16 mai 2007
Sarkozy, Bolloré et Gbagbo
Sarkozy, Bolloré et Gbagbo
Sarkozy vient d’être officiellement installé à l’Elysée. Chirac est parti sans avoir triomphé de Laurent Gbagbo. Nombreux sont les Ivoiriens qui attendaient cette petite victoire du dernier sur le premier. Mais la voie est-elle pour autant suffisamment dégagée pour que le président ivoirien et ses compatriotes aient le temps de mener à bien la paix qu’ils ont initiée ?
D’abord, la récente rencontre entre Nicolas Sarkozy et le président gabonais Omar Bongo lors d’un séjour privé à Paris m’avait enlevé l’espoir de voir progressivement la françafrique perdre un peu de sa superbe avec le départ de Chirac. En effet, j’ai vu dans cette rencontre entre les deux hommes le passage du témoin pour la poursuite du système français d’exploitation de ses anciennes colonies aujourd’hui très décrié sur le continent africain. Ensuite, c’est l’escapade à Malte de Nicolas Sarkozy au lendemain de son élection qui m’a plongé dans une profonde inquiétude qui devient peu à peu une véritable peur du lendemain pour la Côte d’Ivoire. Et pourquoi donc ? me direz-vous.
Tout d’abord parce que si la collusion entre Nicolas Sarkozy et le monde des finances est connue, la découverte de son amitié avec le milliardaire Bolloré me renvoie à la Côte d’Ivoire et la crise qui la secoue depuis cinq ans. En effet Bolloré est le milliardaire français dont le tiers de la fortune est réalisé en Côte d’Ivoire (in la revue Challenges n° 237 du 16 décembre 2004 au 5 janvier 2005, p. 29). Inutile de rappeler que désormais tout le monde, en Europe et en Afrique, est d’avis que la revendication essentielle des loyalistes ivoiriens est l’indépendance économique de leur pays. Une question se pose donc. Comment Sarkozy s’y prendra-t-il pour ne pas décevoir son ami ? Tout porte à croire, qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir de Président des français pour défendre les intérêts de ses compatriotes en aidant la venue au pouvoir en Côte d’Ivoire des hommes qui leur sont favorables.
D’autre part, n’oublions pas que Sarkozy est le parrain de mariage de Alassane Ouattara et qu’il ne cache pas son amitié pour ce dernier. C’était bien pour Ouattara - par l’intermédiaire de Soro Guillaume - que Chirac a voulu dépouiller Gbagbo de ses fonctions essentielles en vue de le faire chuter. Et aujourd’hui Soro se croit bien placé pour mener ce dessein à bien. Il le confiait au journal Le Monde dans son édition du 19 mars 2007 en des termes très explicites en parlant de Laurent Gbagbo au moment même où celui-ci venait de lui proposer le poste de Premier Ministre : Je vais « le feinter, le dribbler ».
Les éléments d’un scénario explosif semblent donc réunis. Le sentiment national sera-t-il assez fort chez Soro pour qu’il poursuive l’entreprise de paix commencée avec Laurent Gbagbo ou cédera-t-il à l’appel de ses amis qui ont fait sa fortune et lui ont permis de vivre jusque là comme un prince alors qu’il n’avait jamais exercé de fonction rémunérée ? En tout cas, des nuages bien sombres s’amassent sur la Côte d’Ivoire.
Raphaël ADJOBI
04 mai 2007
L'Afrique dans le débat des présidentiables
L’Afrique et les présidentiables
Dans le débat des présidentiables, l’Afrique a été limitée par Sarkozy au Darfour et à la nécessité de juguler le flux des miséreux Africains vers la France qui ne peut pas supporter toute la misère du monde. Très brièvement Ségolène Royale a évoqué les souffrances matérielles qui poussent les jeunes à partir contre la volonté de leurs parents. Mais pas un mot du rôle que l’un ou l’autre pourrait jouer par le biais de la politique de la France dans le développement de l’Afrique. Pas un mot non plus de la responsabilité de la France dans ce qui se passe dans les pays francophones, hier ses anciennes colonies, aujourd’hui un marché juteux pour ses entreprises.
Décidément, la politique étrangère de la France demeurera à jamais la chasse gardée de l’Elysée et des sociétés françaises. Il n’est point nécessaire que le peuple sache ce que la France y fait. Son armée peut tuer, égorger, violer, et ses entreprises piller, voler, polluer dans le silence et l’ignorance totale du peuple français.
Les minorités françaises non plus n’ont guère retenu leur attention. C’est par le biais du mot délinquant qu’ils ont pensé à eux. Et ceux-ci à leurs yeux ne méritent que plus de sévérité et de discipline pour justifier les allocations qui leur sont octroyées. Aucun projet spécifique pouvant permettre à la jeunesse des banlieues de se reconnaître dans les desseins de la République n’a été évoqué. Elle n’a même pas eu droit aux fausses promesses pour donner ses voix.
Mon Dieu ! Qu’en ce bas monde certains sont si peu de chose aux yeux de la France !
Raphaël ADJOBI
28 avril 2007
Sarko ou Ségo, qui choisir ?
Sarko ou Ségo, qui choisir ?
Le fait qui rend ce deuxième tour des élections présidentielles françaises intéressantes réside essentiellement dans la nouveauté et la jeunesse des candidats. Ils nous font oublier la vieille France où nous retrouvons à chaque élection présidentielle les vieux leaders des partis. D’autre part, le taux de participation record au premier tour qui risque de ne pas se reproduire au second tour suscite des craintes, voire des peurs.
Mais l’intérêt doit maintenant céder le pas au choix définitif. Et devant ce choix, je me demande sincèrement sur lequel des deux candidats se reporteront la majorité des votes des minorités françaises et particulièrement ceux des Afro français.
En politique intérieure, le passé africain de Ségolène Royal n’est nullement un atout avantageux pour elle. Les noirs et les autres minorités savent qu’elle ne leur apportera rien de nouveau. Ses propos sur la diversité des citoyens français restent vagues et ne sont point accompagnés de propositions concrètes pouvant retenir notre attention. Elle est restée et reste sourde aux propositions du CRAN (Conseil Représentatifs des Associations Noires) notamment sur 1) la création d’un corps des inspecteurs des discriminations ; 2) l’attribution préférentielle des marchés publics aux entreprises dirigées par des minorités ou embauchant plus de 50 % de personnels issus des minorités ; 3) la mise en place d’internats de réussite éducative ; 4) le versement d’une prime d’éloignement aux ressortissants des DOM travaillant en métropole, à l’instar de celle versée aux métropolitains travaillant dans les DOM.
Par contre, si Nicolas Sarkozy n’a pas donné de réponses à ces différentes propositions, il a pour les minorités françaises un projet clair et net connu de tous : la discrimination positive ! Ce n’est certes pas une proposition qui aura l’effet d’un miracle, mais elle aura l’avantage d’être essayée. Cette mesure permettra à la France de rejoindre enfin les Etats-Unis, l’Angleterre et le Brésil qui vient récemment de choisir cette solution contre les discriminations. Avant Sarkozy, aucun parti politique, aucun homme politique n’a pris de résolution franche en vue de rendre visible les minorités françaises dans les administrations et dans les appareils politiques. Déjà, son comité de soutien ou de campagne est pourvu d’un grand nombre de jeunes issus des minorités noire et arabe. Aux Antilles, il n’a pas dépêché des blancs métropolitains pour diriger sa campagne ; il a confié cette tâche à ceux qui sont originaires de ces régions.
Malheureusement pour Nicolas Sarkozy, certaines de ses idées et ses méthodes brutales font peur. Son déterminisme biologique inquiète. Il pense, comme nombreux de ses amis à droite et à l’extrême droite, que l’on naît génétiquement bon ou mauvais ; que certaines personnes naissent avec des gènes qui les portent à mal agir. << Il pense que nous naissons bons ou mauvais et que quoi qu’il arrive, quoi qu’on fasse, tout est déjà réglé par nature. >> (Michel Onfray, in Nouvel Observateur du 26 avril au 2 mai). Nous avons tous été émus par les propos droitistes sur les mauvais gènes des jeunes des banlieues ou des enfants violents des classes maternelles ; ce qui faisait penser au besoin de stérilisation de certaines familles d’immigrés afin d’épurer la population française. Pour lui donc, l’attitude négative des jeunes vis à vis de l’état n’a aune relation avec leur misère sociale : le chômage massif et la pauvreté des familles, la discrimination… Pour lui, certains sont nés bons et excellents, d’autres méchant et mauvais. Rien ne sert de chercher à aller contre cela. Il suffit de maintenir les choses en place par la force et la brutalité si nécessaire.
En politique extérieure, Nicolas Sarkozy ne fera absolument rien de nouveau pour l’Afrique. Il reprendra purement et simplement en main le système d’exploitation Françafrique qui rend opaques les relations entre les gouvernants africains et l’Elysée tuant ainsi les espoirs d’indépendance économique des jeunes Africains. Lors d’un récent séjour privé en France, le Président Bongo avait reçu la visite de Sarkozy afin de s’assurer de la pérennité du système dont il est l’un des maillons forts. La Côte d’Ivoire pourrait ainsi revoir les rebelles et Alassane Ouattara, l’ami de Sarkozy, regonflés à bloc pour éloigner les espoirs d’une paix civile dans ce pays. Pour Sarkozy, comme pour George Bush, le monde doit être gouverné par les systèmes financiers. Et ce système doit s’appuyer sur quelques individus à travers le monde.
Avec Ségolène Royal, certains dirigeants africains, sûrs jusque là du soutien sans faille de Paris, – parce qu’ils font ce que celui-ci leur demande – commenceront à trembler. En effet, Si les socialistes n’ont pas démantelé le système Françafrique sous François Mitterrand, ils nous ont permis d’en saisir le caractère financier occulte. A l’époque, le système a beaucoup vacillé avec l’affaire ELF ; et on peut espérer que Ségolène Royal le laissera mourir de sa propre mort. Les régimes africains pourraient ainsi évoluer vers plus de transparence et plus de responsabilité.
J’ose donc espérer que les minorités françaises, et surtout les Afro français, sauront aller au-delà des gesticulations tentatrices pour sauver les principes humains qui s’opposent au mépris de l’homme.
Raphaël ADJOBI
21 avril 2007
Parlons des devises des Nations
Des devises des nations
C’est parce qu’ils vivent dans un univers où les droits de l’homme ne sont pas respectés que des hommes se dressent pour rappeler ce qui doit être. C’est parce qu’ils vivent sur une terre où la liberté, l’égalité, et la fraternité n’existent pas que les Français se sont fixé cet idéal à atteindre. Il en est de même des Ivoiriens qui se sont fixé comme objectif l’Union, la Discipline et le Travail, parce que leur terre ne connaît ni l’unité des ethnies, ni la discipline et le travail en commun.
Parler donc de pays des droits de l’homme signifie tout simplement parler du pays où l’on fait peu cas du droit de l’individu au point où l’on s’oblige à travailler pour rectifier son comportement. Les devises des nations ne sont donc que l’expression de leur carence, la reconnaissance d’une faiblesse profonde en quelque domaine. Par conséquent, il est bon que les nations choisissent des devises qui appellent des actes concrets - et non point des idées abstraites - afin d’avoir plus de chance de s’en approcher.
Que la France se dise en toute circonstance : l’égalité est mère de la liberté et de la fraternité. Il reste donc bien entendu que tant qu’elle continuera à étouffer ses minorités afin de les rendre invisibles dans les paysages politique et administratif, elle ne pourra établir la liberté pour chacun de ses citoyens et la fraternité pour tous.
Raphaël ADJOBI ( Réflexions du 2/07/06/ et du 5/01/07)
12 avril 2007
Pourquoi Hitler admirait Napoléon
Pourquoi Hitler admirait Napoléon
L’amour des Français pour Napoléon est bien connu. Différents sondages le place parmi les personnalités historiques qu’ils préfèrent. Depuis plus d’un siècle, les historiens de la République et les hommes politiques n’ont de cesse de le glorifier contribuant ainsi à le populariser.
Mais depuis quatre ou cinq ans, la belle machine de propagande semble manquer d’entrain. Tout le monde sait que pour la grandeur de la France – et aussi pour sa gloire personnelle – Napoléon s’était lancé avec violence dans la conquête de l’Europe. Mais aujourd’hui, plusieurs pays européens - notamment l’Espagne qui a souffert des massacres napoléoniens - se permettent de le rappeler aux français. Ainsi, de temps à autre, certains Allemands ne se privent pas de signaler à la France que Napoléon est un dictateur au même titre que Hitler. Aux français qui leur reprochent de célébrer la grandeur historique de leur dictateur, les groupuscules allemands nostalgiques du Führer répondent qu’ils ont Hitler et les Français Napoléon. Quelle injure ! Et les Espagnols n’oublient pas que leur guerre d’indépendance fut livrée contre Napoléon qui voulait installer son grand frère sur le trône d’Espagne. Chez eux, la toile de Goya, Tres de Mayo, qui relate la boucherie napoléonienne à Madrid est aussi célèbre que Guernica de Picasso.
Voilà donc Napoléon de plus en plus controversé au moment où l’Europe recherche plus de cohésion et des idéaux à partager.
Cependant, il me semble que ce n’est point le rapprochement de l’expansionnisme et la volonté de puissance de Napoléon de ceux de Hitler qui met le plus mal à l’aise historiens et hommes politiques français. S’il est vrai que les autres Européens se permettent sans ménagement de dire aux Français que leur idole est un dictateur sanguinaire comme tout autre, il me semble que le plus beau coup porté au petit homme vient surtout d’un courageux fils de la France. En effet, avec la publication de son livre Le Crime de Napoléon, Claude Ribble a révélé à la face de la France ce que tous les historiens et hommes politiques de l’hexagone ont caché au peuple depuis toujours. Désormais, le commun des français commence à se poser des questions. Grâce à Claude Ribble, les Français commencent à se demander si les Allemands n’ont pas raison de leur dire qu’ils doivent aussi avoir honte de leur dictateur.
Napoléon le bourreau des noirs inspire Hitler
En effet, avant Hitler, Napoléon a commis l’impardonnable. Franchement, que resterait-il aujourd’hui de la renommée de Hitler et de l’histoire même de la seconde guerre mondiale si celle-ci s’était limitée à des tueries sur les différents fronts ? Je crois sincèrement que très vite les romans et les manuels d’histoire en auraient fait le tour, et l’opinion publique les aurait déjà classées comme un objet du passé qui ne doit pas interférer dans le présent. Mais si cette guerre et son acteur principal restent très vivants aujourd’hui encore dans la mémoire collective, c’est parce que des hommes, des femmes et des enfants ont été convoyés dans des lieux précis pour être gazés, pour connaître en masse une mort certaine. Cette guerre reste un événement affreux dans l’histoire de l’Humanité parce que des hommes, des femmes et des enfants ont été victimes d’un « programme » établi par les autorités supérieures d’une armée d’état. Et c’est véritablement le fait essentiel qui reste collé à Hitler comme un crime impardonnable.
Dès lors, on peut dire que, si Hitler était un fervent admirateur de Napoléon, ce n’était point pour son expédition en Egypte ni pour le code civil français dont il aurait été l’inspirateur, ni pour le charme des couleurs vives de l’uniforme de son armée. Son admiration pour Napoléon tient à son génie d’avoir inventé les chambres à gaz en Haïti et en Guadeloupe. Cette planification de la mort infligée aux noirs, et rapportée dans de nombreux récits des contemporains du petit dictateur, a séduit Hitler. Celui-ci tenait là, dans cette invention simple et radicale, la clef finale de son combat contre des gens qu’il n’aimait pas mais qui ne portaient pas des armes pour lui offrir le plaisir de les défaire. Napoléon Bonaparte est donc de ce point de vue le père spirituel de Hitler. D’ailleurs, en 1940, le Führer est venu méditer longuement sur la tombe de son idole à Paris, aux invalides. Il a même poussé le zèle jusqu’à y faire inhumer, la même année, le fils de Napoléon, François Bonaparte (connu sous le nom de Napoléon II, « l’aiglon ») comme cadeau à la France.
Mais combien de Français, combien d’Africains savent-ils cela ? Depuis toujours, les historiens français nous ont fait croire que c’est la volonté de puissance et les conquêtes de Napoléon qui ont séduit Hitler. Il m’a fallu lire le livre de Claude Ribbe pour comprendre que cette admiration reposait sur l’invention d’une méthode diabolique ignorée jusqu’alors : confiner des hommes, des femmes et des enfants dans un espace et les asphyxier. Comme dirait Christophe Colomb, « c’est simple, mais il fallait y penser. »
Raphaël ADJOBI
07 avril 2007
Le Crime de Napoléon de Claude Ribbe
Le crime de Napoléon
Ce livre est le fruit d’un excellent travail de recherches. Il est tout simplement bien documenté ! On ne peut qu’être reconnaissant à l’auteur, Claude Ribbe, d’avoir consacré un temps précieux de sa vie à lever le voile sur un mensonge de la république française. Tous les historiens français, versés dans l’apologie de Napoléon qui a fait des émules au XXè siècle, ne peuvent que baisser la tête de honte. Ils ne méritent pas le respect des enfants de la République qu’ils ont bernés pendant des décennies dans le seul but de faire de cet homme un objet de gloire pour la France.
Il est certain que d’une façon générale, les historiens français se réfèrent aux témoignages des contemporains de Napoléon dont les écrits ne peuvent que servir sa gloire négligeant ceux qui peuvent lui porter préjudice. Ils seraient des historiens intègres qu’ils auraient présenté les différents visages de l’histoire du petit dictateur. Comme ils ne l’ont pas fait, il était nécessaire que quelqu’un le fît et toujours à travers les écrits de ses contemporains. Puisque certains ont choisi de ne retenir que ce qui lui confère gloire et beauté, d’autres comme Claude Ribbe veulent montrer les aspects de ses actions qui l’avilissent et le réduisent au rang des ignobles que l’histoire montre du doigt depuis toujours.
Il est bon que les Français sachent enfin que les écrits sur le génocide perpétré par la France en Haïti et en Guadeloupe existent. Cependant, si le peuple ignore cette page infamante de son passé, c’est tout simplement parce qu’il a de talentueux historiens qui savent zigzaguer dans les événements de l’histoire afin de ne lui procurer que l’encens qui fleure bon la douce France. Les ignobles ! C’est tout naturellement le cri qui sort de mon cœur après avoir lu Le Crime de Napoléon de Claude Ribbe. Je suis tenté de m’écrier avec le Colonel Malenfant (1814) : « Quelle honte pour la France et pour B… ! » (Bonaparte).
Raphaël ADJOBI
18 mars 2007
L'esclavage dans Beloved de Toni Morrison
De l’esclavage à la torture gratuite
Ce que les noirs ont vécu dans certaines contrées du nouveau monde où ils ont été transportés ne peut pas s’appeler de l’esclavage mais tout simplement de la torture gratuite. Les traitements dont ils ont été les victimes ne leur étaient pas infligés pour obtenir de meilleurs rendements dans les travaux qu’ils effectuaient. En d’autres termes, le sort qui les frappait n’était pas celui de l’exploitation gratuite par le travail qui est le propre même de l’esclavage.
Forcer deux êtres à faire l’amour et surveiller la gestation de ce coït jusqu’à son terme pour s’approprier l’enfant et le vendre comme un bien quelconque dépasse toutes les pratiques esclavagistes communément admises. D’autre part, il faut avoir perdu le sens de l’humanité pour ligoter un homme et le jeter vivant dans les flammes et se faire prendre en photo le sourire aux lèvres à côté de ses propres enfants pendant que la pauvre victime crie à la mort. Est-ce encore de l’esclavage cela ?
Chose ahurissante : après avoir déplacé des millions de noirs dans le nouveau monde dans le but de les soumettre en esclavage pour en tirer un bénéfice financier, les blancs sont bientôt devenus allérgiques à leur présence sur cet immense territoire. On réffléchit alors dans de nombreux cercles à la manière de se débarrasser d’eux. On vide certaines villes de la population noire que l’on parque loin de la communauté blanche. Des organisations de quartier, des groupes d’amis, des associations anti-noirs organisent des mises à mort en toute impunité. On se fait photographier avec ses victimes fumant sur un bûcher sommaire. On organise des pendaisons de noirs pour bien terminer le dimanche ou pour fêter une bonne récolte. Organiser une chasse aux nègres et jouir du plaisir de voir ses chiens mordre à pleines dents la chair frétillante des malheureux est un plaisir que l’on s’ogffrait régulièrement dans les campagnes des Etats-Unis. Il est certain que ces agissements ne s’inscrivent pas dans ce que l’on appelle l’esclavage. C’est une invention des blancs pour se débarrasser de ces noirs dont ils ont tiré profit mais qui sont devenus trop encombrants parce qu’ils détonnent dans le beau paysage de leur nouvelle nation. Longtemps, on a fait circuler l’information selon laquelle le KU KUX Klan était la seule organisation blanche a pratiquer la mise à mort des noirs. Aujourd’hui, le monde entier peut découvrir à travers des cartes postales que - outre l’œuvre des 84 factions du KKK dispersés sur tout le territoire des Etats-Unis - ces lynchages étaient le fait de gropuscules sans nom, des gens désieurx de s’offrir une partie de plaisir.
Je suis tout honteux de découvrir seulement en 2007 une telle vérité historique touchant les noirs. Cette découverte me permet de saluer l’avènement d’Internet qui est pour moi la plus grande bibliothèque du monde.
Site à visiter pour voir en cartes postales les sévices infligés aux noirs, jusqu’en 1961, aux Etats-Unis : http://les.traitesnegrieres.free.fr/index2.html (cliquer sur « illustration )
Je présente ici une liste de quelques sévices infligés aux esclaves que j’ai relevés dans Beloved de Toni Morrison.
Beloved ou le vrai visage de l’esclavage
1. Être fouetté sans broncher par des gamins blancs de dix ans (page 193)
2. Être prisonnière d’une famille pour servir de divertissement sexuel (p.193-195). Jouir impunément de la puberté des négresses est l’un des grands plaisirs que s’offraient les maîtres blancs (p.353).
3. Les enfants étaient enlevés à leur mère et vendus vers 9 ou 10 ans. Cela revenait moins cher que d’acheter des esclaves adultes (195-196). Ainsi, rarement les enfants connaissaient leurs grands-parents.
4. Les maîtres blancs accouplaient de force les esclaves bien battis afin d’obtenir des enfants sains et robustes pour les travaux des champs ou pour la vente (p.315). Les fermiers faisaient de leurs « garçons » des reproducteurs, des « étalons » dont ils louaient les saillies à d’autres fermes (p.135-136 ; 198 ; 315)
5. Le viol des négresses était monnaie courante. Et souvent de ces unions violentes naissaient des enfants (p.198) auxquels certaines mères préféraient donner la mort.
6. Un métier très lucratif : chasseur d’esclaves. Les tentatives de fuite étaient très courantes.
8. Les esclaves étaient tenu d’avoir autant d’enfants que le désiraient leur maître (p. 291).
9. De temps à autres, une famille en difficulté financière vendait un esclave pour pouvoir continuer à faire tourner la maison (p.274).
10. Les esclaves qui avaient de nouveaux-nés donnaient leur lait aux bébés blancs. ; soit elles les allaitaient, soient elles livraient leur lait. Bien souvent les mamans esclaves manquaient de lait pour leur propre enfant.
11. Les jeunes mères ne bénéficiaient presque jamais de l’expérience de leurs aînées car souvent la jeune mère était loin de sa propre mère qu’elle finissait par ne jamais voir (p.224). Ainsi, la transmission des savoir-faire des noirs était impossible.
12. Les lynchages étaient des amusements réguliers des blancs : 87 en 1874 dans le seul état du Kentucky ; soit plus de 7 lynchages par mois, environ 2 lynchages par semaine dans ce seul état.
13. Régulièrement, on épurait les villes des noirs.
14. Les écoles des noirs étaient régulièrement brûlées avec les enfants à l’intérieurs (p.250-251 ; 345-350)
15. Souvent, pour punir un esclave, on plaçait un mors dans sa bouche de manière à l’empêcher de parler, de crier ou de communiquer avec quiconque (voir image ci-dessous / h)
Raphël ADJOBI
Instruments de torture / http://les.traitesnegrieres.free.fr/index2.html / h : muselière avec mors.
01 mars 2007
Beloved de Toni Morrison
Beloved
l’histoire d’un amour déchirant
ou
Un documentaire sur les sévices de l’esclavage ?
Nous avons tous découvert dans des manuels d’histoire des planches représentant des navires de négriers montrant les conditions de vie des esclaves à bord. Nous avons tous lu ça et là le nombre élevé d’esclaves morts jetés dans l’océan durant les traversées. Des scènes de noirs travaillant dans des champs sous le commandement de leurs maîtres blancs nous sont également familières. Enfin, nous avons tous vu des images de nègres fouettés et ruisselants de sang dans quelque manuel d’histoire. Eh bien ! avec Beloved, vous allez découvrir que l’esclavage ne se limitait pas seulement à l’achat et à la vente des noirs et à leur réduction en bétail travaillant durement dans des champs avec les aléas liés à ces états de fait. Ce livre se propose de vous tenir par la main et vous faire vivre chaque instant de l’âme d’une esclave. Ce récit est très loin de ceux écrits par les historiens européens qui inondent les bibliothèques et qui font autorité parce que synonyme de vérité. Ici c’est le regard de l’esclave porté sur sa propre âme qui vous fait parcourir les étapes douloureuses d’une vie qui ne dépend pas de lui.
Jamais, en effet, l’univers des esclaves dans le nouveau monde n’a été peint avec autant de délicate crudité. Jamais les documents que vous avez pu lire sur l’esclavage ne vous ont peint avec justesse les sentiments des esclaves : comment ils vivaient leur sentiment amoureux, leur sexualité, l’éducation de leurs enfants, etc. Ce livre m’apparaît donc à la fois comme un documentaire sur les sévices de l’esclavage et un roman qui peint la voix de l’âme noire criant son humanité à l’adresse de son tortionnaire blanc. A travers l’histoire du fantôme d’une fillette à qui sa mère esclave a donné la mort pour lui éviter de tomber sous le joug de son maître, c’est toute l’histoire de l’inhumanité de l’esclavage que Toni Morrison nous met sous les yeux. Après la lecture de ce roman, jamais vous ne parlerez de la traite des noirs avec légèreté.
Si la lecture à 16 ans de Pleure ô pays bien-aimé d’Alan Paton m’avait bouleversé en me découvrant le visage de la discrimination raciale en Afrique du sud, Beloved m’a fait connaître la réalité des sévices qui constituaient l’esclavage dans le nouveau monde. C’était absolument une pratique nouvelle qui n’avait rien à voir avec la forme traditionnelle de l’esclavage pratiquée jusque là en Afrique, en Europe, en Asie, et qui avait pour seule fin l’exploitation de l’autre, en d’autres termes la jouissance gratuite du fruit du travail de l’autre. C’est donc un visage inconnu ou ignoré de l’esclavage que ce livre nous découvre.
Lors d’un entretien sur la chaîne de la radio française France Inter, le 10 novembre 2006, Toni Morrison a dit clairement, et avec raison, qu’il n’appartient pas aux anciens colonisateurs d’écrire l’histoire des anciens colonisés. L’ancien colonisateur s’est approprié ce droit, mais il appartient aux anciens colonisés de le lui arracher, et s’il le faut sous la forme de la rébellion ou de la désobéissance. Il faut, dit-elle, saboter les écrits du conquérant. Aussi, je me réjouis de l’engagement de ces noirs passionnés de l’histoire nègre tels que le Français d’origine antillaise Claude Ribbe, le Béninois Dieudonné Gammankou, et l’Américain Runoko Rashidi. C’est j’en suis sûr, grâce à des recherches comme les leurs que demain le vrai passé des noirs sera inscrit dans les manuels d’histoire et y occupera la place qui lui revient.
Que l’on ne perde pas de vue que toutes les recherches menées par les Européens ont toujours minimisé l’importance des découvertes qui soulignent la gloire passée des noirs. Intentionnellement, historiens et chercheurs européens ont entretenu dans l’esprit du monde que le passé des noirs commence avec leur mise en esclavage. Aucun manuel d’histoire n’enseigne la gloire puis la disparition des civilisations nègres en Afrique, en Asie et en Amérique des millénaires avant la mise en esclavage des noirs d’Afrique. Et pourtant, les vestiges de leur passée millénaire existent. Ainsi les têtes négroïdes d’immenses statues découvertes en Asie, n’ont jamais laissé supposer aux chercheurs et historiens européens que des noirs auraient pu avoir vécu sur cette partie du monde plusieurs milliers d’années avant les peuples actuels.
Retenons donc que les recherches sur le passé du peuple noir ne font que commencer. La vérité de leur histoire ne viendra que des noirs eux-mêmes. Désormais, ce sont les historiens noirs qu’il faudra lire quand vous voudrez apprendre l’histoire du peuple noir. Que les blancs qui se sont approprié le droit de parler d’eux sachent que c’est faire beaucoup de tort aux autres que de toujours penser et parler à leur place, et souvent même sans les regarder ; c’est sans doute la meilleure façon de s’éloigner d’eux.
Raphaël ADJOBI
Titre : Beloved
Auteur : Toni Morrison
Edition : 10/18
15 février 2007
Les contes de Chrys Demange
L’incomparable descendance du père
Jean Rayvanckor
Le charme de ces contes réside d’abord dans la modernité des aventures. La formule rituelle « Il était une fois », même si elle n’est pas prononcée, est à considérée entendue une fois pour toutes au début de la présentation de cette fabuleuse Descendance de Jean Rayvanckor. Chacun des contes qui suit fait dès lors l’économie de cet ascenseur vers le passé puisque nous demeurons dans le présent.
Les contes de Chrys Demange sont en effet des rêves d’enfants d’aujourd’hui. Ce sont des contes qui évoquent des sujets d’actualité que les enfants regardent généralement comme des histoires inaccessibles qu’ils emportent pourtant dans leurs rêves. Les garçons et les filles de ces contes ressemblent aux garçons et aux filles d’aujourd’hui aussi bien dans leur débordante imagination que dans leurs actes quotidiens. Et c’est cela qui rend les histoires de ce livre amusantes et captivantes.
Cette descendance de Jean Rayvanckor (j’en rêve encore !) se caractérise essentiellement par le déterminisme que traîne chacun des héros par le biais de son nom, véritable pseudonyme puisqu’il cache la véritable nature du personnage. Ainsi Noémie Fassol (Noé, mi, fa, sol) ne pouvait qu’envisager une carrière de chanteuse vedette à la télévision ; et le garçon plein de malice sous son air attachant ne peut être que Benoît de Malice (Noix de malice). Quant à Andréa Van Thur (André Aventure) et Margot de Vant (Go ! devant), ils ne peuvent être intéressés que par des voyages merveilleux qui aident à mieux se découvrir en comblant d’espoir le cœur et l’esprit.
L’autre charme indéniable de ces contes réside dans la qualité de l’écriture. Quand on veut élever l’âme de ses enfants, on met entre leurs mains des choses de qualité. Et la chose est vraie s’agissant de l’apprentissage de la langue. Ici, le niveau de langue est élégant et s’allie agréablement à la drôlerie pour rendre la lecture à la fois agréable et amusante. Nous sommes loin de la littérature « caca boudin » - et autre « sais pô » - qui veut se substituer au langage « adulte » jugé trop normé par certains. Chrys Demange tourne radicalement le dos à cette littérature qui revendique les droits de la langue enfantine contre la syntaxe de la langue littéraire qu’elle ridiculise en faisant la satire des figures éducatives que sont les parents et les enseignants. Malheureusement, nombreux sont les parents qui ne se rendent même pas compte que par le biais de ces lectures dont les contenus autorisent souvent l’outrage et l’irresponsabilité et tout cela dans un univers ou l’autorité des adultes est sabordée, ils donnent à leurs enfants les moyens de saboter de manière immédiate l’éducation qu’ils leur donnent. Et l’on s’étonne après de la multiplication des passages à l’acte et de l’échec des messages de citoyenneté.
Les enseignants ne peuvent donc que louer l’arrivée sur le marché de ce merveilleux livre de contes qui allie à la fois modernité des aventures et beauté littéraire. Dans les foyers, il pourrait être un joli cadeau. Pensez à l’offrir ; vous ferez des heureux.
Raphaël ADJOBI 
Titre du livre : L’icomparable descendance du père Jean Rayvanckor
Auteur : Chrys Demange
Editions : Dominque Guéniot
13 janvier 2007
Le chevalier de Saint-George, noir et célèbre sous Louis XVI
Le chevalier de Saint-George
Le noir oublié de l’histoire de France
En parcourant le journal français Le Nouvel Observateur, je suis tombé sur un article d’une demi-page intitulé « Le chevalier de Saint-George, un africain à la cour ». Je m’attendais à lire l’histoire d’un noir de peu d’importance qui ne pouvait retenir l’attention que par le pittoresque que sa présence à la cour de Louis XVI pouvait représenter. Bientôt surpris par le ton élogieux de l’article et des propos des contemporains de ce métis qui aurait connu la célébrité internationale au XVIII è siècle, je résolus de pousser plus loin mes investigations.
Je tapai tout simplement « Le chevalier de Saint Georges » sur le moteur de recherches « Google » et une mine d’informations s’étala devant moi me faisant comprendre en quelques lignes que l’homme mérite assurément d’être connu des Français au même titre que ses illustres contemporains Jean-Philippe Rameau, Choderlos de Laclos, Beaumarchais, Voltaire, et bien d’autres encore.
Mais diable ! me disais-je, comment « … l’homme le plus accompli d’Europe pour l’équitation, la course, le tir, l’escrime, la danse et la musique » (John Adams, futur Président des Etats-Unis) est-il aujourd’hui inconnu des Français alors que le Chevalier d’Eon qui jouait les travestis a pris place dans la mémoire de ses compatriotes ? Comment ce métis français qui devint à 23 ans premier violon puis à 28 ans chef d’orchestre de la très prestigieuse société du « Concert des Amateurs », comment celui qui fut le préféré de Louis XVI pour diriger l’orchestre de l’opéra de Paris (L’Académie Royale de musique) – poste qu’il n’obtint finalement pas pour ne pas mécontenter certaines dames de la cour - passa-t-il inaperçu pendant tant de temps et reste aujourd’hui encore inconnu dans l’histoire de la France ?
A ce moment précis me vint à l’esprit cette belle phrase qui orne la page d’accueil du blog d’un internaute :
« Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse glorifieront toujours le chasseur. »
Certes, certains diront que Le Chevalier de Saint Georges n’était que le meilleur fleurettiste européen unanimement reconnu par ses adversaires y compris ceux qui disent avoir eu le dessus un jour. Antoine la Boëssière, son ami d’enfance et fils de son maître d’armes – Nicolas Texier de la Boëssière – le considère comme « l’homme le plus prodigieux qu’on ait vu dans les armes ». Henry Angelo, Maître d’armes italien installé à Londres parla de lui avec enthousiasme le considérant comme « le Dieu des Armes ».
Mais l’homme était surtout un musicien, un virtuose du violon qui excellait également dans la composition musicale. C’est avec ses qualités de violoniste, compositeur et chef d’orchestre qu’il joua un rôle remarqué dans la vie musicale de Paris. Deux ans après avoir pris la direction du « Concert des Amateurs », grâce à ses nombreux concertos pour violon et ses symphonies concertantes, « l’Almanach Musical » qualifia l’ensemble qu’il dirigeait de « meilleur orchestre symphonique à Paris, voire d’Europe ». Aujourd’hui, ça et là, on exhibe des preuves historiques pour affirmer que celui que l’on appelle dans le milieu musical le « Mozart noir » a inspiré le musicien autrichien qui était son cadet.
Devant tant de gloire qui pouvait passer à la postérité, un homme – le plus avide de gloire que la France ait porté - ne pouvait rester insensible : Napoléon 1er. Si le chevalier de Saint Georges – qui reconquit à 15 ans le titre de noblesse perdu de son père en devenant gendarme de la garde du roi - fut un Colonel exemplaire, ce n’était sûrement pas ses qualités de soldat qui pouvaient le faire passer à la postérité puisque ce sont elles qui lui attirèrent les ennuis et précipitèrent sa mort le 10 juin 1799. Ses talents de musiciens, si.
Aussi, Napoléon, après avoir rétabli l’esclavage aux Antilles le 20 mai 1802, fit brûler toutes les œuvres de Saint Georges le même jour comme pour l’ensevelir une seconde fois. Il interdit par la suite aux « noirs et gens de couleur » l’entrée à l’armée, l’accès au territoire métropolitain, et le mariage entre les noirs et les blancs (8 janvier 1803). Ainsi, la destruction de ses œuvres et les lois raciales qui l’accompagnèrent ont conduit à l’oubli total le nom de l’un des hommes les plus célèbres du XVIIIè siècle.
Le retour en grâce auprès des romantiques du XIX n’a pas suffi pour faire du chevalier de Saint Georges l’un des hommes illustres de la France. Et le XXè siècle marqué par la fièvre de la colonisation n’a pas permis la mise en valeur du talent d’un homme dont la couleur évoquait ceux à qui l’on déniait quotidiennement des qualités de génie. Il ne fallait donc pas s’attendre à ce que les Français blancs ressuscitent la mémoire du chevalier de Saint-Georges. Sa résurrection ne pouvait venir que de ces compatriotes afro français et de quelques français blancs désireux de réparer une injustice qui frappe un homme qui a fait la gloire de la France.
Aujourd’hui plus que jamais, il appartient aux afro français et aux noirs d’ailleurs de s’approprier l’histoire du chevalier de Saint Georges afin que sa renommée grandisse et rayonne dans les cœurs et dans les mémoires. Ils ne doivent pas attendre que d’autres leur disent ce qui est bon pour eux. Qu’ils choisissent d’élever au rang du « plus grand » celui qu’ils veulent, même si cette personnalité déplaît à d’autres. Qu’ils deviennent les historiens de leur propre Histoire !
Ne voit-on pas chaque jour les communautés blanches multiplier les expositions, les projections de films, les activités théâtrales et musicales – et cela jusque dans les écoles - pour faire acte de mémoire ? Ne voit-on pas les communautés blanches baptiser les rues de leurs cités des noms de personnes qui furent parmi eux des riches négriers, des esclavagistes, et des apôtres de théories racistes ? Ne les voit-on pas occulter les traits négatifs d’un tel pour ne souligner que l’aspect de son visage qu’ils jugent digne d’être montré au monde entier ? Ne les voit-on pas élever des statuts à la mémoire de leurs ancêtres dont parfois le seul nom est une injure à la mémoire d’autres peuples ?
Je dis donc que les noirs se doivent aussi de ressusciter et célébrer leur passé pour ne pas l’oublier. Ils ne doivent point attendre que les blancs se chargent de louer un passé qu’ils pensent ne pas être le leur pour en tirer gloire. Il est certain que si les autorités de la communauté blanche ne participent pas ardemment à la résurrection de la mémoire du chevalier de Saint-Georges, c’est pour ne pas jeter des fleurs à la communauté afro française et aux noirs en général. Puisque la République ne veut pas s’approprier la gloire du chevalier de Saint Georges, cette tâche revient aux afro français comme un devoir, et un devoir de mémoire.