieusement l’état de la Côte d’Ivoire qui est inacceptable et pour lequel Alassane Dramane Ouattara mérite une ferme condamnation, si toutefois les Ivoiriens tiennent à faire de la réconciliation la pièce maîtresse de la vie dans leur pays et le moteur de la démocratie qu’ils ont laissé leur échapper en écoutant les boniments de ce répétiteur des financiers européens.

Ouattara et ses alliés d'hier

          Les Ivoiriens sont aujourd’hui unanimes – les Nordistes le proclament désormais régulièrement de manière publique : c’est par la seule volonté d’Alassane Ouattara que la Côte d’Ivoire a été dirigée pendant près de dix ans par un régime exclusivement nordiste ! Toutes les institutions du pays, toutes les structures administratives de quelque importance stratégique ont été et sont entre les mains des ressortissants du Nord depuis 2011 ! Telle est l’irréfutable réalité de la Côte d’Ivoire. La présence dans leurs rangs de quelques personnes du camp du PDCI d’Henri Konan Bédié n’est qu’une récompense du sacrifice que celui-ci a consenti en cédant à Alassance ouattara – à la demande de la France – sa place de deuxième aux élections présidentielles de 2010 lui permettant d’affronter Laurent Gbagbo au deuxième tour ; ce qui bien sûr lui a permis de prétendre avoir remporté la victoire finale. Et c’est d’ailleurs le non-respect des accords de ce pacte oral prévoyant le partage équitable du pouvoir et aussi l’alternance au sommet de l’État qui, en 2016, a éloigné Henri Konan Bédié de celui qu’il a contribué à faire roi.

          Définitivement séparé de son vassal Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et quelques éléments de son fan club (le RHDP) commencèrent alors à se montrer plus brutaux que jamais à l’égard des leurs dont la fidélité ne semblait plus certaine. A partir de 2019, tout se brouilla entre le tandem Soro-Ouattara ! Sommé par le second de rejoindre le RHDP, le premier refusa d’obtempérer. La rupture devint totale ! Contraint de céder la présidence de l’assemblée nationale destinée à un fidèle du fan club du chef, Guillaume Soro entraîna dans son sillage tous ses partisans. Ainsi, le 6 août 2020, au moment où Ouattara officialisait sa candidature, le RHDP n’était aux yeux de tous qu’une coquille presque vide. Mais l’homme reste convaincu qu’il n’a pas besoin d’un parti ou même des voix des Ivoiriens pour être reconduit à la tête de la Côte d’Ivoire. La seule caution de la France et le soutien militaire des ex-rebelles dont il vient d’acheter la fidélité – selon le commandant Abdoulaye Fofana qui a dénoncé cette corruption via une vidéo - lui suffisent amplement. 

          Force est de constater que toutes ces agitations au sommet de l’Etat et dans les alliances n’ont rien changé au visage grimaçant de la Côte d’Ivoire depuis les tueries et les exations de 2011 qui ont installé une terreur favorable à la pérennisation de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la dictature ouattariste : les populations de l’Ouest sont toujours exilées dans les pays voisins ; les adversaires politiques demeurent exilés dans certains pays africains ou en Europe quand ils ne sont pas emprisonnés ; les militaires ayant opposé de la résistance à la rébellion de 2010 sont toujours en prison ; et récemment les compagnons de route du chef Ouattara dont la fidélité est jugée douteuse ont été emprisonnés ou contraints à l’exil. Dans ces conditions, comment la France et Alassane Dramane Ouattara ne pourraient-ils pas continuer à clamer que la paix et la démocratie règnent en Côte d’Ivoire ? La seule réelle nouveauté dans le paysage ivoirien est la multiplication des aveux et des regrets des populations du Nord du pays. Enfin, par la bouche du député Konaté Zié (RDR), nous avons la confirmation de l’existence, avant 2000, de l’union sacrée des ressortissants du Nord pour un pouvoir exclusivement nordiste à installer en Côte d’Ivoire par la force des armes. Oui, vous avez bien lu : un pouvoir constitué exclusivement de ressortissants du Nord à imposer à l’ensemble des populations du pays était le projet initial devenu enfin une réalité en 2011 ! Le journaliste Théophile Kouamouo fut le premier (J’accuse Ouattara, éd. Gri-Gri, 2012) à présenter ce «brûlot ethnocentriste datant de 1991» comme la racine principale de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le conflit ivoirien. Le député Konaté Zié avoue que pour parvenir à leur fin, on leur a appris à répéter que «les autres Ivoiriens n’aiment pas les gens du Nord, qu’ils n’aiment pas les dioulas, les Ivoiriens d’origine étrangère, les populations originaires des pays de la CEDEAO…» N’est-ce pas le refrain repris dans les médias français à cette époque ? Selon lui, cela était un mensonge condamnable puisque dans tous les villages des autres ethnies de Côte d’Ivoire des communautés nordistes vivent dans la paix. Et il poursuit en ces termes : «On nous a emballés avec çà… on nous a grossi le ventre avec çà et on s’est mis en bloc contre les autres Ivoiriens. Quand quelqu’un issu du Nord se mettait avec un autre parti – le FPI, le PDCI… - on le traitait de maudit». Monsieur Konaté Zié ne manque pas de citer leurs cibles tout en leur demandant pardon : feu Ben Soumahoro, Koné Katina, Issa Malick… maudits parce qu’ils ne défendaient pas «la cause». L’existence de ce complot ethnocentriste explique la ferme volonté exprimée par de nombreux Nordistes de tout faire pour conserver le pouvoir afin de ne jamais s’exposer à une éventuelle vengeance du reste deIvoiriens. Les cris de désespoir bruyamment exprimés à l’assemblée nationale à l’annonce de Ouattara de ne pas briguer un troisième mandat ainsi que les supplications et les larmes de sa ministre de l’Education – Madame Kandia Kamara – pour qu’il revienne sur sa décision après la mort de son dauphin, en sont les preuves données au sommet de l’État. Quelle belle image d’un pouvoir se disant démocratique et présenté par la France et ses journalistes comme tel ! 

          Répétons-le : ce qu’il convient de ne pas accepter, c’est moins la candidature de Ouattara que la destruction continue du tissu social et politique de la Côte d’Ivoire qui lui a permis d’installer la peur parmi les Ivoiriens. Il faut absolument arrêter le bras du destructeur de la nation ivoirienne et entreprendre la réconciliation des populations autour de valeurs et de règles nouvelles ! Un gouvernement d’union nationale provisoire s’impose pour organiser des élections justes et équitables. C’est une nécessité de salut public ! A la place de la «croissance soutenue» de la côte d’ivoire que nous chantent les médias et les hommes politiques français, les Ivoiriens entendent «endettement soutenu» ! La mission de cet homme, inconnu de tous, qui a surgi sur la scène nationale poussé par la France, était de condamner les Ivoiriens à vivre pour payer des dettes ! Pour y parvenir, il a terrorisé les populations et a pu travailler dans le calme absolu. Depuis la fin des années soixante, l’écrivain et dramaturge Bernard Dadié nous avait annoncé que cet homme sera un jour parmi nous. Nos yeux l’ont vu et reconnu ! Chacun de nous sait désormais que «l’autochtonie a toujours été [et est] bien présente dans le langage même de la politique [et que] le parachutage s’oppose radicalement à l’enracinement. Est parachuté celui qui, littéralement tombe du ciel, par opposition à celui qui a poussé sur la terre de ses ancêtres. […] Le fait de tomber du ciel, outre qu’il implique une extériorité, voire une étrangeté radicale, est producteur de déséquilibre […] Le parachuté se trouve dans une situation instable, et par conséquent vecteur potentiel de désordre» (Marc Abélès – Carnets d’un anthropologue, éd. Odile Jacob, 2020). Alassane Dramane Ouattara a été et est synonyme de désordre. Les Ivoiriens doivent l’obliger à partir pour commencer enfin à se réconcilier et à construire leur pays dans le respect de leur diversité !

Raphaël ADJOBI

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10 août 2020

La désobéissance civile (Henry David THOREAU)

                                 La désobéissance civile

                                           (Henry David THOREAU)

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          Afin de mieux faire comprendre au lecteur l’importance de l’affirmation par laquelle débute le texte de Henry David Thoreau, publié en 1849, je voudrais que nous retenions ce constat : dans les sociétés traditionnelles africaines, il n’y a ni gouvernement permanent ni armée permanente ! On comprend alors très bien l’affirmation de Thoreau selon laquelle quand les deux institutions deviennent permanentes, forcément «l’armée permanente n’est que le bras du gouvernement permanent». Ce qui explique pourquoi le gouvernement n’est doué que de la force physique.

          Le problème principal de nos sociétés, selon l’auteur, découle de là. Cette modalité permet à un petit nombre d’individus de se servir du gouvernement comme leur outil alors que le peuple ne le voyait au départ que comme un expédient, un moyen provisoire pour exécuter sa volonté. Le gouvernement de nos sociétés modernes est donc «une sorte de pistolet en bois que le peuple se donne lui-même». Et le mal est si profond qu’au lieu de souhaiter sa disparition, il faut, dit-il, se contenter de réclamer un gouvernement meilleur, respectueux de chacun ; un gouvernement dans lequel domine la conscience, le respect du bien moral, et non la loi, parce que «nous devrions être d’abord des hommes, et ensuite des sujets». En effet, «la loi n’a jamais en rien rendu les hommes plus justes». Nombreux sont les honnêtes gens qui deviennent injustes une fois le pouvoir en main. «Rares sont les patriotes, les martyrs, les réformateurs et les hommes qui servent l’Etat […] avec conscience» résistant ainsi à l’État «qui les traite donc fréquemment en ennemis».

          Nous savons tous que nous avons «le droit de refuser de prêter allégeance au gouvernement, le droit de lui résister» lorsque ses décisions et son inefficacité nous sont insupportables, mais combien sommes-nous à passer à l’action ? s’interroge Thoreau. Combien sommes-nous à joindre l’acte à la parole, à la philosophie ? Il est clair que la peur de perdre ce que nous avons déjà nous réduit à l’inaction. Nos petits calculs nous poussent à attendre «pleins de bonnes dispositions, que d’autres remédient au mal» en prenant le risque de descendre dans les rues. Nombreux parmi nous sont ceux qui s’en remettent au vote lors des élections pour régler les questions morales, pour trancher entre le bien et le mal. Chacun d’eux se dit : «je vote pour ce qui me semble juste – mais je n’engage pas ma vie sur la victoire ou la défaite de cette justice». Bien sûr, nous ne menons pas tous le même combat, nous ne visons pas tous l’éradication de l’injustice. Cependant, chacun doit s’assurer que le but qu’il poursuit, il ne le fait pas «en étant assis sur les épaules d’un tiers. [Il] doit en descendre, afin que lui aussi puisse se consacrer à ses propres projets».

          Certes, nous sommes nombreux à être contre la guerre, remarque l’auteur, mais nous acceptons tous que nos impôts financent celles que nos gouvernants lancent sous d’autres cieux sans notre consentement. Tout le monde devrait, pense-t-il, faire sienne cette devise : «Il est de mon devoir, en tout état de cause, que je ne contribue pas au mal que je condamne». Et il ajoute : «Ceux qui, tout en désapprouvant le caractère et les actes d’un gouvernement, lui offre leur allégeance et leur soutien sont sans doute ses plus solides piliers, et sont par ce fait même les plus sérieux obstacles à la réforme». Par ailleurs, comment peut-on constater l’injustice et l’oppression et se contenter de l’indignation ? Ne peut-on pas modifier les choses et les relations humaines en s’attachant à des principes clairs pour que justice se fasse ? Ce qui exige évidemment de l’action, reconnaît-il. Une action que l’on appréhende presque toujours comme un remède pire que le mal. Mais alors pourquoi le gouvernement ne chérit-il pas la sagesse de sa minorité en anticipant ses besoins et en organisant les réformes qu’elle demande ? Pourquoi attend-il que la minorité se rebelle pour crier avant même d’avoir mal en faisant intervenir les forces de l’ordre ? En tout cas, il convient de retenir que «toute minorité est impuissante tant qu’elle se conforme à la majorité. Elle n’est alors même pas une minorité. Mais elle est irrésistible lorsqu’elle fait obstruction de tout son poids». Pour Thoreau, tout laisse penser que si l’Etat avait à choisir entre mettre en prison tous ceux qui estiment leurs revendications justes ou les satisfaire, il n’hésiterait pas. Retirez, par exemple, la part d’impôt destinée à nos armées et vous serez convaincus que «sous un gouvernement qui emprisonne injustement, c’est en prison que l’homme juste est à sa place».

          Avec l’État, c’est constamment la bourse ou la vie, poursuit l’auteur. Et pour cela, «[il] ne tente jamais de s’adresser au jugement, intellectuel ou moral, de l’homme, mais seulement à son corps ou à ses sens. L’État n’est doué uniquement [que] d’une force physique supérieure». Le lecteur d’aujourd’hui ne peut qu’être d’accord avec lui. N’est-il pas vrai que le gouvernement se sert de cette force comme hier les Etats-Unis s’en servaient pour défendre leur Constitution sur la question de l’esclavage ? Ces derniers disaient de l’institution de l’esclavage : «considérant qu’elle faisait partie de l’ensemble des dispositions originelles, gardons-la telle qu’elle est» (Daniel Webster, 1782 – 1852). Hier comme aujourd’hui, le gouvernement pense que les choses doivent demeurer immuables, que «les associations fondées sur un sentiment d’humanité ou sur tout autre cause, n’ont absolument rien à voir (dans les règles existantes)». Et il assure qu’il «ne tentera jamais de modifier les dispositions originelles».

          Dès lors, fait remarquer Henry David Thoreau, la friction avec la machine du gouvernement devient obligatoire et nécessaire pour les minorités. Puisque la machine du gouvernement «est d’une nature telle qu’elle vous oblige à vous faire l’agent d’une injustice à l’égard d’autrui», un seul conseil s’impose : «Enfreindre la loi ! Faire de sa vie une contre-friction pour gripper la machine».

Raphaël ADJOBI

Titre : La désobéissance civile, 38 pages

Auteur : Henry David Thoreau (1817 - 1862)

Editeur : Gallmeister, 2017, pour la traduction française

 

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1 août 2020

La ferme des animaux (George Orwell)

                                  La ferme des animaux

                                                (George Orwell)

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          Quel plaisir de découvrir ce classique de la littérature ! A la suite de Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre de William Morris, ce livre vient démentir – si besoin est – l’idée selon laquelle il y a des pensées et des comportements propres à des époques que l’on peut circonscrire, et que par conséquent nous ne devons pas juger les gens de notre passé récent avec nos yeux d’aujourd’hui. Assurément, d’un siècle à l’autre, l’esprit des dominants ne change guère. Et à toutes les époques, il y a eu des personnes qui se sont soulevées ou se sont exprimées contre la pensée dominante. Si aujourd’hui les contradicteurs des dominants du passé triomphent parmi nous, ce sont eux qui méritent notre admiration et leurs ennemis ou adversaires notre condamnation. Ce n’est que justice.

          Dans la démonstration de cette pensée, George Orwell (1903 - 1950) donne ici la preuve qu’il est un excellent conteur. Dès les premières pages, le lecteur ne peut qu’en être convaincu. Et quand l’auteur aborde le deuxième chapitre, il ne peut qu’être littéralement sous son charme. La ferme des animaux est le récit d’une révolution populaire réussie qui aboutit à l’établissement d’un pouvoir fait de débats publics pour arrêter les objectifs devant animer la vie des populations. Bien entendu, ici comme ailleurs, on appelle l’ancien régime une dictature et le nouveau une république démocratique. Très vite, la victoire du peuple des animaux passe par «La controverse de Valladolid» pour savoir qui est véritablement animal ou pas, et cela afin d’établir les principes de l’animalisme ou la «déclaration des droits de l’animal». Et pour cimenter cette union sacrée que cultiveront les générations suivantes, on crée l’hymne national révolutionnaire : «Bêtes d’Angleterre» ! Les institutions se mettent en place et tout semble aller pour le mieux dans la République des animaux où il est décrété que «un homme n’est à prendre en considération que changé en cadavre» ; exactement comme les Européens clamaient dans les Amériques que «un bon Indien est un Indien mort»

          Mais une telle société n’échappe pas aux tentations suprématistes. Bientôt, les animaux subissent, stupéfaits, le coup d’État de Napoléon qui abolit les débats publics et institue progressivement une classe de privilégiés – les cochons - s’appliquant à modifier la constitution pour élargir leur pouvoir. Puis les nouveaux dirigeants mettent en place la mécanisation du travail censée libérer les animaux et leur permettre de «paître à loisir ou se cultiver l’esprit par la lecture et la conversation». Mais, sans cesse, les corvées se multiplient, exigeant davantage de temps et la flexibilité de la main d’oeuvre. Désormais, il n’est plus question que de justifier l’élitisme, l’absolue nécessité de l’existence et de la pérennisation des «têtes pensantes de la ferme» jouissant du confort et de la quiétude pour travailler ; le confort étant considéré «conforme à la dignité du chef». Et pour maintenir à tout prix ce pouvoir, on voit se multiplier parmi les animaux les injustices et les crimes des anciens jours perpétrés par l’homme contre leur race. Pour détourner l’attention des populations animales et maintenir sur elles leur domination, les dirigeants fomentent des révolutions chez les autres. A la fin, «la bataille du moulin» semble révéler à tous qu’une politique basée sur la domination d’une élite qui procurerait le bonheur aux populations contre leurs volontés est illusoire.

          La Ferme des animaux est un très beau texte, plein d’histoires politiques de l’Histoire de l’humanité. C’est, selon nous, un tort de le proposer aux collégiens. Du moins, aux moins de 15 ans. Et même à cet âge, les références politiques seront loin d’être évidentes. Toutefois, ce livre est absolument un bon outil pour initier les jeunes au fonctionnement de la société et les dangers qui la menacent en permanence. 

Raphaël ADJOBI

Titre : La ferme des animaux, 146 pages

Auteur : George Orwell (1903 - 1950)

Editeur : Gallimard, 1984 (traduction française en 1981).

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27 juillet 2020

Le chevalier de Saint-George (Claude Ribbe)

 

           Le chevalier de Saint-George

                                 (Claude Ribbe) 

Le chevalier de Saint-George

          Comment écrire un récit vivant et agréable tout en gardant une extrême proximité avec les archives ? En d’autres termes, comment faire émerger des archives une figure de l’Histoire, la rendre autonome et passionnante sans que jamais le lecteur ne perde de vue le lieu d’où il a été tiré ? C’est la prouesse réussie par Claude Ribbe avec Le chevalier de Saint-Georges qui relate la vie fabuleuse de cet aristocrate noir aux multiples talents qu’a connu le XVIIIe siècle.

          Avant la fin du siècle des Lumières, la noblesse était avant tout «une position sociale avantageuse convoitée par toute la bourgeoisie, sans distinction de couleur». Aussi les origines africaines et serviles de Saint-George, d’Alexandre Dumas (le père du romancier du même nom) et de bien d’autres métis ne choquaient personne dans la société française. On comprend donc que le jeune Saint-George, né esclave en Guadeloupe d’un père blanc reçoive à Paris une éducation aristocratique faite de cours d’escrime, d’équitation, de musique ainsi que d’autres matières théoriques. Mais si la renommée de ce jeune métis retient encore l’attention en ce XXIe siècle, c’est parce qu’il a été unanimement reconnu de son vivant comme le plus talentueux dans tous les arts qu’il a embrassés. Le futur président des Etats-Unis, John Adams, notera dans son journal – après un passage à Paris – que «c’est l’homme le plus accompli d’Europe pour l’équitation, la course, le tir, l’escrime, la danse et la musique». Ses talents d’escrimeur et de musicien lui permettront d’ailleurs de côtoyer des princes d’Europe et de devenir l’ami de la reine Marie-Antoinette. Sur cette dernière relation, Claude Ribbe livre des détails historiques très éclairants quant à l’évolution des sentiments de Louis XVI et de sa cour sur les Noirs.

         Mais le récit de la vie exceptionnelle et trépidante du «dieu des armes» et de ce génie de la musique qui devient, à 23 ans, premier violon et chef d’orchestre du Concert des amateurs, va être aussi mêlé à la politique au moment de la Révolution française. L’aristocrate Saint-George, l’ami des princes et de Marie-Antoinette, fut-il un fervent républicain ? C’est ce que l’auteur essaie de nous démontrer dans les dernières pages du livre après une analyse de la société française où le durcissement des mesures contre les Noirs devenait de plus en plus visible parce qu’ouvertement assumé. Et le lecteur comprend que dans toute société où la couleur de la peau est une infamie, il n’est pas nécessaire d’affubler les personnes racisées d’un autre signe distinctif pour les humilier et les rejeter.

Raphaël ADJOBI

Titre : Le chevalier de Saint-George, 207 pages

Auteur : Claude ribbe

Editeur : Perrin, 2004

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23 juillet 2020

¿ Cuántas lágrimas antes de vivir libres ? Combien de larmes leur faudra-t-il verser pour vivre libres ?

¿ Cuántas lágrimas antes de vivir libres ?

Combien de larmes leur faudra-t-il verser pour vivre libres ? 

° Texte écrit quelques jours avant l'assassinat de george Floyd. Emporté par cet événement, je l'ai oublié. Je viens de le découvrir cette nuit (23/07/2020). Texte écrit en mai 2020. Profondément touché par le ton de mon discours, je n'y ai rien changé. Je ne l'avais pas publié parce que je l'estimais inachevé. Aujourd'hui, je suis incapable de lui donner une suite. Je le laisse donc tel quel ; avec ses imperfections.

Amérique latine

          Depuis que les «Blancs ont infesté la terre comme des poux», aucun peuple parmi lequel ils se sont établis durablement ne connaît la paix. En nouvelle Calédonie, en Austalie, en Afrique du sud, de l’Amérique du nord à l’Amérique du sud, au Groeland, partout on ne lit que larmes et désolation.

          Les Noirs d’Australie ont pratiquement disparu et laissé la place à des Blancs qui se sont déclarés les autochtones des lieux. Partout dans les Amériques, il n’y a qu’un seul mot d’ordre : les populations d’avant l’arrivée des Européens doivent disparaître afin que l’homme blanc soit reconnu comme l’autochtone. Au Brésil et en Argentine, parce que des Noirs ont rejoint les populations faussement baptisées Indiens dans les forêts afin d’échapper à l’esclavage, il faut aujourd’hui leur contester le titre de propriétaires de ces terres immenses qui peuvent rapporter beaucoup d’argent aux Blancs. Alors, on met le feux aux forêts afin de les contraindre à fuir vers des contrées marécageuses où leur vie est synonyme de la mort. Face à la pandémie du coronavirus, ceux des villes sont sommés de ne jamais quitter leur maison insalubres pour aller travailler ou faire leurs courses dans les quartiers riches habités par les Blancs. Privés de soin et de nourriture, ils meurent à domicile.

          Si devant ce grand malheur que représente la cupidité et le mépris criminel de l’homme blanc les Noirs pleurent et meurent comme les moustiques de l’Amazonie, les larmes des «Indiens» interpellent encore plus profondément la conscience humaine et fait prendre conscience de l’ampleur de la suprématie blanche étendue sur la terre entière. En effet, le Noir a été forcé de partager sa vie avec les autres sur la terre des Amériques. Mais voir les larmes du maître des lieux réduit à l’animalité, voir l’autochtone des Amériques verser des larmes de douleur laisse croire aux Noirs que leur lendemain ne sera que souffrance avec l’homme blanc comme compagnon de route. 

          Combien de larmes ceux que l’homme blanc a appelé «Indiens» par ignorance doivent-ils verser pour enfin être libres sur leurs propres terres ? Les Blancs ne tordent le bras qu’à ceux qui font du mal aux Blancs ou les empêchent de s’enrichir ; les Blancs ne tordent jamais le bras à d’autres Blancs qui tuent des peuples qui ne sont pas des Blancs. Sur cette terre, depuis deux siècles environ, nous vivons sous le règne de l’union sacrée des Blancs contre les Noirs et les autochtones des Amériques.

         Cette situation n’est peut-être pas étonnante parce que les populations des Amériques se disent des «Noirs». Oui, c’est ainsi qu’ils se qualifient. Avec ceux de l’Afrique, ils ont des similitudes troublantes. Il n’y a qu’en Afrique et dans les Amériques que l’on trouve des peuples qui portent le plateau labial. Les constructions pyramidale de Koush (Nubie), d’Egypte et de l’Amérique central nous interpellent également. Les immenses têtes négroïdes de l’Amérique central sont la preuve que les Noirs ont longtemps partagé l’espace américain avec les populations que nous reconnaissons comme les premiers habitants des lieux ; même si tous les êtres humaines sortent du berceau africain.

Raphaël ADJOBI    

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17 juillet 2020

Le nouveau visage des Etats-Unis après la mort de George Floyd

            Le nouveau visage des Etats-Unis

                   après la mort de George Floyd

Theodore Roosvelt sera déboulonné

          Après la mise à mort filmée de George Floyd à Minneapolis, aucun pays européen ne s’attendait à son retentissement mondial et aux nombreuses manifestations anti-racistes qu’elle a provoquées. Et surtout, personne ne s’attendait à ce qu’elle interrogeât aussi profondément les Européens et leurs passés esclavagiste et colonial dont les conséquences perdurent dans nos sociétés modernes. Quand les premières vagues de manifestations atteignirent l’Europe, comme d’habitude, les médias français et quelques hommes politiques entonnèrent les éternels cantiques : c’étaient une «bavure policière» et des «manifestations communautaristes» ! Mais voilà qu’à partir du début du mois de juin nous parvient le bruit des statues que l’on fait chuter de leur piédestal.

          Après un moment de cacophonie, le débat a été sérieusement engagé aux Etats-unis, en Angleterre, en Belgique et a donné des résultats suite à une définition très claire de l’espace public : l’espace public reste un lieu soumis au changement ; ilappartient à tous et n’est nullement un lieu de culture ou de l’enseignement de l’histoire ! Et en un mois, les Etats-Unis et la Belgique semblent avoir rattrapé leur retard sur le Canada – champion du débat-citoyen sur ce qu’il convient de faire des statues et autres monuments commémoratifs jugés offensants pour les peuples autochtones.

          Aux Etats-Unis, si à Richmond (Virginie), la statue de l’ancien président Jefferson Davis a été déboulonnée, si dans cette même ville la statue de Christophe Colomb a fini dans un lac, si celle le représentant à Boston a été décapitée, et une autre à Baltimore (Maryland) a été déboulonnée, dans de nombreux cas, ce sont les autorités elles-mêmes qui, sous la pression populaire, ont retiré les effigies des hommes honorés avant que les manifestants s’en chargent. Il en est ainsi de la statue de Christophe Colomb à San Francisco et de celle de l’ancien président Théodore Roosevelt à Central Park (New York). Même la monumentale statue de cet ancien président trônant à cheval - «flanqué d’un Amérindien et d’un Africain» à pied - depuis 1940 à l’entrée du Muséum d’histoire naturelle de New-York «va être déboulonnée» (New York Times) et placée à l’intérieur du bâtiment. L’université de Princeton quant à elle a décidé de retirer le nom de l’ancien président Woodrow Wilson de deux de ses bâtiments et d’une résidence d’étudiants ; «Les administrateurs ont conclu que la pensée et les politiques racistes de Woodrow Wilson faisaient de lui un homonyme inapproprié pour une école ou un collège dont les universitaires, les étudiants et les anciens doivent s’opposer fermement au racisme sous toutes ses formes» (Christopher Eisgruber – président de l’université). Phrase à méditer sous d’autres cieux ! Les bases militaires portant les noms de sudistes racistes ont été débaptisées. Des marques alimentaires du pays ont décidé de retirer les logos jugés racistes de leurs produits (exemple «Uncle Ben’s»). Pour forcer Facebook à étoffer les règles de sa responsabilité et à lutter contre la haine en ligne, des annonceurs (Coca Cola, Unilever…) ont décidé de rompre avec ce gérant de réseaux sociaux...

George Floyd Ranger 2

          Rappelons que le combat des anti-racistes américains contre les statues à la gloire des esclavagistes blancs a une longue histoire animée par diverses associations de Noirs et de Blancs. Ici comme au Canada, selon l’historien Alan Kraut de l’American University, la mort de George Floyd a servi de «catalyseur» à un mouvement de «réévaluation» du passé déjà engagé. L’un des moments les plus marquants de ce combat a été celui qui a opposé les partisans et les adversaires de la statue du général sudiste Lee à Charlottesville en Virginie. Suite aux affrontements entre ces deux groupes, le gouverneur de la Virginie déclara en août 2017 : «Les monuments aux confédérés sont devenus des points chauds de haine, de division et de violence. J’encourage les autorités des villes de Virginie et l’Assemblée générale (de l’État) disposant des pouvoirs nécessaires à démanteler ces monuments et à les transférer dans un musée ou dans un endroit plus approprié». Ce sont là encore des paroles à méditer sous d’autres cieux où l’on parle de cohésion sociale sans aucun geste symbolique. Après avoir tergiversé un moment, la ville fera retirer définitivement la statue en février 2018. 

         Selon un sondage de l’institut Pew, publié à la mi-juin, sept Américains sur dix, toutes origines et couleurs confondues, ont participé au débat sur la question raciale depuis la mort de George Floyd. Il faut se réjouir de voir les institutions de l’État qui sont indubitablement les plus représentatives des populations de la nation et donc des usagers des espaces publics du pays – conseils d’établissements scolaires, de municipalités, de départements et de régions – prendre l’initiative d’étudier les noms et les images des personnalités de leur histoire qui méritent leur hommage. C’est effectivement l’une des meilleures façons pour les institutions politiques de montrer à chaque citoyen la voie à suivre pour combattre le racisme. Il reste maintenant aux institutions judiciaires à ne plus se montrer complaisantes à l’égard des crimes racistes de la police.

Raphaël ADJOBI

28 juin 2020

La France et la culture de la haine du Noir

          La France et la culture de la haine du Noir 

Caricature et Rhénanie

          Les quatre grands contributeurs aux théories racialistes qui ont inondé le monde sont bien connus de tous aujourd’hui ; il s’agit de l’Angleterre, des Etats-Unis, de l’Allemagne et de la France. Et la popularisation de l’infériorité du Noir par rapport au Blanc s’est faite à travers toute l’Europe et l’Amérique du Nord – du milieu du XIXe siècle au début du XXe siècle - grâce aux nombreuses expositions coloniales que le musée du Quai Branly a rappelées à notre mémoire par son exposition «L’invention du sauvage» en 2011 – 2012. Mais au-delà de ce travail collectif contre l’homme noir, la France s’est illustrée par une politique singulière qui a entretenu durablement la haine du Noir en Europe.

Caricature allemande LE NEGRE

          A la veille de la guerre de 1914-1918, la France disposait d’un empire colonial de près de 50 millions d’habitants. Devant l’indispensable puissance que réclamait la première guerre mondiale, elle a puisé dans les ressources humaines de ses colonies. Ce seront «les poilus des colonies» dont des générations de Français n’entendront jamais parler. A ces militaires, il convient d’ajouter une foule non négligeable de travailleurs coloniaux que la France a fait venir pour des tâches subalternes. Le général Mangin, qui a favorisé la création de cette armée d’Afrique dite «Force noire», prétend que «Les Noirs d’Afrique au système nerveux moins développé sont inaccessibles à l’anxiété par anticipation et n’éprouvent qu’une légère frayeur» (Armelle Mabon – Prisonniers de guerre «indigènes»). Aussi, l’ordre était de «ne pas ménager le sang noir pour conserver un peu de blanc» (général Nivel). Et pourtant, malgré les sacrifices consentis sur tous les fronts et particulièrement lors de l’offensive du «Chemin des dames» où l’on dira qu’ils ont servi de chair à canon, les Africains sont absents des livres d’histoire, des manuels scolaires et des réalisations cinématographiques. Selon l’historien Anthony Clayton, «dans les tranchées, les tirailleurs ont subi des pertes supérieures à celles des unités françaises» (id. Armelle Mabon) pour la simple raison que servant principalement dans l’infanterie, ils étaient plus exposés. 

Caricature allemande OK

          Après la victoire des alliés, non contente de partager les colonies allemandes d’Afrique avec l’Angleterre, la France va pousser l’humiliation de l’ennemi plus loin en occupant la Rhénanie dès décembre 1918. Et devinez quelles troupes seront chargées de cette tâche ! Les troupes coloniales, et particulièrement celles d’Afrique noire ! «Un fait qui va marquer durablement les esprits tant civils que militaires, des deux côtés du Rhin. Les Allemands n’ont pas accepté cette présence sur leur sol et ont pris ce prétexte pour présenter la France auprès des instances internationales comme une ennemie de la civilisation». Une virulente campagne de presse, illustrée de caricatures explicites, est lancée par l’Allemagne et reprise dans toute l’Europe jusqu’aux Etats-Unis «contre l’inhumanité des troupes d’occupation et plus particulièrement contre la brutalité des soldats coloniaux qui terrorisent les femmes rhénanes désarmées devant la bestialité sexuelle de ces bêtes en uniforme, ces indicibles monstres, des animaux humains, des hyènes noires, des hommes singes du continent noir» (Jean-Yves Le Naour – La honte noire. L’Allemagne et les troupes coloniales françaises ; cité par Armelle Mabon). Toute l’Europe est scandalisée : des Noirs sont venus tuer des Blancs et occupent désormais l’Allemagne ! Cet événement et cette campagne, à laquelle la France participe gaiement, feront émerger «la honte noire» - die «schwarze schande» - aux graves répercussions bien après la fin de l’occupation. Selon les historiens, Hitler s’en est inspiré pour écrire Mein Kampf et sa théorie nazie.

Caricatures françaises OK

          En tout cas, en 1940, les soldats de l’empire colonial étaient encore là pour la seconde grande guerre. Malheureusement, suite à la victoire rapide de l’Allemagne, la vengeance de celle-ci sera terrible ! Les Allemands vont montrer à l’Europe entière et à la France ce qu’il en coûte d’envoyer des Noirs tuer des Blancs ! Dans la Somme (80) et un peu partout, ils procèdent à des massacres de bataillons noirs. Un millier d’entre eux seront exécutés entre le 24 mai 1940 à Aubigny, en Bourgogne, et le 22 juin 1940 autour de Lyon (Armelle Mabon – Prisonniers de guerre «Indigènes»). Les autorités françaises refuseront d’honorer ces prisonniers massacrés – souvent classés disparus - parce que, selon elles, ils ne sont pas morts au combat. Leur mort ne compte pas ! Pourtant, comme ceux enfin honorés à Reims en 2018 par un monument, ils ont quitté leur père et leur mère, et parfois femme et enfants, pour venir défendre à des milliers de kilomètres ce qu’ils appelaient alors «la mère patrie». Résultat : ils n’ont récolté que la haine ou le mépris des Européens à l’encontre de leurs descendants.

Raphaël ADJOBI

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15 juin 2020

Les Européens rattrapés par leur passé esclavagiste et colonial (Jean-Marc Ayrault les invite à la réflexion et à l'action)

        Les Européens rattrapés par leur passé 

                           esclavagiste et colonial

           (Jean-Marc Ayrault les invite à la réflexion et à l’action) 

 

Jean-Marc Ayrault et le racisme

          Si vous demandez aux autorités françaises ce qu’elles font contre le racisme, elles vous répondront invariablement qu’elles ont mis en place une institution appelée DILCRAH (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT) avec un «plan national de lutte contre le racisme» depuis 2015. Elles préciseront même que pour 2018 – 2020, ce plan «mobilise l’ensemble des ministères pour mener quatre combats : lutter contre la haine sur Internet ; éduquer contre les préjugés et les stéréotypes ; mieux accompagner les victimes et investir de nouveaux champs de mobilisation».

          Il est tout à fait sidérant de constater que cette lutte fait l’impasse sur les savoirs qui permettraient la connaissance de ce que l’on veut combattre. Comment peut-on en effet lutter contre le racisme si l’on ne sait pas pourquoi il y a des Noirs et des Arabes en France ? Comment peut-on lutter contre le racisme si l’on ignore comment celui-ci est apparu dans notre société ? Par ailleurs, en mettant la lutte contre le racisme anti-Noirs sur le même pied d’égalité que celles contre l’antisémitisme et l’homophobie, les autorités montrent clairement leur volonté de nier une réalité socio-politique à laquelle elles ne veulent pas apporter des solutions particulières. En effet, la vie quotidienne des Français noirs et leurs aspirations n’ont absolument rien à voir avec les autres luttes auxquelles elles sont associées. Au-delà de son idéal de fraternité nationale qu’elle clame dans sa devise - «Mieux connaître l’autre pour respecter sa différence» - l’existence de notre association, La France noire, poursuit des objectifs qui touchent deux histoires de France permettant de nous interroger sur le présent et surtout sur les outils de notre enseignement aussi bien dans les manuels scolaires que dans l’espace public.

          La France noire peut donc s’estimer heureuse des propos de Monsieur Jean-Marc Ayrault à l’adresse de nos autorités les invitant à ouvrir les yeux sur les exigences de la France plurielle - qui n’est pas un fait du hasard mais un fait des histoires de la France. Profitant de la vague de déboulonnage des statues aux Etats-Unis, en Angleterre, en Belgique, au Canada, en Australie et dans les Antilles françaises, dans une tribune au journal Le Monde, le président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage appelle à la réflexion et au débat sur les marques qui honorent notre passé dans l’espace public.

         Voici le début du texte de M. Jean-Marc Ayrault :

«Sans se pencher sur le présent, il est impossible de comprendre le passé». Jamais ces mots des premières pages de L’Etrange défaite(Franc-Tireur, 1945, réédité chez Folio histoire), de Marc Bloch, n’ont semblé si actuels, quand de nouveau, comme au temps des révolutions, le monde résonne du bruit des statues qu’on abat, quand des siècles d’injustice reviennent tout à coup dans l’actualité, quand chaque pays est invité à revisiter son passé à l’aune des questions du présent.

Les foules qui se mobilisent depuis le meurtre de George Floyd ne demandent pas seulement la fin du racisme, des violences et des discriminations à l’encontre des personnes noires ou issues d’autres minorités. Elles demandent aussi que leurs raisons profondes soient éradiquées.

Les discriminations ne sont jamais seulement le fait de personnes isolées. Elles sont le produit de préjugés qui n’ont pas été combattus, de pratiques qui n’ont pas été corrigées, de questions auxquelles aucune réponse n’a été donnée. Elles sont le fruit de l’histoire de chaque pays. Ne pas le voir, c’est s’aveugler sur les causes du mouvement actuel. Ne pas le dire, c’est s’empêcher de traiter le problème à la racine.

C’est pourquoi, pour répondre à cet appel, il faut d’abord de la justice et du respect, mais il faut aussi du sens et des symboles. Car pour vivre ensemble dans une société de diversité, il faut avoir un récit commun qui nous rassemble, qui nous aide à dépasser les blessures du passé et qui nous inspire pour panser les fractures du présent.

Ce récit, c’est en France celui de l’esclavage qui a nourri le racisme anti-Noirs et du combat pour l’abolition qui a uni militants de métropole et révoltés des colonies ; c’est l’histoire du colonialisme de Lyautey (1854-1834) et de l’anticolonialisme d’Aimé Césaire (1913-2008) ; c’est l’histoire de cette diversité qui est le visage de la France et qu’il faut expliquer.

          Monsieur Jean-Marc Ayrault reconnaît qu’il était ignorant de l’histoire de l’homme dont son lycée portait le nom : Colbert ! Il reconnaît qu’il ignorait pourquoi une salle de l’Assemblée nationale honorait cet homme. Il tire avec nous cette conclusion (RTL – 14 juin 2020) : quand on apprend à l’âge adulte que celui qui vous était présenté comme un modèle alors qu’il professait – au XVIIe siècle – que l’homme noir n’est pas un être humain mais «un meuble» exempt de sentiments et de pensées nobles, vous avez des raisons de vous poser des questions. Le vrai problème, c’est quand on n’est pas capable de s’en poser ! Oui, pour comprendre certains mouvements du présent, il convient d’interroger le passé.

Raphaël ADJOBI

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