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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

26 août 2019

La lecture, cette bienfaisante richesse que l'on néglige !

    La lecture, cette bienfaisante richesse que l'on néglige !

La lecture 4

            Le 24 août 2019, quelle ne fut pas ma surprise d'entendre une radio annoncer que, selon quelques chercheurs, la lecture serait un remède contre la dépression ! Fallait-il comprendre que la science ignorait le rôle thérapeutique de la lecture que les hommes de lettres et les amoureux des livres pratiquent et conseillent depuis si longtemps ? Maintenant qu'ils nous donnent raison contre les industries pharmaceutiques qui incitent les médecins à soumettre à un traitement médical fait de psychotropes tout enfant quelque peu agité ou instable, impulsif, étourdi ou tête-en-l'air, nous pouvons nous mettre à espérer que nous verrons bientôt des ordonnances rédigées en ces termes : «3 à 5 pages de lecture le matin ; 3 à 5 pages de lecture le soir». Une prescription à insérer dans la panoplie d'une éducation rigoureuse pour canaliser les caprices et les débordements des plus jeunes. 

            C'est ici l'occasion de rendre hommage à cette chef d'établissement qui a instauré dans son collège un temps de lecture pour tous - élèves, enseignants, les personnels de l'administration, de la restauration et de l'entretien ; et cela sans attendre l'avis des énarques qui empoisonnent notre système pédagogique par leurs réformes toujours incohérentes jamais précédées d'un état des lieux pouvant montrer que l'objectif visé correspond bien à un besoin réel des enfants ou de la société. 

            Le livre est non seulement un trésor de connaissances et donc de richesses mais il est aussi un soutien individuel parce qu'il est un instrument d'évasion, de voyages dans des contrées insoupçonnées pour vivre des vies et jouir de délices nécessaires à la régénération de notre esprit. Oui, la lecture, comme le disait si bien Arlette Laguiller, est le seul moyen de s'enrichir sans jamais rien voler à personne. Encourageons donc les jeunes générations à s'enrichir sans modération et sans scrupule ! Quant au pouvoir thérapeutique de la lecture, nous pensons qu'il est préférable de laisser la parole à quelqu'un qui l'a expérimenté. Voici ce qu'en dit l'écrivain Lionel Duroy : «Quand vous souffrez intensément, il y a toujours un livre essentiel pour venir à votre rencontre et vous sauver du désespoir. En 1990, au moment où j'ai rompu avec toute ma famille, je vivais avec Extinction, de Thomas Bernard, dans ma poche. Je relisais sans cesse ce passage où il parle de la haine que lui portent ses proches, et de sa façon de détourner cette haine contre eux [...] Quand je vais très mal, j'entre dans une librairie, je demande un livre de secours, puis je me mets à lire et je ne suis plus là. Voilà toute la magie de la littérature : vous disparaissez de la réalité» (Propos recueillis par Marine Landrot ; Télérama n°3632 du 24 août 2019).

            Tous les amoureux de la lecture savent, comme Lionel Duroy, que quand la vie nous apparaît profondément décevante, le livre devient un îlot de sauvetage, un lieu vivable. Apprenons donc à prendre le temps de nous asseoir, le temps d'ouvrir un livre et d'entreprendre un voyage vers un univers toujours vivable pour notre esprit et pour le bien notre corps. 

Raphaël ADJOBI

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15 juillet 2019

Le Code noir de Louis XIV (Théâtre - Léandre SAHIRI)

                                  Le Code Noir de Louis XIV

                                     (Théâtre - Léandre SAHIRI)

Le Code noir de Louis XIV - Léandre Sahiri

            Si vous trouvez la longue enfilade d'articles du Code noir imbuvable, préférez Le Code Noir de Louis XIV qui est sa version théâtralisée. Cette pièce de Léandre Sahiri aurait pu s'intituler "la controverse de Versailles" - en écho à la fameuse Controverse de Valladolid. Malheureusement, aucun des protagonistes de la pièce ne contrecarre la réglementation de l'esclavage des Noirs dans les Amériques présentée à Louis XIV par le marquis de Seignelay à la place de feu son père le ministre Jean-Baptiste Colbert ; et cela pour deux raisons : d'une part, elle affirme l'autorité du roi sur les colonies américaines du royaume qui ne peuvent continuer à vivre sans loi ; d'autre part, réglementer l'esclavage des Noirs signifie que le roi est soucieux de l'état de la source essentielle de ses finances.

            Cependant, l'absence de toute réelle volonté de s'opposer aux défenseurs du Code noir ne rend pas du tout monotone la pièce de Léandre Sahiri. Bien au contraire le ton est dynamique et varié grâce aux questions délibérément pleines de doutes formulées par Louis XIV - parfois relayé par le Duc d'Orléans et le Père Lachaise - et aux explications savoureuses des défenseurs du code noir.  

            En effet, en lisant cette pièce, on a l'impression d'être plongé dans Les animaux malades de la peste de Jean de La Fontaine. Dans cette fable célèbre, le lion - le roi des animaux - est celui qui reconnaît que manger les moutons et parfois même le berger comme il le fait pourrait être la cause du courroux du ciel qui les frappe par le biais de la peste. C'est effectivement l'attitude qu'adopte Louis XIV quand il dit : «Mais [...] Honorables conseillers, aurions-nous le droit de traiter les Noirs ainsi ? Aurions-nous, ma foi ! le droit de nous enrichir de cette manière, par ces voies ? Pourrait-il être permis de devenir opulent, en rendant malheureux ces individus, sous prétexte qu'ils ne sont pas des Blancs ? [...]» (Acte I, scène 2). Et une fois que ses conseillers l'ont convaincu que rien de tout cela n'est contre les lois de la nature puisque le noir est la négation du «blanc (qui) est la couleur de la nature», Louis XIV dit, rassuré : «A vrai dire, [...] moi-même, le noir me trouble. La noirceur, je l'avoue, m'hérisse les poils. Je ne sais pas pourquoi, mais par exemple, quand je regarde un tableau, j'ai toujours l'impression qu'un fardeau peint en noir est plus lourd qu'un fardeau peint en blanc». 

            En tout cas, Le Code noir qui a officiellement précipité les Africains hors de l'humanité est présenté ici sous un jour qui n'arrache pas des indignations mais plutôt des sourires. Une réunion de hauts dignitaires d'un royaume qui préparent en toute légalité et en toute quiétude un crime contre l'humanité peut effectivement paraître drôle rétrospectivement. 

Raphaël ADJOBI 

Titre : Le Code Noir de Louis XIV (Théâtre), 155 pages

Auteur : Léandre Sahiri

Editeur : Editions Menaibuc, 2008.

8 juillet 2019

Barracoon (Zora Neale Hurston)

                                                   Barracoon

                                             (Zora Neale Hurston)

Barracoon

            Barracoon est le témoignage d'un Africain de la dernière cargaison américaine de la traite atlantique. Enlevé à 19 ans lors d'une razzia en 1859 et arrivé aux Etats-Unis en 1860, Lewis Cudjo - Kossoula (son nom africain) - sera un homme libre cinq ans et demi plus tard à la faveur de la guerre de Sécession. Ce n'est donc pas sa vie d'esclave qui constitue l'élément important de ce récit, mais son passé africain, l'attaque de son village et sa captivité dans un baracon de Ouidad dans l'actuel Bénin.

            Le mot barracoon - baracon en français - vient de l'espagnol "barracón" désignant à l'origine une "cabane" (du Catalan "barraca"). Cela laisse imaginer que les premiers comptoirs européens établis sur les côtes africaines étaient des constructions rudimentaires - mais déjà armées - où étaient entassées les victimes des razzias pratiquées par les Espagnols et les Portugais eux-mêmes. Mais bien vite, ces baracons vont devenir de véritables forts hautement sécurisés à la fois contre les Africains et surtout contre la cupidité des concurrents européens. Ces constructions étaient aussi appelés "captiveries". De mauvaise foi, les Français emploient aussi le mot "esclaverie" pour laisser croire que les Africains étaient déjà esclaves en Afrique ; alors qu'aucun historien n'a prouvé la pratique de l'esclavage dans les communautés vivant dans les forêts où les Européens pratiqueront la traite. Dans cette partie de l'Afrique, selon l'historien malien Tidiane Diakité, le captif de guerre devenait un membre de la famille et non un esclave. Malheureusement, les Européens emploient presque toujours le mot esclave à la place du mot captif, s'agissant des victimes de la traite atlantique.   

Fort négrier Ghana 3

            En tout cas, ce livre confirme les propos de l'historien Marcus Rediker qui écrivait en 2007 que «le premier moyen d'asservissement en Afrique était "le grand pillage" de villages entiers, auxquels on mettait le feu au milieu de la nuit. Les maraudeurs ennemis s'emparaient donc de familles, de clans et parfois même de communautés entières [...] et les vendaient généralement en gros - et non en détail - comme "prisonniers de guerre"» aux Européens des comptoirs qui les avaient armés. Une vente qui était en réalité le troc d'êtres humains contre de l'alcool, des parasols, des cotonnades et de la coutellerie (Théodre Canot - Confessions d'un négrier). 

            Le lecteur ne s'étonnera donc pas de constater que la colère de Lewis Cudjo soit portée avant tout sur le peuple africain qui l'a razzié avec les siens. Nous pensons que la rédactrice de l'avant-propos du livre, Alice Walker, a tort de voir dans la violence de la contribution des Africains à la déportation des leurs peinte par Cudjo un fait inédit qui ferait d'eux les grands responsables de la traite et de l'esclavage des Noirs dans les Amériques. Si Cudjo charge durement les ravisseurs africains c'est parce qu'il a le net sentiment que sa capture coïncide avec la perte de sa liberté ; et c'est parce qu'il est humain d'en vouloir avant tout à celui qui vous ressemble, qui est de votre terre et qui pourtant vous livre à l'étranger. Pour preuve, à la libération de la France en 1945, ce ne sont pas les Allemands qui ont subi la vindicte populaire des Français mais les Français qui ont collaboré avec l'ennemi. De même que la colère des Français contre ceux des leurs qui ont collaboré ne diminue en rien les crimes de l'Allemagne nazie, de même la colère des déportés africains contre les leurs ne diminue en rien le crime des Européens qui sont les planificateurs, les instigateurs et les bénéficiaires de la traite négrière atlantique. D'autre part, la collaboration des Africains à la traite atlantique n'a jamais été cachée ; Tidiane Diakité l'a affirmée et démontrée en 2010 dans La traite négrière et ses acteurs africains

            Le grand intérêt de ce livre est donc la confirmation de ce que tous ceux qui s'intéressent à l'esclavage savent déjà. Quant à ce qui rend ce témoignage émouvant, c'est le fait que Lewis Cudjo a gardé presque intact le souvenir de sa terre natale au point d'avoir vécu sa vie américaine avec la tête chargée d'images africaines.

Raphaël ADJOBI

Auteur : Zora Neale Hurston

Titre : Barracoon, 220 pages

Editeur : CC Lattès, 2019 (édition française)

13 juin 2019

La note américaine (David Grann)

                                   La note américaine

                                              (David Grann)

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            Ce roman de David Grann fait écho au bel essai de Ta-Nehisi Coates, le procès de l'Amérique, qui est un effrayant exposé des multiples techniques mises en place à travers le temps pour permettre la prédation contre les Noirs aspirant à vivre comme les citoyens blancs. La note américaine est en effet, pour sa part, la peinture d'une cynique organisation blanche prédatrice d'une communauté autochtone des Amériques.

            Déplacée de force par le gouvernement fédéral dans les années 1870 du Kansas vers une réserve rocailleuse d'Oklahoma, censée être de moindre valeur, voici que la tribu Osage apprend bientôt qu'elle repose sur le plus grand gisement pétrolifère des Etats-Unis. Comme des mouches attirées par le miel, cow-boys, chercheurs d'or, contrebandiers, hommes d'affaires et magnats du pétrole accourent de partout. Et dès le début des années 1900, la tribu Osage est devenue «le peuple le plus riche par individu au monde». Quel Blanc américain peut supporter cela ? Pour favoriser la prédation de la tribu, la loi attribua un tuteur à tous les Indiens que le ministère de l'Intérieur jugeait «incompétents». Et tous les Indiens non métissés étaient jugés «incompétents» ! Ainsi, contrairement aux autres Américains prospères, non seulement les Osages ne pouvaient pas dépenser leur argent comme ils l'entendaient mais ils devenaient la proie de la cupidité des Blancs.

            Bientôt, malgré leur qualité de vie largement au-dessus de la moyenne des Américains, le taux de mortalité des Osages va devenir le plus élevé du pays ! Et comme le système judiciaire américain - tout comme ses services de police - était gangrené par la corruption, les Osages ne cessaient de se demander avec raison à chaque procès si le jury composé exclusivement de Blancs considérait ses morts comme des meurtres ou simplement comme de la maltraitance envers des animaux.

            La note américaine est l'histoire vraie de la tribu Osage décimée par l'avidité des Blancs au début du XXe siècle ; elle est racontée ici sous la forme d'une enquête policière laissant intacts, les sentiments et les passions apparemment tendres. Une peinture sociale qui révèle non seulement la politique d'extermination des Indiens - «chaque bison mort est un Indien en moins» -  puis leur assimilation forcée, mais aussi les préjugés qui pèsent sur eux et en font les éternels victimes des Blancs. Ce récit montre aussi, dans un pays où les médias blancs ont tendance à transformer les crimes des leurs en épopée romantique, la difficile mise en place de la police fédérale qui va devenir le FBI.

            Après Ta-Nehisi Coates, David Grann nous prouve ici que la note des crimes des Blancs dans le Nouveau Monde est vraiment bien salée.    

Raphaël ADJOBI 

Titre : La note américaine, 377 pages

Auteur : David Grann

Editeur : Pocket, 2019 

5 juin 2019

Bordeaux l'ingrate ne cache plus son passé négrier (Raphaël ADJOBI)

   Bordeaux l'ingrate ne cache plus son passé négrier

Bordeaux statue

            Pendant plus d'un siècle et demi après l'abolition définitive de l'esclavage en 1848, la ville de Bordeaux est restée drapée dans son orgueilleuse suffisance qui lui faisait regarder son passé négrier comme une simple tractation commerciale. Depuis la naissance de la Ve République, les deux premiers maires de la ville - Jacques Chaban Delmas (40 ans de mandat) et Alain Jupé (près de 22 ans de mandat) - sont restés les dignes héritiers d'une France où la tradition voudrait que les enfants portent les sabots et les habits de leurs aïeux et s'obligent à faire usage, à table, de l'argenterie qu'ils leur ont laissée. Même quand la République déclara la traite et l'esclavage des Noirs un crime contre l'humanité, la ville ne se sentit pas concernée. L'altération de son jugement était confirmée par le déni constant de ses crimes par ses élus. Heureusement, nous voyons arriver une nouvelle génération de Français capables de regarder la vérité de l'histoire en face - si désagréable soit-elle.

            En effet, «l'histoire est un juge impitoyable. Elle expose au grand jour nos erreurs les plus tragiques, nos imprudences et nos secrets les plus intimes ; elle jouit de son recul sur les événements avec l'arrogance d'un détective qui détiendrait la clef du mystère depuis le début» (David Grann, La note américaine). Avec l'histoire, le déni ne tient pas indéfiniment ; il finit par perdre de sa superbe et s'écrouler ! 

            Depuis le début des années 2000, l'association "Mémoires et Partages" et son président Karfa Dialo désespéraient de voir un signe officiel évoquant la mémoire de toutes les victimes africaines qui ont fait la fortune de Bordeaux durant des siècles. Ce fut finalement Haïti qui ouvrit les yeux aux élus de la capitale girondine en leur forçant adroitement la main. A l'occasion du bicentenaire de sa fondation, la république de Haïti fit don d'un buste de Toussaint Louverture à la ville. Les élus trouvèrent-ils ce cadeau encombrant ? En tout cas, ils prirent soin de tenir le buste du célèbre révolutionnaire et abolitionniste loin de la rive gauche, loin du cœur historique de Bordeaux ; en 2005, ils l'installèrent dans un parc de la rive droite où les rares personnes qui viennent y faire leur jogging l'ignoraient superbement. Pour accroître l'indifférence du public, jusqu'à la fin de l'année 2018, aucune signalétique ne précisait ni l'identité ni l'œuvre accomplie par cette figure isolée dans ce coin de la cité.

            Enfin, officiellement, depuis le 10 mai 2019, une statue représentant une esclave noire affranchie trône de manière très visible sur une place publique de Bordeaux ! Et pour que la symbolique soit totale, elle a été érigée en face de la Bourse maritime. Même si la décision d'installer ce monument en mémoire des victimes de l'esclavage a été prise sous le mandat de l'ancienne municipalité, nous nous réjouissons que ce soit un maire représentant la nouvelle génération de français qui ait eu l'honneur de l'inaugurer. Nous espérons que le nouveau maire, Monsieur Nicolas Florian, sera plus prompt à installer une signalétique explicative afin de répondre aux interrogations déjà très nombreuses des Bordelais et des touristes ou visiteurs.

Bordeaux touriste 5

            A propos justement de l'importance des signalétiques explicatives, il convient d'évoquer ici une cérémonie émouvante qui a eu lieu le 28 mai 2019 dans une rue de la capitale girondine. Suite à la visite du "Bordeaux-nègre" organisée par le président de l'association "Mémoires et Partages", les élèves du collège Goya ont été sensibles à l'indignation de leur guide quant au fait que certaines rues de leur ville portent les noms d'anciens négriers sans que cette précision soit portée à la connaissance du public. Dans le secret et avec l'accord du principal de l'établissement, les élèves et leur enseignante ont réalisé - avec l'aide d'une artiste - une plaque explicative qui a été déposée à l'angle des rues des négriers Broca et Gradis. L'inauguration symbolique de cette plaque en présence du président de "Mémoires et Partages" fut absolument un moment historique : pour la première fois, la jeunesse française manifestait publiquement sa volonté de ne pas demeurer dans un récit national qu'elle ne comprend pas.

Collège GOYA 1

            Les lieux de mémoire sont absolument nécessaires pour donner des repères historiques de notre passé aux générations présentes et futures. Quant aux rues et aux œuvres d'art, sans les débaptiser, des signalétiques s'avèrent absolument nécessaires pour bien montrer l'esprit de ceux qui nous ont précédés, l'esprit propre à certaines époques. Laissons l'histoire faire son travail : exposer au grand jour les erreurs les plus tragiques, les imprudences et les secrets intimes de tous nos aïeux. Ainsi instruits de notre passé, nous pourrons regarder l'avenir d'un cœur plus serein et plus fraternel.

Raphaël ADJOBI

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21 mai 2019

L'Yonne Républicaine et la hiérarchisation de l'information ou l'éclatant mépris d'un journal bourguignon...

                      L'Yonne Républicaine (89)

            et la hiérarchisation de l'information

              ou l'éclatant mépris d'un journal bourguignon

                pour les héritages africains de la France

            Dans son édition du lundi 13 mai 2019, le quotidien bourguignon qui couvre le département de l'Yonne (89) a consacré sa page 12 aux événements des derniers jours de la semaine précédente. Cette page de L'Yonne Républicaine présente donc les événements qui ont marqué la ville de Joigny les 10 et 11 mai. Un simple regard sur cette page consacrée à cette cité permet d'apprécier le résultat du travail de réflexion de la rédaction de ce journal afin de parvenir à une hiérarchisation de l'importance des deux événements retenus.

            Personne ne peut croire qu'à la direction des journaux, la hiérarchisation des articles - et donc des événements - se fait par tirage au sort, par hasard. Tout le monde sait que ce travail de hiérarchisation nécessite de la réflexion. Des personnes les plus cultivées aux personnes les moins instruites, tout le monde sait ce que veut dire hiérarchiser les informations, établir un ordre de grandeur ou d'importance. Pour rendre encore plus perceptible l'importance ou non de l'information aux yeux de leurs lecteurs, les journaux jouent souvent sur la grosseur ou la petitesse des caractères et des images illustratives. En effet, en réduisant les éléments d'un texte, on souligne leur peu d'importance ; en les grossissant pour accrocher davantage le regard du lecteur, on souligne leur importance. En un mot, on envoie un message qui se veut clair au lecteur.

            Nous invitons donc le lecteur à regarder avec attention que c'est exactement le travail qui a été accompli par la rédaction de L'Yonne républicaine à la page 12 consacrée à Joigny dans son édition du lundi 13 mai 2019. 

L'Yonne Républicaine du 13 mai 2019

            La commémoration de l'abolition de l'esclavage du vendredi 10 mai 2019 est une cérémonie nationale que la ville de Joigny et l'association La France noire (titulaire de l'agrément académique) avaient conjointement organisée dans les salons de l'hôtel de ville. A cette occasion, le maire, Monsieur Bernard Moraine, avait réuni autour de lui les autres élus du Jovinien : Madame Michelle CROUZET, députée, Monsieur Nicolas SORET, conseiller départemental et Président de la communauté de communes du jovinien, et Madame Françoise Roure, conseillère départementale. A tous ces élus de la localité se sont joints les adjoints du maire et des membres du conseil municipal, deux chefs d'établissements de Joigny et des enseignants. Le directeur du Crédit Mutuel de la ville a également fait le déplacement avec deux de ses conseillers. De toute évidence, cet effort d'une ville de dix mille habitants n'a pas suffi, au yeux du journal L'Yonne Républicaine, pour placer cet événement sur le même pied d'égalité que la fondation d'un collectif animalier à Joigny ! Quel mépris pour nos élus ! Et pour que la cérémonie nationale consacrée au devoir de mémoire ne fasse pas de l'ombre à la fondation du collectif animalier, le journal a dû prendre soin de grossir le titre, les caractères de l'article et l'image illustrative de l'information consacrée aux animaux.

            Tout écrit, y compris son organisation et sa présentation, véhicule un message. Quel message cette page de l'Yonne républicaine veut-elle envoyer aux lecteurs ? Pour notre part, nous voyons ici, outre le mépris de nos élus, celui, très éclatant, de bon nombre de nos compatriotes blancs pour la mémoire des ancêtres des Français noirs ; l'héritage africain de la France (esclavage et colonisation) ne mérite apparemment pas la même considération que les malheureux chiens de la ville de Joigny.   

            Etait-il nécessaire de publier les deux articles le même jour ? Sûrement non ! Par contre, pour ce journal, il était sans doute absolument nécessaire de procéder à une hiérarchisation des deux sujets présentés ce jour-là afin d'envoyer un message fort aux habitants de Joigny. Libre donc à chaque lecteur de l'interpréter en attendant les explications savantes de L'Yonne républicaine.

Raphaël ADJOBI      

17 mai 2019

A bord du négrier, une histoire atlantique de la traite (Marcus Rediker)

                                         A bord du négrier

                         Une histoire atlantique de la traite

                                                 (Marcus Rediker)

A bord du négrier

            Voici le livre dont la lecture change radicalement le regard de tous ceux qui ont une vision classique de la traite négrière enseignée dans les collèges et les lycées européens. A bord du négrier de Marcus Rediker permet une exacte connaissance des équipages des navires négriers qui partaient pour les côtes africaines avec pour objectif de remplir leurs cales de captifs à destination des Amériques. Tous les enseignants qui dissertent avec superbe de "commerce triangulaire" devraient lire ce livre afin de pouvoir parler avec justesse de ces fameux "commerçants" blancs dont la vie et le statut sont totalement absents des manuels scolaires et des livres d'histoire.

            Peut-on appeler "commerçants" les prisonniers et les pensionnaires des orphelinats embarqués de gré ou de force pour accomplir une sale besogne qui soulèverait le cœur de tout être humain non altéré par une condition déjà misérable ? Peut-on appeler "commerçants" de pauvres paysans qui s'engagent à faire le voyage vers l'Afrique parce que trompés par la promesse d'une vie de harem avec des négresses aux seins nus ? 

            Il est bon que chacun retienne que dans le système négrier, les commerçants sont les armateurs, les commanditaires des expéditions ; et les capitaines leurs principaux bras armés prêts à tout pour le succès de l'entreprise. Une fois éloignés des côtes européennes, «les capitaines transformaient leur navire en enfer flottant et se servaient de la terreur pour contrôler tout le monde à bord, marins et captifs». Il est bon de retenir aussi que cette violence répondait à une logique institutionnelle. C'est une violence qui fonctionne en cascade, du haut vers le bas : le capitaine et ses officiers tyrannisent les marins, et les marins à leur tour torturent les captifs. C'est aussi simple que cela !  Les marins eux-mêmes souvent battus et maltraités se vengeaient de leur situation sur les êtres impuissants qui étaient en leur pouvoir et dont ils avaient la charge. Selon un capitaine anglais repenti, devenu abolitionniste, le navire négrier est «un enfer pour les esclaves blancs et les esclaves noirs». Et il ajoute : «il n'y a pas entre eux l'ombre d'une différence si l'on fait abstraction de leur couleur de peau». Des marins blancs esclaves au XVIIIe siècle ! Combien sommes-nous à savoir cela ? Retenez enfin que par cette violence en cascade institutionnalisée, une certaine idée de la race, littéralement fabriquée - Blancs dominants et Noirs dominés - s'instaurait déjà durant le voyage vers les Amériques. En d'autres termes, avant même les plantations du Nouveau Monde, «chaque navire contenait en son sein un processus de dépouillement culturel venant d'en haut [se heurtant immanquablement à] un contre-processus de création culturelle venant d'en bas» (p.385) fait de révoltes, de multiplications des suicides et du refus de s'alimenter qui étaient des réponses collectives et individuelles à l'incompréhensible captivité.      

            Un autre aspect très important de la violence exercée par l'équipage à l'encontre des captifs est la violence sexuelle. Ce sujet peu abordé par les abolitionnistes montre à quel point il était délicat en Europe. C'est pourtant de «sauvages blancs», de prédateurs sexuels et de violeurs en série que quelques rares Anglais comme le révérend John Newton - lui-même ancien négrier et auteur de l'hymne "Amazing Grace" - ont osé qualifier les marins.  Nombreux sont ces Européens de basse condition qui s'engageaient dans les voyages négriers précisément parce que, avant tout, ils désiraient cet accès sans restriction aux corps des femmes africaines. C'est d'ailleurs le grand argument des armateurs et des capitaines pour recruter facilement de nouveaux marins. Car, d'une façon générale, compte tenu des dangers, ceux qui avaient déjà effectué un premier voyage ne se réengageaient que sous la contrainte. Le nom de certain bateau est tout à fait évocateur : Free love (Amour libre).

            Sachez donc qu'après la perte de ses treize colonies des Amériques en 1783, les abolitionnistes anglais n'ont pas eu besoin de plaider la cause des Noirs que les Européens ne voyaient pas ; il leur a suffi de montrer du doigt le sort qui était réservé aux jeunes marins sur les navires négriers, et combien ils étaient nombreux à revenir boiteux, aveugles, borgnes, plein d'ulcères et fiévreux, pour convaincre le gouvernement anglais de combattre les autres royaumes afin de les obliger à arrêter la déportation des Africains vers les Amériques.

            A bord du négrier est un livre magnifique, très riche, dont il est difficile de se séparer. Il vous permet de comprendre qu'une bonne connaissance de la traite négrière commence par une bonne connaissance de l'organisation du système négrier à partir de l'Europe. En effet, parler de commerce sans connaître le statut ou la condition des acheteurs, c'est se conduire comme un inconscient.

Raphaël ADJOBI       

Titre : A bord du négrier, une histoire atlantique de la traite, 523 pages.

auteur : Marcus Rediker.

Editeur : Seuil, 2013 ; édition originale en 2007

18 avril 2019

Le chant des revenants (Jasmyn WARD)

                                  Le chant des revenants

                                               (Jesmyn Ward)

Le chant des revenants

            Le chant des revenants est certes un roman entraînant - le lecteur est toujours désireux de savoir comment les choses vont finir - mais peu enthousiasmant. Mêlant à la fois le discours intérieur et le discours oral, la lecture de ce roman requiert une grande attention pour bien distinguer et apprécier les faits passés et présents ainsi que leur étrangeté.  

            Le vieux River Red et sa femme Philomène ont deux enfants, Léonie et Given. Après la mort de ce dernier, qui a oublié qu'avec les Blancs «c'est pas ce que tu vois qui compte, (mais) ce qu'eux ils voient», plus rien ne se passe comme avant. Et pour compliquer davantage les choses, le cousin du meurtrier devient le père de leurs deux petits-enfants : Joseph et la petite Michaela. Vu sous cet angle, on s'attendrait à lire les difficultés pour une famille noire et une famille blanche à entretenir une relation harmonieuse sous le ciel des Etats-Unis d'Amérique. La réalité va largement au-delà de ces prévisibles difficultés.  

            Tout l'intérêt de ce livre est de nous replonger dans l'esprit du documentaire Le 13e (amendement), produit en 2016 pour dénoncer le mécanisme mis en place contre les populations noires «pour assurer un arrivage régulier de détenus afin de générer du profit pour les investisseurs» blancs. En effet, en partant du fantasme blanc selon lequel le Noir est dangereux, «juste après la guerre de Sécession (1861 - 1865), les Afro-Américains étaient déjà arrêtés en masse pour des délits mineurs et forcés de travailler pour reconstruire le pays» (Ava Duvernay, réalisatrice). Dans Le chant des revenants, il est précisément question d'une de ces immenses fermes pénitentiaires de coton. Et le vieux River a été un pensionnaire de Parcheman, comme l'est aujourd'hui son gendre blanc. Ce récit est clairement celui d'une Amérique des campagnes où l'éducation apparaît happée par la violence invisible des fermes pénitentiaires rythmant le quotidien des hommes et des femmes. Le chant des revenants est aussi le récit de ce passé et de ce présent chaotique nimbé des images et des soucis des morts qui semblent vouloir comprendre le sens de leur vie qu'ils n'ont pas eu le temps de connaître suffisamment ; une touche de survivance de croyances africaines qui confèrent à ce roman toute son étrangeté.     

Raphaël ADJOBI    

Titre : Le chant des revenants, 270 pages

Auteur : Jasmyn WARD

Editeur : Belfond, 2019

28 mars 2019

Louer une exposition sur l'esclavage ou l'histoire des Noirs de France

                                  Louer une exposition

               pour animer sa ville ou son établissement

            L'association La France noire, créée en 2015 pour promouvoir la contribution des Noirs à l'Histoire de France, dispose aujourd'hui d'une belle exposition pédagogique en deux parties pouvant constituer une excellente animation pour les municipalités.

            Pour en savoir davantage, prenez contact avec nous. Prenez aussi le temps de visiter notre site pour juger de la qualité de notre travail. Les trois thématiques qui le composent peuvent être retenues séparément : a) Les résistances africaines à la traite et les luttes des esclaves pour leur liberté dans les Amériques ; b) Les Noirs illustres et leur contribution à l'histoire de France ; l'invention du racisme et la négation des traces de l'homme noir dans l'histoire de l'humanité.

Contact : 06.82.22.17.74/lafrancenoire@orange.fr/ www.lafrancenoire.com  

Les sponsors (Extérieur du déplaint)

Affiche 2e Expo modifiée

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25 mars 2019

Toutankhamon le nègre ou le passé des Noirs et la fortune des Blancs

                                Toutankhamon le nègre

              ou le passé des Noirs et la fortune des Blancs

La momie de Toutankhamon

            L'exploitation abusive de la belle image du couvercle du sarcophage de Toutankhamon a fait de lui le pharaon le plus célèbre de notre temps. Ce parti pris qui laisse de côté tous les autres dirigeants de l'Egypte ancienne et de Koush (le Soudan actuel) auxquels leurs peuples ont dressé d'immenses sculptures et de somptueuses tombes en forme de pyramide n'est sûrement pas conforme à la renommée de l'homme dans l'histoire de ce royaume ancien. La qualité de conservation de la couverture de son sarcophage n'est nullement la preuve qu'il a été le meilleur de tous les pharaons ou le plus aimé.

Grande image

            Mais, au-delà de l'exploitation de l'image de ce pharaon, c'est l'idée que les Européens véhiculent depuis un siècle qui est écœurante. De même que les manuels scolaires et les livres d'histoire donnent l'impression que les châteaux d'Europe sont tombés du ciel, par miracle - parce qu'il n'est jamais fait mention des mains des paysans et des esclaves ou serfs qui les ont édifiés en maîtrisant de multiples techniques - de même ce pharaon semble ne pas avoir eu de peuple libre et donc pas de racine attachée à la terre d'Afrique. Oui, aujourd'hui, dans la conscience collective des Européens, l'Egypte semble ne pas faire partie du contient Africain. Et tout cela pour laisser croire qu'un tel homme ne peut être qu'un Blanc ! Soucieux de s'approprier le passé de ce royaume ancien, ils négligent son environnement géographique et humain. Tous les concepteurs des manuels scolaires et presque tous les historiens européens ont, pendant longtemps, travaillé à faire croire que les pharaons sont blancs et leurs peuples des esclaves noirs. 

Trois et une peinture

Egypyte tombe Toutankhamon

            En procédant ainsi au blanchiment de l'Egypte ancienne, les Européens ont réussi à faire de Toutankhamon une rente financière. En excluant sa négritude que dévoile sa momie et en ne présentant que la belle image du sarcophage, ils l'ont rendu acceptable aux yeux de tous les Blancs qui peuvent s'identifier à lui et l'inclure à leur histoire. Des livres, des statuettes représentant l'image du sarcophage se vendent parce que les Blancs ne le voient pas comme un nègre ! Et pourtant, c'est un nègre ! Et c'est sur ce passé nègre que prospère aussi aujourd'hui la population arabe qui occupe ce coin d'Afrique depuis le VIIe siècle de notre ère ; une population au physique gras et bedonnant n'ayant rien à voir avec les Egyptiens aux traits fin comme les populations noires actuelles de l'Ethiopie, de la Somalie, du Soudan, du Niger ou du Kenya où vivent les Masaïs. Non, l'environnement de l'Egypte a rarement compté pour les chercheurs européens. C'est d'ailleurs cet esprit négationniste qu'avoue Laurent Bavay, directeur de l'Institut français d'archéologie orientale : «Aujourd'hui, nous ne sommes plus à la recherche de trésors [...] Nous cherchons à comprendre la civilisation égyptienne, sa culture, son économie ou son rapport à son environnement» (entretien publié sur le site de France inter le 24 mars 2019). En effet, l'approche analogique a toujours fait faire des progrès à la science. Mais concernant l'Egypte pharaonique, les Européens ont toujours exclu cette méthode de travail. Il ne fallait surtout pas chercher à établir un lien éventuel entre la culture des populations noires d'Afrique et l'espace appelé Egypte ancienne. Non, il ne fallait pas accorder de l'importance aux Noirs des environs en établissant un lien quelconque entre leurs cultures et celle de l'Egypte ancienne. 

Egypte ancienne 4

            Assurément, les Européens ont commis deux erreurs dans leur approche de l'histoire de l'Afrique. D'une part, en l'absence de traces écrites parmi les Noirs, ils ont décrété que ceux-ci n'avaient pas d'histoire ; par conséquent, la seule histoire qui mérite d'être enseignée à leurs yeux est celle de la conquête et de leur "œuvre" coloniale. En d'autres termes, comme le disent si bien Pierre Boilley et Jean-Pierre Chrétien (Histoire de l'Afrique ancienne VIIIe - XVIe siècle, documentation photographique) , les Blancs enseignent en réalité l'Histoire de l'Europe en Afrique et non l'histoire des Africains eux-mêmes. D'autre part, éblouis par l'Egypte ancienne, les Européens ont pris soin de l'isoler de ses racines africaines pour se complaire dans la contemplation de ses monuments et objets divers au lieu de l'étudier dans son milieu géographique et humain. Voici une conférence édifiante sur la falsification de l'histoire des Noirs et particulièrement de l'histoire de l'Egypte ancienne : https://www.youtube.com/watch?v=p6zv3NXRfLg&feature=share&fbclid=IwAR1fmz7X_2cmyaHIOwUv9AMyW5psjw_aJo8d1Pi_eM5tkXvLSs9XcroEv4o  

Images et texte 2

Raphaël ADJOBI

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