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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
25 septembre 2016

Mwanana, la petite fille qui parlait aux animaux (Liss Kihindou)

                Mwanana, la petite fille qui parlait aux animaux

Avertissement : En réalité, Liss Kihindou n'avait aucune connaissance du mythe auquel j'ai rattaché son récit. L'Afrique est vaste et multiple. Heureuse coïncidence donc ! Si nous retenons que - depuis toujours - de tous les coins du monde naissent des récits qui font parler les animaux avec par conséquent une fictive communication langagière avec les hommes, celui inventé par Liss kihindou rend cette communication plausible à un moment donné de l'histoire de l'humanité.

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            La grande faiblesse de la littérature africaine réside dans le peu de place qu’elle accorde à la jeunesse, surtout aux moins de 11 ans. En voulant rivaliser avec la littérature européenne qui occupe la quasi-totalité de l’espace scolaire de leurs pays, les auteurs africains ou d’origine africaine ont longtemps négligé l’univers des enfants du primaire. Or, c’est dans ces premières classes et donc dans ces premiers temps de la vie où les sens s’éveillent et butinent avidement tout ce qui se présente à eux – avant qu’ils ne deviennent plus exigeants dans leurs choix – que nous devons leur proposer les récits du monde noir afin que les enfants s’en imprègnent plus durablement.

            Nul doute que Liss Kihindou, que l’on sait passionnée de poésie et d’essais, a fait le même constat que nous de la grande vacuité de cet espace littéraire africain et décidé de l’investir. Mwanana la petite fille qui parlait aux animaux, son premier roman pour la jeunesse, reprend un mythe très populaire dans certaines contrées d’Afrique : la capacité des jeunes enfants à communiquer avec les animaux. En effet, on raconte un peu partout que lorsque les adultes sont dans les champs et les petits enfants laissés à la garde de leurs aînés de sept ou huit ans, des hommes-singes ou des singes géants venaient allègrement partager leurs jeux et disparaissaient subrepticement avant le retour des parents. De ce mythe, Liss Kihindou tire un conte explicatif agréable qui rappelle les premiers temps de l’humanité chers aux textes dits sacrés.

            Grâce à ce don merveilleux que la nature accorde encore à son âge, les aventures de la petite Mwanana nous fait passer du monde enjoué des animaux à celui très organisé des humains mais soumis aux multiples nécessités et inversement. Une intercommunication entre deux univers – bénéfique aux hommes – dont ce livre a pour but d’expliquer le terme. Si certains chapitres – surtout ceux relatant le monde des humains avec une accumulation de termes locaux que l’on ne peut retenir – nous éloignent parfois du sujet du livre, les derniers, bien structurés et bien menés, concluent admirablement ce récit qui nous réconcilie avec les mythes africains.

            Espérons que les familles et surtout les instituteurs africains feront un bon accueil à ce livre qui participe à l’appropriation par les enfants noirs des mythes qui peuplent l’Afrique des forêts.

Raphaël ADJOBI

Titre : Mwanana, la petite fille qui parlait aux animaux, 74 pages.

Auteur : Liss Kihindou ; illustrations de Terry Copaver.

Editeur : L’Harmattan Jeunesse, 2016.

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10 septembre 2016

Côte d'Ivoire, le pays déchiré de mon grand-père (Sylvie Bocquet N'guessan)

Côte d'Ivoire, le pays déchiré de mon grand – père

                               (Sylvie Bocquet N'guessan)

Sylvie Bocquet N'gu

Vivre la guerre à distance, souffrir pour ceux que l’on aime et qui sont « là-bas », en terre étrangère, est toujours cause de traumatismes dont on ne soupçonne pas les conséquences sur notre  santé physique et mentale. Tous les Français qui sont dans cette situation – comme l’ancien président Nicolas Sarkozy, Nadine Morano et Manuel Valls – savent très bien que tout ce qui atteint durement la famille vivant à l'étranger est pour eux une profonde affliction. Encore plus grande  est cette souffrance à distance quand le soutien du bourreau est notre chère France.

Merci donc à Sylvie Bocquet N’guessan d’avoir pensé à laisser trace des peurs, des angoisses, des frustrations de toute sa famille devant le mur d’incompréhension d’une France ignorante du pouvoir destructeur de nos gouvernants quand il s’agit de nos anciennes colonies. Son livre est le récit d’une jeune fille blanche – je suis obligé de le dire – de quatorze ans qui raconte avec minutie la vie de sa famille lors des événements dits de « la crise postélectorale ivoirienne  ». Oui, Marguerite la narratrice est blanche et son grand-père est noir ; et comme il convient dans l’ordre des choses, elle aime son grand-père ivoirien pour lequel elle et ses parents s’inquiètent.

Si avant les événements dits de « la crise postélectorale ivoirienne » un rituel matinal était inconsciemment établi autour du poste de radio au moment du petit déjeuner familial, avec la guerre en Côte d’Ivoire, ce rituel était devenu incontournable parce qu’attendu et redouté. En effet, ce sont les informations distillées par la radio qui rythment le récit, les actions et les réflexions des membres de la famille faites d'angoisses, d'espoirs et de peurs.

Le charme de ce livre tient au regard que Marguerite pose sur toute sa famille et particulièrement sur sa mère et sa grande sœur qui, de toute évidence, vivent plus intensément la « crise ivoirienne » dans laquelle les discours partisans des journalistes permettent à chacun de découvrir le rôle ô combien manipulateur de la France. On apprécie également la distance que parvient à prendre la jeune narratrice par rapport aux événements - et cela grâce à l'acte d'écriture - pour analyser de manière précise les réflexions et les sentiments de sa mère qui tremble pour son père en Côte d'Ivoire. Elle parvient excellemment à montrer une famille fragilisée par un événement lointain et faire trembler le lecteur pour des personnages au bord de la crise de nerf.

Raphaël ADJOBI

Titre : Côte d'Ivoire, le pays déchiré de mon grand-père, 81 pages.

Auteur : Sylvie Bocquet N'guessan

Editeur : L'Harmattan, 2012

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