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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

27 avril 2014

Elections présidentielles de 2015 en Côte d'Ivoire : les conditions justes et équitables sont-elles réunies ?

                   Présidentielles 2015 en Côte d'Ivoire :   

les conditions sont-elles réunies pour des élections justes et équitables ? 

            Qui peut répondre par l'affirmative à cette question ? A celui qui pense que oui, il lui appartient de décliner les conditions nécessaires à des élections présidentielles justes et équitables et nous verrons bien les critères qui président, selon lui, à un tel événement. 

Côte d'Ivoire 0001

            La question avait été posée à un commentateur français concernant la Centrafrique. L'intervenant avait dit de manière simple et convaincante que les populations autochtones musulmanes ayant fui le pays par peur de représailles, il est inconcevable que des élections présidentielles soient organisées dans leur dos. Ce serait une façon d'officialiser leur exclusion du territoire national. Par ailleurs, les fonctions régaliennes étant indiscutablement assumées par l'armée française – en l'absence d'une armée nationale  digne de ce nom – toute élection serait factice, un trompe-l’œil. 

            Après ce détour par la Centrafrique qui occupe désormais les médias occidentaux, regardons la situation ivoirienne où les Français sont devenus des acteurs privilégiés depuis avril 2011... LIRE LA SUITE SUR : Les pages politiques de Raphaël /  l'article seul.

Raphaël ADJOBI

  

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11 avril 2014

Appel aux Afro-descendnats et à la diaspora africaine : 10 mai, commémoration de l'abolition de l'esclavage !

           Appel aux Afro-descendants et à la diaspora africaine

  10 mai : commémoration de l'abolition de l'esclavage

           Nous devons nous approprier notre Histoire de France

                                    pour libérer l'Afrique !

           

Place Catroux 0001

Chaque jour nous subissons le mépris de nos compatriotes blancs.

            Parce que nous sommes à leurs yeux des étrangers qui viennent manger leur pain, ne descendent-ils pas régulièrement dans les rues pour crier "sus aux immigrés" et exprimer leur peur du "remplacement de la population" blanche ?

            Chaque jour, nos concitoyens blancs nous jettent à la figure  cette question : "de quelle origine êtes-vous ?" Et cela pour mieux nous signifier que nous ne sommes pas des leurs.

            Les politiques de leur côté nous prêtent des sentiments et même des propos que nous n'avons jamais tenus. Quand nous parlons de reconnaissance, ils proclament qu'ils sont contre la repentance ; et cela pour mieux dresser nos compatriotes blancs contre nous et justifier par la même occasion leurs mesures racistes à notre égard. 

            Et pourtant, comme le reconnaissent de nombreux penseurs ou philosophes, l’idée que l’homme doit être reconnu, respecté par ses pairs pour vivre en société et se réaliser pleinement devrait être au centre des préoccupations de ceux qui nous gouvernent.

            La définition de la justice sociale ne peut en effet se limiter à la question des droits. 

            Nos dirigeants devraient aller plus loin en veillant à diagnostiquer tous les maux qui nous empêchent de nous réaliser pleinement et nous minent intérieurement parce qu'ils dégradent la reconnaissance en humiliation ou exclusion.   

               Nous devons célébrer et enseigner la France noire

            Devant le mépris des politiques et des officiels de l'Etat qui se mue peu à peu en sournoise exclusion - pouvant aboutir à un racisme décomplexé et généralisé - une impérieuse nécessité s'impose à nous, Afro-descendants et diaspora africaine : 

            nous devons nous approprier résolument notre Histoire française afin de mieux nous ancrer dans le tissu social de notre pays ! Commençons donc par faire de la commémoration de l'abolition de l'esclavage célébrée chaque 10 mai une fête nationale. Que chacun se sente concerné au point de ne jamais manquer d'être présent à ce jour de souvenir. 

            Nous devons, pour cela, répondre à l'appel des différents comités d'organisation qui seront installés dans les villes, les départements et les régions de France. Répondre à cet appel s'impose à chacun comme un devoir moral, un devoir mémoriel. 

            Une réponse massive à cet appel à nous inscrire fièrement dans le calendrier des commémorations nationales témoignera de notre réelle volonté de déchirer le voile de notre invisibilité et nous présenter en Français à part entière. Cet élément rassembleur sera un premier pas vers des actions fortes susceptibles d'ébranler la conscience de nos dirigeants et celle de nos compatriotes blancs. Il nous faudra passer par là pour que leurs yeux s'ouvrent et qu'enfin leurs oreilles entendent le cri de notre indignation et de notre douleur trop longtemps contenues.

            L'Etat français blanc a toujours refusé des réparations aux descendants d'esclaves et de colonisés, les empêchant ainsi de partir d'un bon pied dans la course à la réalisation de soi. Aussi, sans aucune forme de réparation de l'esclavage, qu'il a pourtant reconnu être un crime contre l'humanité, notre pays demeure une république inégale et injuste !  

            Que propose l'Etat pour l'éducation de nos enfants ? Quels sont les héros noirs qui peuvent faire leur fierté et les aider à se construire ? Sous leurs yeux ne se découvrent que des manuels vidés de l'histoire des Noirs, de l'histoire de leurs ancêtres que l'on veut toujours réduire au tableau sombre de la pauvreté du Tiers-monde. 

            L'Education Nationale a le devoir d'introduire les pages de notre histoire dans les manuels d'enseignement afin de rendre nos enfants fiers de la contribution de leurs ancêtres à la grandeur de la France. 

            Ce n'est pas par les slogans misérabilistes qui valorisent les Blancs et infériorisent les Noirs  que l'on peut lutter contre le racisme ; bien au contraire, c'est le meilleur moyen de l'entretenir. Que disparaissent donc de nos écoles ces images et ces actions qui tendent à faire des Noirs des éternels assistés. L'Education Nationale doit s'interdire ce jeu de dégradation et d'exclusion. 

            Quelle insulte et quel ignoble procédé d'exclusion que de toujours parler d'intégration aux enfants et aux jeunes gens nés comme leurs compatriotes blancs sur cette terre de France, soumis aux mêmes contingences ou contraintes politiques et sociales, recevant les mêmes enseignements, partageant les mêmes habitudes culturelles ! Que l'Education nationale et les gouvernants cessent de manier les lieux communs exclusifs et qu'ils agissent en vrais républicains soucieux du bien-être de tous les citoyens français et non en porte-voix de la communauté blanche française.

 Nous devons libérer l'Afrique pour changer l'image du Noir français

DSCF0483

            Nous devons - Afro-descendants et diaspora africaine - nous jeter résolument dans les débats de société touchant aussi bien la politique intérieure qu'extérieure. Nous n'avons pas le droit de rester muets et inactifs quand l'avenir de nos enfants est menacé ou quand nos parents sont victimes de la politique étrangère prédatrice de notre pays en terre africaine. 

            Nous avons le devoir - concernant l'Afrique, terre de nos ancêtres et de nos parents - de rester vigilants afin de ne pas financer les armes destinées à les appauvrir ou les assassiner.

            Nous ne devons pas permettre que nos impôts financent des guerres qui assassinent notre passé. Quand l'armée française va bombarder les pays africains, nous pleurons nos parents qui en meurent. Est-ce parce que nous profitons des produits de cette chasse que nous ne réagissons jamais ? Plutôt que de nous plonger dans une bêtifiante inertie, cet état de fait devrait nous révolter et nous mener à l’action. 

            Nous devons nous montrer capables de manifester notre désaccord ou notre opposition aux crimes commis en Afrique au nom d’idéaux trompeurs qui cachent des actes de prédation. Rappelons-nous que c’est grâce au combat populaire qu’aux Etats-Unis d’Amérique et en Afrique du Sud les limites du respect et de la considération ont été honorées par les communautés blanches.

            Il nous faut donc sans délai quitter cette inertie qui nous caractérise si fortement sur cette terre de France. Comprenons donc tous qu'en nous appropriant notre Histoire de France, nous nous montrerons forts pour défendre l'Afrique.

            Nous ne pouvons accepter que la France lance, comme une déclaration de guerre, que son avenir est en Afrique. Afin de faire échouer ce funeste projet qui nous implique tous, nous devons nous convaincre que la liberté de l'Afrique est entre les mains des Afro-descendants et de la diaspora africaine. Combattre l'action prédatrice de notre pays en Afrique doit donc être pour chacun de nous un idéal d'humanité et de justice. 

            Il y va aussi de la reconnaissance et du respect que nous attendons de nos compatriotes blancs. Les actes de la France qui humilient quotidiennement les pays africains, le rôle de troisième homme qu'elle joue constamment dans tous les conflits contribuent à la dégradation de notre image aux yeux de nos compatriotes. Combattre la politique étrangère de la France, faite d'incessantes humiliations et de criantes injustices contre la terre de nos parents et de nos ancêtres, s'avère donc un combat pour notre propre dignité. Ne pas mener ce combat, c'est renoncer à notre propre fierté et à notre soif de reconnaissance parmi nos concitoyens blancs.    

Raphaël ADJOBI        Rejoignnez la France noire

6 avril 2014

Le racisme pathologique, ou quand le racisme devient une maladie

                              Le racisme pathologique

                  ou quand le racisme devient une maladie 

Racisme 0005

            Regardez bien les deux premières images qui illustrent ce billet. Prenez le temps de chercher à comprendre ce qui pourrait justifier le comportement des deux personnes blanches en action. Certains aiment à dire qu'il faut replacer les choses dans leur contexte. Je vous laisse alors le loisir de l'inventer. Pour ma part, rien ne peut justifier ces deux comportements. 

Racisme 2 0006

            Dans les deux cas, les personnes noires attaquées ne représentent aucun danger pour chacun des deux Blancs. Les dames dans la piscine auraient-elles antérieurement offensé l'hôtelier ? Même si c'était le cas, peut-on trouver juste de réparer l'offense avec une telle violence destructrice et surtout en prenant la personne par traitrise ? Quant au policier, c'est discrètement qu'il gaze la fillette, démontrant clairement qu'il est en faute, qu'il n'est pas en train de sanctionner légalement la fillette qui l'aurait outragé. 

            Ces deux images sont indiscutablement la marque d'un racisme dont seuls sont capables les Blancs à l'égard des Noirs en ces temps modernes. Comment peut-on expliquer l'existence de ce racisme intimement ancré dans les profondeurs de certains êtres humains ? Il serait difficile de qualifier ces gestes de gratuits, épidermiques, totalement irréfléchis et donc irrationnels. 

            Je crois sincèrement que lorsque le racisme s'apparente à ce que l'on appelle un geste gratuit, un geste proche de l'enfantillage - ce qui fait que l'on dit que c'est pour s'amuser - c'est que nous sommes justement en face du racisme pathologique. Ce dernier type de racisme profondément ancré dans l'être, a des manifestations impulsives et procure de la jouissance. Il est différent du racisme fanfaron qui vise à blesser et à se faire valoir par la même occasion. Il va plus loin que le racisme culturel qui veut affirmer la supériorité de sa race. Le racisme pathologique qui a l'apparence de l'irrationnel est le résultat d'un traumatisme subi dans un contexte extrêmement raciste. C'est dire que le fait de baigner constamment dans un milieu profondément raciste fait de vous un malade du racisme. 

            Pour vous expliquer cela, je vais passer par un détour qui nous mettra tous d'accord. Les traumatismes propres aux bourreaux sont régulièrement relevés chez les soldats américains et européens qui ont séjourné dans des zones de conflits très violents où ils ont pratiqué la torture, le viol et la boucherie humaine. Ils en reviennent brisés et vivent dans la peur de reproduire les mêmes comportements avec leurs concitoyens. De même que leurs victimes - dans les pays qu'ils ont quittés - portent en eux des traumatismes profonds, ils sont  eux aussi atteints de maladies singulières.            

            N'est-il pas vrai que les Noirs d'aujourd'hui portent encore en eux  des réflexes liés à l'histoire douloureuse  de l'esclavage et de la colonisation ? N'est-il pas vrai que nos pensées sont imprégnées de ce passé douloureux qui nous a plus ou moins profondément affectés ? Les dommages psychologiques que nous ont infligés l'esclavage et la colonisation sont bien réels, au point que certains en ont encore des manifestations proches de l'irrationnel. De même, comme le fait adroitement remarquer Louis-Georges Tin dans Esclavage et réparations, les descendants des colons ont aussi gardé des séquelles de cette époque. Habitués à briser impunément des vies humaines à longueur de journée, certains ont développé en eux "narcissisme, complexe de supériorité, schizophrénie tendant parfois au double discours, trouble de la mémoire proche de l'amnésie, angoisses obsidionales* par rapport aux étrangers, paranoïa postcoloniale liée à une psychose du déclin, etc." 

            En un mot, les gestes racistes que nous pouvons observer sur les deux premières images sont ceux de personnes malades du racisme pratiqué à outrance. Et comme tous les malades, ils ont besoin d'être soignés, à défaut d'être internés. 

* Sentiment d'être assiégé. Ces personnes voient partout des étrangers qui veulent prendre leur place, qui représentent donc une menace.

Racisme à Harvard 0003

Raphaël ADJOBI

30 mars 2014

Esclavage et réparations, comment faire face aux crimes de l'histoire (Louis-Georges TIN)

                            Esclavage et réparations

          Comment faire face aux crimes de l'histoire...

Esclavage et répartion 0004

            Voici le livre que je recommande spécialement aux Afro-descendants et à la diaspora africaine. Un livre à lire absolument pour avoir des arguments contre ceux qui veulent tourner la page du passé esclavagiste de la France sans avoir jamais rien lu venant des victimes et de leurs descendants. Un livre au ton franc, susceptible de galvaniser les peuples noirs épris de justice. Nos compatriotes blancs peuvent également le lire s'ils sont vraiment désireux de comprendre nos frustrations et nos profondes aspirations. 

            En France, un constat écœurant est évident : à la radio, à la télévision, dans les journaux, dans les discours politiques, les Blancs parlent aux Blancs. Partout, on ne lit que cette totale indifférence empreinte de mépris à l'égard de la France noire. Quant aux sentiments et aux pensées des Noirs, ce sont encore les Blancs qui les expriment. De Jean-Marie Le Pen à François Hollande en passant par Nicolas Sarkozy, la France blanche clame haut et fort qu’elle est contre la repentance concernant les crimes de l'esclavage et de la colonisation. Mais quelle voix noire a-t-on entendue réclamer la repentance pour que ces hommes politiques en fassent leur fonds de commerce ou leur bouclier national contre les Noirs ? Quel homme noir a réclamé, dans quelque assemblée du pays, une telle chose de la communauté blanche française ? Personne ! Jamais aucun officiel noir n'a publiquement réclamé cela.   

            La réalité, c’est que les Blancs nous prêtent des sentiments et en discutent entre eux. Jamais ils ne prennent le temps de nous demander ce dont nous souffrons au sein de notre commune nation. Ne nous écoutant jamais, ils ne risquent pas de nous entendre dire où nous avons mal. Notre passé que leurs ancêtres ont contribué à briser les indisposerait-il au point de ne pas daigner voir nos souffrances qui en découlent ?

                                                   L'objet du livre 

            Voici le livre qui parle de ce passé lourd et des débats qu'il a suscités à travers plus de deux siècles. Oui, le débat sur les réparations - et non sur la repentance - ne date pas de la fin du XXe siècle ou de ce début du XXIe siècle. Louis-Georges Tin a eu l'excellente idée de nous faire parcourir les discours, les différents points de vue qui ont nourri et nourrissent encore ce débat deux fois centenaire.

            Peut-on demander des réparations pour un crime contre l'humanité vieux de deux siècles ? Oui ! Même quand le crime est vieux de mille ans, c’est encore possible ! Lisez ce livre et vous comprendrez que les humains sont partout clairs sur ce principe. Le seul problème, c'est que malgré cette universelle unanimité, partout, il faut se battre pour obtenir ces réparations. Et seuls les imbéciles baissent les bras.  

            Vous découvrirez grâce à ce livre les multiples marques d'hypocrisie, de malhonnêteté et même de perversion de la France à l'égard de tout ce qui touche aux peuples noirs. Vous découvrirez que les politiques français - tous blancs - qui refusent que l'on parle de réparation sous quelque forme que ce soit concernant l'esclavage ou la colonisation n'ont jamais jugé injustes les réparations dont la France a bénéficié des mains des Allemands après chacune des deux grandes guerres. Alors que la construction d'Israël a été financée par l'Allemagne en guise de réparation, la France a renvoyé ses anciens combattants originaires des colonies mourir dans la misère chez eux. Vous découvrirez que seule la France refuse d'honorer l'universelle obligation des réparations quand il s'agit des Noirs ; montrant ainsi à quel point ses institutions sont gangrenées par le racisme.   

            Alors qu'aux Etats-Unis et ailleurs le débat sur les réparations est chose courante au point où des résultats continuent d'être obtenus après bientôt deux siècles d'abolition de l'esclavage, la France refuse de regarder son passé en face et n'a jamais fait un seul pas pour se réconcilier avec sa population noire. Sans doute parce que le passé criminel de la France est plus lourd que celui de toutes les autres nations. En effet, elle est le seul pays au monde qui, après avoir aboli l'esclavage, a demandé aux esclaves de verser de l'argent aux colons en guise de perte de leurs biens qu'ils étaient ! Ainsi, de 1825 à 1946, elle a obligé Haïti à verser à la Caisse des dépôts et consignations « la somme de 150 millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons ». Dans ces conditions, Haïti ne peut qu’être très en retard par rapport à sa voisine espagnole Saint-Domingue.  

            La France est donc la seule nation au monde qui, face à un crime contre l'humanité, non seulement indemnise les criminels mais oblige les victimes à prendre en charge cette indemnisation. Et c'est cette même France qui est la seule à crier sur tous les toits – avec des arguments fallacieux que vous découvrirez en lisant ce livre – que des réparations concernant l'esclavage sont impensables parce qu'impossibles.

            L'image que l'on retient de ce livre est celle des esclaves libérés mais abandonnés à leur sort. Libérés parce que l'on a reconnu le mal qui leur a été fait. Mais jamais justice ne leur a été rendue. Ils ont été renvoyés des champs, donc des terres. Se retrouvant sans terre et sans aucun bien, la République française leur demande tout de même de rivaliser avec les Blancs qui ont engrangé durant des siècles des fortunes en exploitant leur force. Comment des êtres démunis peuvent-ils rivaliser avec ceux que leur travail a enrichis et qui ont tout gardé ? Comment la République peut-elle les déclarer égaux si elle ne donne pas à l'ancien esclave les moyens de rivaliser avec son ancien maître ? Sans aucune forme de réparation de l'esclavage qu'elle a pourtant reconnu être un crime contre l'humanité, la République française demeurera à jamais une république inégale et injuste !

Raphaël ADJOBI 

Titre : Esclavage et réparations, comment faire face aux crimes de l'histoire..., 167 pages.

Auteur : Louis-Georges TIN (Président du CRAN)

Editeur : Editions Stock, 2013.

14 mars 2014

Dumas, le comte noir, ou l'histoire du vrai comte de Monte-Cristo (Tom Reiss)

                               Dumas, le comte noir

                                                  ou

               l'histoire du vrai comte de Monte-Cristo

Le général Dumas 0002

            Avec cette biographie de son père, les amoureux de l'écrivain Alexandre Dumas vont être comblés ! Ils vont enfin pouvoir mettre une image réelle sur le portrait romanesque d'Edmond Dantès, le héros du Comte de Monte-Cristo. Car c'est bien du comte Alexandre Davy de la Pailleterie - ce métis né à Saint-Domingue, aujourd'hui Haïti - qui deviendra le général Alexandre Dumas, dont il s'agit ici. C'est donc au premier des trois Alexandre Dumas - le moins connu en ce XXIe siècle - que s'est intéressé l'Américain Tom Reiss, afin de mieux éclairer l'oeuvre éblouissante et étourdissante de son fils qui demeure aujourd'hui le plus célèbre des écrivains français. 

            Une précision importante : ce livre est assurément plus qu'une biographie du premier général noir de France qui, sous la Révolution, fut un vrai symbole pour la première république. C'est un récit passionnant, admirablement mené, qui nous fait découvrir l'émergence d'une élite noire dans la société aristocratique parisienne de la fin du XVIIIe siècle. Un vrai paradoxe dans ce siècle esclavagiste ! Il faut lire ce livre pour connaître l'histoire de la Révolution française dans toute sa violence et ses excès, mais également son amour d’égalité et de fraternité au sein de l’Empire d’alors. C’est en effet à l’unanimité et par acclamation que le 4 février 1794 la Convention a voté l’abolition de l’esclavage des nègres dans l’ensemble des colonies (août 1793 à Saint-Domingue), conférant par la même occasion la qualité de citoyen français à tous les hommes domiciliés dans les colonies sans distinction de couleur. Enfin, on apprend ici, dans les détails les plus significatifs - parce qu'ils émanent des militaires - la fabrication progressive du mythe napoléonien qui va rapidement ruiner les acquis humains ou moraux de la première république née de la Révolution.

            La Révolution de 1792 avait en effet mis la France au banc des accusés de toutes les monarchies européennes. Craignant voir celles-ci l'envahir pour rétablir Louis XVI sur le trône, elle entreprit de passer à l'offensive. Dans tout le pays, « la guerre avait justifié la terreur. Les tensions aux frontières avaient alimenté un esprit revanchard et alimenté toutes les théories de la conspiration qu'avaient pu inventer toutes les factions les plus extrêmes du Comité (de salut public) ». Et c'est donc dans cette atmosphère électrique – où la guillotine fonctionnait à plein régime sur les places publiques de France et où l'on défiait les royaumes voisins dans lesquels l'on voudrait porter le ferment de la Révolution et du républicanisme – que va se dessiner le destin militaire extraordinaire du fils d'un marquis désargenté arrivé quelques années plus tôt de Saint-Domingue.    

            Avec Dumas, le comte noir, Tom Reiss a réussi un récit complet sur le génie du général Dumas. On le voit traverser son époque dans ses aspects politique, social et culturel. Arrivé en France à quatorze ans, le jeune métis va mener à Paris une vie d’aristocrate avant de prendre l'uniforme militaire dans les dragons de la reine. Promu général de brigade dans l'armée du Nord grâce à ses exploits, un mois plus tard, il devient général de division et a dix mille hommes sous ses ordres. « En moins d'un an, le simple brigadier des dragons s'était hissé dans les sphères les plus élevées de la hiérarchie militaire. » 

            Il faut dire que le général Dumas était une force de la nature dont les exploits étonnaient et suscitaient l'admiration de ses pairs et des historiens français et anglais. Il séduisait tout le monde ; y compris Bonaparte qui cependant n'aimait guère son franc-parler et son républicanisme inébranlable. Et pourtant, c'est cet homme craint et respecté – que les Egyptiens croiront être le vrai patron de l'expédition menée par Bonaparte sur leur  terre, tellement il les impressionnait – c’est cet homme que la jalousie et la haine implacable du bonapartisme va enfouir sous ses institutions ouvertement racistes dans le seul but de l'effacer, en même temps que tous ceux de sa race, de la mémoire collective des Français. 

            On ne peut qu'être reconnaissant au journaliste et écrivain Tom Reiss d'avoir consacré quelques années de sa vie à marcher pour ainsi dire dans les pas du général Alexandre Dumas et rassemblé ici les témoignages de l'Histoire qui éclairent à la fois l’œuvre du fils et l'institution du racisme comme système de gouvernement et d'éducation en France. Il permet de comprendre pourquoi, à toutes les époques, les hauts dignitaires de la République ont pris soin d'éviter le nom du général Alexandre Dumas. En embrassant leur fonction, tous apprennent que la réhabilitation de ce glorieux général équivaudrait à la reconnaissance de la permanence du racisme institutionnalisé par Bonaparte. Ce serait aussi avouer que le héros du Caire était bien Alexandre Dumas et non point l'homme blanc immortalisé par le peintre Girodet. Les preuves du racisme institutionnalisé que nous livre l'auteur font parfois froid dans le dos ! Il faut savoir son calme garder pour terminer cette éblouissante biographie qui nous montre à quel point la France d’aujourd’hui est très loin de ses idéaux républicains nés de la Révolution.   

Raphaël ADJOBI 

Titre : Dumas, le comte noir. Gloire, Révolution, Trahison : l'histoire du vrai comte de Monte-Cristo, 363 pages (471 pages avec les notes, la bibliographie et les remerciements).

Auteur : Tom Reiss

Editeur : Flammarion 2013.

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1 mars 2014

La vie de nègre d'Alexandre Dumas

           La vie de nègre d’Alexandre Dumas

Alexandre Dumas 0006

            Alexandre Dumas est certainement l’auteur français le plus populaire au monde. Qui n’a jamais entendu parler des Trois mousquetaires ? Qui n’a jamais entendu prononcer la formule « un pour tous, tous pour un » ? En tout cas, en France, tous les enfants ont joué, jouent et joueront encore longtemps à imiter ses héros.

            C’est lors du transfert de sa dépouille au Panthéon le 30 novembre 2002 que l’on a pu mesurer à quel point cet écrivain français a marqué des générations d’élèves à travers la terre entière. Sur le site www.dumaspere.com, les internautes du monde entier avaient exprimé leur admiration et leur reconnaissance a l'égard du génie d’Alexandre Dumas. Chose étonnante, aucun n’avait évoqué sa négritude ; comme si devant le talent, l’homme avait disparu. On oublie trop souvent que quand les gens écrivent des romans, ils ne cessent pas d’être homme et de vivre les meurtrissures de la vie quotidienne qui souvent forgent leur caractère et orientent même leur production littéraire ou artistique. Après avoir piétiné et rejeté son père dans l’oubli malgré tout ce qu’il a fait pour la République, après avoir refusé de réhabiliter ce père injustement déshonoré alors qu'il fut le plus glorieux général français de la fin du XVIIIe siècle, le 30 novembre 2002, la nation tout entière a chanté et loué le fils qui ne cessa de le pleurer. 

            Je me réjouis de savoir que la proposition du transfert des cendres d’Alexandre Dumas ne soit pas venue des Afro-Français. Il est certain que la cérémonie aurait été entachée d’une malsaine polémique.

            Je ne peux ici saluer le talent littéraire d’Alexandre Dumas. Ceux dont l’enfance fut bercée par ses récits sauront le faire mieux que moi qui n’ai lu que Joseph Balsamo bien tard. Cependant, je dirai à la manière de Montaigne que c’est l’homme qui m’intéresse. Quels sont les événements de la société, les faits de la vie quotidienne qui ont affecté la sienne ? C'est ce que je vous propose ici. Plongeons donc ensemble dans la vie - méconnue de beaucoup - du père des Trois Mousquetaires ; une vie de nègre faite de racisme subi au quotidien.

              Le toilettage ou la "dénégrification" d'Alexandre Dumas   

            Durant tout le XXe siècle jusqu'en ce début du XXIe siècle, les œuvres critiques et les manuels scolaires se sont appliqués à cacher à des générations de lycéens et d'étudiants la « négritude » ou la part nègre d'Alexandre Dumas, et le racisme qui en est le pendant obligé dans la société française. Pour ce faire, les écrits le concernant ne s'attardaient jamais sur sa famille. Partout on évoquait à peine son père, né esclave avant de devenir le premier général noir de la France et même un héros national parmi ses contemporains avant de sombrer dans la déchéance puis l'oubli. On évitait de mentionner les quolibets et le racisme primaire dont il a été la victime durant sa vie entière.

            Aussi, dans la conscience populaire française du XXe siècle, Alexandre Dumas est demeuré un grand écrivain français dont la blancheur de peau - sa « blanchitude » - n'était pas à démontrer. Pour tout le monde, son œuvre qui célèbre l'esprit de la société française d'une certaine époque ne pouvait qu'être celle d'un Français blanc pétri de la culture et des traditions blanches de son temps. Pouvait-on croire un seul instant qu'un homme qui a du sang noir ait pu s'élever à un tel degré de génie pour peindre les mœurs françaises avec autant de virtuosité ? Non ! Une littérature de cape et d'épée ne saurait jaillir que de la plume de la branche pure des citoyens français : la race blanche, la race de ceux que des imbéciles ignorant les mélanges à travers les siècles appellent encore « Français de souche ». 

            Afin de mieux montrer que le génie d'Alexandre Dumas et de son fils, auteur et dramaturge lui aussi - célèbre grâce à La Dame au Camélia - n'a rien à voir avec le monde nègre, on a nommé l'un Alexandre Dumas père et l'autre Alexandre Dumas fils. Par voie de conséquence, le général Dumas, le métis, était exclu de la lignée des grands hommes de la France ! Rayer ainsi son père de l'Histoire fut la marque d'un racisme officialisé que la nation française a voulu, consciemment ou non, infliger au célèbre écrivain.     

            Et quand – avec le temps, et la curiosité aidant - il se trouva quelques individus parmi nous pour souligner de façon un peu trop appuyée la part nègre de ce génial père des Trois Mousquetaires, très vite, on a vu ressortir les arguments de son époque cent fois utilisés pour le discréditer. Il aurait, rappelle-t-on, abusé du recours aux « nègres » pour ses productions littéraires. Sa prodigalité littéraire ne s'expliquerait que par le fait que d'autres travaillaient dans l'ombre pour qu'il existât. Et en ce XXIe siècle, comme dans les siècles précédents, il a encore fallu démontrer que le père des Trois Mousquetaires était indubitablement le père de ses œuvres même si d'autres ont entrepris de sérieuses recherches pour lui et l'ont même remplacé dans la production de certains feuilletons destinés à la presse de son époque. 

Alexandre Dumas 2 0003

            Oui, Alexandre Dumas est définitivement réhabilité ! Le racisme n'a pas eu raison de son talent et de la Vérité. Comme l'a si bien souligné l'historienne Simone Bertière, il est prouvé qu'Auguste Maquet, à qui on a voulu faire partager la paternité de certaines œuvres avec Dumas, n'a absolument aucun talent d’écrivain ! Collaborateur d'Alexandre Dumas durant sept ans comme documentaliste, il avait apparemment continué seul à fournir les copies de feuilleton à la presse au moment où son maître s'est jeté dans la politique. « [Maquet] se sent alors pousser des ailes, il commence alors à traiter directement avec les directeurs de journaux, et il finira par traîner Dumas devant les tribunaux. Il obtient de l'argent, mais pas le partage de la réputation qu'il réclamait. [...] on a retrouvé certains "premier jets des "Trois Mousquetaires" écrits de la main de Maquet. A première vue, on se dit que tout y est. Mais à y regarder de près, le texte est plat, sans charme. Les détails que Dumas ajoutera ou changera ensuite feront tout le relief, toute la saveur du passage. D'ailleurs Maquet a ensuite publié d'autres récits sous son nom, et ses romans ne valent rien... Dans ce couple étrange, c'est Dumas, et Dumas seul qui est l'écrivain »(1). Alexandre Dumas était déjà célèbre avant la contribution d’Auguste Maquet. Celui-ci n'a été qu'un documentaliste au départ très honoré de travailler pour l'illustre dramaturge dont la réputation n'avait jusque là jamais été contestée. 

            D’ailleurs, aujourd’hui, les recherches de l’Américain Tom Reiss (2) démontrent de façon éclatante qu’aucun Français blanc n’aurait pu écrire Les Trois mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo ou Georges. Tout simplement parce que toutes ces œuvres sont profondément imprégnées de la personnalité du père métis, le général et comte Alexandre Dumas né esclave à Saint-Domingue qui deviendra Haïti. Par exemple, au XVIIIe siècle, comme aujourd'hui, presqu'aucun Français n'était capable de situer Monte-Cristo sur une carte du monde.

                                            "Eh bien ! c'est un nègre !"

            Ce n'est donc que par pur racisme que l'on a régulièrement exhumé la querelle qui a opposé le père des Trois Mousquetaires à Auguste Maquet. Ce racisme, Alexandre Dumas le vivait quotidiennement. Et contre ceux qui ne voulaient voir en lui qu'un nègre - jusqu'à son nom qu'il tient de sa grand-mère noire et esclave - au XIXe siècle, il a fallu que Victor Hugo prenne sa défense : « Le nom d'Alexandre Dumas est plus que français, il est européen ; il est plus qu'européen, il est universel. Alexandre Dumas est un de ces hommes qu'on pourrait appeler les semeurs de civilisation ». L'usage constant du racisme à son égard témoigne à quel point ce quarteron aux cheveux crépus, fils d'un métis, gênait ses contemporains jaloux de son talent et de sa notoriété. 

            Mais plus terrible encore sont les quolibets, les imbécilités que les petits esprits vous jettent à la figure. « Eh bien ! c'est un nègre ! » disait ainsi de lui Balzac. On rapporte que la célèbre actrice appelée Mademoiselle Mars s'écria un jour après avoir reçu Alexandre Dumas chez elle : « Il pue le nègre, ouvrez les fenêtres ! » Autre circonstance, autre fait. « Dumas un jour entre dans un salon. L'un de ses ennemis le voyant arriver change de conversation et se lance dans une savante dissertation sur les "nègres", comme l'on disait alors. Plaisanteries fines d'un racisme ordinaire. Dumas ne bronche pas. L'autre élargit sa démonstration aux colorés de tous horizons. Dumas n'a garde de bouger, encore moins de répondre. Enfin, n'y tenant plus, l'odieux personnage apostrophe directement notre auteur :

- Mais au fait, mon cher maître, vous devez vous y connaître, en nègres, avec tout ce sang noir qui coule dans vos veines.

Dumas réplique alors, sans avoir à élever la voix au milieu d'un profond silence du salon dévoré d'anxiété :

- Mais très certainement. Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière grand-père un singe. Vous voyez, Monsieur : ma famille commence où la vôtre finit » (3)

            Surtout après le succès des Trois Mousquetaires et du Comte de Monte-Cristo, les critiques s'acharnèrent contre lui, et ne manquèrent pas une occasion pour rappeler ses origines africaines. « Grattez l'écorce de M. Dumas, écrit Eugène de Mirecourt, vous trouverez le sauvage. Il tient du nègre et du marquis tout ensemble. [...] Le marquis joue son rôle en public, le nègre se trahit dans l'intimité ! » De leur côté, les caricaturistes ne lui épargnèrent guère les clichés racistes et se moquèrent sans discontinuer de ses ambitions d'écrivain. Le Charivari publia un dessin le représentant au-dessus d'une marmite dans laquelle il fait bouillir tout cru les personnages de ses romans : les yeux exorbités, il lance un regard démoniaque à un mousquetaire qu'il porte à sa bouche exagérément lippue prête à déguster de la chair blanche ! Après avoir commenté cette caricature, l'Américain Tom Reiss écrit : « Si son père était mulâtre, l'écrivain n'avait qu'un quart de sang noir mais, depuis la fin du XVIIIe siècle, les préjugés de couleur s'étaient ancrés dans les mentalités et le teint cuivré que le général avait légué à son fils suscitait moins l'admiration que le mépris » (4). 

Alexandre D

            Il est certain que ces insultes blessaient profondément Alexandre Dumas. Cependant, il ne le manifestait pas. En revanche, comme l'a si bien montré Tom Reiss (4), il n'a jamais supporté que son père, le plus glorieux général de la fin du XVIIIe siècle ait sombré dans l'oubli total des livres d'histoire. Aussi s'est-il appliqué à le venger à sa façon en inventant des héros qui lui ressemblent beaucoup. D'ailleurs, le père des Trois Mousquetaires et du Comte de Monte-Cristo le dit lui-même : « Lorsque j'ai découvert que j'étais noir, je me suis déterminé à ce que l'homme voie en-dessous de ma peau ». Et sous la peau de ses héros, que trouve-t-on ? Toutes les valeurs qu’incarnait à ses yeux son père !     

            C'est pourquoi, le jour du transfert de ses cendres au Panthéon, les nombreux discours qui ont été prononcés en cette occasion ignorant le racisme qui l’a poursuivi durant toute son existence ou se limitant à l'évocation de son ascendance nègre, ces discours-là m'ont profondément offusqué. Mis à part Claude Ribbe (cela va de soi ; il est métis, donc Noir), seul le Président Jacques Chirac a osé longuement parler de l’injustice dont il a été l’objet du fait de ses origines nègres, en d’autres termes du racisme dont il a souffert : « La République, aujourd'hui, ne se contente pas de rendre les honneurs au génie d'Alexandre Dumas. Elle répare une injustice. Cette injustice qui a marqué Dumas dès l'enfance, comme elle marquait déjà au fer la peau de ses ancêtres esclaves. […] Fils de mulâtre, sang mêlé de bleu et de noir, Alexandre Dumas doit alors affronter les regards d'une société française qui […]lui fera grief de tout : son teint bistre, ses cheveux crépus, à quoi trop de caricaturistes de l'époque voudront le réduire, sa folle prodigalité aussi. Certains de ses contemporains iront même jusqu'à lui contester la paternité d'une œuvre étourdissante et son inépuisable fécondité littéraire qui tient du prodige. »

            Devant cette reconnaissance officielle du talent, mais aussi de la nature profonde de l'homme et de sa vie de nègre, il est inutile de s'étendre davantage. Alexandre Dumas est enfin reconnu comme un écrivain nègre français parce qu'il a vécu comme tel et s'est reconnu comme tel. 

Raphaël ADJOBI              / Faites un don à l'association La France noire 

(1) Entretien de Simone Bertière publié dans le journal Le point du 24-31 décembre 2009. Simone Bertière est l'auteur de Dumas et les mousquetaires. Histoire d'un chef d'œuvre, éditions de Fallois

(2) Dumas le Comte noir... L'histoire du vrai comte de Monte-Cristo, édit. Flammarion 2013.

(3) Biet C., Brighelli J.-P., Rispail J.-L., Alexandre Dumas ou les aventures d'un romancier, Paris, Gallimard, Coll. Découverte, 1986, p.75). 

(4) Tom Reiss, Dumas le comte noir..., Ed . Flammarion 2013, p. 24 

24 février 2014

Où étaient les Français dits de souche pendant la seconde guerre mondiale ? Notre France est d'origine étrangère !

     Où étaient les Français dits de souche

           pendant la seconde guerre mondiale ?                                    

Soldats coloniaux 0002

Après le livre de Jacques Lusseyran (Et la lumière fut) qui dévoile que la résistance française n'était pas un mouvement de masse mais le travail de quelques activistes réunis au sein de groupuscules traqués par la police allemande et le régime officiel Français (Vichy), voici qu'Edwy Plenel vient enfoncer le clou en soulignant la maigre contribution des Français dits de souche à la libération de la France en 1945. En d'autres termes, la grande majorité des français qui rejettent aujourd'hui tous ceux qui n'ont pas une couleur de peau semblable à la leur sont des planqués ou des fils de planqués durant la seconde guerre mondiale.

Il suffit de regarder la réalité de la France en face pour comprendre qu'il ne pouvait pas en être autrement à cette époque. D’abord, l’armée française était restée fidèle à Vichy et n’a participé en aucune façon à la libération du pays. Ensuite, 80 à 90% des français qui chantent la Résistance et qui croient que leurs parents ou grands-parents sont des résistants sont des menteurs ou des incultes ! Ils ne connaissent pas notre histoire parce que l'Education nationale n'enseigne pas encore la vérité sur ce chapitre. « Ce placard mémoriel » reste à ouvrir ! Selon jacques Lusseyran, pendant la seconde guerre mondiale, au moins 50% des Français étaient des « traitres […] pires que la gestapo » ! Et le reste de la population était constituée de « la masse informe des hésitants, de tous ceux qui approuvaient ce que nous faisions et se gardaient bien de le faire » ; ce sont ceux-là que l'on appelle communément « les planqués ». C'était cela la France ! Et la France raciste d'aujourd'hui – qui descend dans les rues pour crier sa colère contre « l’immigration, l’islamisation de la France et le remplacement de la population » - est constituée des enfants des « traites » et des « planqués » qui ont laissé la défense de la mère patrie aux soldats des colonies quand il fallait aller au feu. Il convient donc de retenir une fois pour toutes que ce sont les parents de ceux que l’on montre aujourd’hui du doigt qui ont permis à Charles de Gaulle de gagner son pari : c'est-à-dire de s'asseoir à la table des vainqueurs et non pas apparaître comme le pion des Anglais et des Américains qui ont volé au secours de la France. Edwy Plenel a donc raison de rappeler cela à la France raciste et ignorante de son histoire. Il rejoint ainsi Gaston Monnerville, ce métis guyanais qui fut durant plus de vingt ans le président du Senat français. « Sans l’empire, disait Gaston Monnerville le 15 mai 1945, la France ne serait qu’un pays libéré. Grâce à l’empire, la France est un pays vainqueur ».           

                                   "Notre France est d'origine étrangère"

                                          (Edwy Plenel / 19-02-2104)           

"La question coloniale est au coeur de notre présent, parce qu'elle est un noeud qui n'est pas dénoué. Nous avons dénoué ce placard à mémoires qui est celui de Vichy et de la collaboration, de la contribution des officiels sur le génocide. Mais il en est un autre qu'il faut dénouer, ouvrir, regarder en face, car sinon les monstres continueront à s'ébattre dans nos rues et à brandir la haine de l'autre, la hiérarchie des cultures, des religions, des civilisations, etc... C'est la question coloniale qui nous caractérise, qui est au cœur de la diversité de notre peuple, qui est au cœur de notre relation au monde. Car nous sommes faits de cette diversité.  

            Nous sommes d'ailleurs la seule ancienne puissance coloniale à avoir toujours - sur à peu près tous les continents - une présence coloniale encore aujourd'hui. Alors affronter cela (la question coloniale), c'est assumer un imaginaire qui combat ceux qui aujourd'hui essaient de rabaisser la France.

            Je dis souvent que notre France est d'origine étrangère... Je m'explique ! Savez-vous qu'au 31 juillet 1943, sur l'ensemble des Forces Françaises Libres - je parle donc de la deuxième guerre - on comptait 66% de soldats coloniaux, 16% de légionnaires - la plupart étrangers - et seulement 18% de Français de souche ? (selon les termes de l'époque qui font hélas retour !).  

            Sans compter la résistance intérieure où les étrangers - les STPMOI (M.O.I pour « main d'Oeuvre Immigrée »), les Républicains espagnols - étaient en grand nombre, les troupes militaires qui vont permettre au général de Gaulle de réussir son pari politique en plaçant la France à la table des vainqueurs en 44-45, alors que la perdition morale de ses élites dirigeantes dans la collaboration aurait dû logiquement la mettre dans le camp des vaincus avec cette droite maurassienne qui aujourd'hui fait retour... eh bien, ces troupes (françaises libres) venaient à plus de 80% des ailleurs coloniaux et des lointains étrangers !  

            Sans eux, sans ces diverses humanités portées à son secours, la France ne serait pas devenue depuis l'après-guerre mondiale - sur le papier constitutionnel - une République démocratique et sociale.

            Il ne s'agit pas de repentance. Il s'agit de reconnaître la France telle qu'elle est, telle qu'elle vit ! Et cette question de mémoire, cette question actuelle est au cœur de notre question sociale ; c'est accepter la diversité de notre peuple dont il est question. […]" 

Edwy Plenel          ° La libération de Paris volée à l'armée de l'empire

Mercredi 21-02-2014 sur Radio France Culture

Raphaël ADJOBI (pour l'introduction)

12 février 2014

Et la lumière fut (Jacques Lusseyran)

                                          Et la lumière fut

                                         (Jacques Lusseyran)

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            Si ce livre se présente de toute évidence comme un témoignage supplémentaire à verser au compte de la Résistance française durant la seconde guerre mondiale, il est avant tout le récit des vingt premières années d'un aveugle qui a eu le bonheur de ne pas vivre comme un aveugle ordinaire. Si son engagement dans la Résistance occupe ici une grande place, ce qui retiendra l'attention c'est le travail de conquête de la vie et du monde extérieur entrepris par Jacques Lusseyran après avoir perdu la vue dans un accident au collège. 

            Parler de reconquête du monde extérieur est en effet la grande leçon qui nous fait comprendre le fonctionnement d'une personne qui a perdu la vue. Un fonctionnement qui ne va pas de soi, puisque tous les aveugles n'arrivent pas au même degré d'exploitation de leurs sens, souvent par manque d'éducation ou d'expérimentations. 

            Avec Jacques Lusseyran, on découvre comment l'aveugle voit. Oui, l'aveugle voit le monde extérieur, grâce à une démarche extraordinaire ! Après avoir vainement cherché à se projeter en avant pour appréhender les objets à la manière des voyants, c'est par un mouvement d'intériorisation du monde qu’il a découvert que celui-ci se reflète en lui. Oui, ce mouvement d'intériorisation lui permet de voir le monde dans un flot de lumière et de couleurs encore plus éclatant que celui des voyants. Non, il n'y a pas « un monde unique, le même pour tous ! » qui laisserait croire que « tous les autres mondes seraient des illusions rétrogrades ! ».  Outre cela, Jacques Lusseyran est très bien placé pour nous confirmer à quel point la perte d'un sens met tous les autres en branle et les aiguise à un degré qu'aucun voyant ne peut soupçonner.  

            C'est pourquoi la deuxième leçon que l'on peut retenir de son expérience semble s'adresser particulièrement aux parents qui auraient un enfant aveugle : il faut absolument éviter de protéger excessivement ces enfants ! Un enfant aveugle est capable de faire exactement tout ce que font tous les enfants du monde si on leur en donne l'occasion. Un enfant aveugle trop protégé demeure aveugle et triste. La trop grande prévenance l’enferme à jamais dans une bulle et tue ses sens et donc ses capacités. 

            Quant au reste du livre, il nous donne une vue très réaliste de la Résistance française au nazisme. En effet, à dix-sept ans, Jacques Lusseyran l’aveugle était devenu le chef d’un réseau de résistants ! Si presque tous les Français qui ont traversé la période 1939 à 1945 se vantent d’avoir été de la Résistance, à la vérité, selon lui, la moitié de la population était faite de traîtres ; des « traîtres involontaires » que la peur affolait et rendait pires que les traîtres professionnels. « Constatation déplaisante, mais qu'il fallait bien avaler : la moitié de Paris était faite de ces gens-là. Ils n'avaient pas d'intentions criminelles ; ils n'auraient pas fait, comme on dit, de "mal à une mouche". Mais ils protégeaient leur famille, leur argent, leur santé, leur situation, leur réputation dans l'immeuble. [...] Et ils étaient pires que la Gestapo ». Pour ces gens-là, les résistants étaient des « terroristes » ! (p. 178) Afin de nous convaincre que la Résistance était loin d’être un mouvement populaire, il fait deux observations édifiantes : « les quatre cinquièmes de la Résistance en France étaient composés d'hommes qui avaient moins de trente ans ». L'explication est simple : les plus de trente ans avaient peur pour leur femme, leur position, leur vie ! Il note aussi que pendant l'année scolaire 1941-1942, à Louis-le-Grand, dans ces "classes d'élite", sur quatre-vingt-dix garçons, seuls six entrèrent dans la Résistance ! 

            Et la lumière fut est donc un livre à deux facettes : d'une part, une prodigieuse expérience humaine qui nous fait découvrir qu'un aveugle peut parler des gestes caractéristiques des personnes qui l’entourent, de leur teint, de la couleur de leurs cheveux, de leur beauté, de leur élégance ou de leur maladresse physique ! Un aveugle sait mieux que quiconque à quel point notre voix traduit et trahit nos émotions, nos sentiments et toute notre personnalité ! D'autre part ce livre est le témoignage d'un militantisme qui nous fait oublier la barrière de la cécité. On comprend bien en le lisant que la Résistance française n'a jamais été un phénomène de masse mais l'esprit d'entreprise et de courage de quelques individus qui savaient très bien qu'ils risquaient leur vie à essayer de contrecarrer la machine allemande. Et cet esprit d'entreprise et de courage, un aveugle en était capable. 

Raphaël ADJOBI

Titre : Et la lumière fut, 282 pages

Auteur : Jacques Lusseyran

Editeur : Les Editions du Félin, décembre 2012

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13 janvier 2014

Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre (William Morris)

Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre

                                        (William Morris)

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            Inutile de vous démontrer la cohérence des trois essais qui composent ce livre. Je vous renvoie pour cela à la belle préface de Francis Guévremont qui, au-delà de leur unité, montre l'étonnante pertinence des propos et des préoccupations de William Morris à travers les trois conférences qui nous sont données ici. Cette préface vous permettra aussi de découvrir qui est William Morris (1834-1896).

            Je suppose que, comme moi, nombreux sont ceux qui ignorent tout de ce peintre, artisan, conservateur d'art, engagé dans la lutte pour le triomphe de la pensée socialiste au XIXe siècle ; celui qui n'a cessé de revendiquer « l'égalité de condition [...] jusqu'à ce qu'enfin nous franchissions la frontière et que le monde civilisé devienne le monde socialisé ».

            Des trois textes, c'est le second – qui a d'ailleurs donné son titre à l'ouvrage – que nous recommandons au lecteur de manière particulière. Nous sommes certains qu’il sera étonné par la modernité des propos de william Morris sur le spectacle du monde : le jeu des puissances économiques s'appuyant sur les puissances politiques pour dominer le monde à coup d'arguments fallacieux qui endorment les travailleurs devenus à la fois des machines et des esclaves du commerce.

            En effet, pour bien apprécier le texte, il ne faudra à aucun moment perdre de vue qu'il date du XIXe. Cela permettra au lecteur de comprendre que les forces économiques prédatrices d'aujourd'hui sont nées avec l'essor de l'industrie qui s'est fixé pour but la conquête de marchés par tous les moyens dans tous les coins du monde. C'est le développement industriel qui a permis la division du monde en deux catégories : d'un côté les travailleurs, « la seule partie essentielle de la société - la partie vitale », et de l'autre « les classes parasites, qui vivent à leur dépens ». Ces dernières qui sont une classe de profiteurs constituent également une classe de joueurs. Le commerce mondial est en effet un monde de jeux où l'on parie sur les conquêtes et les défaites.

            Parler de conquêtes et de défaites, c'est penser à la guerre. Et William Morris nous montre qu' « il s'agit bien d'une guerre, une guerre qui ne se fait pas entre nations rivales mais entre entreprises concurrentes, entre bataillons capitalistes » avec les mêmes effets qu'une vraie. Dans les deux cas, il s’agit de « couler, de brûler et de détruire ». Les industriels poussent les nations à lutter les unes contre les autres pour conquérir les marchés du monde ; les grandes sociétés se battent entre elles pour la moindre parcelle des profits de ces marchés. Et de leur côté, les travailleurs doivent lutter les uns contre les autres pour leur subsistance. 

            Ce spectacle désolant conduit l'auteur à cette analyse : Tant que [les travailleurs] devront lutter les uns contre les autres pour le privilège de travailler, ils appartiendront […] à ces entreprises en concurrence [...]. Ils ne seront pour ainsi dire que les pièces de ces machines à fabriquer le profit ». Ils « trimeront, geindront, mourront pour fabriquer le poison qui assassinera nos semblables » dans les coins du monde où les industriels organisent un véritable « brigandage impuni et infamant » avec la complicité de leurs gouvernants.     

            C'est pourquoi, dès le début du livre, William Morris affirme que les socialistes qui ont peur d'user du terme « révolution » pour parler de la société à proposer ont tort. Selon lui, ils ont tort de le remplacer par le mot « réforme » (ou « refondation », très employé dans certains pays en ce XXIe siècle). Car le mot « réforme » n'a pas le sens du mot « révolution [qui], dans son sens étymologique, suppose un changement touchant les fondements de la société ». Or, au regard du spectacle du monde, ce sont les fondements de la société qu'il faut revoir. Une véritable réorganisation du travail et de l'échange entre les peuples de la terre s'impose. Et même si cela fait peur à certains, il est indéniable qu'elle est porteuse d'espoir. Et la tâche de tout socialiste, dit l'auteur, c'est de donner espoir aux opprimés et faire trembler la minorité des oppresseurs. 

            Aujourd’hui où les termes délocalisation, achat à vil prix de terres étrangères et de course aux matières premières des pays non industrialisés sont devenus courants, ce livre apparaît tout à fait prémonitoire. Et même si les solutions que suggère son auteur peuvent paraître utopiques, c’est simplement parce que nous sommes encore trop nombreux à ne pas vouloir changer nos habitudes. Assurément n’importe quel lecteur conviendra avec lui que nous pourrions vivre autrement. 

Raphaël ADJOBI   

Titre : Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre, 40 pages (texte) ;  141 p. le livre

Auteur : William Morris (1834-1896)

Editeurs : Rivages poche / Petite bibliothèque, janvier 2013

13 décembre 2013

Qu'avez-vous fait quand Nelson Mandela était en prison ?

      Qu’avez-vous fait quand Mandela était en prison ?  

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            Voilà la seule question à laquelle devraient répondre tous les gouvernants qui se sont pressés en Afrique du Sud pour rendre hommage à l’ancien prisonnier du régime racial de ce pays. C’est également la question à laquelle devraient répondre tous les hommes politiques africains ainsi que les journalistes européens qui ont oublié la ligne éditoriale de leurs maisons alors ouvertement contre la lutte du parti politique de Nelson Mandela avant sa sortie de prison en 1990.

Pour ma part, c’est en France, vers la fin des années 70, que j’ai découvert les mouvements de soutien au célèbre prisonnier politique devenu aujourd’hui un héros planétaire. Dans les années 70 et 80, en Côte d’Ivoire et ailleurs en Afrique, les hommes politiques francophones se gardaient bien de lui témoigner leur solidarité, laissant ainsi leur population dans l’ignorance de la souffrance des Sud-Africains et de la solidarité dont ils avaient besoin. Et comme la jeunesse francophone n’était absolument pas politisée, nulle part on n’a vu des manifestations publiques soutenant la lutte de l’ANC.

Aussi, au moment où Nelson Mandela nous quitte sous les hommages enflammés des chefs d’Etat européens et africains, c’est aux jeunes communistes français que va toute ma reconnaissance. C’est grâce à eux que je peux dire que j’ai soutenu son combat à une époque où pour les hommes politiques français – particulièrement pour Jacques Chirac et tous les leaders de la droite – il n’était rien d’autre qu’un terroriste. Rares sont les dirigeants français d’aujourd’hui qui peuvent affirmer sans mentir qu’ils avaient dans leur jeunesse activement milité pour la libération de Nelson Mandela. Avant 1990, seul le parti communiste brandissait dans ses différentes manifestations son portrait pour populariser son combat. Seule la jeunesse communiste placardait les photos du prisonnier de l’apartheid dans les universités françaises.

Aujourd’hui, les socialistes français, les mouvements politiques de droite, les journalistes de tous bords volent la vedette aux vrais amis de Nelson Mandela en France. Nicolas Sarkozy a-t-il signé une seule pétition demandant sa libération quand il était prisonnier ? Hollande a-t-il signé les pétitions que les communistes lui tendaient alors ? La France politique d’avant la libération de Mandela avait à l’égard de l’ANC et de son leader la même attitude et la même vision des choses que le pouvoir français d’aujourd’hui à l’égard de l’opposition ivoirienne et de ses prisonniers. Hier comme aujourd’hui, toute opposition à un pouvoir ami est considérée comme un acte terroriste. Et quand il ne soutient pas ouvertement un ami, le pouvoir français fait mine de ne pas voir ses crimes.

Depuis sa libération, c’est l’Europe qui a fait de Mandela un héros de la paix. Et les journalistes européens ont fini par nous faire oublier que l’homme partage son prix Nobel avec son ancien geôlier Frederick Declerk. Comme il fallait s’y attendre, à leur tour, les Africains reprennent les formules et les slogans européens sans même y ajouter leur perception personnelle de l’homme. Mais cette fois, ce mimétisme s’explique par le fait que bon nombre d’entre eux n’ont jamais connu l’action militante en faveur de Mandela ou de tout autre prisonnier politique noir.

Je me souviens qu’à l’université de Dijon, les Ivoiriens refusaient de lire les journaux et les tracts communistes que leur tendaient leurs camarades Français ; tout simplement parce qu’ils estimaient que bénéficier d’une bourse d’Houphouët-Boigny – c’était leurs propres termes – ne les autorisait pas à se mêler de politique. Mis à part quelques étudiants maliens et bukinabés très politisés, les Africains n’osaient même pas s’arrêter pour signer une pétition. Aujourd’hui, ces anciens étudiants devenus des dirigeants politiques ou de hauts fonctionnaires de l’Etat rendent hommage à Nelson Mandela alors qu’ils n’acceptent pas d’opposition au régime qu’ils ont installé dans leur pays.

La disparition de Nelson Mandela apparaît donc comme une belle occasion de rappeler à la jeunesse africaine qu’elle doit se garder de suivre les pas de cette génération qui rend bruyamment hommage à un homme dont elle n’a pas soutenu le combat. Qu’elle sache que nombreux parmi ceux qui se prosternent devant sa dépouille qualifiaient sa lutte de terroriste.

Oui, c'est à vous, jeunes africains de vous inspirer de la solidarité des jeunes communistes français pour ne pas laisser dans l’indifférence et l’oubli vos leaders qui défendent une Afrique libre de disposer d’elle-même.

Si les Européens ont oublié que l’apartheid a été le fruit de leur colonisation, vous ne devez pas manquer l’occasion de faire du combat de Nelson Mandela un bel exemple d’émancipation et de prise en main de la destinée de chaque pays du continent noir. Ce n'est pas l'icône aujourd'hui couverte d'encens qu'il faut regarder, mais le résistant au racisme érigé en système d'état que la colonisation avait rendu possible en terre africaine. N'oubliez surtout pas qu'en Afrique francophone, sous le couvert de gens qui vous ressemblent, le colonialisme continue de rendre encore possible d'autres formes d'humiliation. Que l'image de Nelson Mandela soit donc pour vous un repère sûr qui vous indique le chemin de la conquête de la dignité de chaque Africain. Quel bel héritage !

Raphaël ADJOBI

Visible aussi sur le blog politique de Raphaël  ici

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