Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

Vous trouverez ici des comptes rendus de lectures livresques concernant essentiellement l'histoire des Noirs d'Afrique et celle des Afrodescendants des Amériques et d'Europe. Les actualités de la diaspora africaine ne sont pas oubliées.

28 décembre 2019

La Négresse de Biarritz ou Biarritz la Dégueulasse

                                     LA NEGRESSE

 Biarritz rend hommage à une prostituée noire

   pour service sexuel rendu aux soldats de Napoléon

La Négresse 2

            Alors qu'aucune ville de France n'honore le général Alexandre Dumas, le plus glorieux soldat français de la fin du XVIIIe siècle* - cela pour respecter une mesure prise par Napoléon en 1802 - le maire et le Conseil municipal de Biarritz, adeptes de l'empereur, ont décidé d'honorer une prostituée noire pour service sexuel rendu aux soldats de leur idole.

            Comment, en ce XXIe siècle, en pleine République, un maire et tous les membres du conseil municipal peuvent-ils s'accorder pour reconnaître en une prostituée une gloire nationale au point d'indiquer par la couleur de sa peau tout un quartier de la ville de Biarritz ? Oui, le quartier Harausta de cette ville du pays basque a été débaptisé en 1986 pour honorer, dit-on, une femme noire pour service sexuel rendu aux soldats de Napoléon. Ce quartier s'appelle désormais La Négresse.

                                     Biarritz la dégueulasse !

            Le quartier Harausta était au départ le nom d'une auberge. «L'auberge Harausta, dit  Monsieur le maire, était tenue par une femme très brune, sans doute d'origine mauresque, que les soldats de Napoléon 1er, de passage lors des combats de 1813, avaient surnommée La négresse». Selon Monsieur Michel Veunac, maire de Biarritz, «cette appellation est historique». Bien sûr Monsieur le maire, nègre, négresse, bamboula, font partie de l'histoire de la langue française et traduisent bien l'esprit de sa population à une époque donnée. Mais nous pensons sincèrement qu'accepter que toutes les appellations racistes ou discriminatoires de l'histoire soient dignes d'être honorées par sa  ville, c'est assurément faire preuve de beaucoup de bassesse dans ses jugements. D'autre part, le nom Harausta était aussi une appellation historique. Pourquoi l'avoir changée ? 

            Rappelons que le racisme de l'époque de Napoléon voudrait qu'une Noire ne soit pas appelée par son nom propre mais par la couleur de sa peau. C'est-à-dire qu'un Noir ou une Noire n'était pas une personne mais une chose, un objet, un meuble !  C'est donc cette chosification de la personne humaine que perpétue la mairie de Biarritz par le nom La Négresse ; sinon, elle aurait choisi le vrai nom de cette tenancière de bordel. De même, alors que 12% seulement des artères ou des équipements publics de la capitale célèbrent la mémoire d'une femme illustre, la discrimination ordinaire de notre passé fait que leur sexe est souvent escamoté ! Ainsi, on ne sait pas si la rue Rochechouart, à Paris, rend hommage à un homme ou à une femme. Il en est de même de l'impasse de La Tour-d'Auvergne et de la rue Vigée-Le-Brun. Oui, à une certaine époque, il fallait chosifier les Noirs en ne les appelant jamais par leur nom propre, et il fallait aussi cacher les femmes blanches célèbres sous le nom de famille de leur mari, de leur père ou de leur frère en omettant leur prénom forcément fémin.   

            Le Conseil de Paris vient de songer à la réparation de cette discrimination à l'égard des femmes en votant le changement progressif des plaques cet hiver 2019-2020 (Télérama du 4/12/2019). Enfin, le public saura clairement que ce sont des femmes, des êtres humains différents des hommes qui sont honorés. Enfin, ces femmes auront une identité claire, reconnaissable par tous. Et nous pensons que le conseil municipal de Biarritz devrait s'inspirer du bon sens de Paris plutôt que de s'enferrer dans le racisme en invoquant l'histoire pour continuer à appeler un être humain La Négresse. Rappelons à Monsieur Michel Veunac que «chaque génération a le droit de défaire le monde et le refaire selon ses rêves», que chaque génération a le droit de refuser de porter les sabots des aïeux et de dormir dans leurs draps laissés en héritage. Seule une volonté délibérée de perpétuer une image négative d'une frange de la population française peut justifier la passion d'une cité pour la performance sexuelle des hommes sur le corps d'une négresse. Dans ce cas, Biarritz mérite d'être appelée "Biarritz la dégueulasse" !    

Raphaël ADJOBI

 * Si vous trouvez une rue de France portant la mention "Général Alexandre Dumas", laissez-moi un message avec les précisions qui s'y rapportent. 

Biarritz la dégueulasse

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24 décembre 2019

Quand le Père Noël était mal vu en France

           Quand le Père Noël était mal vu en France 

Noël en France

              Comme Alloween, le Père Noël est une importation païenne qui s'est introduite dans l'église catholique. Ce mariage entre le païen et le religieux est appelé syncrétisme. C'est beau et cela passe mieux dans l'opinion commune.

            Combattu en France durant des années (voir l'image), parce qu'il ne faisait pas l'unanimité parmi les catholiques, le Père Noël n'a pas désespéré. Il savait que les commerçants étaient ses plus fidèles alliés. Avec le capital, on a plus de chance d'aller loin. Quelques pièces devant le bénitier et les catholiques ont donné la communion au gros bonhomme rouge. Depuis, celui-ci prospère dans la cité. Il a tellement de succès en France que les catholiques ont fini par déserter les églises pour le suivre. Aujourd'hui, durant la période de Noël, c'est le Père Noël qui dirige la fête. Tous les enfants ne pensent qu'à lui, à sa générosité. Les adultes sont devenus ses disciples pour entretenir sa célébrité.

            Le père Noël a triomphé dans le cœur des catholiques devenus des adeptes du commerce et du dieu Marché. Le père Noël c'est le nouveau bon berger qui n'oublie pas ses brebis. Il les conduit dans le riche pâturage des grandes surfaces commerciales.

Raphaël ADJOBI

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12 décembre 2019

LaRose (un roman de Louise ERDRICH)

                                                LaRose

                       (un roman de Louise Erdrich)

LaRose

            Voici un livre qui plonge le lecteur dans l'Amérique profonde, celle que le voyageur étranger ne visite pas, celle qui aujourd'hui encore vit en tâtonnant entre deux mondes, l'Amérique des autochtones, des Indiens ! 

            Quelle image avons-nous des descendants des premiers occupants de ces immenses terres des Amériques ? Pour nous en donner une idée exacte, ce roman nous emmène au cœur d'une famille indienne des Etats-Unis, dans le Dakota du Nord. Il nous introduit au sein d'une famille qui, comme toutes les autres familles indiennes, est consciente d'avoir survécu à la terrible période où «les Blancs infestaient la terre comme des poux» et prônaient, avec Franck Baum, l'idée selon laquelle «un bon Indien était un Indien mort». Une famille dont les enfants, comme tous les enfants des autres familles indiennes, suivent dans des écoles et des universités qui leur sont réservées des programmes d'intégration forcée institués par les Blancs ; ceux-là mêmes qui n'ont jamais été capables de s'intégrer nulle part dans le monde. Et au cœur de cette famille, c'est toute une communauté, toute une société dont on découvre le fonctionnement hérité des ancêtres que les plus anciens tentent péniblement de transmettre aux plus jeunes.    

            Le récit débute avec un accident qui nous découvre justement une tradition de cette population autochtone des Amériques : lors d'une chasse au cerf, Landreaux tue Dusk, le fils de cinq ans de son ami et voisin Peter Ravich. Afin de respecter une ancienne coutume en matière de justice, LaRose, le plus jeune fils de Landreaux, passe sous le toit des parents endeuillés pour prendre la place du mort. A travers la nouvelle vie des deux familles - en lien avec leurs parents et leurs connaissances - c'est celle de l'Amérique indienne d'aujourd'hui que nous peint Louise Erdrich.

            LaRose est un roman dans lequel les personnages et les événements semblent prendre leur temps ; rien n'est fait ou n'arrive à la hâte. Ainsi le lecteur est constamment plongé dans une sorte de dimension spirituelle des êtres et des choses. En effet, derrière la vie quotidienne américaine rythmée par les smartphones, les automobiles, les hamburgers et les sodas, la tradition indienne est toujours présente dans les gestes, dans les mots qu'il convient de dire ou ne pas dire. On croit parfois être confronté à un monde qui, inéluctablement, va s'effondrer. Mais plus on avance dans la lecture du livre, plus ce monde se découvre à l'image de l'aïeule LaRose pour qui «mourir prenait tellement de temps que l'effort l'avait fortifiée». Le lecteur finit alors par se montrer philosophe et partager avec les personnages l'idée que si «le chagrin dévore le temps», il arrive aussi que «le temps dévore le chagrin».

Raphaël ADJOBI  

Titre : LaRose, 566 pages

Auteur : Louise Erdriche (Etats-Unis, 2016)

Editeur : Albin Miche, coll. Le livre de poche, 2018  

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07 décembre 2019

Mamadou Koulibaly enfin à la hauteur des attentes des Ivoiriens et des Africains !

Mamadou Koulibaly enfin à la hauteur des attentes

                des Ivoiriens et des Africains

Mamadou Koulibaly 3

            Depuis un ou deux ans, Monsieur Mamadou Koulibaly - président de LIDER, parti ivoirien - se distinguait des autres dirigeants de parti par ses comptes rendus réguliers de la situation politique de son pays tout en y ajoutant ses réflexions personnelles et ses projets de remplacement. Un travail sérieux qui retenait l'attention de nombreux Ivoiriens. Mais l'homme restait dans l'esprit de beaucoup le compagnon de route du président Laurent Gbagbo ayant quitté le navire au moment de la tempête. Il restait surtout dans l'esprit de ses amis de l'opposition le privilégié d'Alassane Ouattara. En effet, Mamadou Koulibaly était celui qui pouvait se permettre de critiquer le régime du «rattrapage ethnique» sans jamais subir les mauvais traitements infligés aux autres ; patronyme nordiste oblige. Oui, il est du nord de la Côte d'Ivoire ; et dans une république qui a juré de venger les nordistes du pays, l'attaquer serait se renier pour Dramane Ouattara. Mamadou Koulibaly prospérait donc depuis presque dix ans sous la bienveillance du préfet français Dramane Ouattara. Même ses multiples interventions contre le Franc CFA n'ont pas été suffisantes pour redorer considérablement son blason afin de faire de lui l'étendard idéal de la conquête de la dignité de la Côte d'ivoire bafouée par le pouvoir actuel. 

            Mais voilà que depuis le début de ce mois de décembre 2019, les propos de son porte-parole, Madame Nathalie Yamb, lors du sommet de Sotchi en Russie, en octobre dernier, sont venus ébranler la fragile cohabitation de Mamadou Koulibaly avec le pouvoir ivoirien. Nathalie Yamb - de nationalité suisse et camerounaise - vient d'être expulsée de Côte d'Ivoire pour trouble à l'ordre public français. Est-ce le bannissement de sa collaboratrice suite à ses propos très appréciés par l'ensemble des Africains qui a poussé Mamadou Koulibaly à franchir la ligne qui vaut à tout africain le courroux de la France - maître de l'Afrique francophone et de ses multiples valets-présidents ? Il semble de toute évidence que cette expulsion qui coïncide avec les récents propos du président français demandant depuis Londres - après le sommet de l'Otan - aux chefs d'Etats africains de faire en sorte « que les voix qui suscitent, portent et divulguent ce qu'il appelle le sentiment antifrançais dans les pays francophones se taisent» a été le déclencheur de son dernier discours d'une tonalité nouvelle sur la scène politique africaine.    

            En tout cas, l'homme est allé droit au but et se présente désormais non pas en candidat à la présidence de son pays mais comme l'adversaire officiellement déclaré des «relations incestueuses entre l'Etat français et nos autorités.» Des relations qui, selon lui, «étouffent la démocratie, des relations qui étouffent les droits de l'homme, des relations qui étouffent la possibilité que nous devons avoir de demander des comptes à nos dirigeants, des relations qui étouffent l'expression plurielle» en Afrique francophone !   

             Même si Les propos du Malien Salif Kéïta ont déjà quelque peu ébranlé la sphère politique franco-africaine ces derniers jours - compte tenu de sa notoriété internationale - ils étaient  ceux d'un artiste partisan d'une contrée de l'Afrique en proie à un mal local. La preuve en est l'usage de la langue bambara lors de son discours. Mamadou Koulibaly, quant à lui, a trouvé les mots justes, au moment opportun ! On peut dire qu'il a osé se hisser au diapason des aspirations profondes de ses compatriotes et des Africains en général. Pour la première fois, un homme politique africain - chef de parti et aspirant à la direction de son pays - ose publiquement et officiellement interpeller le président de la République française pour lui faire comprendre le sentiment de son pays et de l'Afrique francophone à l'égard de la politique africaine de la France. «Monsieur le président, dit-il, nous avons le sentiment que vous êtes complice avec nos chefs d'Etat pour nous brimer ! » Et pour rendre plus explicite sa pensée, il a rappelé les passés esclavagiste, colonial et néo-colonial des aïeux et des prédécesseurs de Monsieur Macron afin qu'il comprenne que les jeunes africains d'aujourd'hui ne veulent plus de cette vie quotidienne se résumant à l'histoire douloureuse de l'Afrique qui se poursuit dans le présent. Cette audace vaut bien un emprisonnement par Ouattara - bien sûr en suivant les recommandations de l'Elysée. Mais Ouattara n'osera pas ; et Macron non plus n'osera pas demander à son préfet ivoirien cet affront à la Côte d'ivoire et à l'Afrique ! Tout simplement parce que toute réplique radicale serait une déclaration de guerre officielle aux jeunes africains désireux de tourner la page des Houphouët-Boigny, Ali Bongo, Konan Bédié, Konan Bany... Laurent Gbagbo s'est avancé dans le combat avec franchise et beaucoup de courtoisie. Mais il parlait aux Ivoiriens et aux Africains. Ces derniers étaient d'ailleurs peu nombreux à l'avoir suivi et soutenu. Certains étaient même contents du sort qui lui a été infligé pour son audace. Aujourd'hui, l'Afrique est prête parce que partout elle parle le même langage : le langage de la liberté et de la dignité. Mamadou Koulibaly l'a bien compris et a osé le dire clairement au président français et non aux Africains ! Il ne dit pas aux Africains «levez-vous» ; il dit au président français «vous devez cesser la politique de prédation et de déstabilisation de l'Afrique avec la complicité de nos dirigeants !»

            Monsieur Mamadou Koulibaly vient donc d'entrer dans l'histoire de l'Afrique. La grande différence avec ses prédécesseurs, c'est d'avoir choisi de s'adresser directement au président de la République française pour lui demander de cesser d'être celui qui confère aux chefs africains leur légitimité faisant d'eux des adversaires de leurs propres populations. Il a osé dire au président français qu'il n'y a pas en Afrique un sentiment antifrançais mais «un ras-le-bol, une révolte, un refus de la mainmise de l'Etat français sur nos autorités et par ricochet sur nos peuples». Il a eu l'audace de dire au président français «LET MY PEOPLE GO !» C'était simple ; mais il fallait y penser et le dire.                     

Raphaël ADJOBI

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02 décembre 2019

Nathalie Yamb, expulsée de la Côte d'Ivoire pour trouble à l'ordre public français !

          Nathalie Yamb, expulsée de la Côte d'Ivoire

           pour trouble à l'ordre public français !

Nathalie Yamb

           Madame Nathalie Yamb - jouissant de la double nationalité Suisse et camerounaise aux dires de certain - est sommée par la justice ivoirienne de quitter la Côte d'ivoire pour trouble à l'ordre public français ; et cela, suite à son intervention très remarquée contre la France lors du sommet Russie-Afrique à Sotchi les 23 et 24 octobre 2019. De toute évidence, sous un régime qui a horreur de toute forme d'opposition, les adversaires de son indéfectible ami la France ne peuvent qu'être considérés comme les adversaires de la Côte d'ivoire et donc dignes d'une expulsion.  

            Que Madame Nathalie Yamb - conseillère de monsieur Mamadou Coulibaly, fondateur et président du parti politique ivoirien LIDER - s'estime très heureuse de ne pas être Ivoirienne. La sanction aurait été d'une autre mesure ! Madame Yamb est une africaine et par conséquent elle a le droit de s'attaquer à n'importe quelle puissance étrangère qu'elle juge prédatrice de ce continent et de la vie quotidienne des siens. Ce qui surprend donc, c'est la décision prise par un pays africain de bannir de son territoire une africaine qui se bat pour sa souveraineté contre la France. Il est à retenir que la Côte d'Ivoire d'Alassane Ouattara vient de déclarer de manière officielle la lutte pour la disparition du Franc cfa, celle pour le démantèlement des bases militaires françaises en Afrique comme des "activités incompatibles avec son intérêt national" ! C'est en clair ce qui a été notifié à Madame nathalie Yamb pour justifier son expulsion de la terre ivoirienne. Edifiant ! 

            Aux dires de Madame Nathalie Yamb, le seul représentant d'un pays étranger à s'être pratiquement jeté sur elle pour proférer des reproches dès la fin de son intervention fut un officiel français. En d'autres termes, cet accrochage fut la première réprobation officielle qui a suivi un discours fort apprécié par les africains sur place et sur les réseaux sociaux. Et cette réprobation émanait de la France. C'est donc à la France que profite la sanction ivoirienne qui frappe Madame Nathalie Yamb. Force est de constater que ce sont des rabatteurs africains - des dozos ivoiriens, chasseurs du gibier humain - qui, poursuivant une longue tradition de collaborateurs des négriers blancs, se chargent de convoyer la marchandise nègre au pied de l'homme blanc.

            Quelle image très désagréable de l'Afrique ! Nous sommes curieux de savoir ce que ces autorités ivoiriennes - issues des dozos, chasseurs traditionnels du gibier humain - se disent chaque matin devant leur miroir au moment de se préparer à aller servir la France au lieu de l'Afrique, au lieu de leurs parents, de leurs enfants qui vont vivre sur cette terre d'Afrique qu'elles s'appliquent à livrer mains et pieds liés à la France ! Que se disent-ils ces Ivoiriens, ces Africains serviles au moment de trahir les leurs pour bénéficier en retour des caresses de l'occident ? Quelles images se déroulent-elles dans leur tête ? De la fierté ? Une absolue négation de leur couleur de peau et de leur terre natale ? 

            Peut-être qu'il y a des nègres qui ne pensent pas. Peut-être qu'il y a des Noirs qui ignorent par nature le sens de la dignité humaine qui vous oblige à défendre ce qui appartient au groupe auquel vous appartenez. Mourir dans son lit sans jamais avoir proféré une parole contre le sort fait aux siens, à sa terre, c'est quitter ce mode comme un objet jeté au rebut. Quelle mort abominable ! Que Dieu vous en préserve !

Raphaël ADJOBI            *Article légèrement modifiée suite à la publication de l'identité ivoirienne de Mme Yamb.

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25 novembre 2019

Architecture de la contre-révolution ou comment coloniser par l'habitat (Samia Henni)

             Architecture de la contre-révolution

       ou comment coloniser les populations par l'habitat

  (analyse de l'essai de Samia Henni par Xavier de Jarcy / Tlélérama)

Architecture de la contre-révolution

            Voilà une vérité qui devait être dite. Pendant la guerre d'Algérie, de 1954 à 1962, la France entreprit une contre-révolution par l'urbanisme. Pour soustraire les Algériens à l'influence du FLN (Front de libération nationale) et briser les structures sociales traditionnelles, l'armée déplaça plus d'un million de villageois et les parqua dans ce qu'il faut bien appeler des camps de concentration. Construits hors de toute légalité, ces alignements de baraques où les «populations musulmanes» survivaient dans des conditions désastreuses, furent officiellement nommées «centres de regroupement». L'une des grandes qualités de ce premier ouvrage de l'historienne de l'architecture Samia Henni est d'ailleurs de s'attarder sur le vocabulaire : pour étouffer le scandale, les «centres», à peine améliorés, furent rebaptisés «villages». 

            Mais ce n'était qu'un début. En 1958, sous prétexte de résorber les bidonvilles, Paris lança le plan Constantine pour occidentaliser la société algérienne à grande vitesse. Toute une bureaucratie s'appliqué à définir des types de logements par catégories supposées d'habitants : «musulmans non évolués», «musulmans peu évolués», "population musulmane ayant atteint un certain degré d'évolution». comme les colons européens rejetaient le style architectural néomauresque, on imposa les mêmes quartiers de tours de barres qu'en métropole - mais avec des appartements encore plus petits - en espérant qu'un nouveau mode de vie en naîtrait, fondé sur l'endettement bancaire et la consommation. 

            S'appuyant sur des archives inédites, des plans et des photographies, Samia Henni restitue d'une écriture limpide l'ambiance poisseuse de l'époque, avec ses généraux putschistes, ses technocrates parachutés, ses anciens fonctionnaires du régime de Vichy, dont Maurice Papon, préfet du département de Constantine. En mesurant la somme de cynisme et de bêtise mobilisée dans cette lamentable affaire, on est partagé entre le chagrin et la honte. En fin de compte, ce livre raconte que derrière le labyrinthe de sigles et d'acronymes ésotériques, sous le neutre vocable technicien,  des «sections administratives spécialisées» ou des «zones d'aménagement cordonné», se cache une arme politique terriblement puissante : l'urbanisme.

Xavier de Jarcy

Titre : Architecture de la contre-révolution, 352 pages

 Auteur : Samia Henni

Editeur : B42

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18 octobre 2019

Profanation d'une sépulture de l'ancienne Egypte ou la course au commerce des momies

  Profanation d'une séputure de l'ancienne Egypte

                ou la course au commerce des momies  

Exhumation de sarcophages en Egypte Oct

            Le mardi 15 octobre 2019, des sarcophages de plus d'une vingtaine de corps momifiés ont été découverts à Luxor, en Egypte. L'ensemble des sarcophages a été extrait d'une même sépulture semblable à une grande pièce à deux étages.

            Tomber par hasard sur un trésor ancien et vouloir en faire la jouissance à notre époque est la plus belle chose que l'on puisse souhaiter à quelqu'un. Ainsi les statues nègres de l'ancienne Egypte font le bonheur des musées arabes de L'Egypte actuelle et des musées européens, tandis que les statues nègres de l'ancien Mexique profite aux populations du Mexique actuel. Mais quand il s'agit d'exhumer, non pas des ossements trouvés à même le sol, mais des corps dont les peuples anciens ont pris soin de leur préparer un voyage hors du temps des hommes, tout cela pour en tirer un bénéfice financier, alors on atteint l'irrespect du repos des ancêtres des autres.

Exhumation de sarcophages 2

            Les peuples arabes et européens, dont les ancêtres ignoraient la science de la conservation des corps, se précipitent aujourd'hui comme des rapaces sur la moindre dépouille nègre pour en tirer un profit commercial. Quelle attitude macabre pour ces peuples qui ignorent le repos des anciens qui ne sont pas les leurs. 

            Aujourd'hui, il suffit de faire une inscription sur une tombe en Europe ou dans un pays arabe pour mériter la prison ou la décapitation. Mais les sépultures nègres - non pas des ossements trouvés en pleine terre - peuvent être ouvertes et les dépouilles exposées au regard sacrilège de la multitude, donc commercialisées. C'est dire que même mort, le nègre rapporte gros aux yeux des Blancs et des Arabes ! Personne n'ose imaginer les cercueils d'un caveau des anciens Grecs ou Romains ouverts et les corps exposés et distribués à travers le monde pour satisfaire la curiosité morbide des humains. 

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            Depuis le VIIe siècle de notre ère que les arabes occupent l'Egypte, ils n'ont jamais été capables de quelque invention ou production particulière qui les caractériserait. Depuis plus de treize siècles, ils ne vivent que de l'exploitation des corps des Noirs et des Georgiennes et autres femmes du Caucase. Maintenant, ils vivent des tombes des ancêtres des Noirs. Quand se mettront-ils enfin à créer quelque chose qui leur soit propre ?

            Que ceux qui, aujourd'hui, entretiennent jalousement les tombes de leurs aïeux et de leurs ancêtres retiennent cette leçon - si toutefois elle peut susciter en eux un semblant d'humanité : si tu veux que l'on respecte ton passé, respecte celui des autres. Sinon, commençons par imaginer dès maintenant notre Panthéon entre les mains d'un peuple vainqueur faisant  des corps de nos hommes illustres le même commerce macabre qui nous passionne aujourd'hui - s'agissant des momies nègres de l'ancienne Egypte.      

Raphaël ADJOBI

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01 octobre 2019

Batouala, véritable roman nègre (René Maran) - Une analyse de Raphaël ADJOBI

                                                    BATOUALA

                                           Véritable roman nègre

                                                      (René Maran)

Batouala - René Maran

Quand on sait que ce classique de la littérature française a obtenu le prix Goncourt en 1921, et surtout qu'il a provoqué une indignation générale dans les milieux politiques de l'époque, on le lit avec la fièvre d'y découvrir un récit enflammé contre la colonisation, cette entreprise de «destruction des cultures africaines et de leurs modes d'expression» afin d'imprimer dans la conscience des Noirs "la supériorité de la culture occidentale". A vrai dire, cette critique est bien timide, pour ne pas dire à peine perceptible.

            Il est donc nécessaire de se plonger dans le contexte historique pour comprendre pourquoi Batouala a été à la fois salué par un prix et des cris d'horreur. En effet, à l'époque des expositions coloniales célébrant le rayonnement de son empire colonial, à l'heure où de nombreux intellectuels étaient convaincus du devoir de la France de civiliser les peuples de ses colonies africaines, présenter cette entreprise comme celle de la destruction des cultures africaines semblait alors totalement irrévérencieux et même antipatriotique.

            C'est donc cette singularité du discours introduisant ce récit - plus que le bref passage du livre où les Noirs jugent les colons - qui a retenti comme une détonation dans le beau paysage de l'esprit colonial de l'époque. En effet, si avant Cheik Hamidou Kane, avec L'aventure ambiguë (1961), René Maran a été le premier Français à faire des Noirs des personnages principaux jugeant les Blancs - les personnages secondaires - il a surtout été le premier, avant Aimé Césaire avec son Discours sur le colonialisme (1950), à pourfendre le colonialisme dans l'introduction de Batouala. C'est cette audace de René Maran qui lui a coûté son poste d'administrateur des colonies en Oubangui (actuelle Centrafrique) et a fait de lui l'un des précurseurs de la négritude.

© Raphaël ADJOBI

Titre : Batouala, 186 pages

Auteur : René Maran

Editeur : Magnard, Classiques contemporains, 2002.  

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26 août 2019

La lecture, cette bienfaisante richesse que l'on néglige !

    La lecture, cette bienfaisante richesse que l'on néglige !

La lecture 4

            Le 24 août 2019, quelle ne fut pas ma surprise d'entendre une radio annoncer que, selon quelques chercheurs, la lecture serait un remède contre la dépression ! Fallait-il comprendre que la science ignorait le rôle thérapeutique de la lecture que les hommes de lettres et les amoureux des livres pratiquent et conseillent depuis si longtemps ? Maintenant qu'ils nous donnent raison contre les industries pharmaceutiques qui incitent les médecins à soumettre à un traitement médical fait de psychotropes tout enfant quelque peu agité ou instable, impulsif, étourdi ou tête-en-l'air, nous pouvons nous mettre à espérer que nous verrons bientôt des ordonnances rédigées en ces termes : «3 à 5 pages de lecture le matin ; 3 à 5 pages de lecture le soir». Une prescription à insérer dans la panoplie d'une éducation rigoureuse pour canaliser les caprices et les débordements des plus jeunes. 

            C'est ici l'occasion de rendre hommage à cette chef d'établissement qui a instauré dans son collège un temps de lecture pour tous - élèves, enseignants, les personnels de l'administration, de la restauration et de l'entretien ; et cela sans attendre l'avis des énarques qui empoisonnent notre système pédagogique par leurs réformes toujours incohérentes jamais précédées d'un état des lieux pouvant montrer que l'objectif visé correspond bien à un besoin réel des enfants ou de la société. 

            Le livre est non seulement un trésor de connaissances et donc de richesses mais il est aussi un soutien individuel parce qu'il est un instrument d'évasion, de voyages dans des contrées insoupçonnées pour vivre des vies et jouir de délices nécessaires à la régénération de notre esprit. Oui, la lecture, comme le disait si bien Arlette Laguiller, est le seul moyen de s'enrichir sans jamais rien voler à personne. Encourageons donc les jeunes générations à s'enrichir sans modération et sans scrupule ! Quant au pouvoir thérapeutique de la lecture, nous pensons qu'il est préférable de laisser la parole à quelqu'un qui l'a expérimenté. Voici ce qu'en dit l'écrivain Lionel Duroy : «Quand vous souffrez intensément, il y a toujours un livre essentiel pour venir à votre rencontre et vous sauver du désespoir. En 1990, au moment où j'ai rompu avec toute ma famille, je vivais avec Extinction, de Thomas Bernard, dans ma poche. Je relisais sans cesse ce passage où il parle de la haine que lui portent ses proches, et de sa façon de détourner cette haine contre eux [...] Quand je vais très mal, j'entre dans une librairie, je demande un livre de secours, puis je me mets à lire et je ne suis plus là. Voilà toute la magie de la littérature : vous disparaissez de la réalité» (Propos recueillis par Marine Landrot ; Télérama n°3632 du 24 août 2019).

            Tous les amoureux de la lecture savent, comme Lionel Duroy, que quand la vie nous apparaît profondément décevante, le livre devient un îlot de sauvetage, un lieu vivable. Apprenons donc à prendre le temps de nous asseoir, le temps d'ouvrir un livre et d'entreprendre un voyage vers un univers toujours vivable pour notre esprit et pour le bien notre corps. 

Raphaël ADJOBI

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15 juillet 2019

Le Code noir de Louis XIV (Théâtre - Léandre SAHIRI)

                                  Le Code Noir de Louis XIV

                                     (Théâtre - Léandre SAHIRI)

Le Code noir de Louis XIV - Léandre Sahiri

            Si vous trouvez la longue enfilade d'articles du Code noir imbuvable, préférez Le Code Noir de Louis XIV qui est sa version théâtralisée. Cette pièce de Léandre Sahiri aurait pu s'intituler "la controverse de Versailles" - en écho à la fameuse Controverse de Valladolid. Malheureusement, aucun des protagonistes de la pièce ne contrecarre la réglementation de l'esclavage des Noirs dans les Amériques présentée à Louis XIV par le marquis de Seignelay à la place de feu son père le ministre Jean-Baptiste Colbert ; et cela pour deux raisons : d'une part, elle affirme l'autorité du roi sur les colonies américaines du royaume qui ne peuvent continuer à vivre sans loi ; d'autre part, réglementer l'esclavage des Noirs signifie que le roi est soucieux de l'état de la source essentielle de ses finances.

            Cependant, l'absence de toute réelle volonté de s'opposer aux défenseurs du Code noir ne rend pas du tout monotone la pièce de Léandre Sahiri. Bien au contraire le ton est dynamique et varié grâce aux questions délibérément pleines de doutes formulées par Louis XIV - parfois relayé par le Duc d'Orléans et le Père Lachaise - et aux explications savoureuses des défenseurs du code noir.  

            En effet, en lisant cette pièce, on a l'impression d'être plongé dans Les animaux malades de la peste de Jean de La Fontaine. Dans cette fable célèbre, le lion - le roi des animaux - est celui qui reconnaît que manger les moutons et parfois même le berger comme il le fait pourrait être la cause du courroux du ciel qui les frappe par le biais de la peste. C'est effectivement l'attitude qu'adopte Louis XIV quand il dit : «Mais [...] Honorables conseillers, aurions-nous le droit de traiter les Noirs ainsi ? Aurions-nous, ma foi ! le droit de nous enrichir de cette manière, par ces voies ? Pourrait-il être permis de devenir opulent, en rendant malheureux ces individus, sous prétexte qu'ils ne sont pas des Blancs ? [...]» (Acte I, scène 2). Et une fois que ses conseillers l'ont convaincu que rien de tout cela n'est contre les lois de la nature puisque le noir est la négation du «blanc (qui) est la couleur de la nature», Louis XIV dit, rassuré : «A vrai dire, [...] moi-même, le noir me trouble. La noirceur, je l'avoue, m'hérisse les poils. Je ne sais pas pourquoi, mais par exemple, quand je regarde un tableau, j'ai toujours l'impression qu'un fardeau peint en noir est plus lourd qu'un fardeau peint en blanc». 

            En tout cas, Le Code noir qui a officiellement précipité les Africains hors de l'humanité est présenté ici sous un jour qui n'arrache pas des indignations mais plutôt des sourires. Une réunion de hauts dignitaires d'un royaume qui préparent en toute légalité et en toute quiétude un crime contre l'humanité peut effectivement paraître drôle rétrospectivement. 

Raphaël ADJOBI 

Titre : Le Code Noir de Louis XIV (Théâtre), 155 pages

Auteur : Léandre Sahiri

Editeur : Editions Menaibuc, 2008.

Posté par St_Ralph à 09:48 - Théâtre - Commentaires [2] - Permalien [#]