28 mai 2012
Exhibitions, l'invention du sauvage
L’invention du sauvage
et les exhibitions coloniales ou zoos humains
Le dimanche 3 juin 2012 s'achèvera l'exposition "Exhibitions, l'invention du sauvage" au musée du quai Branly. Toutes mes excuses à mes lecteurs - surtout à mon amie et blogueuse Liss qui vient de la visiter - pour cette présentation tardive de cet événement. Que ceux qui peuvent encore effectuer le déplacement y courent car il vaut et mérite une halte.
C'est la lecture de "Le sauvage et le préhistorique, miroir de l'homme occidental" de Marylène Patou-Mathis qui m'a permis de prêter attention à cette exposition qui a débuté le 29 novembre 2011. Et c'est avec beaucoup d'enthousiasme que je l'ai visitée trois semaines plus tard. Ceux qui n'ont pas osé y aller ou qui hésitent à le faire devraient franchir le pas sans plus attendre. Cette exposition est à mon avis, l'une des plus belles que la France organise dans le cadre de l'évocation de son passé colonial.
Si l'exhibition publique des singularités ou des malformations humaines a participé aux succès des foires en Europe et aux Etats-Unis au début du 19è siècle, la construction scientifique du racisme pour justifier l'esclavage avait orienté le regard de l'Européen vers les contrées nouvelles comme l'Afrique, l'Océanie et le Nouveau Monde. Avec la fin de la traite atlantique et l'avènement des expansions coloniales, - vers la fin de la deuxième moitié du 19è siècle - une nouvelle passion s'était emparé de l'Europe : l'étalage de son empire par des expositions coloniales ! Partout en Europe, des milliers d'Africains, d'Indonésiens et de natifs des Amériques étaient exhibés dans des foires que les états organisaient pour montrer à leurs populations la grandeur de leur oeuvre civilisatrice. Tout cela contribuera, bien sûr, au sentiment de supériorité que certains Blancs manifestent encore aujourd'hui dans des discours qui semblent remonter à un autre âge.
Aujourd'hui, le succès de "Cannibale" de Didier Daeninckx, qui a pour cadre l'une de ces expositions coloniales avilissantes pour tous ces êtres venus des continents lointains, montre la curiosité des jeunes français pour un passé de leur pays qu'ils n'ont pas l'occasion de découvrir dans les programmes d'enseignement de l'histoire et de la géographie. Par ailleurs, le retentissement de La Venus noire (film d'Abdellatif Kechiche) a permis pour un temps à la France entière de s'étonner de la passion étrange que l'homme blanc manifestait à l'égard de son semblable de couleur différente.
Mais comme à chaque époque les hommes se disent avoir acquis une moralité supérieure à leurs prédécesseurs, ils s'enfoncent sans le savoir dans d'autres formes de mépris de l'Autre. La connaissance de cet état de chose doit nous inciter à la vigilance. Et le rôle d'une exposition comme celle que le musée Branly propose depuis six mois est d'interpeller chacun sur l'état de sa propre conscience par rapport à son semblable, à son voisin différent par sa couleur ou sa culture.
Raphaël ADJOBI
Commentaires
Mieux vaut tard que jamais !
Mince ! J'ai laissé un commentaire sur ce billet il y a quelques jours, mais visiblement, je n'ai pas cliqué sur "envoyer" puisqu'il n'apparaît pas ! Je te remerciais simplement de nous l'offrir : qui l'aurait fait aussi bien que toi ? Tu es vraiment le mieux placé pour ce genre d'articles et c'est sans doute parce que tu sais parler de l'Histoire avec les accents qui sont les tiens que j'ai été super motivée pour aller voir cette expo !
Merci.C'est très désagréable de constater que le commentaire laissé sur un article n'a pas été enregistré ! Merci pour ton petit mot suite à ta visite au quai Branly. Il m'a permis de vérifier la date limite de l'exposition "Exhibitions". J'espère que beaucoup de Noirs ont osé franchir le seuil du musée pour la voir. J'ai toujours peur que les Noirs aient le sentiment d'être rabaissés par ce genre d'exposition.
Raphaël ADJOBI, Pr. d'Histoire africaine
Bonsoir,
Dans le cadre de l'immense chantier de la Renaissance panafricaine qui me tient à coeur, j'imagine très bien chaque Africain qui voudrait apporter sa pierre à l'édifice, faire très bien ce qu'il sait faire et si possible, ce qu'il aime. Et je pense, je sens, mon cher St-Ralph, que tu es un passionné d'histoire. Les livres et certains autres articles que tu nous présentes y sont souvent liées et c'est un vrai plaisir que de lire tes billets, qui sont d'une concision que je ne saurais jamais atteindre.
Je ne suis hélas! pas allé voir cette expo qui pourtant n'était pas si loin que cela de moi.
@+, O.G.Bonjour,
Voilà que moi aussi je perds mes commentaires.
Je disais donc que je regrette de n’être pas allé à cette expo qui pourtant a duré assez de temps.
Mais comme les journées semblent définitivement fixées à 24 heures 00’ 00’’…
« Et le rôle d'une exposition comme celle que le musée Branly propose depuis six mois est d'interpeller chacun sur l'état de sa propre conscience par rapport à son semblable, à son voisin différent par sa couleur ou sa culture. » : en effet. La conscience…
@+, O.G.Mon cher Obambé, moi aussi j'ai perdu quelques commentaires ces dernières semaines, notamment chez toi. j'ai dû revenir plus d'une fois. C'est rageant ! D'autre part, pendant près d'une semaine je n'aii pas réussi à accéder au portail d'Afrikblog pour pour publier. Bon, laissons tout cela !
Pour ce qui est de ,cette exposition, j'ai été agréablement surpris par sa qualité. C'est "Le Sauvage et le Préhistorique" de Marylène Patou-Mathis qui m'a sensibilisé à cette exposition qui m'a semblé une mise en image de son livre. Comme tui peux le constater, Liss n'a pas été déçue de l'avoir vue.
Mieux vaut tard que jamais !
Merci, St-Ralph, pour ce billet. Qui mieux que toi aurait pu nous faire une belle présentation de cette exposition ? Tu es le mieux placé ! La France commence peu à peu à dévoiler ces pans d'histoire dont elle n'est pas fière, et c'est tant mieux. Les enfants ont apprécié d'entendre la voix de Lilian Thuram dans l'audioguide et ils se sont montrés très curieux, par exemple devant le céphalo... je ne sais même plus comment ils le nommaient, l'appareil servant à mesurer les crânes humains, pour démontrer que celui du Noir par exemple trahissait son état d'infériorité ! Il a fallu leur expliquer cela ; ç'aurait été dommage de rater cette expo, et je crois bien que si tu n'en avais pas parlé avec les accents qui sont les tiens, je n'aurais peut-être pas été aussi motivée !
Merci.