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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
23 novembre 2013

Pourquoi assassine-t-on les journalistes ?

            Pourquoi assassine-t-on les journalistes ?

Désiré Oué 0005

            Image sidérante : en 2013, un chef d’Etat de l’Afrique noire pleure l’assassinat de deux journalistes français comme l’avait fait plusieurs décennies plus tôt le valet Jean Bedel Bokassa lors de l’enterrement du général de Gaulle. A quelques jours de là, un autre gouvernant africain décrit sans vergogne son amitié avec l’une des deux victimes au moment où il s’était retranché dans sa République de l’Hôtel du Golf protégée par l’ONU au plus fort du conflit postélectoral ivoirien. Voilà deux attitudes qui nous laissent sans voix ! Mais quand dans le pays de ce dernier, un journaliste est assassiné par les forces dites républicaines sans que les autorités et les journaux officiels qui ont pleuré les deux Français s’en indignent, on ne peut qu’être écoeuré et crier aux « fils vendus de l’Afrique » !

Lire l'article sur les pages politiques de Raphaël / art. seul

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13 novembre 2013

La vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche)

                                          La vie d'adèle

                                     (Abdellatif Kechiche)

 

La vie d'Adèle 0001

            La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche semble parfait, et cela grâce à la justesse du ton des différentes séquences qui le composent. La marque distinctive du cinéaste - les gros plans appuyés et l'absence d'ellipse narrative - est une fois encore mise au service d'un récit long qui vous interpelle sans cesse et vous oblige à sonder votre conscience devant la vie amoureuse d'une jeune lycéenne qui devient, avec le temps, une femme de notre société.

            Le spectateur ne peut que difficilement comprendre les critiques qui ont visé la personnalité du réalisateur après la sortie du film. Il a été souvent question de sa trop grande exigence frisant l'obsession, voire la violence à l'égard des actrices. Une exigence interprétée comme une violence faite à la femme. Mais quiconque aura vu ce film ne pourra que se poser cette question : pour obtenir une telle beauté et une telle justesse de jeu, comment le réalisateur pouvait-il ne pas être très exigeant dans la pratique de son art ?

            Si le film a recueilli presqu'unanimement le jugement favorable des critiques et s'est vu décerner la Palme d'or à Cannes, c'est justement grâce à cette exigence visible sur les écrans. Comment pouvait-il tutoyer la perfection en en faisant l'économie dans son travail de réalisateur ? N'oublions pas que beaucoup de cinéastes ont été glorifiés justement parce qu'ils se sont montrés très exigents dans leurs œuvres. Pourquoi donc chez Abellatif Kechiche cette qualité serait-elle un crime ?

Abdellatif Kechiche 0001

            La vie d'Adèle n'est rien d'autre qu'une histoire d'amour, comme il en existe tant d'autres ; mais une histoire d'amour qu'il nous est rarement donné de voir publiquement parce qu'elle lie deux femmes. Tout le talent d'Abdellatif Kechiche réside dans sa capacité à faire croire au spectateur qu'il s'agit d'une relation ordinaire entre deux êtres qui s'aiment d'un grand amour ; c'est-à-dire que leurs difficultés sont celles de tous les couples de notre société, voire du monde entier. Il est d'ailleurs plaisant de découvrir dans ce film des schémas classiques de la vie des couples comme l'accueil de l’être aimé(é) dans la belle-famille, le problème du partage des tâches domestiques, ou encore les propos sur la compagne que l'on aimerait voir plus épanouie dans une activité particulière alors que l'on ne songe guère à la soulager du poids du quotidien qui l'accable dans le foyer.

            Des actrices d'une profonde vérité, dans des jeux scéniques éblouissants, font de ce film un chef d’œuvre qui marquera notre époque et fera certainement de son auteur le premier peintre réaliste de l'amour entre deux personnes du même sexe. 

Raphaël ADJOBI 

N.B : S’il y a une actrice qui apprécie la rigueur d’Abdellatif Kechiche, c’est bien Sarah Forestier (L’Esquive, 2004) qui mettra en scène son premier long métrage au printemps 2014 : « Il vous accompagne vers un état de transe, de totale créativité, et vous pousse à prendre le pouvoir, y compris sur lui. » (Télérama n° 3330 du 9 au 15 novembre 2013).      

Titre du film : La vie d'Adèle, 2013 (avec Adèle Exarchopoulos et Léa Seydou) 

Réalisateur : Abdellatif Kechiche                                                                                                               

 

11 novembre 2013

Le principe de Peter (Par L. J. Peter et R. Hull)

                                     Le principe de Peter

                                   (Par L. J. Peter et R. Hull)

Le principe de Peter 0002

            Voici un classique des librairies dont j'ai ignoré l'existence jusqu'à l'été dernier. Ne vous laissez pas abuser par la première de couverture peu agréable de l'édition que je vous propose. Le principe de Peter est tout simplement le livre que tous les travailleurs devraient lire à la fois pour juger de la compétence de leurs supérieurs et de leurs collègues mais aussi pour se situer eux-mêmes. 

            En effet, la question qui vient à l’esprit de tout lecteur dès les première pages est : « Suis-je compétent au poste que j'occupe dans la structure de la société qui m'emploie ? » Toutefois, soyez sans crainte. Le principe du Dr Peter que Raymond Hull entreprend de nous faire découvrir ne se présente pas de manière malsaine comme un miroir qu'il nous tendrait. Non, c'est plutôt une invitation à faire preuve d’un regard bien aiguisé pour voir le fonctionnement de tous les organismes de gestion de nos sociétés, l'organisation des promotions et les luttes pour les meilleures places. 

            L’auteur ne nous dit pas que tous les employés sont incompétents. Non ! Il reconnaît comme tout le monde qu’il y a dans les administrations et les hiérarchies des sociétés des gens compétents qui commettent des erreurs occasionnelles, des lapsus, des bévues ; certes des erreurs pas toujours très agréables mais que l'on pardonne parce que humaines. Par contre, qui n’a jamais manifesté de la colère à l’encontre d’une administration pour sa lenteur, pour un dossier perdu, pour des documents demandés au compte-goutte ? Qui n’a jamais exprimé sa rage devant des procédures absurdes vous obligeant à cheminer dans un dédale d’obstacles administratifs et vous faisant perdre votre temps, votre argent,  et portant parfois atteinte à vos nerfs et à votre santé mentale ? Ces tracasseries sont dues au fait que trop souvent des employés ont été installés là par le fait de la promotion à des postes où ils sont totalement incompétents.   

            Ce livre se résume en fait en la démonstration en plusieurs volets d'un principe simple : « Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence ». En d'autres termes, dans toute société, le travail bien fait est réalisé par les employés qui n'ont pas atteint leur niveau d'incompétence ; c'est-à-dire par ceux demeurés au poste où ils sont compétents mais qui attendent fiévreusement d'être promus au grade où ils seront incompétents. Vous vous dites sans doute : « c’est un paradoxe ! » Et pourtant, c’est cette cruelle réalité que nous vivons. Ce qui fait que selon le principe de Peter, dans toute administration, « avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité ». 

            Voilà, tout est dit. Et le reste n'est qu'une démonstration imparable de ce principe. Par exemple, l'analyse du fonctionnement automatique de tous les partis politiques mériterait d'être lue et relue parce qu'elle est d'une éblouissante vérité. Ainsi, un excellent « agent électoral qui fait du porte-à-porte peut être promu pour diriger un groupe d'agents. Mais un agent incompétent ou désagréable est condamné à frapper aux portes toute sa vie, en faisant perdre des électeurs à son parti ». Si l'agent promu s'avère à son tour un piètre meneur d’hommes, il demeurera pour toujours à ce poste où il fera mal son travail, car la pratique ordinaire veut que celui qui a atteint son degré d'incompétence ne soit pas appelé à être promu. En termes prosaïques, dans l’administration, on reste là où on n’est pas bon !

            Tout le monde comprend donc que la solution pour la bonne marche de toute administration et de toute entreprise serait de bien payer l'employé reconnu compétent au poste qu'il occupe et éviter de l'affecter à une fonction supérieure où ses capacités le feraient apparaître incompétent. Malheureusement, vous conviendrez avec moi que ce n’est que dans le meilleur des mondes que l’on applique résolument les idées reconnues par tous comme vraies plutôt que de les considérer comme des utopies. Dans notre monde à nous, si l’homme jugé compétent s’aventure à demander un meilleur salaire pour cette compétence officiellement reconnue, il y a toutes les chances qu’il se voie bientôt faire quelques reproches qui tendraient à lui prouver que finalement il n’est pas si compétent que cela.

            Le principe du Dr Peter continuera donc à passionner les travailleurs – comme il avait commencé à le faire dès sa première parution en 1969 – sans toutefois rien changer à nos habitudes, plus précisément à ce qu’il appelle la « hiérarchitocratie » (l’amour et le respect de la hiérarchie avec le plaisir d’en gravir les échelons qui la composent). Tout en sachant ce qu’il conviendrait de faire pour un monde meilleur, nous continuerons à nous accrocher à notre fonctionnement social où tous les organismes sont « encombrés d’incompétents, incapables d’exécuter leur travail et qui ne peuvent être promus ni renvoyés ». Aussi, dans notre monde d’incompétents, les gens continueront à s’installer complaisamment dans le syndrome de la bascule (totale incapacité à prendre des décisions) ou l’inertie esclaffatoire (habitude de raconter des histoires drôles au lieu de faire son travail). Des mots inventés par le Dr Peter – et bien d’autres que vous découvrirez en lisant le livre – pour nous éclairer sur les occupations ordinaires des nombreux employés promus à leur « niveau d’incompétence ».  

            Un livre passionnant, instructif, parfois amusant mais pas drôle du tout ! 

Raphaël ADJOBI

Titre : Le principe de Peter, pourquoi tout va mal

Auteur : L. J. Peter et R. Hull

Editeur : édit. Stock, 1er trimestre 1971, 156 pages.

(Edition présentée ici : le livre de poche, 217 pages, 2012) 

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