Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

Vous trouverez ici des comptes rendus de lectures livresques concernant essentiellement l'histoire des Noirs d'Afrique et celle des Afrodescendants des Amériques et d'Europe. Les actualités de la diaspora africaine ne sont pas oubliées.

02 février 2020

La traite négrière dans les manuels scolaires français (Raphaël ADJOBI)

 La traite négrière dans les manuels scolaires français 

       Rappel : en France, si «les programmes sont nationaux et définis par le ministère de l’Education nationale […], le contenu des manuels est déterminé par les éditeurs et la seule loi du marché. Le choix de la langue et du style, la sélection des sujets et des textes, l’organisation et la hiérarchisation des connaissances obéissent à des objectifs politiques, moraux, religieux, esthétiques, idéologiques, économiques explicites et implicites» (François Durpaire et Béatrice Mabilon-Bonfils - Fatima moins bien notée que Marianne, éditions, de L’Aube, 2016). A regarder les choses de plus près, un manuel scolaire est à la fois «un support de la conservation de ce qu’une société choisit de dire d’elle-même, la trace des choix scolaires d’une époque», avant même d’être un support de transmission de connaissances. Ce qui veut dire clairement que «les manuels scolaires ont un rôle dans la formation des normes et des opinions des élèves» (id.).

       Et concernant précisément l’enseignement de la traite négrière atlantique, il convient de voir ensemble comment ce sujet est traité dans nos manuels scolaires pour comprendre l’opinion que l’on entretient dans la conscience des élèves, les citoyens de demain.

       Mais il convient de rappeler aussi que c’est en 2008, suite à la loi Taubira de 2001 reconnaissant la traite et l’esclavage des Noirs dans les Amériques et dans l’océan Indien comme crime contre l’humanité, que l’obligation d’enseigner ce sujet est inscrite au programme des classes de quatrième. Il y a donc seulement 12 ans que ce pan de l’histoire de France a fait son entrée dans les collèges, sans jamais avoir fait, au préalable, l’objet d’enseignement dans nos universités. En joignant cette carence pédagogique en amont à ce que nous avons dit en introduction quant aux règles qui président à l’élaboration des manuels scolaires, on n’est pas étonné de voir leur contenu se situant parfois très loin de la vérité des faits historiques. Parler alors de fabrique d’opinions ne serait pas exagérer. 

         Une gravure de propagande pour former une opinion générale

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       Ainsi, une gravure de propagande contre les abolitionnistes au XVIIIe siècle est reprise dans presque tous les manuels scolaires sans même aucune considération pour le message absolument faux qu’elle véhicule. On peut y lire «Marchand d’esclaves de Gorée». Depuis douze ans, ni les éditeurs, ni les usagers n’y trouvent rien à redire. Or, l’île de Gorée n’a jamais été un marché aux esclaves mais un camp de concentration des captifs loin des leurs dans l’attente de leur embarquement vers les Amériques. C’est comme si on enseignait quelque part dans le monde qu’Auschwitz était un camp de vacances pour Juifs. A la vérité, il n’y a jamais eu de marché aux esclaves sur les côte du golfe de Guinée puisque tous les Africains déportés dans les Amériques étaient des personnes capturées comme du gibier ; donc des captifs et non des esclaves.

Falsification pédagogique

       Depuis deux ou trois ans, sans doute attentif aux nombreux voyages des Africains-Américains à l’île de Gorée devenu un lieu de mémoire, un éditeur décida d’enlever à cette image du XVIIIe siècle son titre originel qui témoigne sûrement de l’ignorance de son auteur pour le remplacer par un autre encore plus trompeur. On peut désormais lire dans certains manuels sous cette gravure : «Un marchand européen et un vendeur d’esclaves africain». En généralisant ainsi le titre, le crime devient parfait ; on laisse croire que partout en Afrique - précisément dans le golfe de Guinée - il y avait des marchés aux esclaves où les négriers européens allaient faire leurs courses. Et tout le monde adhère à ce qui est affirmé comme une indéniable vérité, puisqu’elle s’appuie sur une image du XVIIIe siècle !

Collier de la servitude

       Certains manuels scolaires poussent même l’audace jusqu’à ajouter à cette gravure des commentaires personnels n’ayant aucun lien avec l’histoire de l’esclavage. Ainsi, un éditeur se permet d’ajouter que que sur la même gravure «les esclaves portent le collier de la servitude». Vous ne trouverez nulle part chez les historiens anglais et américains que les Africains portaient un collier signalant leur état de servitude. 

       Sur l’une des deux images ci-dessous, il est encore fait mention du «collier de la servitude». Ce collier censé être porté depuis l’Afrique – image précédente – apparaît différent sur l’image ci-dessous. Les Européens marquaient-ils l’état de servitude de leur domestique par un collier ? Là, c’est aux Européens de répondre à cette question. Quant au collier de servitude de la première image, il n’a jamais existé. Aucun peuple du golfe de Guinée n’a jamais pratiqué l’esclavage ni identifié le captif par un collier. 

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                            La réalité sur le terrain africain

Capture Capcoast castel Ghana

       Solidement installés dans des forts qui constituent leurs bases militaires, Les Européens font la loi. Tout chef africain qui n’exécute pas leurs volontés devient leur victime en même temps que l’ensemble de son village, C’est dans ces forts – bien protégés des Africains et de la cupidité de leurs concurrents – que les Européens entassaient les captifs avant l’arrivée des navires négriers. Le fort de Gorée (au large de Dakar au Sénégal) n’est absolument pas un cas exceptionnel. Aucun historien n’a démontré l’existence de marchés aux esclaves sur les côtes de l’Afrique où opéraient les Européens.

Frot au Ghana

       A partir de ces forts militaires appelés comptoirs ou captiveries – parfois «esclaveries» - les émissaires de chaque royaume européen organisaient les captures d’êtres humains en s’appuyant sur les Africains qu’ils pouvaient terroriser ou corrompre. En effet, grâce aux produits venus d’Europe, ces émissaires obtenaient la collaboration de certains chefs africains et de groupes de trafiquants attirés par l’appât du gain. L’histoire nous enseigne que tout envahisseur ou occupant suscite des «collabos». C'est l'envahisseur nazi qui a produit la collaboration du régime de Vichy dirigé par le maréchal Pétain. 

    A tous ceux qui emploient encore l’expression «commerce triangulaire» sans tenir compte des informations historiques données ici, posons cette question : «si les patrons des grandes surfaces commerciales françaises allaient dans les campagnes se fournir en légumes, en viande et en lait armés de fusils et de canons, diriez-vous qu’ils achètent ces produits aux agriculteurs et aux éleveurs ?» Nous ne croyons absolument pas que vous diriez que les agriculteurs et les éleveurs leur vendent leurs produits. Nous ne croyons absolument pas que vous diriez que les produits vendus dans les magasins ont été acquis honnêtement par les patrons. Il est donc temps d'oublier l'expression "commerce triangulaire" parce que l'on ne peut pas parler de commerce quand on obtient ce que l'on veut par la contrainte.

Cour intérieure du Frot

       Cette technique sera la même qui sera utilisée par la France au XXe siècle pour obtenir la contribution de ses colonies aux deux guerres mondiales contre les Allemands : «la France recourt à la voie d’appel, notamment en Algérie avec l’aide active des chefs locaux qui perçoivent une prime par homme enrôlé. C’est en Afrique noire que la force a été le plus employée pour obtenir le nombre de "volontaires" requis […] Chaque cercle est tenu de fournir un certain nombre de recrues. La France va donc utiliser ses alliés, comme les chefs de villages pour recruter [...] Les chefs de villages n'ont d'autres choix que de respecter les décisions de l'administration» (Armelle Mabon – Prisonniers de guerre indigènes, visages oubliés de la France occupée – Archives nationales Paris, 1990 – Cdt Maloux, Le tirailleur sénégalais de la 9e division d’infanterie coloniale ; Moulaye Aïdara, Histoire oubliée des tirailleurs sénégalais, mémoire de DEA, mentionnés par Armelle Mabon).

Remarque : en France, dans les manuels scolaires et les livres d’histoire, quand il s’agit des Africains, on ne fait jamais la différence entre un captif (un prisonnier) et un esclave (celui dont on exploite la force physique par le travail). Aline Helg (Suissesse – Plus jamais esclave, 2016) et Markus Rediker (Américain – A bord du négrier, 2013) sont les deux historiens qui se sont clairement désolidarisés de cet amalgame délibéré pour laisser croire que les africains déportés étaient déjà des esclaves en Afrique.

Raphaël ADJOBI

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La traite négrière dans les manuels scolaires français

La traite négrière dans les manuels scolaires français 

       Rappel : en France, si «les programmes sont nationaux et définis par le ministère de l’Education nationale […], le contenu des manuels est déterminé par les éditeurs et la seule loi du marché. Le choix de la langue et du style, la sélection des sujets et des textes, l’organisation et la hiérarchisation des connaissances obéissent à des objectifs politiques, moraux, religieux, esthétiques, idéologiques, économiques explicites et implicites» (François Durpaire et Béatrice Mabilon-Bonfils - Fatima moins bien notée que Marianne, éditions, de L’Aube, 2016). A regarder les choses de plus près, un manuel scolaire est à la fois «un support de la conservation de ce qu’une société choisit de dire d’elle-même, la trace des choix scolaires d’une époque», avant même d’être un support de transmission de connaissances. Ce qui veut dire clairement que «les manuels scolaires ont un rôle dans la formation des normes et des opinions des élèves» (id.).

       Et concernant précisément l’enseignement de la traite négrière atlantique, il convient de voir ensemble comment ce sujet est traité dans nos manuels scolaires pour comprendre l’opinion que l’on entretient dans la conscience des élèves, les citoyens de demain.

       Mais il convient de rappeler aussi que c’est en 2008, suite à la loi Taubira de 2001 reconnaissant la traite et l’esclavage des Noirs dans les Amériques et dans l’océan Indien comme crime contre l’humanité, que l’obligation d’enseigner ce sujet est inscrit au programme des classes de quatrième. Il y a donc seulement 12 ans que ce pan de l’histoire de France a fait son entrée dans les collèges, sans jamais avoir fait, au préalable, l’objet d’enseignement dans nos universités. En joignant cette carence pédagogique en amont à ce que nous avons dit en introduction quant aux règles qui président à l’élaboration des manuels scolaires, on n’est pas étonné de voir leur contenu se situant parfois très loin de la vérité des faits historiques. Parler alors de fabrique d’opinions ne serait pas exagérer. 

Une gravure de propagande pour former une opinion générale

       Ainsi, une gravure de propagande contre les abolitionnistes au XVIIIe siècle est reprise dans presque tous les manuels scolaires sans même aucune considération pour le message absolument faux qu’il véhicule. On peut y lire «Marchand d’esclaves de Gorée». Depuis douze ans, ni les éditeurs, ni les usagers n’y trouvent rien à redire. Or, l’île de Gorée n’a jamais été un marché aux esclaves mais un camp de concentration des captifs loin des leurs dans l’attente de leur embarquement vers les Amériques. C’est comme si on enseignait quelque part dans le monde qu’Auschwitz était un camp de vacances pour juifs. A la vérité, il n’y a jamais eu de marché aux esclaves sur les côte du golfe de Guinée puisque tous les Africains déportés dans les Amériques étaient des personnes capturées comme du gibier ; donc des captifs et non des esclaves.

       Depuis deux ou trois ans, sans doute attentif aux nombreux voyages des Africains-Américains à l’île de Gorée devenu un lieu de mémoire, un éditeur décida d’enlever à cette image du XVIIIe siècle son titre originel qui témoigne sûrement de l’ignorance de son auteur pour le remplacer par un autre encore plus trompeur. On peut désormais lire dans certains manuels sous cette gravure : «Un marchand européen et un vendeur d’esclaves africain». En généralisant ainsi le titre, le crime devient parfait ; on laisse croire que partout en Afrique - précisément dans le golfe de Guinée - il y avait des marchés aux esclaves où les négriers européens allaient faire leurs courses. Et tout le monde adhère à ce qui est affirmé comme une indéniable vérité, puisqu’elle s’appuie sur une image du XVIIIe siècle !

       Certains manuels scolaires poussent même l’audace jusqu’à ajouter à cette gravure des commentaires personnels n’ayant aucun lien avec l’histoire de l’esclavage. Ainsi, cet éditeur se permet d’ajouter que «les esclaves portent le collier de la servitude». Vous ne trouverez nulle part chez les historiens anglais et américains que les Africains portaient un collier signalant leur état de servitude. 

       Sur l’une des deux images ci-dessous, il est encore fait mention du «collier de la servitude». Ce collier censé être porté depuis l’Afrique – image précédente – apparaît différent sur l’image ci-dessous. Les européens marquaient-ils l’état de servitude de leur domestique par un collier ? Là, c’est aux Européens de répondre à cette question. Quant au collier de servitude de la première image, il n’a jamais existé. Aucun peuple du golfe de Guinée n’a jamais pratiqué l’esclavage pour identifier l’esclave par un collier. 

                            La réalité sur le terrain africain

       Solidement installés dans des forts qui constituent leurs bases militaires, Les Européens font la loi. Tout chef africain qui n’exécute pas leurs volontés devient leur victime en même temps que l’ensemble de son village, C’est dans ces forts – bien protégés des Africains et de la cupidité de leurs concurrents – que les Européens entassaient les captifs avant l’arrivée des navires négriers. Le fort de Gorée (au large de Dakar au Sénégal) n’est absolument pas un cas exceptionnel. Aucun historien n’a démontré l’existence de marchés aux esclaves sur les côtes de l’Afrique où opéraient les européens.

       A partir de ces forts militaires appelés comptoirs ou captiveries – parfois «esclaveries» - les émissaires de chaque royaume européen organisaient les captures d’êtres humains en s’appuyant sur les Africains qu’ils pouvaient terroriser ou corrompre. En effet, grâce aux produits venus d’Europe, ces émissaires obtenaient la collaboration de certains chefs africains et de groupes de trafiquants attirés par l’appât du gain. L’histoire nous enseigne que tout envahisseur ou occupant suscite des «collabos». En quatre cents ans de traite, un seul de ces forts a été pris par les Africains. 

       Cette technique sera la même qui sera utilisée par la France au XXe siècle pour obtenir la contribution de ses colonies aux deux guerres mondiales contre les allemands : «la France recourt à la voie d’appel, notamment en Algérie avec l’aide active des chefs locaux qui perçoivent une prime par homme enrôlé. C’est en Afrique noire que la force a été le plus employée pour obtenir le nombre de volontaires requis […] Chaque cercle est tenu de fournir un certain nombre de recrue» (Armelle Mabon – Prisonniers de guerre indigènes, visages oubliés de la France occupée – Archives nationales Paris, 1990 – Cdt Maloux, Le tirailleur sénégalais de la 9e division d’infanterie coloniale, cité par Armelle Mabon).

Remarque : en France, dans les manuels scolaires et les livres d’histoire, quand il s’agit des Africains, on ne fait jamais la différence entre un captif (un prisonnier) et un esclave (celui dont on exploite la force physique par le travail). Aline Helg (Suissesse – Plus jamais esclave, 2016) et Markus Rediker (Américain – A bord du négrier, 2013) sont les deux historiens qui se sont clairement désolidarisés de cet amalgame délibéré pour laisser croire que les africains déportés étaient déjà des esclaves en Afrique.

Raphaël ADJOBI

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30 janvier 2020

Fatima moins bien notée que Marianne (François Durpaire et Béatrice Mabilon-Bonfils)

       Fatima moins bien notée que Marianne

             (François Durpaire & Béatrice Mabilon-Bonfils)

Fatima moins bien notée que Marianne

Voici le livre que tous les jeunes désireux de s’engager dans l’enseignement doivent lire pour savoir dans quel monde ils mettent les pieds. Ils y trouveront des analyses très instructives de l’école française de ce XXIe siècle qui, en niant la diversité des populations et donc en cultivant la cécité devant les discriminations, a fait de la laïcité un «argument de maintien de l’ordre plus que comme une composante de l’émancipation».

     A l’heure où des populations venues d’horizons différents constituent de manière visible une nation diverse, parler d’une France enracinée dans un peuple unique, c’est plus que de la mythologie ; c’est un fantasme. C’est agir comme à l’armée quand celui qui commande crie : “je ne veux voir qu’une tête ! Et dans le cas de l’Education nationale, il s’agit bien de la tête “gauloise” ; ce qui ne peut que «générer un sentiment d’injustice, voire de discrimination».

     Afin de montrer les multiples inégalités que l’Education nationale cultive dans notre système d’enseignement, François Durpaire et Béatrice Mabilon-Bonfils ont fait appel à des spécialistes de divers domaines de recherche pour réaliser des enquêtes leur permettant de proposer des solutions claires et nettes. Cette contribution explique les graphiques très instructifs qui enrichissent ce livre. Ainsi, lorsque les auteurs clament que «c’est en apprenant ensemble que l’on apprendra à vivre ensemble», ils invitent nos autorités à une remise en question de la carte scolaire telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui. Mais surtout, ils insistent sur le fait que la laïcité n’est pas une garantie d’objectivité de l’enseignement dispensé parce que «historiquement, elle est idéologique, très engagée politiquement». 

     Il convient de retenir aussi qu’en France, si «les programmes sont nationaux et définis par le ministère de l’Education nationale […], le contenu des manuels est déterminé par les éditeurs et la seule loi du marché. Le choix de la langue et du style, la sélection des sujets et des textes, l’organisation et la hiérarchisation des connaissances obéissent à des objectifs politiques, moraux, religieux, esthétiques, idéologiques, économiques explicites et implicites». En d’autres termes, les enseignants qui en font leur bible plutôt qu’un simple outil doivent s’interroger sur la manière dont ils l’utilisent, se l’approprient, s’en inspirent, s’en désolidarisent parfois (p,64). En effet, à regarder les choses de plus près, un manuel scolaire n’est en définitive qu’à la fois «un support de la conservation de ce qu’une société choisit de dire d’elle-même, la trace des choix scolaires d’une époque», avant même d’être «un support de transmission de connaissances». Par conséquent, les enseignants – particulièrement les professeurs de lettres - ne doivent jamais oublier que les manuels scolaires «ont un rôle dans la formation des normes et des opinions des élèves». Leur coresponsabilité est donc indéniable ! 

Raphaël ADJOBI

Titre : Fatima moins bien notée que Marianne, 133 pages,

Auteurs : François Durpaire & Béatrice Mabilon-Bonfils.

Editeur : L’Aube, 2016.

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12 janvier 2020

La repentance : la leçon d'Elizabeth Eckford à Hazel Bryan

                          La repentance :                      

       la leçon d'Elizabeth Eckford à Hazel Bryan

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Les faits historiques :

            Le 17 mai 1954, la Cour constitutionnelle des Etats-Unis déclare la ségrégation raciale anticonstitutionnelle dans les établissements scolaires publics. Le 4 septembre 1957, à Little Rock, dans l'état d'Arkansas, en voulant pousser la porte d'un lycée, neuf adolescents noirs ont dû affronter la haine raciale de la communauté blanche. Les policiers venus en grand nombre sur place n'ont rien fait pour les protéger alors qu'ils baissaient la tête sous la pluie d'insultes, de crachats et de menaces de mort. Elizabeth Eckford, 15 ans, était du groupe. Dans la foule des Blancs criant leur haine juste derrière elle, Hazel Bryan, une jeune fille de 17 ans, montrait plus de colère que tout le monde et lui criait sans discontinuer : «Rentre chez toi, en Afrique !» En larmes au milieu de la foule haineuse, Elizabeth réussit à s'installer sur un banc en attendant d'entrer dans l'enceinte du lycée. C'est alors qu'un homme blanc se met derrière elle comme pour la protéger de son corps, lui pose une main réconfortante sur l'épaule et lui murmure : «Ne pleure pas ; ils ne méritent pas tes larmes».  

            Quarante ans plus tard, le 20 septembre 1997, le photographe Will Counts qui avait immortalisé la scène de ces cris vociférés par la jeune fille blanche dans le dos de la jeune noire, réunit les deux femmes pour une scène de réconciliation. Une scène d'apparence belle pour le public américain abonné au «happy end». 

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          A vrai dire, l'idée de la réconciliation est venue de l'historienne blanche Elizabeth Jacoway, originaire elle aussi de l'Arkansas, mais pas du même lycée. Elle voulait que les deux jeunes filles, devenues des dames quarante ans plus tard, se rencontrent afin, si possible, d'engager le dialogue et voir si elles pourraient se réconcilier. Ce qui signifierait que la Noire aurait pardonné à la Blanche. Clairement une façon d'effacer un peu un passé honteux qui pèse sur les Blancs du sud des Etats-Unis. La photo de 1997 est donc censée remplacer la photo humiliante de 1957 qui a fait le tour du monde. Suite à la nouvelle photo, les deux femmes entreprennent des conférences communes devant les élèves et les étudiants, des interventions communes sur les plateaux des chaînes de télévision. La Blanche est consciente qu'il a dû être difficile pour la Noire de subir des insultes quotidiennes durant cette année scolaire ; la Noire est conscience que la vie de la Blanche a dû ne pas être facile avec cette photo de sa haine manifeste qui a fait le tour du monde. Mais la vérité de l'histoire, c'est ce qui s'est passé en septembre 1957.

            Elizabeth Eckford est persuadée qu'en 1957, Hazel Bryan, qui n'était pas une élève du lycée de Little Rock, a passé son temps à agiter en sous-main les provocateurs. C'était une des meneuses de l'année insupportable qu'elle a vécue avec ses huit autres camarades. Mais chaque fois qu'elle demande à Hazel ce qu'il s'est passé, comment elle a vécu cette année-là, celle-ci est restée évasive ; et surtout, elle assure qu'elle ne se souvient de rien, comme si elle était frappée d'amnésie. Une façon de laisser croire que le choc de la photo a été trop fort pour elle ou qu'elle-même a été traumatisée par ses propres vociférations au point de les avoir oubliées ? En tout cas, elle avait même oublié ses propos ségrégationnistes et racistes prononcés devant les télévisions après l'événement de septembre 1957 qui avait fait d'elle une vedette locale ! Mais Elizabeth n'est pas dupe des silences de Hazel sur son passé ; surtout qu'elle apprend que chez elle, avec ses parents et ses amis, Hazel continue à avoir des propos parfois racistes. C'est ainsi qu'Elizabeth va s'éloigner d'Hazel. Les deux femmes vont se séparer définitivement et ne plus se parler.

La leçon de l'histoire :

            Le temps passant, la série de la belle photo de réconciliation est épuisée et l'immense poster affiché devant le lycée de Little Rock défraîchi. La question de la réédition du poster se pose alors en 2000. Hazel est tout à fait d'accord parce que ce poster représente sa mémoire réhabilitée. Ceux qui savaient les sentiments de Hazel loin d'être honnêtes s'attendaient à un refus d'Elizabeth. Non, elle ne va pas accepter cela une deuxième fois, se disaient-ils ! Eh bien, si ! 

            Elizabeth Eckford accepte la réédition et la vente du poster dans tout le pays ! Mais son accord est assujetti à une condition : elle demande qu'un petit texte soit apposé au bas de l'image. Un petit texte qu'elle voudrait non pas seulement un message pour elle et pour Hazel, mais pour l'humanité tout entière. Voici donc le message universel qu'elle demande au bas du poster : «Il ne peut y avoir de véritable réconciliation sans une reconnaissance sincère du passé douloureux que nous avons en commun»

            C'est dire qu'Elizabeth est prête à accorder son pardon à condition qu'Hazel Bryan reconnaisse sincèrement ce qu'il s'est passé à l'époque. On peut pardonner aux autres, mais à condition que la reconnaissance du passé douloureux soit sincère ! En clair, que Hazel Bryan ait présenté ou pas des excuses à Elizabeth Eckford, il lui restait la voie de la reconnaissance de la vérité, la voie de la reconnaissance de ce passé douloureux qui fait partie de leur histoire commune. En d'autres termes, il lui fallait avoir le courage de regarder la vérité en face. Voilà ce dont elle n'a pas été capable ! 

            Cette leçon nous fait clairement comprendre que toute personne ou tout peuple qui clame être opposé à la repentance montre sa volonté de demeurer dans le mensonge et s'octroyer la possibilité de continuer à agir selon ses seuls désirs. En effet, la repentance suppose à la fois la reconnaissance d'un acte condamnable, d'une faute, mais elle suppose aussi la profonde conviction de la nécessité d'un changement radical de comportement. Ce n'est pas parce que l'offenseur dit «pardon» qu'il doit se croire automatiquement pardonné. C'est suite à la reconnaissance du mal fait, suite à la reconnaissance de la vérité que l'offensé dit à l'offenseur : «je te pardonne». En d'autres termes, c'est à l'offensé qu'il appartient d'accorder ou non son pardon. Disons donc aux hommes et aux peuples à l'orgueil surdimensionné qui croient que l'on attend d'eux qu'ils prononcent le mot "pardon" qu'ils se trompent ! La vérité, c'est qu'ils sont incapables de regarder la vérité en face et qu'ils préfèrent demeurer dans le mensonge et la falsification des faits historiques ! 

Hazel Bryan indigne de toute considération :

            Dans un entretien accordé en décembre 1998 au journaliste Peter Lennon, pour le magazine The Guardian, Hazel Massery - née Bryan - révèle clairement - sans le vouloir, peut-être - que dans cette entreprise de réconciliation, elle était uniquement guidée par la réhabilitation de son image de fille blanche souillée par la photo de 1957 : «Je n'avais pas tout à fait 17 ans... Je n'étais pas sûre à cet âge de ce que je pensais... Je pense que la maternité fait ressortir la protection ou le soin d'une personne. J'ai ressenti un sentiment de profonds remords parce que j'avais fait du tort à un autre être humain à cause de la couleur de sa peau. Mais on est également à la recherche de secours et de pardon, bien sûr, plus pour soi-même que pour l'autre personne. J'ai donc téléphoné à Elizabeth Eckford». Oui, Madame Massery (née Bryan) voulait prendre soin d'elle-même. Elle voulait une image qui la réhabilite ; c'est tout ! La vérité, elle s'en moque. Eh bien, pour qu'elle réfléchisse - en même temps que tout le monde - au sens de la réconciliation, Elizabeth Eckford lui dit de manière définitive qu'«Il ne peut y avoir de véritable réconciliation sans une reconnaissance sincère du passé douloureux que nous avons en commun».

Raphaël ADJOBI

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07 janvier 2020

Les activistes africains sont-ils crédibles ?

           Les activistes africains sont-ils crédibles ?

Les panafricanistes

            C'est à la fin de l'année 2010 et dans le courant de 2011 - suite à la déportation du président ivoirien, Laurent Gbagbo, au tribunal international de La Haye - qu'est véritablement né ce que tout le monde appelle aujourd'hui l'activisme africain. A ce propos, en juillet 2013, j'avais écrit dans un article devenu aussitôt célèbre sur Internet que "jamais, dans l'histoire, un leader noir n'a bénéficié d'autant de soutiens de la diaspora africaine et d'autant de sympathie de la part des populations d'Afrique noire". Après avoir cité des leaders africains morts dans le silence ou l'indifférence, j'avais conclu mon constat en ces termes : "durant ses 27 années de prison, jamais Nelson Mandela n'a bénéficié d'une telle sympathie populaire". Une vérité que personne ne peut réfuter sur le continent. L'activisme africain est donc récent ; et sa voix est celle de la jeunesse.

            Afin de ne pas paraître manipulé par quelques figures politiques africaines, très vite, l'activisme des jeunes va se développer autour d'un thème commun aux nations africaines plutôt qu'autour de tel ou tel leader politique qui serait porté comme étendard. En effet, les jeunes se sont fixé comme objectif de combattre le Franc CFA qu'ils ont d'ailleurs réussi à rendre impopulaire en moins de quatre ans. On peut donc leur dire bravo d'avoir compris qu'il leur appartenait de réaliser en terre africaine le combat littéraire des blogueurs et des médias de la diaspora !

            Cependant, force est de constater que presqu'aussitôt ces jeunes activistes se sont rendu compte du poids de la réalité politique du terrain sur lequel ils mènent leur combat contre cette monnaie coloniale qui a gardé toutes ses caractéristiques ou tous ses pouvoirs de prédation de la vie économique d'une quinzaine de nations au sud du Sahara. Ils ont très vite compris que les hommes politiques en place sont autant d'adversaires que l'institution monétaire contestée et les dirigeants français qui la tiennent en main. Aussi, comme pris au piège de leur indépendance politique, ils se voient obligés d'invoquer des noms d'illustres dirigeants africains morts pour avoir tenté de s'affranchir de la domination politique et monétaire du Franc CFA. Et dans leur liste des hommes politiques ayant combattu cette monnaie imposée à l'Afrique francophone, l'absence d'un homme surprend et même choque l'entendement : Laurent Gbagbo n'est jamais cité ! Un vrai parricide, selon nous.

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            Mais, en prenant un peu de recul, tout s'éclaire. Cette absence de référence à Laurent Gbagbo, ce mutisme sur les discours du prisonnier de la CPI quant à l'indépendance des institutions politiques africaines ne peut s'expliquer que par le parcours politique de cette jeunesse africaine qui découvre l'activisme. En effet, il suffit de jeter un coup d'œil en arrière pour constater qu'entre 2000 et 2011, presque toute la jeunesse des pays africains était nourrie de la haine de la Côte d'Ivoire et de celui qui l'incarnait. Toutes les analyses, toutes les explications politiques et juridiques avancées par Laurent Gbagbo pour ouvrir les yeux à l'Afrique étaient vues par cette jeunesse comme dilatoires. Seuls les Togolais et les Camerounais constituaient avec les partisans ivoiriens de ce président le noyau qui réclamait le respect des institutions des peuples du continent. Même l'appel d'Akra du président Obama à des institutions fortes pour une Afrique forte leur a semblé une recommandation mal venue. En fait, la jeunesse africaine de ces vingt dernières années qui constitue les activistes d'aujourd'hui est de toute évidence honteuse de son passé naïf, de son passé anti-Gbagbo. Toute cette jeunesse des pays du Sahel qui a conspué Laurent Gbagbo durant des années le traitant de xénophobe, cette jeunesse qui s'est délectée de la soupe françafricaine que chacun de leur président leur servait avec grandes louchées, est aujourd'hui honteuse de son passé mais incapable de faire son mea culpa. Alors, elle détourne son regard de Laurent Gbagbo, cherchant à l'éviter. Aujourd'hui, la jeunesse africaine sait qu'on ne peut efficacement lutter contre le franc CFA que si les pays africains sont dirigés par des présidents qui ne sont pas choisis par la France ! C'est aussi simple que cela. Elle sait que le succès de ce combat dépend de la qualité des pouvoirs qui seront installés sur le terrain africain. Rien ne sert de vociférer contre la France si les gouvernants travaillent pour la France plutôt que pour les pays africains. Sans des hommes de vision et de convictions, tout effort sera vain !         

            Disons donc que les jeunes activistes africains ont tort d'omettre le nom de la dernière victime - encore vivante - du combat contre le pouvoir du Franc CFA tout en invoquant ceux qui ne sont plus de ce monde. Puisque tel est leur comportement criminel, je voudrais leur rappeler qu'à l'époque de Maya Angelou - comme elle le dit elle-même dans Tant que je serai noire - Patrice Lumumba, Kwamé N'Krumah et Sékou Touré qui formaient le triumvirat sacré auquel les Noirs américains vouaient un culte n'étaient pas tous morts. Des Américains et des Antillais ont côtoyé Kwamé N'krumah et Sékou Touré comme des pères et des aînés vivants constituant avec eux le front anti-impérialiste. Il n'est donc pas nécessaire que les pères ou les aînés meurent pour être hissés au rang de guides sacrés. Il faut savoir les reconnaître et les rejoindre quand ils sont encore vivants.   

            Je redis donc aux jeunes activistes africains, qui semblent affectionner le culte des morts, que la vigilance et la réaction franche et massive sont encore nécessaires malgré l'apparente fraternité universelle dont on nous berce et qu'il serait encore bon de faire leur ce précieux conseil : vous ne serez les dignes successeurs de vos aînés que si vous agissez pour "faire savoir au monde qu'on ne peut plus tuer des leaders noirs dans le secret". Si on les tue, si on les embastille ou les condamne injustement sans que vous réagissiez, vous êtes responsables du mal qui leur est fait ! Si vous vous déclarez grands admirateurs des figures illustres de la cause des Africains mais avez tendance à montrer de l'indifférence à l'égard des leaders actuels qui souffrent pour avoir poursuivi leur combat, alors dites-vous que vous n'êtes pas crédibles.

Raphaël ADJOBI

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28 décembre 2019

La Négresse de Biarritz ou Biarritz la Dégueulasse

                                     LA NEGRESSE

 Biarritz rend hommage à une prostituée noire

   pour service sexuel rendu aux soldats de Napoléon

La Négresse 2

            Alors qu'aucune ville de France n'honore le général Alexandre Dumas, le plus glorieux soldat français de la fin du XVIIIe siècle* - cela pour respecter une mesure prise par Napoléon en 1802 - le maire et le Conseil municipal de Biarritz, adeptes de l'empereur, ont décidé d'honorer une prostituée noire pour service sexuel rendu aux soldats de leur idole.

            Comment, en ce XXIe siècle, en pleine République, un maire et tous les membres du conseil municipal peuvent-ils s'accorder pour reconnaître en une prostituée une gloire nationale au point d'indiquer par la couleur de sa peau tout un quartier de la ville de Biarritz ? Oui, le quartier Harausta de cette ville du pays basque a été débaptisé en 1986 pour honorer, dit-on, une femme noire pour service sexuel rendu aux soldats de Napoléon. Ce quartier s'appelle désormais La Négresse.

                                     Biarritz la dégueulasse !

            Le quartier Harausta était au départ le nom d'une auberge. «L'auberge Harausta, dit  Monsieur le maire, était tenue par une femme très brune, sans doute d'origine mauresque, que les soldats de Napoléon 1er, de passage lors des combats de 1813, avaient surnommée La négresse». Selon Monsieur Michel Veunac, maire de Biarritz, «cette appellation est historique». Bien sûr Monsieur le maire, nègre, négresse, bamboula, font partie de l'histoire de la langue française et traduisent bien l'esprit de sa population à une époque donnée. Mais nous pensons sincèrement qu'accepter que toutes les appellations racistes ou discriminatoires de l'histoire soient dignes d'être honorées par sa  ville, c'est assurément faire preuve de beaucoup de bassesse dans ses jugements. D'autre part, le nom Harausta était aussi une appellation historique. Pourquoi l'avoir changée ? 

            Rappelons que le racisme de l'époque de Napoléon voudrait qu'une Noire ne soit pas appelée par son nom propre mais par la couleur de sa peau. C'est-à-dire qu'un Noir ou une Noire n'était pas une personne mais une chose, un objet, un meuble !  C'est donc cette chosification de la personne humaine que perpétue la mairie de Biarritz par le nom La Négresse ; sinon, elle aurait choisi le vrai nom de cette tenancière de bordel. De même, alors que 12% seulement des artères ou des équipements publics de la capitale célèbrent la mémoire d'une femme illustre, la discrimination ordinaire de notre passé fait que leur sexe est souvent escamoté ! Ainsi, on ne sait pas si la rue Rochechouart, à Paris, rend hommage à un homme ou à une femme. Il en est de même de l'impasse de La Tour-d'Auvergne et de la rue Vigée-Le-Brun. Oui, à une certaine époque, il fallait chosifier les Noirs en ne les appelant jamais par leur nom propre, et il fallait aussi cacher les femmes blanches célèbres sous le nom de famille de leur mari, de leur père ou de leur frère en omettant leur prénom forcément fémin.   

            Le Conseil de Paris vient de songer à la réparation de cette discrimination à l'égard des femmes en votant le changement progressif des plaques cet hiver 2019-2020 (Télérama du 4/12/2019). Enfin, le public saura clairement que ce sont des femmes, des êtres humains différents des hommes qui sont honorés. Enfin, ces femmes auront une identité claire, reconnaissable par tous. Et nous pensons que le conseil municipal de Biarritz devrait s'inspirer du bon sens de Paris plutôt que de s'enferrer dans le racisme en invoquant l'histoire pour continuer à appeler un être humain La Négresse. Rappelons à Monsieur Michel Veunac que «chaque génération a le droit de défaire le monde et le refaire selon ses rêves», que chaque génération a le droit de refuser de porter les sabots des aïeux et de dormir dans leurs draps laissés en héritage. Seule une volonté délibérée de perpétuer une image négative d'une frange de la population française peut justifier la passion d'une cité pour la performance sexuelle des hommes sur le corps d'une négresse. Dans ce cas, Biarritz mérite d'être appelée "Biarritz la dégueulasse" !    

Raphaël ADJOBI

 * Si vous trouvez une rue de France portant la mention "Général Alexandre Dumas", laissez-moi un message avec les précisions qui s'y rapportent. 

Biarritz la dégueulasse

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24 décembre 2019

Quand le Père Noël était mal vu en France

           Quand le Père Noël était mal vu en France 

Noël en France

              Comme Alloween, le Père Noël est une importation païenne qui s'est introduite dans l'église catholique. Ce mariage entre le païen et le religieux est appelé syncrétisme. C'est beau et cela passe mieux dans l'opinion commune.

            Combattu en France durant des années (voir l'image), parce qu'il ne faisait pas l'unanimité parmi les catholiques, le Père Noël n'a pas désespéré. Il savait que les commerçants étaient ses plus fidèles alliés. Avec le capital, on a plus de chance d'aller loin. Quelques pièces devant le bénitier et les catholiques ont donné la communion au gros bonhomme rouge. Depuis, celui-ci prospère dans la cité. Il a tellement de succès en France que les catholiques ont fini par déserter les églises pour le suivre. Aujourd'hui, durant la période de Noël, c'est le Père Noël qui dirige la fête. Tous les enfants ne pensent qu'à lui, à sa générosité. Les adultes sont devenus ses disciples pour entretenir sa célébrité.

            Le père Noël a triomphé dans le cœur des catholiques devenus des adeptes du commerce et du dieu Marché. Le père Noël c'est le nouveau bon berger qui n'oublie pas ses brebis. Il les conduit dans le riche pâturage des grandes surfaces commerciales.

Raphaël ADJOBI

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12 décembre 2019

LaRose (un roman de Louise ERDRICH)

                                                LaRose

                       (un roman de Louise Erdrich)

LaRose

            Voici un livre qui plonge le lecteur dans l'Amérique profonde, celle que le voyageur étranger ne visite pas, celle qui aujourd'hui encore vit en tâtonnant entre deux mondes, l'Amérique des autochtones, des Indiens ! 

            Quelle image avons-nous des descendants des premiers occupants de ces immenses terres des Amériques ? Pour nous en donner une idée exacte, ce roman nous emmène au cœur d'une famille indienne des Etats-Unis, dans le Dakota du Nord. Il nous introduit au sein d'une famille qui, comme toutes les autres familles indiennes, est consciente d'avoir survécu à la terrible période où «les Blancs infestaient la terre comme des poux» et prônaient, avec Franck Baum, l'idée selon laquelle «un bon Indien était un Indien mort». Une famille dont les enfants, comme tous les enfants des autres familles indiennes, suivent dans des écoles et des universités qui leur sont réservées des programmes d'intégration forcée institués par les Blancs ; ceux-là mêmes qui n'ont jamais été capables de s'intégrer nulle part dans le monde. Et au cœur de cette famille, c'est toute une communauté, toute une société dont on découvre le fonctionnement hérité des ancêtres que les plus anciens tentent péniblement de transmettre aux plus jeunes.    

            Le récit débute avec un accident qui nous découvre justement une tradition de cette population autochtone des Amériques : lors d'une chasse au cerf, Landreaux tue Dusk, le fils de cinq ans de son ami et voisin Peter Ravich. Afin de respecter une ancienne coutume en matière de justice, LaRose, le plus jeune fils de Landreaux, passe sous le toit des parents endeuillés pour prendre la place du mort. A travers la nouvelle vie des deux familles - en lien avec leurs parents et leurs connaissances - c'est celle de l'Amérique indienne d'aujourd'hui que nous peint Louise Erdrich.

            LaRose est un roman dans lequel les personnages et les événements semblent prendre leur temps ; rien n'est fait ou n'arrive à la hâte. Ainsi le lecteur est constamment plongé dans une sorte de dimension spirituelle des êtres et des choses. En effet, derrière la vie quotidienne américaine rythmée par les smartphones, les automobiles, les hamburgers et les sodas, la tradition indienne est toujours présente dans les gestes, dans les mots qu'il convient de dire ou ne pas dire. On croit parfois être confronté à un monde qui, inéluctablement, va s'effondrer. Mais plus on avance dans la lecture du livre, plus ce monde se découvre à l'image de l'aïeule LaRose pour qui «mourir prenait tellement de temps que l'effort l'avait fortifiée». Le lecteur finit alors par se montrer philosophe et partager avec les personnages l'idée que si «le chagrin dévore le temps», il arrive aussi que «le temps dévore le chagrin».

Raphaël ADJOBI  

Titre : LaRose, 566 pages

Auteur : Louise Erdriche (Etats-Unis, 2016)

Editeur : Albin Miche, coll. Le livre de poche, 2018  

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07 décembre 2019

Mamadou Koulibaly enfin à la hauteur des attentes des Ivoiriens et des Africains !

Mamadou Koulibaly enfin à la hauteur des attentes

                des Ivoiriens et des Africains

Mamadou Koulibaly 3

            Depuis un ou deux ans, Monsieur Mamadou Koulibaly - président de LIDER, parti ivoirien - se distinguait des autres dirigeants de parti par ses comptes rendus réguliers de la situation politique de son pays tout en y ajoutant ses réflexions personnelles et ses projets de remplacement. Un travail sérieux qui retenait l'attention de nombreux Ivoiriens. Mais l'homme restait dans l'esprit de beaucoup le compagnon de route du président Laurent Gbagbo ayant quitté le navire au moment de la tempête. Il restait surtout dans l'esprit de ses amis de l'opposition le privilégié d'Alassane Ouattara. En effet, Mamadou Koulibaly était celui qui pouvait se permettre de critiquer le régime du «rattrapage ethnique» sans jamais subir les mauvais traitements infligés aux autres ; patronyme nordiste oblige. Oui, il est du nord de la Côte d'Ivoire ; et dans une république qui a juré de venger les nordistes du pays, l'attaquer serait se renier pour Dramane Ouattara. Mamadou Koulibaly prospérait donc depuis presque dix ans sous la bienveillance du préfet français Dramane Ouattara. Même ses multiples interventions contre le Franc CFA n'ont pas été suffisantes pour redorer considérablement son blason afin de faire de lui l'étendard idéal de la conquête de la dignité de la Côte d'ivoire bafouée par le pouvoir actuel. 

            Mais voilà que depuis le début de ce mois de décembre 2019, les propos de son porte-parole, Madame Nathalie Yamb, lors du sommet de Sotchi en Russie, en octobre dernier, sont venus ébranler la fragile cohabitation de Mamadou Koulibaly avec le pouvoir ivoirien. Nathalie Yamb - de nationalité suisse et camerounaise - vient d'être expulsée de Côte d'Ivoire pour trouble à l'ordre public français. Est-ce le bannissement de sa collaboratrice suite à ses propos très appréciés par l'ensemble des Africains qui a poussé Mamadou Koulibaly à franchir la ligne qui vaut à tout africain le courroux de la France - maître de l'Afrique francophone et de ses multiples valets-présidents ? Il semble de toute évidence que cette expulsion qui coïncide avec les récents propos du président français demandant depuis Londres - après le sommet de l'Otan - aux chefs d'Etats africains de faire en sorte « que les voix qui suscitent, portent et divulguent ce qu'il appelle le sentiment antifrançais dans les pays francophones se taisent» a été le déclencheur de son dernier discours d'une tonalité nouvelle sur la scène politique africaine.    

            En tout cas, l'homme est allé droit au but et se présente désormais non pas en candidat à la présidence de son pays mais comme l'adversaire officiellement déclaré des «relations incestueuses entre l'Etat français et nos autorités.» Des relations qui, selon lui, «étouffent la démocratie, des relations qui étouffent les droits de l'homme, des relations qui étouffent la possibilité que nous devons avoir de demander des comptes à nos dirigeants, des relations qui étouffent l'expression plurielle» en Afrique francophone !   

             Même si Les propos du Malien Salif Kéïta ont déjà quelque peu ébranlé la sphère politique franco-africaine ces derniers jours - compte tenu de sa notoriété internationale - ils étaient  ceux d'un artiste partisan d'une contrée de l'Afrique en proie à un mal local. La preuve en est l'usage de la langue bambara lors de son discours. Mamadou Koulibaly, quant à lui, a trouvé les mots justes, au moment opportun ! On peut dire qu'il a osé se hisser au diapason des aspirations profondes de ses compatriotes et des Africains en général. Pour la première fois, un homme politique africain - chef de parti et aspirant à la direction de son pays - ose publiquement et officiellement interpeller le président de la République française pour lui faire comprendre le sentiment de son pays et de l'Afrique francophone à l'égard de la politique africaine de la France. «Monsieur le président, dit-il, nous avons le sentiment que vous êtes complice avec nos chefs d'Etat pour nous brimer ! » Et pour rendre plus explicite sa pensée, il a rappelé les passés esclavagiste, colonial et néo-colonial des aïeux et des prédécesseurs de Monsieur Macron afin qu'il comprenne que les jeunes africains d'aujourd'hui ne veulent plus de cette vie quotidienne se résumant à l'histoire douloureuse de l'Afrique qui se poursuit dans le présent. Cette audace vaut bien un emprisonnement par Ouattara - bien sûr en suivant les recommandations de l'Elysée. Mais Ouattara n'osera pas ; et Macron non plus n'osera pas demander à son préfet ivoirien cet affront à la Côte d'ivoire et à l'Afrique ! Tout simplement parce que toute réplique radicale serait une déclaration de guerre officielle aux jeunes africains désireux de tourner la page des Houphouët-Boigny, Ali Bongo, Konan Bédié, Konan Bany... Laurent Gbagbo s'est avancé dans le combat avec franchise et beaucoup de courtoisie. Mais il parlait aux Ivoiriens et aux Africains. Ces derniers étaient d'ailleurs peu nombreux à l'avoir suivi et soutenu. Certains étaient même contents du sort qui lui a été infligé pour son audace. Aujourd'hui, l'Afrique est prête parce que partout elle parle le même langage : le langage de la liberté et de la dignité. Mamadou Koulibaly l'a bien compris et a osé le dire clairement au président français et non aux Africains ! Il ne dit pas aux Africains «levez-vous» ; il dit au président français «vous devez cesser la politique de prédation et de déstabilisation de l'Afrique avec la complicité de nos dirigeants !»

            Monsieur Mamadou Koulibaly vient donc d'entrer dans l'histoire de l'Afrique. La grande différence avec ses prédécesseurs, c'est d'avoir choisi de s'adresser directement au président de la République française pour lui demander de cesser d'être celui qui confère aux chefs africains leur légitimité faisant d'eux des adversaires de leurs propres populations. Il a osé dire au président français qu'il n'y a pas en Afrique un sentiment antifrançais mais «un ras-le-bol, une révolte, un refus de la mainmise de l'Etat français sur nos autorités et par ricochet sur nos peuples». Il a eu l'audace de dire au président français «LET MY PEOPLE GO !» C'était simple ; mais il fallait y penser et le dire.                     

Raphaël ADJOBI

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02 décembre 2019

Nathalie Yamb, expulsée de la Côte d'Ivoire pour trouble à l'ordre public français !

          Nathalie Yamb, expulsée de la Côte d'Ivoire

           pour trouble à l'ordre public français !

Nathalie Yamb

           Madame Nathalie Yamb - jouissant de la double nationalité Suisse et camerounaise aux dires de certain - est sommée par la justice ivoirienne de quitter la Côte d'ivoire pour trouble à l'ordre public français ; et cela, suite à son intervention très remarquée contre la France lors du sommet Russie-Afrique à Sotchi les 23 et 24 octobre 2019. De toute évidence, sous un régime qui a horreur de toute forme d'opposition, les adversaires de son indéfectible ami la France ne peuvent qu'être considérés comme les adversaires de la Côte d'ivoire et donc dignes d'une expulsion.  

            Que Madame Nathalie Yamb - conseillère de monsieur Mamadou Coulibaly, fondateur et président du parti politique ivoirien LIDER - s'estime très heureuse de ne pas être Ivoirienne. La sanction aurait été d'une autre mesure ! Madame Yamb est une africaine et par conséquent elle a le droit de s'attaquer à n'importe quelle puissance étrangère qu'elle juge prédatrice de ce continent et de la vie quotidienne des siens. Ce qui surprend donc, c'est la décision prise par un pays africain de bannir de son territoire une africaine qui se bat pour sa souveraineté contre la France. Il est à retenir que la Côte d'Ivoire d'Alassane Ouattara vient de déclarer de manière officielle la lutte pour la disparition du Franc cfa, celle pour le démantèlement des bases militaires françaises en Afrique comme des "activités incompatibles avec son intérêt national" ! C'est en clair ce qui a été notifié à Madame nathalie Yamb pour justifier son expulsion de la terre ivoirienne. Edifiant ! 

            Aux dires de Madame Nathalie Yamb, le seul représentant d'un pays étranger à s'être pratiquement jeté sur elle pour proférer des reproches dès la fin de son intervention fut un officiel français. En d'autres termes, cet accrochage fut la première réprobation officielle qui a suivi un discours fort apprécié par les africains sur place et sur les réseaux sociaux. Et cette réprobation émanait de la France. C'est donc à la France que profite la sanction ivoirienne qui frappe Madame Nathalie Yamb. Force est de constater que ce sont des rabatteurs africains - des dozos ivoiriens, chasseurs du gibier humain - qui, poursuivant une longue tradition de collaborateurs des négriers blancs, se chargent de convoyer la marchandise nègre au pied de l'homme blanc.

            Quelle image très désagréable de l'Afrique ! Nous sommes curieux de savoir ce que ces autorités ivoiriennes - issues des dozos, chasseurs traditionnels du gibier humain - se disent chaque matin devant leur miroir au moment de se préparer à aller servir la France au lieu de l'Afrique, au lieu de leurs parents, de leurs enfants qui vont vivre sur cette terre d'Afrique qu'elles s'appliquent à livrer mains et pieds liés à la France ! Que se disent-ils ces Ivoiriens, ces Africains serviles au moment de trahir les leurs pour bénéficier en retour des caresses de l'occident ? Quelles images se déroulent-elles dans leur tête ? De la fierté ? Une absolue négation de leur couleur de peau et de leur terre natale ? 

            Peut-être qu'il y a des nègres qui ne pensent pas. Peut-être qu'il y a des Noirs qui ignorent par nature le sens de la dignité humaine qui vous oblige à défendre ce qui appartient au groupe auquel vous appartenez. Mourir dans son lit sans jamais avoir proféré une parole contre le sort fait aux siens, à sa terre, c'est quitter ce mode comme un objet jeté au rebut. Quelle mort abominable ! Que Dieu vous en préserve !

Raphaël ADJOBI            *Article légèrement modifiée suite à la publication de l'identité ivoirienne de Mme Yamb.

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