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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
10 octobre 2016

Ma part de Gaulois (Magyd Cherfi)

                                                 Ma part de Gaulois

                                                        (Magyd Cherfi)

Ma part de Gaulois 0001

Ce livre a tout pour plaire : un style multiforme - langage soutenu, courant, familier, argot banlieusard, voire grossier - exprimant des aspirations étourdissantes desquelles émerge une âme de la banlieue toulousaine de la fin des années 70, assoiffée d'une plus grande fraternité culturelle avec le reste de la France ; une âme symptomatique d'une banlieue qui aspire à « sa part de gaulois ».

            En effet, isolés d'une part « derrière le périph », loin de ceux qui s'appellent entre eux Français, et coincés d'autre part entre les exigences ou les attentes démesurées des parents et l'école qui ne leur apprenait « rien d'une quelconque histoire les concernant [...], tous ces bouquins qui ne disaient rien de bien sur eux », les jeunes nés de parents immigrés ont fini par s'inventer une communauté avec ses valeurs arabes et même une manière de s'exprimer en français qu'ils voudraient distinctive. On comprend donc que Magyd Cherfi apparaisse dans cet univers comme « l'étendard nouveau de la banlieue ». Et pourtant, parce qu'il avance en creusant son sillon fleurant bon la langue de Flaubert, de Victor Hugo, de Zola, il est – pour le bonheur du lecteur – la risée de toute la jeunesse très inventive quand il s'agit de sarcasmes. Et quand on ajoute à cela qu'il est le premier arabe du quartier à préparer le bac, on frise le délire et le lynchage ! Des pages magnifiques !

            « Le bac !!!! Une anecdote pour les Blancs, un exploit pour l'indigène ». « Si tu as le bac, lui dit sa mère, je serai ton esclave, tu pourras tout me demander, un bifteck, du poulet, de la viande tous les jours, au désert tu auras des gâteaux tous les jours aussi, tiens, je t'achèterai des Adidas ». Je vous laisse imaginer quelle peut être la relation entre une mère illettrée arabe et son fils qui prépare le bac. En tout cas, chaque page qui nous les montre ensemble est un vrai délice.

            Ma part de gaulois est un récit à la fois émouvant, drôle et plein de belles réflexions grâce au regard de la banlieue sur la société française très avare à son égard quand il s'agit de culture et qui semble pour ainsi dire la condamner aux soutiens scolaires et aux ateliers divers. Et au moment où cette banlieue tente de faire une entrée qu'elle rêve fracassante dans le camp des « Français » grâce à son atelier théâtre, on reste hilare devant sa déclaration d'amour à la France ou son serment pour une intégration réussie. Un bijou ! La peinture des relations entre les filles et les garçons arabes retiendra certainement l'attention de nombreux lecteurs parce qu'elle est absolument troublante.

            Un beau roman, léger et parfois rythmé comme un slam. Tout en dévoilant les rancœurs, les préjugés, les peines et les rêves de la banlieue, il est de toute évidence une déclaration d'amour à la France et à sa culture littéraire. Magyd Cherfi n'oublie pas en effet que « l'exception française c'est d'être Français et de devoir le devenir ».

Raphaël ADJOBI

Titre : Ma part de gaulois, 259 pages.

Auteur : Magyd Cherfi

Editeur : Actes Sud, 2016 

 

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10 octobre 2016

Ma part de Gaulois (Magyd Cherfi)

                                         Ma part de Gaulois

                                                  (Magyd Cherfi)

            Ce livre a tout pour plaire : un style multiforme - langage soutenu, courant, familier, argot banlieusard, voire grossier - exprimant des aspirations étourdissantes desquelles émerge une âme de la banlieue toulousaine de la fin des années 70, assoiffée d'une plus grande fraternité culturelle avec le reste de la France ; une âme symptomatique d'une banlieue qui aspire à « sa part de gaulois ».

            En effet, isolés d'une part « derrière le périph », loin de ceux qui s'appellent entre eux Français, et coincés d'autre part entre les exigences ou les attentes démesurées des parents et l'école qui ne leur apprenait « rien d'une quelconque histoire les concernant [...], tous ces bouquins qui ne disaient rien de bien sur eux », les jeunes nés de parents immigrés ont fini par s'inventer une communauté avec ses valeurs arabes et même une manière de s'exprimer en français qu'ils voudraient distinctive. On comprend donc que Magyd Cherfi apparaisse dans cet univers comme « l'étendard nouveau de la banlieue ». Et pourtant, parce qu'il avance en creusant son sillon fleurant bon la langue de Flaubert, de Victor Hugo, de Zola, il est – pour le bonheur du lecteur – la risée de toute la jeunesse très inventive quand il s'agit de sarcasmes. Et quand on ajoute à cela qu'il est le premier arabe du quartier à préparer le bac, on frise le délire et le lynchage ! Des pages magnifiques !

            « Le bac !!!! Une anecdote pour les Blancs, un exploit pour l'indigène ». « Si tu as le bac, lui dit sa mère, je serai ton esclave, tu pourras tout me demander, un bifteck, du poulet, de la viande tous les jours, au désert tu auras des gâteaux tous les jours aussi, tiens, je t'achèterai des Adidas ». Je vous laisse imaginer quelle peut-être la relation entre une mère illettrée arabe et son fils qui prépare le bac. En tout cas, chaque page qui nous les montre ensemble est un vrai délice.

            Ma part de gaulois est un récit à la fois émouvant, drôle et plein de belles réflexions grâce au regard de la banlieue sur la société française très avare à son égard quand il s'agit de culture et qui semble pour ainsi dire la condamner aux soutiens scolaires et aux ateliers divers. Et au moment où cette banlieue tente de faire une entrée qu'elle rêve fracassante dans le camp des « Français » grâce à son atelier théâtre, on reste hilare devant sa déclaration d'amour à la France ou son serment pour une intégration réussie. Un bijou ! La peinture des relations entre les filles et les garçons arabes retiendra certainement l'attention de nombreux lecteurs parce qu'elle est absolument troublante.

            Un beau roman, léger et parfois rythmé comme un slam. Tout en dévoilant les rancœurs, les préjugés, les peines et les rêves de la banlieue, il est de toute évidence une déclaration d'amour à la France et à sa culture littéraire. Magyd Cherfi n'oublie pas en effet que « l'exception française c'est d'être Français et de devoir le devenir ».

Raphaël ADJOBI

Titre : Ma part de gaulois, 259 pages.

Auteur : Magyd Cherfi

Editeur : Actes Sud, 2016  

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