Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

Vous trouverez ici des comptes rendus de lectures livresques concernant essentiellement l'histoire des Noirs d'Afrique et celle des Afrodescendants des Amériques et d'Europe. Les actualités de la diaspora africaine ne sont pas oubliées.

19 avril 2020

Pourquoi la France de demain sera comme celle d'avant le confinement (Raphaël ADJOBI)

    Pourquoi la France de demain sera comme celle d’avant

                                   le confinement

Demain ne changera pas

          «Rien ne sera comme avant», entend-on dire çà et là ; ou encore, «il y aura un avant et un après le covid-19». A ceux à qui il est arrivé – durant cette période de confinement - de formuler à haute voix l’une ou l’autre de ces deux expressions ou même de les avoir pensées, nous disons ceci : ne confondons pas le travail d’introspection ou de réflexion relatif à notre vie, qui dépend de chacun de nous, et nos rêves d’une société meilleure qui dépendent de ceux qui nous gouvernent. Dans les deux cas, afin que ce qui est désiré ou souhaité ait de fortes chances de se réaliser, il faut commencer par changer notre manière d’agir. En d’autres termes, il faut absolument - individuellement ou collectivement - mettre en œuvre des actions différentes ou intensifier celles que nous menions déjà et que nous estimons convenir à notre objectif.

          Pour ce qui est précisément de l’attente d’une société meilleure, nous sommes certains qu’il n’y aura pas, en France, un «avant» et un «après» le coronavirus. Tout a été préparé pour que tout le monde rentre dans les rangs et que la vie reprenne comme avant. D’ailleurs, à écouter les différentes familles, c’est le retour à la normalité qui domine. Le reste relève du rêve dont peu de personnes sont prêtes à prendre la responsabilité de sa réalisation.

            Tout sera dans la manière dont fonctionnera le pouvoir 

          A la mi-mars, c’est de manière tout à fait verticale que la parole du président de la république nous a contraints au confinement. Et c’est encore de la même manière verticale que le lundi 12 avril cette parole nous a annoncé la progressive reprise de nos activités à partir du lundi 11 mai. Nous savons que dans les traditions mythologiques et chrétienne de l’Europe, c’est à l’homme - par opposition à la femme - qu’appartient le verbe, le logos, le commandement, «le goût vertical de la transcendance, de l’universel» (Olivia Gazalé – Le mythe de la virilité, éd. Robert Laffont, 2017). Malheureusement, les pouvoirs politiques européens sont calqués sur cette verticalité que la France nous inflige de manière singulière – grâce à la Ve République - à longueur de décennies malgré nos protestations : le sommet commande, la base obéit. Ainsi, il n’y a jamais eu de débat entre les représentants des populations et les gouvernants avant l’annonce du confinement et celle de sa sortie progressive.

          A la suite du président de la République, le ministre de l’Education nationale a annoncé au public les mesures ou les dispositions qui seront mises en place pour l’organisation du travail des enseignants et des élèves : petits groupes (?), masques (?) … Disons tout de suite que pour ce qui concerne la réalité des acteurs du terrain – les professeurs – le ministre n’a aucune maîtrise de leurs compétences et de leur inventivité dans les circonstances aussi exceptionnelles que l’entrée et la sortie progressive d’un confinement. A l’annonce du confinement, ce fut la débrouille pour les enseignants, les élèves et les parents. Le ministre avait affirmé avec assurance que les enseignements se feraient à distance via les ordinateurs, sans s’être assuré que toutes les familles de France disposaient de cet outil et le maîtrisaient ni même qu’elles n’avaient pas toutes la capacité de suivre le travail de leur progéniture. Quant au chiffre du nombre d’élèves qui ont pu suivre régulièrement et totalement, partiellement ou pas du tout l’enseignement de leurs professeurs, les données du ministre n’ont absolument rien à voir avec la réalité. C’est même une honte de l’entendre parler de ce qu’il n’a jamais maîtrisé. L’insondable inégalité de traitement que notre système éducatif inflige aux populations est désormais claire et incontestable ! Il est certain que la sortie progressive du confinement se fera aussi dans la débrouille, mais sûrement de façon encore plus douloureuse parce qu’elle étale déjà de manière très éclatante le manque de concertation entre la base et le sommet de la pyramide du pouvoir vertical. Les modalités de cette reprise qui arrivent à compte-goûte sur les ondes par la voix des différents intervenants dont les enseignants ignorent totalement les compétences et les pouvoirs administratifs ne cessent d’alimenter leurs questionnements. Dans tous les cas, les professeurs sont les vrais maîtres de notre enseignement. Les autres ne sont que des administratifs prétentieux.

                   La Ve République : une caricature de la démocratie

Reprise de la normalité 3

          A vrai dire, ce qu’il faut à la France pour sortir de ce mensonge entre le sommet qui croit avoir la maîtrise de toute chose et la base qui court dans tous les sens en interprétant l’écho de la parole verticale qui lui parvient, c’est un rapprochement pour un vrai partage des connaissances et une analyse précise de la réalité du terrain. Avant de donner une parole publique, le ministre doit avoir travaillé avec les enseignants afin d’avoir une idée de ce qui est envisageable. Malheureusement, avant l’annonce du confinement et de la progressive reprise, le ministre de l’Education nationale n’a visiblement pas eu l’idée de travailler avec les enseignants pour proposer des modalités de travail à peu près convenables.

          Cela revient à dire que tant que nos autorités n’auront pas compris qu’elles doivent changer leur méthode de nous diriger, notre société demeurera dans les difficultés qui nous font souffrir et nous poussent à gémir et à descendre dans les rues. Elles n’ont toujours pas compris que nous en avons assez de les voir se comporter comme des bergers et nous traiter comme des moutons dont les mouvements doivent suivre ceux de leur houlette ; des moutons évidemment jugés incapables de penser et d’agir par eux-mêmes. Il faudra sûrement que – dans notre très grande majorité – nous montrions enfin à nos autorités que nous n’avons pas besoin de bergers savants et que nos savoirs sont suffisants pour nous permettre de nous conduire de manière collégiale. Si nous voulons que notre société change, nous devons cesser de moutonner et le faire clairement savoir. Aujourd’hui, le fonctionnement de la Ve république apparaît clairement comme une caricature de la démocratie parce qu’elle repose sur les mouvements de lèvres d’un seul homme : le président de la république ou chacun de ses ministres.

Raphaël ADJOBI

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12 avril 2020

Les Blancs officialisent le génocide des Africains après avoir infesté la terre comme des poux (Raphaël ADJOBI)

   Les Blancs officialisent le génocide de masse des Africains

             après avoir infesté la terre comme des poux*

Cobayes africains 2

           Pour parler comme l’auteur du fameux Discours de Dakar, je dirais que le malheur de l’homme africain c’est d’avoir toujours fait confiance à l’homme blanc ; c’est surtout d’avoir cru que leurs autorités étaient des hommes comme tous les autres. Or, quand on n’est plus doué de spiritualité – à ne pas confondre avec la religiosité - et du sens aigu de la sacralité cosmique, quand on a osé clamer que l’Afrique n’est pas sa mère, quand on a osé dire, comme Athéna, «je n’ai pas eu de mère pour me donner la vie», on n’est rien d’autre qu’un monstre ; un monstre échappé du berceau de l’humanité. Voilà ce que sont les Blancs qui gouvernent le monde.

Tests en Afrique

          Tous les scientifiques savent très bien que depuis plus d’un siècle et demi les Africains servent de cobayes aux chercheurs européens de manière clandestine ou sous de faux prétextes. Partout sur ce continent, très nombreux sont ceux de plus de cinquante ans qui portent sur leur corps les multiples traces des vaccinations ou tests pour les produits pharmaceutiques du monde. Dans de nombreux villages africains, il n’est pas rare de voir des dizaines d’enfants handicapés suite à une vaccination ou injection de quelque produit inconnu des populations . Mais laissons de côté ce crime qui n’en est pas un aux yeux de l’Europe et abordons ses préoccupations actuelles. 

L'Afrique vaccinée

          Pourquoi l’Europe panique et réclame un génocide de masse des Africains

          Sur la base de la projection de l’ONU disant que dans les années 2050 la population de l’Afrique – 1,3 milliard de personnes aujourd’hui – se situerait autour de 2,5 milliards et avoisinerait les 4,4 milliards d’habitants en 2100, les Blancs sont entrés dans une folle panique ! Surtout qu’ils savent que dans le même temps, selon l’institut Xerfi, d’ici 2050 – dans 30 ans – l’Europe va perdre 49 millions de personnes. Mais que valent réellement les projections et les statistiques ? Nous savons tous qu’on peut leur faire dire une chose et son contraire. En tout cas, devant ce qu’ils qualifient de «catastrophe démographique» ou de «suicide démographique», les Blancs estiment qu’il leur faut trouver une solution. Mais laquelle ? Solutionner le fait de ne pas être suffisamment nombreux sur leur continent ou celui de devoir nourrir les Africains comme le soutiennent certains ? Perdus dans leurs propres conjectures, ils ont pris leur décision et l’ont officialisée à la fin du mois de mars 2020 par la voix du docteur Jean-Paul Mira du service réanimation de l’hôpital Cochin à Paris : il faut débarrasser l’Afrique des populations inutiles afin de faire de la place aux Blancs ! Là-bas, dit-il, "ils (les Africains) n'ont pas de masque, pas de traitement, pas de réanimation ; ils sont hautement exposés et ne se protègent pas". En d'autres termes, la pandémie du Coravirus est une occasion à saisir pour mettre ce plan en marche.

Le lait de l'Afrique 3

          Il convient cependant de dire qu’au regard de la réalité de l’occupation des continents par les populations humaines et des ressources dont elles disposent, ces alarmes sont fallacieuses. Nous avons démontré dans un précédent article – avec un tableau à l’appui – que les Européens sont à l’étroit sur leur continent alors que l’Afrique, trois fois plus grande que l’Europe, est largement sous-peuplée. D’autre part, il serait bon de se poser cette question : pourquoi la population du continent asiatique, qui a déjà atteint les 4,5 milliards d’habitants, n’inquiète-t-elle pas les Européens ? Et pourquoi l’augmentation de la population africaine, largement en deçà de celle de l’Asie et de l’Europe inquiète-t-elle principalement les Français ? La réponse est claire : parce que ceux-ci ont écrit dans un rapport non confidentiel que «l’Afrique est l’avenir de la France» et par voie de conséquence celui de l’Europe (Le Monde, 5/01/2017, www.lemonde.fr). Que ceux qui clament que l’Europe ne pourra pas nourrir tous les Africains sachent ceci : c’est l’Afrique qui nourrit l’Europe depuis près d’un siècle ! Il suffirait, pour ses besoins vitaux, que la seule Côte d’Ivoire récupère les immenses terres qui fournissent à la France le caoutchouc nécessaire à la fabrication des pneumatiques de ses automobiles pour que celle-ci soit asphyxiée ! Rien que cela ! Il suffirait que le Congo (RDC) soit maître de tout son territoire pour que toutes les technologies de l’Europe se mettent à balbutier ! Rien que cela ! Il convient aussi de retenir que par le passé, l’Europe n’a jamais disposé de moyens suffisants pour nourrir ses propres populations. Un simple coup d’œil sur les terres du monde que les Blancs occupent aujourd’hui, après avoir fui l’Europe, suffit pour s’en convaincre. Une indéniable vérité que beaucoup parmi nous ont tendance à oublier ! Laissons donc de côté les analyses économiques et démographiques pour nous intéresser à l’officialisation de la volonté des Européens – par la voix de la France - de faire des populations africaines des cobayes, au même titre que des souris ou des lapins, avec la ferme intention de favoriser leur disparition.

                                            L’expérience des Blancs en génocide de masse

Les autochtones d'Australie

          Évidemment, aborder cette volonté européenne qui choque l’Afrique entière nous oblige à faire un détour par l’histoire et rappeler ceci : le génocide de masse représente l’arme de prédilection des Blancs ! Entre le XVIe et le début du XXe siècle, au moment où "ils infestaient la terre comme des poux"* (Louise Erdrich, LaRose), ils ont usé sans discontinuer de cette arme. Ils ont exterminé les autochtones du nord au sud du continent américain – travail à poursuivre parce qu’inachevé aux dires du président brésilien actuel, Bolsonaro ; ils ont exterminé les Hereros dans la partie sud de l’Afrique ; ils ont exterminé les autochtones d’Australie ; ils ont exterminé les Bamilékés au Cameroun ; ils ont décapité et mutilé des milliers de personnes au Congo ; ils ont brandi des millions de têtes au sommet des pieux pour l’exemple sur tous les continents. Oui, partout où l’homme Blanc s’est implanté après avoir quitté sa terre européenne d’origine, il s’est montré génocidaire ; c’est-à-dire qu’il a manifesté sa réelle volonté d’exterminer des populations pour leur confisquer terres et richesses. Tous ces crimes passaient pour la victoire de la civilisation contre la barbarie. Puis est arrivé une période où, peut-être voyant la réussite de certains Noirs, malgré les brimades qu’ils leur infligeaient, les Blancs ont commencé à avoir honte d’une partie des leurs. A partir du milieu du XIXe siècle, estimant certaines populations blanches indignes de la race blanche qu’ils voudraient pure, de grands théoriciens s’élevèrent parmi eux pour trier et établir la liste de ceux qui ne sont pas tout à fait Blancs et dont la disparition pourrait être envisagée. 

          Ce fut la grande époque de l’eugénisme : théorie mettant en place des méthodes et pratiques afin de sauvegarder le patrimoine génétique des Blancs jugés purs. L’Anglais Karl Pearson pensait que la protection et l’amélioration de la «race» pure passait «principalement par le biais de la guerre avec les races inférieures (blanches)». Ainsi, au début du XXe siècle, 60 000 personnes ont été stérilisées de force aux États-Unis et 63 000 suédois ont été les victimes de cette «épuration de la race blanche» (Nell Irving Painter, Histoire de des Blancs, Max Milo, 2019). Pour éviter «Le déclin de la race (blanche)», l’Américain Madison Grant proposa le génocide de masse ! Le résultat, nous le connaissons : le génocide des Juifs par les Allemands, avec la collaboration des Français, entre 1940 et 1944. Après la seconde guerre mondiale, les Blancs abandonnèrent la valorisation de leurs théories eugénistes. Quiconque en parlait était accusé d’être un nazi ou un anti-juif. L’eugénisme était devenu un tabou ; le génocide des Juifs étant élevé parmi eux comme le plus grand crime de l’humanité ! Un génocide de Blancs sur d’autres Blancs passe bien entendu pour le crime le plus abominable aux yeux de tous les Blancs. Quant aux génocides perpétrés contre les peuples étrangers, ils ne sont que peccadilles, «un partage de culture» (François Fillon). Aujourd’hui, proclamer le génocide des Noirs par la vaccination – jusque là clandestine ou sous de faux prétextesne semble plus choquant pour les nombreux Blancs dispersés sur tous les continents de la terre.

                                             Du racisme décomplexé au génocide décomplexé

L'union sacrée des Blancs sept 1868

          En effet, si depuis une dizaine d’années les autorités européennes et bon nombre de partis politiques assurent bruyamment être envahis par les populations africaines, ils n’osaient pas encore clamer la solution radicale qui leur trottait dans la tête parce qu’elle leur évoque toujours le génocide des Juifs. Mais avec le temps, les théoriciens de cette méthode radicale ont le sentiment que les populations blanches d’Europe et des autres continents ont suffisamment intégré l’idée que la survie de la race blanche passe par la mort des Africains. L’heure de l’union sacrée des Blancs contre les Noirs a enfin sonné ! Aussi, saisissent-ils la pandémie du coronavirus pour dire à haute et intelligible voix que l’occasion est belle et qu’il ne faut pas la rater. Retenons que les excuses de ces deux hommes qui ont annoncé cette proclamation n’annulent pas le projet qui est bien mis en œuvre sur le continent africain sous l’égide de l’OMS financé par les lobbies occidentaux.

          Et pourtant la vraie solution pour «sauver» la race blanche existe : il suffit de rappeler sur le continent européen tous ceux qui en sont partis pour fuir la pauvreté au XIXe et au début du XXe siècle, ou qui en ont été expulsés parce que jugés par le passé indignes d’être des Blancs. Il suffit aussi de tourner le dos au matérialisme contraignant les couples à se contenter d’un ou deux enfants. Il suffirait surtout de prendre des mesures pour encourager les naissances. N’est-ce pas sous les cieux de l’Europe que l’on clame que l’on ne peut pas à la fois avoir le beurre et l’argent du beurre ? Aujourd’hui, tous les Africains savent que les Européens qui parlent de la surpopulation ingérable de leur continent ne sont pas crédibles. Mais il appartient à leurs dirigeants de comprendre que c’est quand le patron est faible que l’on profite de l’occasion pour s’affranchir de son joug et non pas quand il est en pleine possession de ses facultés et de sa crédibilité. La crise du coronavirus vient de démontrer la faiblesse de l’Europe et le caractère illusoire et suicidaire de son système économique qu’elle impose au monde depuis un siècle et demi. Il est temps que l’Afrique se décolonise ! 

Population U

 

 

Raphaël ADJOBI

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03 avril 2020

Demain, on décolonise l'Afrique francophone (Raphaël ADJOBI)

Demain, on décolonise l’Afrique francophone

                                              (Raphaël ADJOBI)

Députés burkinabés 3

          En 1943, le secrétaire d’État à la Marine et aux Colonies du gouvernement de Vichy était déjà convaincu du fait que «ce n’est que grâce à son empire colonial que la France peut prétendre retrouver, au lendemain de la guerre, sa place parmi les grandes nations» (in Prisonniers de guerre «indigènes», éd. La Découverte, Armelle Mabon). Cette vérité s’imposa à Charles de Gaulle à la libération. Il s’empressa donc de remettre en place les techniques anciennes qui assuraient à la France la dépendance de ses possessions d’outre-mer : favoriser dans les colonies la culture des denrées destinées à la consommation de la métropole ; exiger que les colonies vendent ces produits prioritairement à la métropole ; enfin interdire aux colonies de transformer leur matière première en produit fini, manufacturé (Histoire des colonies Françaises, 1860, par Just-Jean E. Roy). Dès 1946, le nouveau pouvoir va y ajouter un nouvel outil : une monnaie qui, en Europe, n’est reconnue que par la France (le franc CFA) et qui empêche aussi les Africains de commercer entre eux. Mais, avec les soldats coloniaux qui l’ont vue humiliée par l’Allemagne en 1940 et qui dès la fin de la guerre contestaient la poursuite de sa domination, la France a dû s’imposer une technique préalable : coloniser l’esprit des Africains en pratiquant ce qu’elle va appeler la contre-propagande !

                                                            Coloniser les esprits

          En effet, les revendications d’égalité des anciens combattants issus des colonies - liées à l’esprit de reconquête et de liberté qui régnait en métropole - constituent une menace aux yeux des autorités françaises. Or, leur souci est de maintenir l’ordre colonial inchangé. Elles commencent donc par accuser les soldats africains d’être les victimes de la propagande du Reich, au lieu de voir dans ces remous l’absence de reconnaissance. Pour la France, une nécessaire désintoxication psychique des prisonniers de 1940 s’impose (lettre du 23 décembre 1944 – id. in Prisonniers de guerre «indigènes», Armelle Mabon). La moindre de leur revendication était considérée comme de l’insubordination nourrie par la propagande nazie. Leurs exécutions à Thiaroye au Sénégal (1er décembre 1944), à Sétif en Algérie (mai 1945) et à Madagascar (mars 1947) témoignent de la volonté de la France de ne pas laisser émerger une conscience politique qui n’est pas la sienne et donc incompatible avec sa politique coloniale. Par la même occasion, elle travaille à mettre en place une équipe de fonctionnaires ayant «un attachement loyal» à son entreprise coloniale. La Constitution de la IVe république du 13 octobre 1946 définit clairement qu’il n’est pas question pour les colonies de «se gouverner» mais de «s’administrer». En d’autres termes, pour l’indépendance, elles peuvent attendre.

                                                         Décoloniser les esprits

         C’est alors que l’Afrique du Nord va montrer la voie de la décolonisation. Elle ne va pas s’attaquer directement au colonisateur mais à ceux qui servent d’intermédiaires entre leur pays et la France. «En règle générale tous les Algériens servant l’ennemi étaient des traîtres et méritaient la mort» (id.). On jette donc l’opprobre sur tous ceux qui représentent le lien avec la France honnie. Il est évident que les Algériens n’avaient pas oublié que, dans l’antique Israël, pour triompher des Romains, les sicaires s’étaient d’abord attaqué aux Juifs qui collaboraient avec eux. En terrorisant les «collabos», ils avaient peu à peu détruit les bases locales de l’ennemi et étaient parvenus à le faire chuter parce que devenu partout impopulaire. Oui, quiconque veut décoloniser un pays doit commencer par couper la main du colonisateur par laquelle il s’approprie ses biens ! C’est ainsi que l’Afrique du Nord est parvenue à installer des régimes qui n’ont aucune commune mesure avec ceux des pays francophones au sud du Sahara. Les pouvoirs, bons ou mauvais, n’ont aucun lien incestueux avec le pouvoir français depuis l’indépendance de ces pays.

Ouattara et les Blancs 2

         Il n’y a donc qu’en Afrique francophone au sud du Sahara où tout ce qui vient de France est considéré comme le bien à posséder ou le guide à suivre. Quand les gouvernants français présentent tel ou tel Africain comme un bon politique, un bon économiste, un bon avocat, tous ses compatriotes sont convaincus que c’est l’homme qu’il leur faut. Et parce qu’il s’agit presque toujours de quelqu’un qui n’est pas formé par l’école du pays, personne n’a sur place les outils pour l’évaluer. On comprend pourquoi tous les hommes politiques africains courent en Europe se faire photographier avec des personnalités blanches pour se constituer un book de présidentiable, comme des démarcheurs commerciaux pour aller vanter leurs produits chez des clients.

 

Guillaume Soro et D

          En se prêtant à la corruption, en allant jusqu’en Europe pour se chercher des corrupteurs, les Africains entretiennent la stratégie de tout colonisateur : choisir la personne la plus malléable parce que n’ayant pas d’assise véritable ; choisir celui qui aura besoin d’être soutenu financièrement et militairement pour s’imposer sur le terrain. Une fois installé, l’individu leur devient redevable et est obligé d’exécuter leurs volontés.

                                                                     Conclusion

          Il serait donc nécessaire que les africains francophones fassent leur la stratégie des sicaires juifs et des populations d’Afrique du Nord. Il leur faut à tout prix discréditer tous ceux qui seraient trop proches des hommes ou des cellules politiques parisiennes. Il leur faut jeter l’opprobre sur tous ceux qui ont été des instruments d’hommes d’affaires ou de systèmes financiers étrangers. De la même façon que la France remet systématiquement en question les diplômes étrangers et s’assurent que tout candidat chez elle s’adapte aux siens, les pays africains doivent imposer des règles à ceux qui veulent travailler chez eux afin d’avoir la preuve de leur attachement à la chose publique nationale. Pour qu’un tel contrôle soit crédible, il importe que les pays africains soient capables de former eux-mêmes leurs cadres dans l’esprit des institutions nationales, c’est-à-dire qu’ils puissent se donner les outils pour évaluer leurs cadres. On ne forme pas sans conséquence ses citoyens avec des manuels scolaires écrits et fabriqués par les Français. Par ailleurs, il est difficile de laisser la formation de ses médecins ainsi que le financement de ses chercheurs entre les mains des pays et des laboratoires étrangers, et s’étonner ensuite qu’ils se révèlent des répétiteurs et des usagers des produits étrangers qui ne sont pas forcément adaptés à l’Afrique. Il est absolument honteux de constater qu’après soixante ans de relative administration de leurs biens, les autorités africaines n’aient jamais songé à équiper leur pays d’un hôpital digne de soigner leurs dirigeants et soient réduites à solliciter l’aide du colonisateur pour une telle besogne. 

Conseil des ministres sénégalis 4

 

Raphaël ADJOBI

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29 mars 2020

Le débat autour de la chloroquine : entre scandale sanitaire et crime contre l'humanité (Raphaël ADJOBI)

                         Le débat autour de la chloroquine :

         entre scandale sanitaire et crime contre l’humanité

 

La chloroquine ou Nivaquine

          En ce mois de mars 2020, la très forte insistance sur la dangerosité de la chloroquine (nivaquine) et le refus de sa prescription dans le traitement du coronavirus – ayant des symptômes proches du paludisme - avaient été accueillis, par ceux qui la prennent ou l’ont prise depuis leur enfance ou encore à un moment de leur vie, comme une véritable bombe. Ainsi donc, se disaient-ils, les médecins nous prescrivaient du poison ! Pour eux, c’était en clair un crime organisé que le corps médical français venait enfin d’avouer. Ils étaient par conséquent prêts – et nous avec eux - à crier au crime contre l’humanité. Mais le changement de position du gouvernement se pliant enfin aux recommandations du Docteur Didier Raoult - après deux semaines d’opposition puis d’hésitations qui ont précédé l’acceptation de l’usage de la Chloroquine dans le traitement du coronavirus en France – oblige tout le monde à formuler d’autres interrogations. Mais avant cela, il importe de faire l’historique de l’objet incriminé et des débats qui ont accompagné son rejet.

                                    Petite histoire de la chloroquine ou nivaquine

         En Afrique et dans les Amériques – où les Européens découvriront ses bienfaits – les populations autochtones connaissent depuis très longtemps l’usage de l’écorce de l’arbre qui guérit de la fièvre paludique (le chinchona – le quinquina). C’est de cet arbre que les Européens vont isoler, au XIXe siècle, l’antipaludique dénommé la quinine. Puis une série de substituts seront créés au début du XXe siècle (plasmoquine, rhodoquine, résochine, sintochine…). En 1949, la chloroquine - substitut synthétique de la quinine – est mise sur le marché français sous le nom de nivaquine et sur le marché américain sous le nom de aralen. 

                     Pourquoi tant de médecins français contre la chloroquine?

La Nivaquine

          Cela fait donc soixante-dix ans que la chloroquine – ou la nivaquine – est entrée dans les prescriptions médicales contre le paludisme pour les populations africaines. Les soldats européens opérant sous les tropiques et les voyageurs qui y séjournent connaissent le même traitement depuis cette époque. Et pourtant, la toxicité aiguë de cet antipaludique – dénoncée aujourd’hui à grands cris - était connue et citée dans des études médicales dès 1940. «ses effets nocifs, multi-organigues si ce n’est systémiques, ainsi que ceux de ses dérivés […] ont été peu à peu précisés, dans les années 1950» (Wikipédia). Et évidemment les effets secondaires indésirables n’étaient pas ignorés non plus : «les effets toxiques [de la chloroquine ou de la nivaquine] incluent des réactions neuromusculaires, auditives, gastro-intestinales, cérébrales, cutanées, oculaires, sanguines et cardiovasculaires». Eh bien, les uns et les autres pouvons être d’accord que cela fait tout de même beaucoup ! Et pour enfoncer le clou, voilà que de nombreux médecins français, dont le docteur Bruno Canard (directeur de recherche au CNRS, université d’Aix-Marseille), nous disent en ce mois de mars 2020 que l’efficacité de la chloroquine n’est prouvée qu’en laboratoire mais que «sur des modèles animaux, ou sur des malades, le traitement n’a pas montré d’efficacité phénoménale» (entretien accordé au journal Le Point, publié sur son site). Inefficace et dangereux ! Voilà donc clairement énoncés les éléments d’un crime contre l’humanité ! Mais force est de constater que cela fait soixante-dix ans que des femmes, des hommes et des enfants suivent ce régime médical en Afrique et ailleurs dans le monde et éprouvent son efficacité phénoménale malgré sa toxicité. De même que le doliprane, souvent déconseillé à cause de sa toxicité - et donc de sa dangerosité – demeure efficace dans le traitement de certaines maladies, la chloroquine a fait son chemin sans scandaliser personne jusqu’en mars 2020.

          Que faire ? Quelle décision prendre ? Heureusement, voilà que la Chine se présente en arbitre. C’est tout à fait consciente de l’efficacité reconnue de la chloroquine depuis près de soixante-dix ans que ce pays a opté, sans hésiter, pour son usage à grande échelle dans son combat contre le coronavirus ayant quelques symptômes communs avec le paludisme. Résultat : elle a effectivement jugulé la pandémie et propose aujourd’hui son expérience aux contrées atteintes par ce virus foudroyant. Tout à coup, l’expérience chinoise contredit le docteur Bruno Canard et tous les autres médecins sceptiques dressés contre le docteur Didier Raoult qui avait tout de suite mis son « serment d’Hippocrate» en avant et avait continué à administrer le médicament. Toute honte bue, tous les sceptiques reconnaissent finalement l’efficacité du médicament et n’ont plus comme argument que ses effets secondaires, c’est-à-dire sa dangerosité : «Les données chinoises publiées le 19 février par le département de pharmacologie de l’université de Qingdao sont parcellaires : la chloroquine permet de lutter contre la pneumonie provoquée par le coronavirus, mais les données ne disent rien sur la toxicité ou d’éventuels effets secondaires» (Docteur Bruno Canard sur le site du journal «Le Point»).

                                                            A qui profite le crime ?

          Quels menteurs tous ces médecins français ! Pour qui nous prennent-ils ? Comme nous l’avons vu plus haut, les données sur «la toxicité ou d’éventuelles effets secondaires» de la chloroquine, le monde médical les connaissait depuis le milieu du XXe siècle. Mais laissons-là notre colère. Maintenant que ces messieurs qui attendent l’avènement du remède efficace dans une quinzaine de jours se sont alignés sur la position du docteur Didier Raoult et de ceux qui prennent la nivaquine depuis soixante-dix ans, posons-nous cette question : qui est chargé de trouver le remède miracle que nous devions attendre en redoutant constamment la mort ? A qui profiteraient les morts durant ces quinze jours d’attente ? Ultime question : ces dames et ces messieurs sont-ils sûrs que dans quinze jours ils nous annonceront le remède miracle ? De toutes les façons, ils ont réussi à forcer le gouvernement à limiter le champ d’application de la chloroquine à tel point que le virus ne sera pas jugulé dans quinze jours. Ils auront donc le temps d’entrer en scène avec leur remède miracle assez rapidement ; sinon, ils ne pourront qu’être hués. Et nous ne manquerons pas de crier en choeur : «ressuscitez nos morts !»

Raphaël ADJOBI

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25 mars 2020

La leçon cubaine à l'ingrate Europe (Raphaël ADJOBI)

               La leçon cubaine à l’ingrate Europe

Cuba au secours de l'Europe

          Présenté partout en Europe et dans les Amériques comme l’ennemi public numéro un, jugé infréquentable par nos politiciens et par conséquent condamné à ne compter que sur lui-même, Cuba apparaît dans l’esprit du commun des Européens comme un pays arriéré et sans intérêt. Mais voilà qu’en ce mois de mars 2020, acculée par l’épidémie du Coronavirus, à deux reprises la riche et fière Europe a accepté l’aumône de la main cubaine.

          En effet, le 18 mars - parce que 5 de ses passagers sont testés positifs et 52 autres mis en isolement - un bateau de croisière anglais errant sur l’Atlantique après avoir été repoussé par les Etats-Unis, le Bahamas et la Barbade (RFI, site Internet) n’a dû son salut que grâce à Cuba qui a accepté de l’accueillir afin de donner les soins nécessaires aux personnes malades ne pouvant pas être évacuées par avion vers l’Angleterre. Quatre jours plus tard, le dimanche 22 mars, ce sont 36 médecins cubains accompagnés de 15 infirmières qui sont arrivés en Italie pour apporter un secours médical à ce pays dans son combat contre le coronavirus. 

          Quelle humiliation pour la riche et arrogante Europe qui prétend détenir la clef pour sauver le monde de se voir obligée d’accepter l’aide de la « pauvre » et insignifiante Cuba ! Alors que son union sacrée avec les Etats-Unis l’empêche de voir sa nature profondément cupide et calculatrice – libéralisme économique oblige - il convient de lui rappeler ce que disait Fidel Castro dans une vidéo que se partagent aujourd’hui les Internautes : « Nous ne pourrons jamais et ne ferons jamais d’attaque préventive et surprise contre une population dans quelque coin du monde. Au lieu de cela, notre pays est capable d’envoyer des médecins dans n’importe quel coin du monde. Oui, des médecins et non des bombes ! Des médecins et non des armes intelligentes qui tombent là où on veut. Après tout, une arme qui tue par traîtrise n’est absolument pas intelligente ».

Cuba et Fidèle

          Les deux gestes de Cuba en ce mois de mars 2020 confirment les propos de Fidèle Castro. Chaque fois que la France ou les Etats-Unis parle d’aide à destination d’un pays, c’est toujours d’une intervention militaire dont il s’agit. Et quand il faut précisément soigner des malades à l’étranger, ils envoient leurs ONG pour s’enraciner dans le pays qu’ils prétendent vouloir sauver. Dans quel but ? Afin que ces organisations travaillent à leur fournir les informations utiles à maintenir les dirigeants de ce pays sous leur domination. Il n’y a que les médias malhonnêtes habitués à saluer les prouesses militaires de la France dans les pays africains - ne possédant pas d’armes pour les inquiéter - qui portent des jugements négatifs quant à l’humanité de la politique médicale de Cuba. Tel est le cas du Nouvel Observateur qui, sur son site, juge que Cuba n’a pas fermé ses frontières et a accueilli le navire anglais avec les malades parce que son économie a besoin de continuer à favoriser la venue des touristes. Que pense ce journal de la France qui, au départ, ne voulait pas de mesure de confinement pour ne pas freiner la consommation sur son territoire ? N’est-ce pas là une préoccupation économique criminelle ? On cherche toujours la paille dans l’oeil de l’autre pendant que la poutre nous crève les yeux. Ce sont aujourd’hui des médecins cubains qui s’occupent des populations de toutes les îles des Caraïbes ! Où sont-ils les médecins français et américains ?

          Oui, c’est vrai : ici, plus qu’ailleurs, on cherche toujours le profit que l’on pourrait tirer plus tard de l’aide que l’on apporte à l’autre ; et cela nous rend prompts à croire que les autres sont aussi calculateurs que nous. Quittons cette sale habitude et rendons un vibrant hommage à la solidarité cubaine qui s’inscrit dans l’esprit d’un régime tout à fait différent du nôtre. Ne manquons pas non plus de rappeler aux Italiens, grands lanceurs de bananes aux footballeurs noirs, que parmi les médecins qui viennent à leur secours, nombreux sont des Afro-Cubains. Qu’ils s’abstiennent donc de lancer des bananes et de pousser des cris de singe pendant quelques semaines.

Raphaël ADJOBI

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17 mars 2020

Tombeau d'Olivier (Alain Badiou)

                                             Tombeau d'Olivier 

                                          (Alain Badiou) 

Numérisation_20200316

        Ce livre nous dit le grand intérêt d’écrire, de laisser une trace de ce que l’on pense ; car l’écriture est assurément la meilleure façon de se faire comprendre et connaître, quand on sait que les autres ne prennent jamais le temps de nous regarder et de nous écouter. 

        Pourtant, je n’aurais jamais lu ce livre si on ne me l’avait pas offert. Ayant appris sur les ondes qu’Alain Badiou y parle de son fils – un jeune noir mort de façon étrange – j’avais immédiatement pensé qu’il profitait de sa notoriété pour l’encenser. Les premières pages du livre m’ont vite fait comprendre qu’il veut que chaque lecteur sache ceci : derrière la banalité de tous ces êtres que nous qualifions de « jeunes des banlieues » ou de « racailles », il y a « un roseau pensant ».

        Certes, nous ne pouvons pas tenir nos enfants en laisse et en faire ce que nous voulons. Mais, l’auteur nous montre que toute mère, tout père doit avoir l’intelligence de s’occuper de l’esprit de sa progéniture, c’est-à-dire lui offrir l’arme nécessaire à l’expression de son être. C’est ainsi que, comme lui, l’on peut découvrir que les jeunes qui sont terrorisés et traqués à longueur de journée savent mieux que quiconque comment la société s’y prend pour avoir le droit de les abattre sans jugement. Oui, ces jeunes savent que leurs corrupteurs viennent des milieux de l’argent. Ils savent que ceux-ci choisissent leurs victimes dans les banlieues pauvres. Ils savent très bien qu’une fois qu’ils auront des corrompus, la matraque et la loi du juge seront commandées par les politiciens en accord avec les milieux de l’argent. C’est ainsi qu’on les traque, on les traque… et à force d’être traqués, ils ont le sentiment d’être des rats. Alors ils se font rats et vivent comme des rats avec la certitude de finir comme des rats.

        Tombeau d’Olivier est l’expression des limites de l’amour des parents devant l’affrontement entre la couleur de la peau noire et « les maximes disparates de la doctrine dominante » qui font que toute exception à la règle apparaît comme pathologique, donc à éliminer. En d’autres termes, Tombeau d’Olivier est l’affirmation d’un père blanc de la difficulté d’être un Français noir. Le livre fait apparaître l’écriture comme la signature de chacun d’exister ou d’avoir existé. En effet, Tombeau d’Olivier est l’analyse que fait Alain Badiou des textes laissés par son fils.

Raphaël ADJOBI

Titre : Tombeau d’Olivier, 118 pages.

Auteur : Alain Badiou

Editeur : Fayard, 2020.

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02 mars 2020

Olivier Merle démystifie "Le journal d'un négrier au XVIIIe siècle" de William Snelgrave

          Olivier Merle démystifie le best-seller qui a nourri

la pensée européenne sur la traite négrière jusqu'à nos jours

                       (Note inédite à Raphaël ADJOBI du 9 juin 2010)

Journal d'un négrier au XVIIIe siècle

     «Sur ce livre, mon opinion a évolué progressivement à chaque lecture. Ravi au début du témoignage de première main qu’il semblait être, j’ai eu de plus en plus l’impression (et ce dès la seconde lecture mais l’impression s’est amplifiée par la suite) que ce Snelgrave nous prenait un peu pour des imbéciles.

     Je vois maintenant ce livre sous un jour tout autre que le simple témoignage d’un capitaine négrier qui raconte son expérience. Ce livre est clairement un livre de propagande qui a pour but de riposter au mouvement abolitionniste qui commençait à se développer en Europe. Son propos est de donner les arguments habituels en faveur de la traite et de l’esclavage mais en prenant un soin considérable à convaincre et séduire son public.

Il y a d’abord l’organisation du livre en tout point remarquable.

     Dans le chapitre I, on donne d’abord une vision apocalyptique (le mot est très juste…) de la

Olivier Merle

situation en Afrique. La description de la barbarie africaine est propre à faire dresser les cheveux sur la tête du plus endurci des lecteurs européens, tant la sauvagerie sanglante y est décrite dans tous les détails (décapitations d’hommes par milliers, sacrifices, entassements des têtes pour en faire des pyramides, etc). En contrepoint de cette affreuse barbarie, le capitaine Snelgrave se comporte comme un saint Homme. Ses pensées et ses actes sont ni plus ni moins celles d’un prêtre. Et la mise en scène de son humanité et de son courage relève du grand art. Une anecdote parmi d’autres : voilà donc notre bon capitaine, parmi les nègres sanguinaires qui coupe la tête pour un oui ou pour un non, mais qui ordonne à l’un de ses hommes de détacher un enfant de 18 mois attaché à un poteau parce qu’il va être sacrifié le soir même (Snelgrave est indigné que l’on puisse tuer un enfant…). Le roi n’est pas content (on s’en doute) mais le capitaine rachète l’enfant et le ramène à bord du navire pour le sauver (on imagine la scène). Là, l’histoire devient vraiment merveilleuse. La mère de l’enfant est à bord parmi les captifs (quel hasard miraculeux !), elle se précipite pour reprendre son enfant dans les bras (quel liberté de mouvement pour une captive!) et elle se remet à l’allaiter sous les applaudissements (si, si) et les chants de joie de tous les autres captifs. C’est biblique, on voit le tableau : un Snelgrave debout et baigné de lumière, entouré des captifs noirs agenouillés qui le regardent avec admiration, et la mère donnant le sein à son enfant, au pied du capitaine, dans l’harmonie la plus parfaite. Snelgrave, c’est le Sauveur, une sorte de Christ fait capitaine négrier. Le pire, finalement n’est-il pas que notre amour des belles histoires nous fasse gober cette anecdote à la première lecture (à la seconde, on se reprend, heureusement).

     Voilà donc le chapitre I : un récit d’épouvante, l’Afrique c’est l’enfer, et le capitaine un saint homme au milieu de toute cette barbarie. Le lecteur est mûr pour passer au chapitre II. Après une telle description de l’Afrique, comment ne pas adhérer immédiatement à l’idée qu’il faut sauver ces pauvres Noirs de l’enfer et les emmener en Amérique ? Le chapittre II n’a pas besoin d’être long. Il est donc court.

     Pourquoi le livre ne s’interrompt-il pas à la fin du chapitre II ? Parce qu’il doit être lu par le plus grand nombre et qu’il faut attirer les lecteurs, le bon peuple européen, qu’il faut convaincre. Comment faire ? La meilleure façon est d’ajouter quelques bonnes histoires de pirates dont les Européens étaient friands à l’époque. Et on ne va pas y aller avec le dos de la cuillère. Voilà que ce capitaine Snelgrave a également été capturé par les pirates. Et pas par n’importe lesquels, mais par les plus connus de l’époque, ceux dont on parle dans les chaumières en Europe, à savoir Howell Davis (connu pour avoir pris Fort James sur le fleuve Gambie), le Français La Buse (une autre célébrité) et Cocklyn (connu pour sa férocité). Pour les besoins de l’aventure, on réunit ces trois-là ensemble dans le même épisode (le monde est petit et il faut quand même condenser le récit). Et on place ces aventures au chapitre III afin de s’assurer que le lecteur aura lu les arguments pro-esclavagistes avant de se détendre avec les histoires de pirates. Voilà donc un remarquable livre de propagande, parfaitement construit. 

     Notons qu’il est paru en 1734 et, fait extraordinaire, il a été traduit en français dès l’année suivante en 1735. Il devait y avoir un lobby puissant pour faire traduire et publier si vite ce livre dans la langue de l’ennemi héréditaire. Mais il faut dire que le français était la langue la plus lue en Europe à l’époque, d’où l’urgence d’une traduction. Il sera traduit en allemand en 1747 (décidément, un grand succès de librairie).

     Est-il crédible qu’un livre remarquablement pensé et composé, fourmillant d’anecdotes peu crédibles et allant toutes dans le même sens, ait véritablement été écrit par un capitaine négrier ?

     Qui est-il d’ailleurs, ce capitaine Snelgrave ? A vrai dire, personne ne le connaît et on ignore la date de sa naissance et celle de sa mort. Au point que Pierre Gibert (le préfacier de l’édition 2008 publiée chez Gallimard) écrit : Malgré toutes nos recherches, notamment auprès de la bibliothèque du musée de la Marine de Paris et auprès des services d’archives du musée de la Marine britannique de Greenwitch, nous n’avons pu trouver les dates de sa naissance et de sa mort ; nous faisons appel aux lecteurs au cas où ils pourraient nous informer.

Pour un témoin aussi important, ce serait bien en effet de s’assurer qu’il ait vraiment existé...» 

Olivier Merle

9 juin 2010 (http://www.raphaeladjobi.com/archives/2010/05/27/18027633.html )

 

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22 février 2020

Où sont passés les pharaons blancs ? (Raphaël ADJOBI)

      Où sont passés les pharaons blancs ?

 

Egyptiens et Egyptiennes A

     Depuis quelques années, nous assistons à un spectacle étonnant : plus nous avançons dans le XXIe siècle et plus les égyptologues sont nombreux à contester les affirmations péremptoires nourries par le racisme de leurs prédécesseurs ; affirmations enseignées à travers le monde assurant – par les manuels scolaires, les films et les livres pour enfants - que les Egyptiens avaient construit les pyramides en réduisant des peuples étrangers en esclavage. Aujourd'hui, tous les chercheurs sérieux du monde sont d'accord pour dire que tout cela n'était que mensonge. La revue française Historia de février 2020 vient d’ailleurs d’écrire que s’il y a une certitude, c’est bien celle-ci : l’Egypte ancienne ne connaissait pas l’esclavage ; et comme partout dans l’Afrique ancienne, il n’existait pas en Egypte de mot pour désigner l’esclavage (p. 22). La traite et l’esclavage sont des pratiques qui remontent à l’Antiquité européenne (Histoire des Blancs – Nell Irving Painter, Max Milo 2019) introduits en Afrique par les Arabes au VIIe siècle pour atteindre l’Afrique occidentale au XIIIe siècle. Avant le XIVe siècle, l’Europe ignorait qu’il y avait des hommes au sud du Sahara (cf. Atlas Catalan). Ce qui veut clairement dire qu’avant cette date, en Europe, les esclaves étaient presque tous blancs : «Les esclaves noirs sont une minorité dans le monde avant la traite atlantique» (Catherine Coquery-Vidrovitch – Historia, fev. 2020, p. 20).

 

Numérisation_20200222 (3)

     Mais ce qui est encore plus surprenant, c’est de voir tous les nouveaux égyptologues européens parler ouvertement de «pharaons noirs» ; expression reprise par Télérama dans sa publication du 11 janvier 2020 (voir image). Enfin, l’homme Blanc rapproche le mot « Pharaon » du mot « Noir » ! Mais en disant qu'il y a des «pharaons noirs» qui ont régné sur l'Egypte, Pierre Ancery (qui signe l’article) et le réalisateur du beau documentaire présenté par Arte cette semaine-là, laissent croire qu'il y avait aussi des pharaons blancs ! La question à laquelle ils doivent répondre est celle-ci : où sont les pharaons blancs ? Qu'ils nous montrent les pharaons blancs avec leur peuple blanc vivant en Egypte dans l'Antiquité. Qu'ils nous expliquent pourquoi des Blancs ont édifié des dieux noirs, comme le sphinx ?

Les Pharaons noirs

     Il faut dire que le documentaire Pyramide K2019, sorti en septembre 2019 et publié sur Internet depuis novembre 2019 a lancé un vrai défi à tous les prétendus Egyptologues blancs. Le réalisateur dit clairement que la demande de Cheik Anta Diop pour analyser scientifiquement les corps des pharaons n’a pas été satisfaite ; et cette analyse n’est toujours pas à l’ordre du jour parce que les Arabes, nouveaux occupant de l’Egypte, s’y opposent. Un jeune français, quelque peu globe-trotter, dont les vidéos ont été exploitées par le réalisateur de Pyramide K2019, bien que ne voulant pas remettre en doute la croyance en une Egypte blanche, assure à deux reprises - dans une vidéo qu’il nomme debriefing de K2019 – qu’en visitant le musée du Caire, on ne peut que croire en une Egypte ancienne nègre. Les propos de ce jeune homme m’ont surpris : comment peut-on accorder plus de crédit à ce que l’on raconte par rapport à ce l’on voit, à ce que l’on touche ? Comment peut-on mettre sur le même pied d’égalité le réel palpable et les racontars ? Il préfère demeurer dans les erreurs apprises que de se fier à la réalité qu'il voit et qu'il touche du doigt !

L'Egypte au XIe siècle

    D’autres documentaires récents sur l’Egypte, disponibles sur Internet, laissent clairement comprendre que les égyptologues occidentaux - tel l’Américain George Reisner - qui ont procédé à des fouilles étaient tous des pilleurs de sarcophages pétris du racisme de leur époque. Ces documentaires assurent enfin que si les pyramides de Koush (Soudan actuel) ont les sommets explosés à coups de dynamite, c’est parce que les pilleurs européens croyaient qu’elles étaient conçues comme celles d’Egypte : c’est-à-dire que les plus belles pièces tombales étaient placées à leur sommet. Or, les pyramides de Koush, plus nombreuses et souvent plus anciennes, ont les tombes royales dans les profondeurs de la terre. Ce qui oblige les Egyptologues de ce XXIe siècle à faire parfois des plongées dans des tombeaux inondés par la montée des eaux.

     Réjouissons-nous de l’émergence d’une nouvelles races d’Egyptologues et d’historiens qui travaillent sur le terrain sans oublier de regarder les populations africaines. Jusqu’ici, tous donnent raison à Cheick Anta Diop que très peu d’universitaires européens connaissent.

    Terminons par cette précision : c’est dans la première moitié du XIXe siècle que l’anthropologue et racialiste américain Samuel George Morton (1799 – 1851) assura pour la première fois que la grandeur de l’Egypte ancienne est liée à la supériorité blanche. C’est lui qui voyait des perruques aux cheveux laineux que porteraient les anciens Egyptiens au-dessus de leurs vrais cheveux raides et de couleur claire. Morton pour qui le volume crânien permettait de prévoir les capacités intellectuelles de chaque race ne pouvait croire que les Pharaons soient des Noirs. Alors dans sa lancée, « il déclare que la forme du crâne des anciens Egyptiens – du moins ceux qui sont bien habillés et enterrés en grande pompe – est la même que celle de l’homme blanc moderne » (Nell Irving Painter – Histoire des Blancs, éd. Max Milo, 2019). Lui et ses admirateurs, tels l’Ecossais Knox et le Français Gobineau, trouvaient tout à fait cohérent qu’une race supérieure de Blancs portent des perruques aux cheveux crépus pour régner sur un peuple de Noirs de génération en génération. N’oublions pas non plus que Morton, Knox, Gobineau, Grant, Roosevelt, Emerson et bien d’autres ont divisé les Blancs en plusieurs races et ont placé la race « nordique » - parfois appelée saxonne – au-dessus de toutes les autres. Pour ce qui est de la France, Gobineau et Lapouge affirmaient que deux races occupaient la France : les aristocrates qui seraient des Nordiques et Aryens à tête allongée (dolichocéphales) et les paysans des Alpins à tête ronde (brachycéphales) ; les premiers descendraient des Francs, une race supérieure, et les seconds des gaulois, une race de vaincus (par les Romains) et donc inférieure.

Raphaël ADJOBI

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10 février 2020

Maboula Soumahoro et les immigrés européens : histoire d'un débat autour de l'identité française (Raphaël ADJOBI)

      Maboula Soumahoro et les immigrés européens

           Histoire d'un débat autour de l'identité française

Maboula Soumahoro et les Européens

          En novembre 2019, sur la chaîne de télévision nationale LCI, il a été donné au public français un spectacle édifiant quant à la place que de nombreux Français blancs assignent aux Français noirs dans leur conscience. En moins de deux minutes, deux envolées patriotiques de deux intervenants blancs dévoilèrent avec assurance la barrière que leur communauté avait dressée dans la société pour rendre toujours plus difficile l'épanouissement des Noirs sur le territoire français ; barrière toujours dénoncée par les Noirs mais dont l'existence était toujours niée par les officiels de la République et la grande majorité de la population blanche française. 

          Devant le discours critique de madame Maboula Soumahoro contre le racisme en France, Monsieur Francis Szpiner - fils d'immigrés polonais - sûr d'incarner la France qu'il n'a jamais imaginée que blanche s'écria à deux reprises : «Je n'aime pas que l'on insulte MON PAYS !» Oui, vous avez bien lu. Au regard de la réalité quotidienne, les Français noirs ont clairement conscience qu'ils sont pour leurs compatriotes blancs des étrangers, voire des immigrés qu’il faut rappeler à l'ordre, à qui il faut faire comprendre qu'il y a des limites à ne pas franchir. En ce mois de novembre 2019, cette vérité toujours niée venait d'être clamée et assumée sur la place publique ! Oui, en France, une personne blanche peut critiquer la République ; pas un Noir. Et ce jour-là, sur le plateau de la chaîne de télévision, nombreuses étaient les têtes - surtout masculines - qui avaient approuvé la franche indignation de Francis Szpiner ne supportant pas la critique de son pays par une Noire.

         A peine Madame Maboula eut elle le temps de dire qu'elle avait le droit de dire ce qu'elle voulait de son pays - parce que la France est aussi son pays - qu'Alain Finkielkraut prit la parole pour lui dispenser une leçon d'intégration qu'il jugeait opportune : «Où avez-vous fait vos études ? lui lança-t-il. Je suis un enfant de parents immigrés russes et juifs. Je suis reconnaissant à la France.... Je suis heureux d'habiter un pays qui a à m'offrir une culture aussi admirable. C'est une gratitude que d'autres peuvent exprimer avec moi». Au regard des visages illuminés qui accompagnaient ce discours, on peut dire que le public était de cet avis. Seules deux dames virent dans les deux discours une insulte à l'origine africaine de Madame Maboula Soumahoro.

          Cet événement public et médiatique mérite que l'on s'y arrête et l'analyse à l'aune de certains pans de l'histoire de France, parce que - répétons-le - il est l'expression publique d'une réalité quotidienne constamment niée. En effet, combien d'analyses écrites, de reportages sonores ou filmiques ont essayé de faire comprendre à tous - et surtout à nos gouvernants - que les jeunes Noirs et Maghrébins disent être rejetés par la population française blanche et par les responsables des institutions françaises parce qu'ils sont considérés comme des étrangers indésirables en cette terre de France ? Ce qui suppose bien entendu qu'ils sont différemment traités dans tous les domaines, et donc qu’il y a en France des injustices fondées sur la couleur de la peau. Et c'est exactement ce qu'Alain Finkielkraut et Francis Szpiner viennent de confirmer de façon très éclatante en novembre 2019 dans leurs propos rapportés plus haut. Quiconque nierait l'absence de lien entre le traitement infligé à certains individus et l'image que nous avons d'eux dans notre imaginaire collectif est un imbécile. Oui, la manière de voir l'autre influence notre comportement à son égard. Pour ces deux hommes blancs, cette femme noire est une éternelle étrangère parce que justement noire et donc ne pouvant avoir le droit de dire certaines choses sur la France. Pour Alain Finkielkraut, Maboula Soumahoro est une immigrée incapable de s'intégrer et par-dessus tout ingrate vis-à-vis de la France qui lui a permis de faire des études dans la belle langue française. Et pour Francis Szpiner, comme le fera remarquer une dame prenant conscience de la limite fixée à certains, «ici (en France), tout n'est pas dicible par tout le monde».

                         Comment en sommes-nous arrivés là ?

          En ce début du XXIe siècle, ce moment de télévision nous a clairement montré l'esprit de la grande majorité des Français blancs à l'égard de leurs compatriotes noirs : ceux-ci sont pour eux d'éternels immigrés sommés de dire leur reconnaissance à la France lorsqu'ils parviennent à franchir les multiples barrières dressées sur leurs parcours scolaires et sociaux comme autant de bains purificateurs vers la nationalité française qu'ils n'auront, en définitive, jamais pleine et entière.

          Devant ce triste constat, nous sommes en droit de nous poser cette question : comment en sommes-nous arrivés là ? Comment, malgré les discours clamant la cohésion sociale, comment après les prétendus programmes ou projets pour nous apprendre à mieux vivre ensemble, sommes-nous parvenus à la fin de la deuxième décennie de ce XXIe siècle avec une population blanche incapable de voir la population française noire comme partie intégrante de l'histoire de France ?

          La réponse à cette question est simple : cette population blanche a manqué d'instruction sur des pans entiers de l'histoire de France ! Elle est victime de la culture de l'ignorance pratiquée par l'enseignement français sous la houlette de nos hommes politiques et des concepteurs des manuels scolaires qu’ils influencent. En effet, nos élus et nos gouvernants n'ont jamais pris en compte la dignité de l'autre dans leurs multiples projets et programmes pour une plus grande cohésion sociale entre les Français. Dans la prise des décisions concernant les populations noires, ils n'ont jamais tenu compte du fait que pour respecter la différence de l'autre, il faut apprendre à le connaître. Ils semblent tous avoir oublié que c'est l'étrangeté, l'inconnu, l'ignorance, qui suscite la crainte ou la peur de l'autre et conduit à son rejet. Pourquoi ces Noirs et ces Maghrébins sont-ils d'éternels immigrés aux yeux des Français Blancs ? Pourquoi sont-ils sur le sol français alors qu'ils ne partagent pas la même blanchité que les autres et la même parenté continentale ? Le fait que la République a laissé s'installer dans l'esprit de la très grande majorité de la population blanche l'idée que les Noirs et les Maghrébins sont des immigrés au même titre que les descendants des Hongrois, des Russes, des Polonais, des Italiens, des Espagnols et des Portugais est la preuve irréfutable qu'elle a failli à son devoir : le devoir d'informer, de former sa population de manière continue dans les savoirs historiques qui ont construit la France plurielle d'aujourd'hui.

C'est tardivement, seulement depuis 2008 - suite à la loi dite Christiane Taubira de 2001 reconnaissant l'esclavage des Noirs dans les Amériques et l'océan indien comme crime contre l'humanité - que l’Education nationale a daigné introduire le passé esclavagiste de la France dans notre enseignement ; et cela sans même mettre l'accent sur le fait que depuis 1848, nul ne peut se permettre de dire que la France est un pays de Blancs ! Or l'enseignement de l'Histoire n'est utile et nécessaire que lorsqu'elle permet de comprendre le présent. Déjà, en 1802, la citoyenneté française des Noirs des colonies américaines acquise en 1794 avait été remise en question par Napoléon Bonaparte. C'est dire qu'il y a plus de deux siècles que les Noirs, bien qu'appartenant aux terres de la France, ont une histoire houleuse avec leur pays par le caprice de certains Blancs.

           On peut signaler aussi l'absence du passé colonial de la France dans notre enseignement. Jamais on n'a enseigné dans nos écoles, collèges, lycées et universités, qu'en participant aux côtés d'autres pays européens au partage des terres et des populations du continent noir, la France a fait - pendant près d'un siècle - de plusieurs millions d'Africains des sujets français. Oui, des territoires africains ont été des territoires français et leurs populations des Français ! Malheureusement, cette vérité de l'histoire n'a jamais été enseignée dans nos établissements. Cette carence de notre système pédagogique est donc à l'origine de l’ignorance de ces pans entiers de notre histoire ; une ignorance qui entretient à son tour de manière violente le rejet des Noirs aussi bien dans les discours politiques que dans l'espace public. Quelle honte pour la République de laisser les descendants d’immigrés européens dont les terres des aïeux n'ont jamais appartenu à la France, dont le sang des aïeux n'a jamais été exigé comme prix de leur fidélité à la mère patrie, déverser la haine que véhicule leurs clameurs patriotiques douteuses sur ceux dont les parents, les grands-parents et les arrière-grands-parents ont constitué la fondation de la France de la Ve République ! On peut dire que c'est l'ignorance de l'histoire de France avant les années 1960 qui conduit un immigré hongrois, russe, polonais, italien, portugais ou espagnol à se permettre de lancer à un Noir : «Pourquoi tu viens chez nous ? » ou «Je ne permets pas que l'on insulte mon pays ! ». A l'ignorance s'ajoute aussi une vérité sur laquelle l'attention de tous les citoyens doit être attirée : la prééminence de la couleur de la peau qui fonde la conviction de ces immigrés européens n'ayant aucun passé esclavagiste ou colonial avec la France ! Pour eux, la société française est blanche à l'image de leur propre blanchité. Cette caractéristique qui contribue à l'organisation de la société française laisse croire à n'importe quel immigré blanc de n'importe quelle époque qu'il est plus français que n'importe quel Noir !

           Force est de constater que l'enseignement de l'histoire de France tel qu'il est pratiqué conduit inéluctablement au rejet des Noirs et apparaît donc comme un outil de division plutôt que d'acceptation mutuelle des différentes composantes de la nation. Si l'histoire de France incluant les Noirs est absente dans notre enseignement, cela veut évidemment dire pour chaque enfant - qui sera un adulte demain - que les Noirs sont étrangers à l'histoire de France. Notre pays ne peut à la fois enseigner l'exclusion - par omission - à travers les manuels scolaires et chanter l'intégration. Nier cette incohérence c'est manquer de bon sens. En s’appuyant sur le fait que «le modèle républicain, fondé sur l’égalité formelle des citoyens, refuse toute distinction», écrit Nicole Lapierre, nos gouvernants demeurent aveugles sur la différence et donc «aveugles aux injustices fondées sur la couleur de la peau ou sur tout autre signe de différence visible». Elle ne manque pas de leur rappeler qu’ils ne doivent pas oublier qu’ «il ne peut y avoir d’intégration réussie que si la promesse d’égalité est tenue» (Faut-il se ressembler pour s’assembler ? Seuil 2020). En d’autre termes, comme le dit si bien Simone de Beauvoir, «c’est du point de vue des chances concrètes données aux individus que nous jugeons nos institutions» et non du point de vue de l’idée parfaite que nous en avons.

Raphaël ADJOBI

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06 février 2020

Faut-il se ressembler pour s'assembler ? (Nicole Lapierre)

      Faut-il se ressembler pour s’assembler ?

                                                  (Nicole Lapierre)

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          Faut-il se ressembler pour s’assembler ? est une réflexion, en plusieurs étapes, que Nicole Lapierre a menée autour d’un fait qui a marqué son enfance. Quand elle n’avait que six ou sept ans, elle s’est brouillée avec sa meilleure amie. La mère de celle-ci lui avait alors lancé : «vous êtes toutes les deux juives, vous devez être amies, vous devez vous serrer les coudes». Avec ce livre, l’auteure voudrait dire à la mère de son amie qu’elle avait tort de lier si intimement identité et solidarité au point de faire de l’amitié un devoir. Très rapidement, elle nous fait comprendre comment, en se référant presque toujours aux liens biologiques au sein d’une famille, les groupes sociaux, les partis politiques et les populations d’un même pays, d’une même région ont, à travers les siècles, mis en place des mécanismes d’exclusion des populations minoritaires.

          Un livre à la fois agréable et passionnant dont la clarté des multiples chapitres ou thématiques qui le composent oblige le lecteur à former régulièrement son propre jugement. Un livre qui s’appuie sur le passé de l’Europe pour nous permettre de saisir - au-delà de l’implacable évidence de la formule «qui se ressemble s’assemble» - la permanence d’une pratique qui devrait rendre chacun vigilant et les gouvernants plus attentifs aux besoins de « ceux perçus comme étrangers ou différents, en raison de leur origine, de leur religion, de leur couleur de peau ou de leur apparence». Mais, comme nous le savons tous, et comme le dit si bien François Durpaire, «s’il n’y a pas une spécificité française du racisme, il y a une spécificité de sa négation». En effet, il n’est pas rare de voir nos gouvernants tantôt céder à la pratique de l’exclusion au nom de la laïcité - parce qu’obsédés par la différence - et tantôt récuser cette différence visible, toujours au nom de la laïcité. Nicole Lapierre constate – et nous sommes de son avis – que parce que «le modèle républicain, fondé sur l’égalité formelle des citoyens, refuse toute distinction», nos gouvernants demeurent aveugles sur la différence et donc «aveugles aux injustices fondées sur la couleur de la peau ou sur tout autre signe de différence visible». Ils ne doivent cependant pas oublier, rappelle-t-elle, qu’ «il ne peut y avoir d’intégration réussie que si la promesse d’égalité est tenue».

          Après avoir lu ce livre, on ne peut pas s’empêcher de réfléchir sur le fait que, quand on parle de la République, il serait bon de savoir d’où elle est partie, le chemin qu’elle a parcouru pour se permettre aujourd’hui de dire que c’est elle qu’on défend, que c’est en son nom qu’on agit. A ceux qui manient avec beaucoup de dextérité le curseur très aléatoire de la laïcité, nous adressons ces mots de Simone de Beauvoir qui rejoignent l’esprit du livre de Nicole Lapierre : «C’est du point de vue des chances concrètes données aux individus que nous jugeons nos institutions» et non du point de vue de l’idée parfaite que nous en avons.

Raphaël ADJOBI

Titre : Faut-il se ressembler pour s’assembler, 209 pages.

Auteur : Nicole Lapierre

Editeur : Seuil

Posté par St_Ralph à 13:38 - Littérature : essais - Commentaires [0] - Permalien [#]